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amaryllis Je vais écrire un grand poème sur les femmes
En commençant par les belles dents de ma tante
Les dents blanches régulières entre les lèvres rouges
Saines dents lèvres à baiser et le carnassier sourire
Qui est l'évidence de l'amour

(Quoiqu'elle fut une salope…)

D'elle passons directement à la pissotière
Où après avoir entonné le vin rouge au goulot
Je goulottai aussi qui me l'avait offert
Quel rapport avec les femmes me direz-vous
Aucun si ce n'est que je pensai alors à ma sœur
Tout en contemplant les lumières nocturnes de la ville

Puis j'en rêvai instant doublement vécu

A la fin de sa jeunesse -qui n'est pas la fin de sa vie-
Un homme ne peut regarder en arrière sans voir
Le panorama de la beauté du monde que sont les femmes
Il se tourne et la tête lui tourne et la toile se déroule
Rien d'autre ne compte vraiment que ce tableau
Précieux et orfévré comme une peinture hollandaise

Mais que sera la suite il se le demande

Vallées plaines montagnes océans tout défile
Françoise Mercedes Christiane Maïtena Janet
Celle qu'il épouse n'est pas celle qu'il a le plus aimée
Mais l'équilibre d'un col entre la montée et la redescente

Pour aller où encore j'aurais dû me le demander

J'ai cru voir la mer de Chine et les sampans qui glissent
Entre les rochers de la baie d'Along
C'était les yeux verts de Colette qui était frigide
Je pouvais lui faire tout ce que je voulais elle ne sentait rien
Ce fut avec ses yeux de climat lointain une des plus belles

Je la raccompagnai un jour à pied jusqu'au pont de Neuilly

Il en est tant passé des brunes des blondes des rousses
Mais ce sont toujours les étrangères que je préfère
J'ai aussi aimé d'amour un vélo et une mobylette
Dont on ne peut pas faire pourtant le même usage

Quoique mais de qui se moque-t-on ici

Dans la jungle de Bornéo j'ai capturé une panthère qui
Avait mangé ses petits et que j'ai appelée Médée
Des femmes qui lui ressemblent j'en connais des centaines
Mais aucune plus détestable que ma mère Proserpine

Vraiment mon père ne croyait pas si bien dire

De ses cheveux en tresses de serpents coule un venin qui brûle
….

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Jamais je n'ai été jaloux de mon père. Bien au contraire. Je me souviens même lui avoir un jour en quelque sorte abandonné ma mère, dans mon plus jeune âge, parce qu'il l'était, lui, de moi. Je sais qu'on ne me croira pas mais c'est la vérité : un bébé, un enfant de deux ans, peut effectuer un pareil constat et faire preuve de cette élévation de sentiment.
Parents, qui pensez profiter de l'innocence et de la simplicité de vos enfants, détrompez-vous ! Ils sont capables de vous percer à jour -et ingénument de vous pardonner- bien avant que vous ne l'imaginiez possible et n'ayez impudemment, afin de vous mettre à l'abri, détruit en eux jour après jour ce pouvoir.

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Le génie n'est peut-être pas la norme selon les hommes, mais il l'est selon la nature.

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Et si pour moi la vie s'était arrêtée dans ce modeste escalier du 1, passage de la Moselle, évanescent et sombre (il plongeait loin de la lumière de la lucarne du deuxième étage) à l'abri de toute vérité et du monde ? C'est là que battait le cœur de l'univers quand j'avais sept ans, là que se trouvait mon refuge et le pertuis ultime de mes angoisses, entre le rez-de-chaussée mystérieux aux carreaux de ciment peints, et la porte concave des cabinets situés à mi-étage, entre le 1er et le 2ème.
Oui, arrêtée là quand j'étais en culottes courtes, la fesse caressée par les vents coulis et des mains adultes sans vergogne.
Je me souviens, me mâchant les lèvres, me rongeant les ongles, fiévreux, agité, désemparé, coupable. Le velours des culottes, la laine de mon chandail. Genoux écorchés.
Voyageant dans les entrelacs des tiges noires sur le ciment ciré.
La boule de cuivre de la rampe de l'escalier.
Emois sexuels.
L'obscurité. En été la fraîcheur délicieuse.
Et le silence traversé des bruits familiers indiscrets.
Comme un aveugle guettant la vie du monde, la grosse vie mugissante et pataude comme une bête perceptible à l'extérieur.
Comme si ces murs, ces marches de bois lavé, ce dallage au luxe d'illusion, eussent été d'une minceur de papier, une simple enveloppe, me séparant d'elle de quelques millimètres, moins encore, mais pourtant étanches et sûrs, indestructibles, jaloux et protecteurs.

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Bibi, " Ecorce-de-Bouleau " le chat tendre, l'affectueux qui suivait Jojo comme son ombre, toujours prêt à soutenir son point de vue, approuver, entériner ses décisions, et congratuler, souple, ondoyant comme une naïade. Toujours en souffrance.
Le petit, qui ressemblait à Nuage, qui vivait dans la douche et qui mourut de sénilité précoce.
Cendrillon, nourrice de ses sœurs, dont j'ai retrouvé l'amour après l'avoir perdu à cause de mes colères, Cendrillon martyre qui mourut envahie de tumeurs.
Le Chat Noir, seigneur qui dominait toute douleur et qui ne perdit jamais sa majesté, même lorsque le vétérinaire lui enfonça pour la troisième fois l'aiguille dans le cœur.
Toi, la Grise, la folle, la méchante, que j'ai déposée un matin dans une poubelle, arguant de l'intangibilité de l'esprit, parce que je n'avais pas d'argent, ne sachant que faire de ta dépouille, l'âme brisée.
Reposez au ciel où luit l'amour éternel des étoiles, dans la grande aube moirée, l'aube chatoyante d'où procèdent les roses.

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Lorsqu'on évoque les questions de style et qu'on préconise, au nom de la fameuse "modernité", l'économie de moyens, la rareté des effets, et l'on ne sait quelle pauvreté d'intentions, de pouvoirs : une sorte de minimalisme, pour simplifier -voyez Hemingway, orfèvre en la matière, qui s'est suicidé- on oublie simplement la nature, la nôtre, qui vient de la grande, la générale, et puis celle, modulée, de chaque individu.
Quelle prétention que de forger un style en adéquation avec l'époque (comme nous nous la représentons) !
Comme si l'on en était capable, contre soi-même, ses penchants, sa force, son inspiration ?
Un style conforme à l'esthétique d'acier et de verre, de béton et d'espace (que j'adore) mais calqué sur eux, c'est-à-dire dépourvu d'ornements, de complications, de lacis, de rinceaux, d'arabesques ?
Pour moi c'est tout choisi : je mettrai autant d'adjectifs que j'en sentirai foisonner dans mon cerveau, autant de pattes de mouche à mon écriture que j'entendrai encore de bourdonnements de ces insectes, autant de grosses caisses et de cuivres qu'il y en a dans la fanfare de mon cœur !

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A présent, je suis toujours au milieu de la nature, même en pleine ville. Je vois la terre sous le bitume, la plaine, la forêt, derrière les immeubles, et le glorieux pavoisement des nuages au-dessus des flèches et des tours. Je devine même, je sens, la course des astres au-delà du visible.
Je pourrais découvrir sans surprise une harde de sangliers empruntant le passage clouté, des cerfs, des biches remontant l'avenue, et des humains ayant rejeté la civilisation mécaniste qui joueraient paisiblement du pipeau au coin de la rue.

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Dans mon imagerie personnelle, la blancheur des ossements, le sable sous l'azur du ciel, les temples de marbre aux agrafes de bronze, représentent la civilisation, et ne s'opposent pas à l'acier, au verre, au bleu électrique des diagrammes et des écrans, à la mélopée ludique des bips électroniques.
Les seconds ne vont pas sans les premiers, dont ils sont un aboutissement, avec la même aura poétique de mystagogie...
Assis devant l'écran d'ordinateur comme face à un autel...
Accomplissement d'un rituel...
Arcanes de la connaissance...
On ne peut pas opposer deux cultures, deux formes de civilisations, comme si l'une était construite sur la vérité et l'autre sur un mensonge ou une erreur; on ne peut opposer à la culture que son refus, qui est celui de l'humanité, comme dans le pathologique " Quand j'entends le mot culture, je sors mon revolver " de Goebbels.
Et que serait un "progressisme" qui consisterait à enterrer les langues mortes, sinon ce même refus ?

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Tandis que je me tiens, interloqué, à demi mort, interdit, immobile,
Tu sors enfin de l'ombre du mur,
Tu sors enfin de la nuit noire du mur devant moi,
Pareille à un dessin linéaire en deux dimensions, même pas une empreinte, un simple graffiti, une silhouette en à-plat,
Tu sors enfin du mur en trois dimensions enfin vivante et tu fais un pas,
Et moi, comme une terre desséchée qui reçoit enfin la pluie, je revis,
Comme un système vasculaire enfin irrigué je reviens à moi,
Je me gonfle, je rougis, je m'ébroue,
On dirait un vieux cheval qui maugrée, qui encense,
Ou bien une verge d'ascète qui se met au garde-à-vous,
Une poupée qui retrouve son son, une lyre ses cordes,
Une guimbarde ses roues, un feu de joie ses sarments,
Un éléphant sa trompe, ses défenses, un haricot son h aspiré,
Une vieille malle ses ferrures, ses poignées, ses trésors,
Arlequin ses carreaux, Pierrot sa farine,
Un écrin son bijou, une casquette sa visière,
Un trou son fond, une tangente sa courbe,
Un cou son tronc (merci, Rabelais), une gousse sa graine,
Etc., etc., un comique sa bonne humeur.
Merci.

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Séléné

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C'est l'été, il fait beau. Quoi qu'il arrive, quoi qu'il se passe, personne, aucun de ces êtres humains détestables, ne peut me voler la chaleur, la pesanteur, et la torpeur bénie que j'éprouve par la grâce de mon métabolisme et de la nature, et peut-être même par Celle de Dieu.

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Je me prends à rêver tout à coup à une grande forme abstraite dans l'espace du cosmos, volute étirée qui tient de l'anneau de fumée mouvant et des courbes d'un corps de femme étendu, surgissant dans mon esprit subjugué comme le symbole de la somptueuse vérité du rêve, de la complaisante libéralité du mystère, de l'ascendante connivence avec l'inconnu, dont nous sommes privés de plus en plus, démunis, rendus inconscients [présomptueux qui prétendons dominer la Création en la niant].
Quoique notre puissance paraisse augmenter indéfiniment, notre souveraineté s'établir partout et sur tout sans conteste, c'est bizarrement dans un royaume de plus en plus étroit, ennuyeux, et misérable.
Les terres inconnues peuplées autrefois sur les cartes de géographies de licornes et d'hydres, à présent qu'elles sont explorées, le sont de populations affamées, de problèmes politiques insolubles, et de la perspective de catastrophes écologiques à grande échelle mettant en péril toute la planète.
Le XIXe siècle bourgeois, mercantile, colonialiste, industrialiste, paraît un havre de poésie à côté de la bassesse réaliste d'aujourd'hui. La modernité de jadis, celle des wagons de chemin de fer, des voyages transcontinentaux, conservait tout le romanesque dans son matérialisme enfantin alors que la nôtre qui fait l'apologie du néant n'offre que l'angoisse existentielle (et son cortège de perversions [sexuelles]) comme remède distingué à l'ennui, et la violence radicale au vulgaire.
Comme si l'intelligence se prouvait par l'abandon de toute croyance, et la lucidité par le cynisme.
Mais s'il n'en reste qu'un [pour prouver le contraire] je serai celui-là.

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O la Grande espérance, l'Inouïe, la Fabuleuse
D'une vie simplement normale
Une vie d'homme libre
Une vie d'homme jouissant de toute sa dignité
Dans une demeure assez vaste et haute de plafond pour avoir ses aises
En couple entouré de ses enfants
Et lucide et en paix.
Vie que n'eurent jamais la plupart des hommes
En tout cas ni Bouddha ni le Christ
Ni les Prophètes ni les Apôtres
Ni les Saints ni les Philosophes
Ni les Sages ni les Artistes
Ni les Rois ni les Vilains
Ni les Imbéciles ni les Fous
Et ni Toi ni Moi.

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Qu'est-ce que nous aimons, nous les hommes ? Je veux dire moi, qu'est-ce que j'aime ? De quoi suis-je redevable et qui me comble, m'élève, sinon de frôler le mystère, de l'entrevoir... comme, par exemple, de découvrir après coup -ou plutôt de me rappeler (!), car je l'avais su- après avoir choisi " Le Cavalier de l'Hippocampe " comme titre d'un petit recueil à la gloire de la ré-appropriation, dont l'exergue se trouve être, comme de juste, " Souvenez-vous ! ", que l'hippocampe est aussi le nom que porte " la cinquième circonvolution temporale du cerveau jouant un rôle primordial dans les processus de mémorisation (Petit Robert) ".

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L'homme est une totalité qu'aucune culture ne reconnaît entièrement.
C'est le rôle de l'individu de s'affranchir du carcan culturel, de l'élargir, afin de se donner les moyens d'accéder à la vérité universelle.
La fidélité, la loyauté envers nos origines particulières, notre " appartenance ", sont les murs d'une prison dont il faut sortir.
Chaque homme doit se considérer comme l'unique représentant de la race humaine et le dépositaire irremplaçable de la loi morale qui témoigne du Bien Absolu.
Cette problématique, aussi outrée qu'elle paraisse, est la seule qui conduise à l'accomplissement.

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Croyez-le ou pas, mais l'une des plus grandes joies de ma vie fut, à dix ans, moi citadin, de vivre durant trois mois d'été chaud et ensoleillé, avec ma mère et mes soeurs, jour après jour, dans une maison de village de plain pied sur une vaste aire déserte, porte et fenêtres grandes ouvertes.
C'est à cause de ce bonheur irrécusable et définitif que je trouve de moindre importance toute lutte politique dont l'enjeu n'est pas en premier lieu de rendre à la Nature tout ce qui Lui appartient en l'homme.

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L'étrangeté de ce lieu commença à m'apparaître quand ils le détruisirent. L'obscur malaise que j'avais toujours ressenti sans pouvoir l'expliquer tenait au fait qu'une telle enclave de nature dans la ville, même s'il ne s'agissait que d'une banlieue lâche, incohérente, dégageait une beauté et une force sans commune mesure avec ce qui l'entourait.
Les arbres étaient trop grands, trop sauvages, d'une échelle qui rapetissait tout autour d'eux, les faisant apparaître non seulement inadaptés à l'endroit mais aussi au moment présent, à l'époque, comme s'ils provenaient d'un temps plus puissant, plus vaste, où les espoirs des hommes, si tant est qu'il y en eût, eussent été plus vigoureux et plus féconds.
C'était vraiment une autre planète, une autre réalité, inexplicable et dérangeante. Les immenses peupliers ondulaient au vent comme une voile gigantesque. Le groupe de marronniers, grandiose, monumental, faisait front à la manière d'un temple. Le buisson arborescent plein de vitalité, toujours attaqué par les enfants, se développait comme une armée conquérante.
Lorsque je regardais ce parc de ma fenêtre il me semblait apercevoir, je l'avoue, autre chose qu'un espace vert censé me reposer de la laideur du décor urbain ordinaire. C'était bien pire. Je contemplais la négation pure et simple de la société humaine. Je voyais même, certains jours de particulière exaltation, due probablement à la fatigue, car je travaillais comme un malheureux en usine, une espèce de manifestation de la grandeur de Dieu, car, pour mieux m'abuser, cet endroit fallacieux s'illuminait aussi le soir des rayons glorieux du couchant.
Comment se retrouver ensuite sans effort devant la télé ? Comment envisager sereinement la journée de travail du lendemain sous l'autorité tatillonne et bornée de mon chef ? Je ressentais un déséquilibre.
Voilà sans doute pourquoi le journal de ma ville, pour évoquer sa destruction en cours, parle d' " assainissement du square ".

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J'ai l'impression de glandouiller depuis des siècles.
Le départ de N. a été salutaire.
Quelle chose merveilleuse que le langage : il suffit de trouver le bon mot, le mot juste, pour retrouver l'équilibre intérieur perdu tout en éprouvant la merveilleuse satisfaction que procure la beauté de la vérité. Cela veut dire que nous sommes une espèce de machine à fabriquer l'interface qui nous permet de communiquer avec cette autre machine, mais passive, inintelligente, qu'est le monde. Interface que constitue le langage.
Dans cet espace imaginaire, nous rencontrons le monde, ainsi que nous-mêmes, nos semblables, virtualités dont l'existence atteste de la Réalité. Quoique ni les unes, ni l'Autre, ne soient directement accessibles, palpables. Car même nos sens nous mentent en permanence, ne font que traduire en une illusion ce qui nous échappe concrètement.
Bon, je l'avoue, j'ai toujours été mystique.
A dire vrai je n'imagine même pas qu'on puisse ne pas l'être. Si l'on vient au monde avec la connaissance du Bien et du Mal, comment ne pas l'être ? Dès les premiers instants, la notion du Bien induit fatalement celle de Dieu.
Le monde : notre monde intérieur, l'image que nous nous en faisons. Nos actes, soi-même, dans une réalité faussement objective que nous appréhendons grâce au langage. Autant dire que la méconnaissance de la langue nous prive d'une partie de la réalité. L'intuition, le désir, suppléent peut-être à ce manque mais ne le comblent pas.
Comment communiquer avec ceux qui, par rapport à moi, sont des handicapés de la perception ?

Elle s'est cassée, elle est partie. Bon débarras.
A dire vrai, la pauvre n'a jamais voulu ce qui est arrivé, dont je savais d'avance la stupidité, mais à quoi j'avais souscrit à cause d'un sentiment de culpabilité à elle antérieur.

En me relisant, je m'aperçois que j'ai oublié de dire le principal : " la merveilleuse satisfaction que procure la beauté de la vérité " est notre unique accès à la Réalité. Le monde est extase, bien sûr. Ou encore, plus prosaïquement : c'est le sens du Beau qui est la clef de la Connaissance, il faut remettre au programme scolaire l' Esthétique !
Dans toute entreprise s'il n'y a pas l' agrément de la sensibilité, la prise en compte du "sentiment" humain (refus de l'ubris), dont l'unique indice est ce sentiment bizarre, inexplicable du Beau, quand l'adéquation se produit, il manque l'essentiel.
Vous verrez qu'un jour les artistes ne seront plus considérés comme de doux inutiles, des rêveurs travaillant pour le seul luxe de l'art, mais comme des techniciens, des ingénieurs du réel.
(Si l'art n'était que de la décoration, comme on tend à le penser aujourd'hui, il n'aurait pas accompagné l'humanité comme il l'a fait jusqu'à présent. Devenant de plus en plus élitiste en démontrant que nous sommes tous ou presque aujourd'hui à côtés de nos pompes).
Si tout ne se règle pas en une destruction massive avant, bien entendu.

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Bien que nous soyons pareils à de grands oiseaux de mer
Fiers, hantés, les ailes humides de vent
Nous n'allons nulle part, nous restons là
Seuls, éternellement.

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La cohérence et la continuité de la Création, comme elle s'illustre dans les fractales...
-le Grand Clou de l' Unité-
cette idée, cette intuition, depuis les premiers jours de mon enfance, vient à mon secours lorsque je suis désespéré à cause de la bêtise humaine, par tous les agissements de ceux qui n'aperçoivent que les apparences, qui taillent dans la chair invisible ici sans deviner le mal qu'ils font là-bas, violent ce corps harmonieux qui ne trouve pas grâce à leurs yeux, qu'ils ne voient même pas, le pillent, le détruisent.
Me détruisent.
Tout est un.

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Si Henry Miller ne l'avait déjà dit, et si je ne me rendais pas compte de l'outrecuidance que c'est, face à ceux qui ont perdu un membre, la vue, la parole, qui ont été trépanés, qui sont grabataires, qui voient leur chair se décomposer, pourrir, leurs os se liquéfier, qui comptent leurs globules blancs, leurs globules rouges, qui comptent leurs jours !, je dirais sans hésiter : " Je suis le mec qui a le plus souffert au monde ".

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A Bénédicta
Chat texte brut

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Je me demande par quelle aberration on a pu en venir à penser que la dualité conflictuelle du bien et du mal et le sexe était un seul et même problème. Si l'on sépare les humains en deux catégories : ceux qui ont des problèmes sexuels et ceux qui n'en ont pas, on se retrouve d'un côté avec un troupeau de quelques milliards d'individus et de l'autre deux ou trois exceptions.
Une chose est sûre : le péché originel n'est pas l'acte sexuel.
On peut raisonnablement présumer que Adam et Eve avaient été créés, le premier avec un pénis, la seconde avec un vagin, pour baiser ! et qu'ils l'avaient déjà fait, quand le serpent leur fit manger du fruit de l'arbre de la connaissance du bien et du mal. Ce qu'était cet arbre, je l'ignore, mais je sais que le fruit est l'ego, c'est-à-dire la représentation de soi dans la perspective conceptuelle de la responsabilité. Que l'acte d'amour laissât le (la) partenaire sur le carreau, la gueule ouverte, la langue pendante, définitivement kaput, mort(e), pourrait faire accroire que c'est mal, mais toi et moi savons que ce n'est que trop rarement et seulement apparemment le cas.
Par contre, le Plaisir est peut-être le vrai problème, celui de la jouissance reconnue, recherchée, exploitée, dont l'origine se trouve justement dans l'ego, et, à ce titre, très proche de la notion de péché.
Allez, sois honnête, et reconnais que tu n'éprouves pas la moindre gêne lorsque tu es sûr(e) de tes sentiments. Le sexe n'est une activité coupable que lorsque nous ne sommes mus que par la recherche du plaisir; il ne l'est pas lorsque nous assouvissons simplement un besoin naturel.
Ah oui ! Et puis arrête aussi de préserver les enfants de ce qui n'est que ta propre projection de la notion de péché !

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J'ai tous les vastes territoires de la culture. Je possède, par exemple, en cerveau propre, toute la Hollande du XVII e siècle, les écrivains et les philosophes dans leurs meubles, les sombres armoires, les buffets luisants, ainsi que les peintres travaillant à la lueur des candélabres, s'autoportraiturant dans les miroirs au mercure et les cuivres astiqués, avec, flottant sur tout, la vivifiante effluence marine. La campagne hollandaise également est à moi, si belle dans sa monotonie, sa platitude, où chaque village, comme l'expression d'une (foi) (immémoriale), constitue une patiente et exemplaire revanche sur l'âpreté des jours.
Mais cela n'est rien car je détiens aussi l'Espagne du siècle d'or, la Chine mongole, et la civilisation aborigène d'Australie quand elle était encore inconnue en Europe.
Dans mon cerveau -oui, comme en un appartement- se côtoient tous les styles de toutes les époques, les œuvres d'art les plus recherchées, et les idées secrètes à peine entrevues par leurs auteurs, tapies au détour d'une phrase, parfois d'un seul mot révélateur.
Dût-on me détruire à petit feu que je ne pourrai plus jamais perdre cela, perdre tout à fait ce qui ressurgit toujours quand je m'y attends le moins, aux moments de détresse, de solitude, comme si j'étais un monarque tout-puissant se réveillant opportunément d'un mauvais rêve dans lequel il eût été dépossédé de son magnifique royaume.

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Dis, est-ce que tu l'entends ? L'entends-tu comme moi, la Respiration, les Battements de Cœur du monde, la Grande Pulsation, qui règle les jours, les mois, qui règle la vie et la mort ? Entends-tu ce tempo régulier de paix qui soutient nos existences tout en en ignorant le détail, la valeur personnelle, comme si nous n'étions rien de mieux rien de pire que des molécules à peine sorties du néant ?
Et si tu l'entends, peux-tu t'y accorder, ne serait-ce qu'un instant, à l'unisson du cosmos, et toi aussi dans la paix ? Insoucieux de toi-même, de ta conservation, et en pleine conscience ?
Ce tempo de paix n'a pas de fin quand il résonne en toi.

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Mais qu'est-ce que tu crois ? Ici, en France, au XXIe siècle, si tu fais partie de ceux qui ne possèdent que leur force de travail élémentaire : pas de famille, pas de biens, pas de diplôme, tu dois, à n'importe quel âge, cinquante-neuf ans, soixante, ne compter que sur toi-même, te retrousser les manches, aller au taf chaque jour pour survivre, un boulot bien con d'esclave, dans un environnement sinistre de hangar clos, te boucher les yeux, te couper la langue, arracher ton cœur de ta poitrine, le déchirer, le piétiner, afin d'encaisser sans broncher n'importe quel ordre absurde, subir les avanies savantes, les vexations calculées, le mépris inhérent à ta condition (car les Français ont un sens très aigu de la position sociale et aiment le faire sentir) et ce sans espoir, et, comme le disait avec son humour désespéré mon copain Ek, cambodgien émigré qui ne rêvait que du Texas (rouler dans une Cadillac ornée d'une paire de cornes en écoutant du rock and roll !), " jusqu'à la mort ! "
D'aucuns, je les entends déjà s'agiter, nos petits marquis, nos jeunes cadres aux dents longues sortis de leur ghetto de la Bastille ou de Montmartre, comme des loups du bois, des patrons du Medef, me rétorqueront ce que j'ai entendu naguère dire à la télé par Bernard Kouchner, alors ministre démago du PS français : " Vous savez, on n'est pas à plaindre en France. Moi qui voyage... etc. ", avant de faire la mendicité au nom des réfugiés de tel ou tel lointain pays en agitant sans pudeur sa Rolex à 30 ou 40 000 mille balles sous l'œil complaisant de la caméra.
Déjà que c'est faire injure aux malheureux que de leur rappeler qu'il y a plus malheureux qu'eux, c'est aussi oublier la vie enviable, la vie digne et paresseuse, de millions d'Africains, d'Asiatiques, de Mexicains, comme de Grecs, d'Espagnols, de Portugais, tous palabrant du matin au soir sous un beau ciel et sous le baobab, le tamaris, ou l'olivier, (pendant que les femmes travaillent), qui ne souffrent que de croire à la supériorité du mode de vie capitaliste des classes aisées, lesquelles, finalement, ne sont pas non plus si heureuses que cela.

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Malheureux comme une porte.

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La sagesse

Pour se montrer aussi sage que le symbolisent les trois petits singes : celui qui ne dit rien, celui qui n'entend rien, celui qui ne voit rien, il faut ne pas être soi-même en manque de vérité.
Sinon, on s'expose à tous les risques en tentant d'expliquer des convictions sans s'apercevoir que l'on tient le rôle de l'accusateur.

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Le poisson qui, tout à coup, jaillit hors de l'eau au milieu du fleuve, éclair d'argent, détonation de flaque, puis disparaît... et le canard qui, au même instant, secoue une aile en éventail près de la rive, sont deux manifestations d'un seul et même être constitué aussi des flots, de l'ample végétation sur la berge, de son ombrage... de tout... de moi aussi, sans doute, engagé [captif] dans cette réflexion.

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Il n'y a pas d'autre problème que celui du Bien et du Mal. Tout le reste est secondaire.
Et d'ailleurs il n'y a pas non plus de problème du Bien et du Mal.

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Problématique actuelle du chômage de masse :

Quand on décrète que la victime est le coupable, on fait certes l'économie du procès, frais de justice, éventuelles indemnités, on épargne le criminel (tant mieux, d'autant, ici, que c'est un copain), mais on n'instaure pas l'ordre.
Et cela, en politique, si je peux me permettre un conseil, non pour votre gouverne, M. Raffarin, mais pour votre "gouvernance", (quel mot horrible pour une chose qui se révèle somme toute logiquement l'être aussi), c'est toujours une faute.

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