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J'ai toujours vu les villes (je pense, par exemple, au quartier du Pont Neuf à Paris, aux quais de la Seine au Quartier Latin) comme des enchevêtrements, des empilements de débris abandonnés par la Nature, analogues à ce que la mer rejette sur la grève -le cordon de déchets, de détritus, la frange d'algues, de bois flotté- que les vagues déposent sur le sable avant de retourner superbement à elles-mêmes... à l' Important -à leur insondable, colossale, et omnipotente Vérité !

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Je ne trouve pas contradictoire d'aimer le luxe et de souhaiter être riche tout en étant incapable des compromissions qui, dans la société qu'on connaît, permettraient d'obtenir ce résultat.
Pourtant je m'entends dire assez souvent, en réponse à mes lamentations de Job : "Mais alors, fais ce qu'il faut..." comme si c'était un impératif logique.
Par rapport à cette damnation cartésienne, porter ma croix me semble on ne peut plus confortable.

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Il n'y a pas grand mal à manquer de candeur si c'est pour se taire. Malheureusement beaucoup de gens qui se croient intelligents s'imaginent devoir dans ce cas-là exprimer des opinions qui reviennent à planter des clous dans les mains et dans les pieds du Christ.

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Comment ne pas aimer un philosophe (je parle de Jean-Jacques Rousseau) qui 1/ prend la peine de considérer la question du bonheur des vieux 2/ préconise à cette fin le vin et la musique ?

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Aimer son plaisir au point de refuser de prendre en compte, lorsqu'elle surgit, la vérité qui le récuse, est un péché.

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Supposons la rencontre du premier hiatus, un conflit avec l'entourage, un sentiment d'exclusion, dans la prime enfance. Dans l'ignorance où il se trouve des millions de détails triviaux qui règlent la vie humaine en société, l'enfant peut parfois se sentir responsable, et, le sens moral aidant, coupable, puisqu'il est en revanche parfaitement informé du Bien et du Mal.
Si, par malheur, il abdique ses prétentions, son espoir, et, avec humilité, baptise "réalité" le monde auquel son sacrifice le fait accéder, il n'a plus ensuite d'autre choix que la fuite en avant, l'hyper-activité, sinon faire demi-tour, reprendre le conflit au moment de l'erreur, revivre, s'il le peut, l'horreur déterminante, le traumatisme, qu'il cache au fond de lui-même.

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Il n'y a que ceux qui continuent à se référer tout au long de leur vie à leur rêve initial, à la vision fondamentale de leur enfance (disposition qu'on reconnaît en général aux artistes, quand on essaie un peu de les comprendre: " il était resté un enfant dans son cœur ", " à la fin de sa vie, il peignait comme un enfant ") qui peuvent éprouver une réelle indulgence envers leurs " ennemis ". Car ce rêve du début est l'unique plateforme où existaient vraiment la Vérité, le Pardon, la Bonté, l'Innocence, la Candeur, etc., de laquelle seule on peut contempler l'authentique réalité.
Quand on constate que chacune de ces notions périssables semble réclamer pour fonctionner que toutes les autres soient également en état de marche, il y a du souci à se faire pour la majorité d'entre nous. Si le Bien sous une quelconque de ces formes -une de ses facettes- n'est plus qu'une pâle apparence, un souvenir, une nostalgie, même douloureuse, émouvante, comment en effet trouver la force d'âme requise pour s'y conformer en cas de difficulté ?
Quand la morale n'est que velléité, vœu pieux, on dit que c'est la triste réalité. Mon œil ! Il n'y a de triste que nous, les hommes, et la réalité, comme je le croyais enfant, est le chemin vers l'extase !

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Les rides et les cheveux blancs apportent enfin injustement la considération et le respect que l'on devrait recevoir dès la naissance et qui favoriseraient sans doute un parcours méritoire.

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Je lis, fenêtre ouverte, en ce mercredi gris de novembre, enivré par la douceur merveilleuse, qui fait songer à «la vertu» substance pure délivrée par les sacrifices.
Ainsi il n'y a rien à faire et rien à craindre.
Dans l'abandon émergent la force et la paix.

Car ni le temps : passé et présent se confondent, les siècles classiques en refluant m'ont déposé sur cette grève préhistorique
ni l'espace : sous l'œil de Dieu je suis partout au centre des galaxies
n'ont d'importance !

Merveilleuse douceur.

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Merci, mon Dieu, de m'avoir donné la capacité d'embrasser dans une seule vision à la fois la réalité physique qui m'entoure, énorme, innombrable, étagée, de l'herbe verte qui couine à l'envi alentour sa teinte acide à la douceur un peu fraîche et hors de saison de cette journée grise, en passant par tous les stimuli visuels jubilatoires : les pigeons, à l'émoi haletant, beaux comme des corolles de fleurs mouvantes quand ils se posent, s'élèvent, tourbillonnent, et le pantalon bleu électrique de la jeune fille qui revient de l'école, avec ses grands pieds et sa tristesse, son ingénuité évidente et sa balourdise attendrissante, et simultanément, dans mon esprit, chère comme un être aimé, la perspective vue d'avion, gauchie, accélérée pour mon unique plaisir, des détails stylistique puisée dans l'histoire de l'art depuis aussi loin que l'époque romaine et qui parlent à mon âme, en sorte que j'ai l'impression en cet instant de baiser à pleine bouche le luxe que j'adore en m'exaltant de me trouver dans la Nature, en pleine vérité.

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Nous savons tous très bien intuitivement que l'espace et le temps sont indissociables puisque, lorsque nous remontons dans le temps, dans nos souvenirs, il nous semble aussi que nous allons également ailleurs dans l'espace, quelque part qu'il est impossible de préciser, dans l'un de ces univers innombrables et uniques où nous avons vécu, et qui subsiste parallèlement.
J'y suis encore, j'y resterai toujours, petite silhouette méconnaissable dans la mauvaise photographie en noir et blanc aux bords dentelés, prise il y a quarante ans sur cette plage de la Crète dont l'intense lumière rayonne toujours dans les parties surexposées.
... Les instants de nos vies sont les perles égales d'un collier qui jamais ne se défera.

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A l'époque de mes culottes courtes -j'avais sept ans- j'ai connu ce qui ressemble à l'extase dans un Stonehenge de carottes levées au milieu du potager, le cul botté, vaincu par la compulsion. Logorrhée et masturbation, quoiqu'il arrive je ne parlerai pas, non sans blague !--
Le cul botté, c'était mon père, et j'avais tenu bon deux jours, mais là, impossible de ne pas tomber, advienne que pourra, impossible de résister davantage. Si Monsieur K., pour qui j'avais tant d'estime, avait regardé, je ne me serais pas interrompu.
Mais il n'y avait ce jour-là pour me surveiller -hardi petit !- que le dieu candide et effaré des lapins.

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La misère matérielle est une mort lente, une maladie héréditaire, congénitale, comme une asphyxie chronique, dans les classes sociales défavorisées. Il faut l'avoir éprouvée dans l'enfance pour bien la connaître, et compatir, à l'âge adulte, avec ses victimes. En effet, ceux qui en ont été épargné quand ils étaient jeunes n'éprouvent jamais, plus tard, si, par malchance, ils en font l'expérience, la souffrance tragique des intoxiqués.
On peut donc excuser la cruauté ingénue des nantis qui, en politique, prennent des mesures économiques sans s'apercevoir qu'elles raniment, renforcent, ce genre d'angoisse, mesures dont la finalité affirmée est d'"améliorer la situation" quoique sans tenir compte de la perception des autres, les démunis, de l'insécurité morale encore plus que matérielle dont ils souffrent, de l'urgence de leur problème, de son immédiateté.
Vraiment, en toute justice, si ces décideurs n'étaient pas objectivement des égoïstes, et je parle cependant des meilleurs d'entre eux, ils seraient obligés, lorsqu'ils conçoivent des plans de " redressement ", de faire porter l'effort, non sur ces fantômes d'êtres humains qui dansent devant le buffet depuis qu'ils sont nés, mais sur ceux qui ont la capacité psychologique, la latitude intérieure, de résister, et cela par un mouvement d'humanité naturel et spontané irrépressible, dont on voit bien qu'ils sont incapables malgré leurs déclarations, parce que, tout simplement, ils ne comprennent pas !

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Serait-ce que celui qui a abdiqué sa dignité naturelle éprouverait le besoin de se rattraper, de se venger, en conquérant le pouvoir politique ?
Qu'est-ce qui peut pousser un être humain à renoncer à ce qu'il a de plus précieux : sa liberté, pour circonvenir ce qui l'entoure aux fins d'en disposer en s'y soumettant ?
Je ne suis pas de ce monde si c'en est un, celui des mensonges, de l'hypocrisie, de la langue de bois, des faux-semblants, des catéchèses, des oligarchies, des pots-de-vin, des discours, des dénonciations, des arbitrages, des flagorneries, des conditions d'entrée, des concours, des partis, des assassinats, de la raison d'état, du sceptre, du clergé, de la limite autorisée, du championnat toutes catégories, de la mitraillette en sautoir, du consistoire, de la baleinière, du calot, de la soutane, du marchand d'armes, du champ d'honneur, de la décoration, du chauvinisme, de la monnaie dévaluée, de la taxe d'habitation, des élections, des annexions de territoires, de la propriété privée, publique, des valeurs boursières, du grisbi, de la thune, du dollar, du jonc, du pognon, du fric, de l'argent... de Satan !
.....................
O portes dérobées, chatières, ombres des marronniers, je suis celui qui se glisse en secret la nuit avec le chat dans le jardin, et qui joue là avec le vent, les nuages et la lune, entre les rames des petits pois, esclave de la liberté, dans la résonance magnétique du silence.

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Parfois la société est redevable à un individu unique de certains accomplissements exceptionnels qui passent inaperçus en raison de leur nécessité : le "cas" Dürer, par exemple, ce peintre dont l'importance ne peut pas être contestée mais dont la "mégalomanie" est assez rarement expliquée, est exemplaire à cet égard. S'il a fait entrer les pays germaniques dans la modernité de la Renaissance, préparé la voie au romantisme allemand, c'est sans aucun doute en toute connaissance de cause, délibérément, résolument.
Nous n'envisageons jamais qu'il eût pu en être autrement et nous avons tort.
L'esprit médiéval était de toute évidence infiniment mieux ancré au nord qu'au sud.
N'est-il pas normal qu'un être humain qui se sait être le levier d'une transformation majeure de sa culture et de l'esprit de son temps, se croie parfois, et même tout le temps, et l'avoue insolemment : mériter une considération (osons dire le mot prohibé dans notre démocratie bornée) supérieure ?
(La prétention d'avoir une vocation, un destin supérieur, n'est pas tout à fait la même chose que celle d'être supérieur).
Ce que l'on dit de lui ici :
"What Dürer insists on above all else is his dignity, and this was a quality that he allowed to others too",
je ne serais pas fâché qu'on le dît aussi au plus tôt de moi.

"Ce sur quoi Dürer insiste par-dessus tout est sa dignité, et il reconnaissait aussi cette qualité aux autres."

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Ces créatures de Dieu que sont les insectes... vous ne les aimez pas, j'ignore pourquoi. Mais le vol d'une bête à Bon Dieu dans la lumière dorée du soleil, n'est-ce pas beau ? Et ces millions de choses légères qui sautent, volent, rampent, tournoient, se cachent, s'agitent, dans les airs, dans l'herbe... la prairie moutonnante d'une multitude de trajectoires... d'orbites de millions d'astres minuscules composant des galaxies qui reflètent le cosmos au ras des pâquerettes... moi, je vous dis que c'est grandiose !

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Le cirque à Saint-Denis

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Je ne me souviens que de la lumière, couleur mandarine. Ou saumon pâle, aux tons dorés, en ce jour d'injustice, sous les feuillages profonds, souverains, des arbres qui s'élevaient comme une muraille en arrière-plan.
Pour le moment ces événements n'ont pas de sens, en tout cas pas un seul mais plusieurs, pour une réalité fragmentée : il y a la beauté de cette lumière et la présence de ma mère ; il y a l'exploit accompli quelques instants auparavant; il y a les feuillages, le manège, la réalité sociale de l'endroit, nouvelle pour moi et si intéressante; il y a l'ignominie du commerçant, sa répugnante vulgarité physique de mâle poilu, ventripotent et suant, son haleine fétide, son outrecuidance; il y a l'attente et le vide.
Rien ne se produisit vraiment : je ne fus pas rétabli dans mes droits, dans mes prérogatives.
Ma mère se conduisit comme n'importe quel banal, triste individu, (ma reine comme un triste sire), n'exprimant aucune revendication, veule et résignée.

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Je sais qu'il y a plus intense, plus superbe, plus éblouissant, que la réalité physique de la nature, plus beau, plus miraculeux, que la végétation, le feu, l'eau, l'air, l'espace, plus étonnant que la vie animale, que les hommes : il y a l'ESPRIT, immatériel, inouï, infini, tout aussi réel cependant et qui me fait un peu peur.
....................
Non ! Ce qui me fait peur, c'est de tellement l'aimer !

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Dans toute entreprise collective réfléchie il y a une conspiration. Demandez-vous pourquoi celui qui pratique régulièrement l'inspiration y est réfractaire.

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Du fameux " Je pense donc je suis " au déplorable " Je suis ce que je pense " il n'y a qu'un pas, vite franchi par les natures généreuses et passionnées comme la mienne, et dans le dangereux " Je suis ce que je pense " il y a la mort, en tous cas la fin de l'état de grâce que Baudelaire décrit dans " Elevation " :

Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées,
Des montagnes, des bois, des nuages, des mers,
Par-delà le soleil, par-delà les éthers,
Par-delà les confins des sphères étoilées,

Mon esprit, tu te meus avec agilité,
Et, comme un bon nageur qui se pâme dans l'onde,
Tu sillonnes gaiement l'immensité profonde
Avec une indicible et mâle volupté.

Derrière les ennuis et les vastes chagrins
Qui chargent de leur poids l'existence brumeuse,
Heureux celui qui peut d'une aile vigoureuse
S'élancer vers les champs lumineux et sereins ;

Celui dont les pensers, comme des alouettes,
Vers les cieux le matin prennent un libre essor,
-Qui plane sur la vie, et comprend sans effort
Le langage des fleurs et des choses muettes !

Pour sauver son âme, pour retrouver la nature par-delà la culpabilité, il faut détruire Cartèse !

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A Mamadou Diallo

Fragments d'un passeport européen

A/ Méditerranée (voir Carnet 11)

B/ Détruire Cartèse, libérer les ombres.

Il faut que tu comprennes bien ce qui, ici, est méprisable et ce qui ne l'est pas. Ce qui réduit les gens que tu rencontres à n'être que des ombres mais dont le nombre, la frénétique activité, n'en exercent pas moins une influence considérable sur le monde entier, et puis ce qui les grandit, les élève, fait d'eux des maîtres pour l'étranger, toi, le naturel, qui vient d'Afrique.
Ce qui les réduit est l'assujettissement à la norme, aux conventions, aux idées reçues, car le pouvoir de la culture est tel ici, qu'à moins d'être soi-même un penseur " professionnel " ultra formé, sur-éduqué, personne ne se permet vraiment d'avoir une opinion philosophique, un jugement, une volonté artistiques. Toute cette façade colossale de la société se regarde de l'extérieur, ne s'ouvre jamais, sauf, pour les besoins irrépressibles du " populo ", la cabane de jardinier du cinéma et les toilettes en plein air de la télévision. (Tu vois, je n'évoque même pas la musique " populaire ", cette marche militaire sempiternelle pour la chair à canons.).
Mais cette culture qui les domine a été compactée avec la chair, le sang, le souffle, d'Apelle, de Bosch, de Giotto, de Rembrandt, de Rubens, du Titien, du Gréco, de Monet, de Toulouse-Lautrec, de Bacon, d' Homère, de Villon, de Dante, de Rabelais, de Bossuet, de Shakespeare, de Goethe, de Baudelaire, de Valéry, de Michaux, de Phidias, de Pilon, de Michel-Ange, de Rodin, de Moore, de Vivaldi, de Bach, de Beethoven, de Mozart, de Wagner, de Debussy. Le mur est une falaise d'or, le sol est carrelé de diamant, les escaliers sont d'ivoire, les rideaux teints de la pourpre de Tyr et de Sidon, les lampes creusées dans des perles.
Qu'ils le veuillent ou non, qu'ils le sachent ou non, ils en sont les héritiers et les dépositaires, les possesseurs dans quelque recoin obscur de leur âme perdue et de leur cerveau engourdi, capable tout à coup, à la faveur d'une angoisse ou d'un rêve, d'un choc, d'une émotion, de l'amour peut-être -qui sait ?- de l'exprimer, de le restituer.
Cette armée de faux-semblants d'hommes a le souvenir de ses artistes, elle sait que c'est sa grandeur et elle en use. Ici, en France, tu l'as constaté, ils prennent le métro comme on montait dans une calèche et te jettent la boue de leurs souliers au visage comme si tu étais leur serf taillable et corvéable à merci.
Ce qu'ils ne peuvent pas comprendre, puisqu'ils n'ont pas accès au sens, c'est que tous les artisans de leur culture n'étaient pas comme eux mais comme toi de «bons sauvages» !-- Car si Montaigne t'avait connu, Mamadou, il eût préféré ta compagnie à la leur, toi qui gardes la dignité farouche et l'indépendance d'un créateur.
-" Qu'est-ce donc, à l'inverse d'eux, qui te dispense de penser que tu penses pour savoir que tu existes ? "
Mais je connais déjà la réponse : " Garder la haine du Mal ! "

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Force est de constater que les morceaux de rock le plus irréductible ne sont jamais mieux mis en valeur qu'en fond sonore de défilé de mannequins sur les podiums des grands couturiers.

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Qu'est-ce que je vois quand je me regarde ? Un buffle, un éléphant ? La Grande muraille de Chine ? Un menhir ? Quelque chose de lourd, qui ne bouge pas.
Je ne bouge pas, je reste sur place. Ou plutôt je me déplace avec Elle, la terre, notre planète.
A 108 000 Km à l'heure, dans l'éther, autour du soleil, dans le noir, dans la lumière. Moi et elle, moi sur elle, tournoyant sur nous-mêmes à 1100 Km à l'heure, traversant l'infini et les nuages de météorites, les pluies de particules, les rayons inconnus, dans le froid mortel de l'espace que je ne sens même pas.
Toton, derviche tourneur...
Même pas peur, même pas mal ...
Je ne suis qu'une aile.

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On ne met pas aux voix ce qui est juste et ce qui ne l'est pas comme s'il s'agissait de deux choses égales, en faisant simultanément le pari suicidaire (inspiré sans doute par Satan) que va cesser effectivement l'opposition du Bien et du Mal dans le monde chimérique que l'on prétend ainsi créer.
Que choisit toujours le bon peuple ?
BARRABAS !

(En relisant ces lignes qui condamnent aussi bien l'inconscience en politique que l'indifférence, par rapport au populo toujours méprisable, je m'aperçois que je fais le lit de Napoléon -la seule manière " franche ", certes, d'exercer le pouvoir- mais attention de ne pas oublier, dans cette histoire, le principal protagoniste !-- Il y a aussi des humains qui ne suivent ni Ponce Pilate, ni Barrabas, ni quiconque de performant, ni le vulgus pecum.)

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La vérité statistique supplante partout la vérité vraie, dans les médias " démocratiques " d'abord, puis dans les esprits, comme le fait également -quelqu'un vient de me le rappeler- la morale de notre époque avec la morale.
Pourtant, même si ce que perçoit le plus grand nombre et ce pour quoi il vit peut passer pour la réalité, il y a un point de vue plus élevé, celui de l'Histoire par exemple, mais aussi de quelques individus aux exigences plus grandes, d'où l'on considère que cette suffisance est le parti-pris du mensonge !

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En y réfléchissant bien, je m'aperçois qu'une des choses dont j'ai le plus souffert durant ma vie a été (adressé à ma personne selon la règle aveugle appliquée par tous ceux qui le méritent pour tous ceux qui leur ressemblent -cette exécrable multitude n'imaginant jamais qu'il puisse exister mieux) le soupçon permanent d'inauthenticité ! Cela a été pour moi, depuis ma plus tendre enfance, l'insupportable banal outrage.

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En art, ce qui fait la différence, ce ne sont ni le talent ni la technique -partout répandus profusément - ce sont les qualités humaines, celles qui permettent dans la durée de tracer la voie sinueuse de la réussite (perso, pas sociale) entre les écueils de la facilité, de la paresse, du conformisme, de la présomption, de la complaisance, du découragement, de l'impatience, etc... Voyez Rembrandt.

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Je me fous que cette aventure reste secrète, inconnue, c'est une affaire entre Dieu et moi ! Personne d'autre n'est concerné, odyssée n'ayant pour seul héros qu'Homère...

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Ca me fait une belle jambe d'être appelé génie (cancre)
Commandeur des croyants (mécréant)
Quand je marche sur une route dont je ne sais fichtrement pas où elle conduit
Peut-être vers l'horizon radieux que me figure l'espérance
Ailleurs si je me trompe
Mais obligatoirement seul.

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J'ai besoin d'être heureux comme on peut avoir besoin de manger, de dormir, après un long jeûne, ou des jours sans sommeil. J'en ai besoin physiologiquement.

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Les immortels n'ont pas d'âge.

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Ce sont peut-être des craintes de vieillard impatient mais je ne peux pas m'empêcher de voir l'avenir sous un jour sombre, à l'image du petit parc sous mes fenêtres, naguère sauvage, vivace, quoique négligé, qu'on transforme en banales platebandes rectangulaires bordées d'arbustes malingres et esseulés. A leur place se dressaient, entre autres, un groupe imposant de marronniers séculaires, gardiens d'une antique mythologie, et un sublime alignement courbe -une aile- de gigantesques peupliers, surgis d'une Nature qui avait encore sa graisse, sa puissance. Ils la remplacent par leur insuffisante, navrante, conventionnelle, bornée, dérisoire, composition urbaine¹.
Il en va partout de même. Chez Carrefour, par exemple, où l'on est en train, sans doute à l'échelle planétaire, de constituer un fichier des consommateurs fidèles, répertorier les foules des clients possesseurs de la " Carte ", tous embrigadés, enrégimentés, esclaves de leur Magasin, zombis contrôlés par la toute paternaliste, rusée et implacable Direction Mondiale du Commerce Industriel De Masse.
Au-dessus encore, avec un objectif encore plus important, les brevets logiciels, affabulations grotesques de juristes ayant vendu leur âme au diable, s'empilent dans les cartons des cabinets spécialisés pour interdire toute création, toute initiative, toute liberté, sur les récents territoires les plus profitables du génie humain (en terme d'exploitation financière, de rentabilité, mais aussi d'innovation) afin de concentrer les bénéfices entre les plus puissantes compagnies américaines de l'industrie informatique (en arrosant au passage bien sûr les quelques centaines de Judas nécessaires ici et là, comme parmi les instances politiques européennes) en tuant dans l'œuf l'espoir ressurgi depuis peu d'une société plus créative et fraternelle.
........................................
Il paraît peu probable que je voie jamais le beau soir du grand jour...

¹ Les plans oublient toujours quelque chose : le vide, le duende, Dieu !

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La question qui me préoccupe le plus est celle-ci : que peut produire, que veut produire, un esprit humain de qualité optimale associé à une âme sans défaut en dehors de toute influence ?
La réponse nous permettrait de juger convenablement du reste, d'étayer nos jugements de valeur, de connaître une bonne fois pour toute l'importance de nos activités ordinaires, de nos soucis, la valeur de notre panthéon et des étalons de la société.

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Il me semble que si j'étais un de ces enfoirés de pollueurs industriels, un de ces politiciens méprisables uniquement préoccupé de son intérêt électoral, les premiers beaux jours d'avril  -ciel sans nuage, tendres feuillages printaniers- suffiraient à me ramener à une juste vision des priorités, à la bonté et au désintéressement du bon sauvage de base inoffensif que nous devrions tous être.
Quelque arbre que ce soit, sous le bleu pur du ciel, que je contemple dans le silence et le recueillement de midi, dans ma banlieue ordinaire, ressortit sans conteste de l'éternel et de l'intangible divins.

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Faire quelque chose de nouveau qui semble avoir existé depuis toujours. Condition : être branché peu ou prou sur les archétypes universels, posséder une plus grande conscience, on parle à tort de " sensibilité ", d'être un artiste.

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Il est bien rare que l'on ne puisse trouver, dans les problème humains, les échecs, les conflits, les désastres, les tragédies, une explication, directe ou indirecte, liée à un cas, ou plusieurs, de surdouement contrarié. Finalement notre malheur, le malheur de l'espèce, est proportionnel à notre intelligence.

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J'interprète toujours la connerie comme un manque de bonne volonté, une hostilité latente à mon égard, ce qui me la rend insupportable.

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Je faisais un rêve d'émail bleu et de cuivre, d'astrolabe, de mappemonde, où eût été enserré mon destin-monde ainsi que mon âme immonde...
Lorsque j'entendis le tango-albatros de Piazzolla, deux l, deux ailes : " Tres minutos con la realidad "
Tout bascula dans le ciel d'orage des " Aventures d'Arthur Gordon-Pym "
Le ciel se renversa
Furent la terre couverte d'un linceul de pétales de roses et le calice tendu aux becs d'oiseaux
Avec les éclats de miroir, les voix brisées et les sanglots et les mains pieuses, les mains tordues
Tout sanguinolent
Nuit blême des assassins
Vaches à l'étable veaux gémissants
Et le Grand Oeuvre obscur des forêts et des bêtes sauvages
Qui roule sur notre orgueil comme un rouleau compresseur de pierre
Brillez étoiles !

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J'ai écrit ma légende à la mie de pain et sans le savoir sur les traces de V. et de R. à Londres, en lettres de néon de sang de mon enfance qui tremblotaient dans la brume nocturne à Soho, tandis que le long fleuve boueux et vert inondait la pelouse de Machin Park.
Les doigts glacés en hiver, les galoches et le pavé glissant sont les souvenirs de l'hirondelle morte. Le feu dans la poitrine, l'alcool, la verge obélisque, ceux du poète de vingt ans.
Ils sont venus à moi en flottille les petits cercueils des rêves oubliés sur l'eau des larmes de mon amour perdu, la grande ombre de parapluie noir du suicide à quarante.
Aujourd'hui le monde est mon jardin.


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