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J'avais trente ans lorsque ma psy me conseilla, comme solution définitive à mes problèmes, au cas où je fusse devenu riche, d'acquérir une maison entourée des plus hauts murs pour y vivre à l'abri des médiocres et des méchants.
Je n'ai pas réalisé cette ambition et je suis encore, trente ans plus tard, aussi exposé que jadis, ce qui, je l'avoue, ne laisse pas de m'étonner.
Ni la sagesse acquise, ni la défiance augmentée, ni les progrès moraux accomplis, ni la volonté exacerbée de demeurer tranquille, incognito, ne me procurent davantage qu'autrefois la sécurité.
Parfois il me semble même, paradoxalement, que les plus grands mérites humains ne servent qu'à attirer la bêtise grondante et foudroyante des autres, qu'à accroître la fureur générale, le malaise ambiant, en proportion directe avec l'accomplissement personnel réalisé.

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La plupart des gens n'ont besoin que de mettre un peu d'ordre dans le fatras de leurs idées morales, cesser de tout mélanger, de tout confondre... une tête bien faite plutôt qu'une tête bien pleine.
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Toute autorité qui ne vient pas de la Connaissance authentique (franchement je ne sais pas comment expliquer ce savoir supérieur) est usurpée. Un ordre basé sur le schéma : 1/ " des qui commandent " 2/ " des qui obéissent ", est faux. Nous ne sommes censés obéir, les uns et les autres, qu'à la Vérité.
Quand on fait partie de ceux qui commandent, il vient toujours un moment où la situation requiert qu'on fasse n'importe quoi pour préserver la crédibilité du pouvoir. N'importe quoi plutôt que d'être démissionnaire, d'avouer une incompétence qui remettrait en question le principe même de l' " Ordre ".
Celui qui pratique ce " réalisme " jouit d'un confort moral privilégié. En effet il peut justifier ce qui n'est pas autre chose que sa stupidité d'homme ordinaire par son soi-disant sens des responsabilités.
Toutes les erreurs les plus dommageables commises par l'espèce humaine, culture du " Progrès ", guerres, viennent de là, les crimes d'Etat, les prédications blasphématoires, les abominations sans nom, qui émaillent notre Histoire.
Croire à la Société est un moindre mal par rapport à la croyance en la nécessité de l' " Ordre ", et en sa préservation.

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Glissade :
La ville où je séjourne (je ne peux pas écrire " réside ", le mot est trop noble) ressemble à une grande kermesse. C'est voulu ainsi, bien sûr... mais une kermesse un peu sordide, très vulgaire, où le populo manifeste surtout sa violence et son manque d'éducation et d'instruction. Voulu par les édiles en raison de la culpabilité à l'égard de ces déracinés, forcés de venir ici, et exploitées naguère pour les besoins de l'industrie automobile française, entre autres... Fêtes de quartier, sorties en autocar, repas de Noël, permissivité permanente, indulgence, passivité en matière de délinquance... ambiance générale de kermesse. Bien qu'il n'arrive, en fait, jamais rien, on ne peut pas s'empêcher de craindre de recevoir tout à coup, de la part d'un de ces lourdauds mal léchés, mal rasés, une tape fraternelle entre les épaules, ou sur le ventre, tant ces gens n'ont aucune idée de ce qui se fait ou ne se fait pas. Et c'est cela le pire : qu'au lieu de nous respecter et de respecter notre culture, ils nous convient à partager la leur, à adhérer à leur idée primitive de la religion, à nous faire perdre notre maintien, notre raffinement, qui n'a pas plus de valeur à leurs yeux que leur rusticité n'en a aux nôtres.

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Une vie bien étrange


Après des études de ..., il décida de se consacrer à la ... Ses recherches infructueuses l'amenèrent peu à peu à comprendre qu'il n'y avait rien de tangible à espérer. Il se mit à sortir compulsivement dans l'espoir qu'un événement, une rencontre inopinée, comme par miracle, lui ouvriraient peut-être de nouvelles perspectives, un nouveau champ de réflexion. Au fil des jours, dans les cercles fermés de ..., il comprit peu à peu que ..., rencontra des esprits semblables au sien qui le confortèrent dans ses nouvelles exigences. A nouveau il se mit à espérer. La fortune paternelle, déjà fortement entamée, en tout cas ce qui lui en restait, fut consacrée à de nouvelles expériences qui ne procurèrent aucun résultat positif.
Il avait gaspillé les trois-quarts de son existence.
A l'automne de sa vie, assis dans le parc sur un vieux banc au pied des marronniers, il songeait une fois encore que ... L'occident embrasé par le soleil ressemblait à sa propre défaite : apothéose de dons perdus, d'espoirs consumés, rendant une dernière lueur somptueuse et mélancolique.
Il sentit le froid tomber sur ses épaules. Il se leva pour regagner la demeure éclairée. Descendus silencieusement des frondaisons obscures, de grands anges lumineux aux ailes diaphanes et effilées comme celles des séraphins, l'escortaient sans qu'il s'en aperçût, attentifs et pleins de compassion, qui écartaient tous les obstacles de sa route, comme s'il eût été vraiment -ce qu'il ignorait toujours- un élu de Dieu !

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La chatte dort et je veux l'en remercier, comme on dit : elle en écrase... Dans ce en il y a mes soucis vulgaires et mes craintes mesquines... elle est couchée dessus, de toute sa candeur, de toute sa paix, et moi, délivré, je peux enfin souffler un peu.

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chaton

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Pour moi l'urgence absolue, en matière de progrès, est le respect de l'enfant. Chaque bébé qui vient au monde doit être considéré comme un génie en puissance -ce qu'il est- un être doté d'une intelligence et d'une sensibilité sacrées infiniment respectables, aussi respectables que fragiles. Nombre de parents -je sais ce que je dis- ne sont pas dignes d'élever un enfant. Il faut, outre l'amour, une liberté trop rare.
Je ne me fais pas d'illusion sur la portée de cette idée. Il s'écoulera encore des siècles, voire des millénaires, avant que l'humanité ne s'accomplisse, si elle doit le faire, par l'acceptation des " petits ".

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Je lis ton niveau moral sur ton visage, dans tes gestes, tes postures, comme dans un livre ouvert. Puis, ensuite, te méprenant sur toi-même et, ou, sur moi, tu veux nous, me, tromper, avec les mots.
Je lis le niveau moral de la plante, de l'animal, dans leur forme, dans leur comportement, comme dans un livre ouvert, puis leur vertu exemplaire, la Vertu, dans leur franchise, leur candeur.

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La Littérature est en train de devenir un mythe, peut-être même de disparaître, et il serait temps de réagir.
Pour moi elle n'est pas autre chose que l'expression de la Vérité, de cette Vérité trop grande pour tenir dans le langage de tous les jours, celui de la moyenne, de la médiocrité, du conformisme, c'est-à-dire le mensonge !
Par " littérature " je n'entends pas les livres mais la grande prose fleurie, alambiquée, le " beau langage " issu du Verbe, avec son ampleur, ses excès, ses ailes. La " tchache " des banlieues s'en approche beaucoup mieux que le discours de tôle rouillée -rusted tin- des journalistes.
Parler la Littérature c'est avoir encore une âme.

(Trouvé après coup) : " ... la littérature n'est en vérité qu'une spéculation, un développement de certaines des propriétés du langage; de celles de ces propriétés qui se trouvent le plus vivantes et agissantes chez les peuples primitifs. " Paul Valéry

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5 semaines

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Ce qu'on appelait autrefois l'ire du poète, considérée comme une espèce de manifestation prophétique, un constat oraculaire, une manifestation sacrée de l'Esprit, bon, il ne s'agit somme toute que d'un rejet viscéral de tout ce qui, réellement, est impie, sacrilège, blasphématoire !

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Nous sommes au XXIe siècle, en France. Les gens normaux, s'il s'en trouve, hausseront probablement les épaules devant la banalité de l'histoire, mais quand même...
Aujourd'hui en France, au XXIe siècle, une jeune femme d'origine viet-lao mais de nationalité française, âgée de 36 ans, ne peut pas vouloir s'affranchir de la tutelle de sa famille, en cessant, par exemple, de pratiquer strictement sa religion, sans s'exposer non seulement à l'hostilité unanime, mais encore à des mesures aussi malsaines que celle consistant à être amenée à une espèce de " mage " de la famille qui doit déterminer si elle a été envoûtée ou non par l'étranger qu'elle fréquente.
(Il semble ne pas venir à l'idée de ces imbéciles que, simplement fatiguée de leur tyrannie, si ce n'est aussi d'eux, elle puisse ressentir le besoin d'aller voir ailleurs.)
Evidemment la réalité ne consiste en fait qu'à accaparer les biens matériels, l'argent, le potentiel d'énergie monnayable que peut produire cette personne au profit du groupe farouchement déterminé à préserver son identité et ses intérêts contre le reste du monde considéré comme irréductible et ennemi.
(A l'intérieur, les plus cyniques sont les mieux rétribués et les plus actifs mais ils font, comme tous, l'abandon de leur liberté).
Même si l'on comprend la formation d'une pareille mentalité en raison du déracinement, de l'exil, il est plus difficile d'admettre que la peur viscérale, inconsciente, conduise finalement à détruire s'il le faut, s'il le paraît nécessaire, n'importe quel élément concret de l'entité abstraite pour la paradoxale préservation globale de celle-ci.
On constate finalement que le crime est perpétré par les plus impliqués, les plus fous, ceux qui privilégient l'intérêt matériel et qui entretiennent une haine essentielle pour les rares qui, à l'inverse d'eux, ont encore une âme.

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Quel malheur ! Le monde est si beau, et l'art est si grand ! Il y a tant d'œuvres merveilleuses, pleine d'esprit, d'aventure, ravissantes, exaltantes, généreuses, audacieuses, tendres, puissantes...tant de formes savantes ou spontanées, lyriques, retenues, expressives...
Et personne ne le regarde. Et personne ne les voit.

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7 semaines

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Si vous me demandez ce qu'est la liberté, je vous réponds qu'elle est le pouvoir de dire oui là où un animal ne pourrait pas dire non.

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Il existe beaucoup d'idées justes qui ne présentent pas l'éclat suffisant pour convaincre, pour intéresser ceux qui ne peuvent admettre la vérité qu'au salaire d'une excitation comme s'il s'agissait en la matière d'un spectacle d'agrément.
Quoique la vérité ne se mesure qu'à elle-même, sans couleur, sans originalité, sans intention -sans profit personnel. C'est cela, la suprême intelligence.

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L'amour n'est pas une affaire «commune», l'affaire de deux êtres, c'est un vœu solitaire, une entreprise unique.
Il n'y a aucune réponse à attendre de l'autre. L'amour se nourrit de sa propre perfection. A cette condition seulement il n'y a pas de regret, pas de souffrance.
Le signal est lancé dans l'infini et à jamais.

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La psychè normale n'a rien à voir avec la raison. On doit se réjouir lorsque quelqu'un, contrairement à ce qu'il sait, sent encore que la terre n'est pas sale, que l'eau, la parfaite eau lustrale, indemne par nature de ce que les sens ne nous permettent pas de voir : virus, bactéries, purifie, absout peut-être même des péchés...
C'est de cela que je veux t'instruire, de la prééminence du vrai spirituel sur le savoir intellectuel, le savoir luciférien...
Elle est là, peut-être, la voie du milieu, entre les deux.

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Bon, alors, résumons-nous, bande de rats crevés ! L'esprit humain n'est pas vide à la naissance ! Passons sur la connaissance innée du Bien et du Mal, à laquelle, bien entendu, vous ne croyez pas, mais il y a, incontestablement, les archétypes découverts par Jung ! La culture, historiquement et géographiquement déterminée n'est pas la fondation unique : oui, il y a bien une " nature " !
C'est à cause d'elle que nous n'avons aucune excuse lorsque nous faillissons sur la morale !

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Etre réaliste en politique cela consiste à s'incliner devant la stupidité et la vilenie humaines. Plutôt que cette bassesse, je préfère adhérer à n'importe quelle magnifique utopie... -et pourquoi pas l'anarchie !

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Vue d'en haut, la place Saint Pierre à Rome, noire de monde, on dirait un plat de lentilles... (THE one ?)

Lentilles

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Quelle faute peut-on avoir commis pour venir au monde, pour naître ? Pour vivre dans ce monde où le mal est mêlé inextricablement au bien, où la beauté et la laideur finissent par tellement se ressembler (perverse jouissance) que l'on ne sait plus très bien laquelle est laquelle, où l'amour conduit à la douleur plus sûrement que toute autre cause ?
Réjouissons-nous -je me réjouis- qu'il y ait au bout un terme définitif, le repos final : la mort !

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Je suis désolé d'avoir à dire cela mais il me semble qu'être athée revient en résumé à choisir le Mal comme principe directeur du monde. Car si Dieu existe à quoi sert-Il vraiment sinon qu'à nous convaincre que l'Absolu est le Bien réel qui peut triompher de manière durable, contrairement à ce que nous permet de comprendre la logique humaine ?

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Les chats, misérables animaux qui tuent des oiseaux... (Et nous, nous mangeons du bœuf). Je vais enterrer la victime sous le buisson pour qu'elle s'envole, au printemps, dans la floraison.

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Mon intelligence doit se frayer un chemin dans la jungle de mes inhibitions, de mes scrupules, de mes peurs, des interdits placés par d'autres, écartant comme lianes, branchages, l'opacité, l'épaisseur, la pesanteur... ce qui fait obstacle sur son passage, sur sa lancée vertueuse et triomphante.

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J'aime les artistes qui me racontent, chacun à sa manière, le peintre, le musicien, le sculpteur, l'histoire d'amour mythologique de leur vie.

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Est-ce que tous les changements que nous baptisons "progrès" doivent être assortis d'inconvénients si importants qu'ils font désirer de revenir en arrière ou d'accomplir un changement supplémentaire que notre manque de génie ou de sagesse ne nous permettra d'effectuer qu'en y associant une fois encore un défaut insupportable ?
Que peut-on faire aujourd'hui pour échapper au bruit des moteurs innombrables qui nous environnent, ceux des automobiles, évidemment, mais également ceux des souffleries colossales des parkings souterrains, ceux de la VMC des appartements, des congélateurs, des réfrigérateurs, de la clim, des ascenseurs, de l'ordinateur, de la brosse à dents, des réveils, des rasoirs, du four à micro-ondes, du radiateur d'appoint, etc., grondement infini qu'on arrive à percevoir à des kilomètres à la ronde, parfois dans la solitude distante censée nous protéger de l'imbécillité et de la bassesse humaines ?
Personnellement, j'ai la faiblesse de me sentir honteux individuellement de cette obscénité collective, imputable à la seule espèce probablement en laquelle doit exister précisément une faculté permettant d'apprécier le caractère sacré du silence, cette merveille qui est, sur la terre, l'image infiniment précieuse de la Perfection !

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C'est un incroyable paradoxe que l'humanité, composée à 99,9% de sujets névrosés, en proie au doute, à l'angoisse, infantiles, lâches, soupçonneux et jaloux, s'embarque néanmoins dans la pire aventure qu'est la guerre, choisisse en permanence le risque, l'incertitude et la folie, alors qu'il est tellement plus facile d'être humble et doux ainsi que la nature nous le recommande.

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Faut-il être stupide [dit ce personnage] pour éprouver le besoin de savoir si Dieu existe vraiment, objectivement (!), en dehors de l'homme ! D'une part il est évident que nous ne pouvons pas le savoir, et d'autre part, à quoi cela servirait-il puisque, de toute façon, nous ne pouvons donner un sens à notre vie qu'en nous référant à Lui, sans cesse, dans cette incertitude ! C'est donc le problème d'imbéciles qui cherchent de toute évidence à passer de cette manière pour intelligents.
Quant à la véracité des textes religieux ce sont aussi ces mêmes idiots qui en discutent pour savoir s'ils sont crédibles rationnellement, quand, bien entendu, c'est uniquement avec le cœur qu'on peut les comprendre !

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Tout ce qui va à l'encontre du Bien physique -le bien-être fait partie du Bien- compromet d'une manière ou d'une autre le Bien spirituel. (Voilà pourquoi la préservation de l'environnement a tant d'importance: le non-respect de la Nature s'apparente au Mal). Pour exemple le bruit "moderne" des villes, des moteurs, le bruit technologique permanent hors de proportion avec l'humain -n'étant pas du même ordre, de l'ordre du "vivant"- qui, en annihilant le silence, détruit également la représentation que celui-ci induit sur le plan moral, celle, indispensable dans toute aspiration spirituelle, de la Perfection.

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Après tant d'années passées en sa compagnie, le spectre de la Mort s'en va.
Mourir en se sachant immortel voilà le destin de l'homme.

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Tout ce que je comprends en avançant en âge c'est que notre vécu, notre réalité, n'a rien à voir avec l'intellect et la "raison". A la raison de raisonner sa platitude pour l'adapter à la vie... Miracles, intuitions, pressentiments, audace, découverte, anticipation, héroïsme, génie, etc... Tout nie la "vérité raisonnable".

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Les "orgies" de l'intelligence, j'espère que vous connaissez ? Quand ça fourmille d'idées là-haut, dans la caboche, et que dessous, joyeux, puissant, bat un cœur sûr de lui, confiant, audacieux.
Boire du vin, bien manger, se réjouir d'être en vie, et créer, créer du sens, de la beauté, à tire larigot, sans effort, comme un bateau sur son erre, comme l'arc-en-ciel.

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Passent les masques dans Venise déserte. Ils passent dans la nuit fastueuse de Venise, porteurs de flambeaux.
S'entrouvrent leurs grands manteaux laissant apercevoir la soie blanche et les reflets d'or des bijoux.
Au-dessous avec sa houle l'eau du canal est une tresse de fer et de vermeil .
Sur le quai, une femme voue son bel canto aux Immortels.
Derrière une fenêtre, dans la lumière, une main élève une coupe pour un toast.
Pierres noires...
"a thousand beautiful things"...

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Vivre sans aimer est impossible. Mais aimer n'est pas seulement s'attacher à un ou d'autres êtres, femmes, hommes, enfants, animaux... c'est s'ouvrir à des bruits, des odeurs, la température d'un jour, une atmosphère, une perception, une pensée même, comme pour en jouir, comme pour faire l'amour, toutes choses impossibles lorsque, comme moi naguère, on en est arrivé à douter de soi-même -convaincu de sa culpabilité- au point de redouter de commettre en respirant un déni de justice, un péché...

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Lorsqu'on n'habite pas en soi-même on a besoin du soutien des autres. C'est le sort général.
Il y a un abîme entre ceux-là, qui se battent pour le pouvoir matériel dans la société, et celui qui, pourvu d'un royaume intérieur, ne se bat que pour le faire reconnaître. Il peut souffrir du mépris d'autrui mais c'est lui finalement qui doit gagner en conquérant les esprits et non les corps.

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Elle dit : " Faire l'amour, c'est quand même un acte bizarre"... Parce qu'elle ne s'explique pas cette merveille, ni surtout pourquoi elle, si peu méritante [ce qu'elle croit à tort], a droit à un tel plaisir.

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J'explore depuis l'enfance, avec un émoi sacré, le labyrinthe de feuillages, le labyrinthe d'herbes, de buissons, et de roches enfouies, le labyrinthe d'autels souterrains, de catacombes vertes et d'ossements, le labyrinthe obscur et humide, le labyrinthe froid et silencieux des désirs, des passions, des fautes et des effrois chéris, le labyrinthe de l'Attente.

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Je ne suis allé que deux ou trois fois sérieusement dans une église, la première fois pour mon baptême (dont je n'ai pas le moindre souvenir), puis invité à des cérémonies de famille, puisque je n'ai reçu aucune éducation religieuse. Et cependant, de tout un long été brûlant de soleil passé dans un village de Haute-Loire, à l'âge de dix ans, je ne retiens que le souvenir violemment spirituel d'une courte visite dans l'église locale, à regarder, dans la solennité et le silence, le dessin épuré des arcs gothiques, les riches couleurs des vitraux, imprégné de la sensation continue de plénitude et de lourdeur causée par la chaleur, la blondeur, la rumeur de ruche, de four, de forge, de l'été.
Ce fut ce jour-là comme si une balle de foin souple et parfumée, malléable et généreuse, partie de la nature, s'était transformée en une gemme taillée, en un objet de luxe parfait et rare, la même précieuse et éternelle.

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N'en déplaise à beaucoup, je me considère, moi poète, comme un savant, au même titre qu'un physicien, un biologiste, un mathématicien...
Ce que j'étudie est l'indicible, ce qui n'est pas encore nommé, n'a pas de mot, de vocabulaire, dans le langage humain, pas d'expression, et qui réclame son droit à l'existence...
Comme la couleur particulière d'un pétale de rose reflétant les toits de la ville, à telle heure incertaine de l'après-midi, en septembre, le dixième jour...
Comme la licorne blanche qui piaffe au coin de ton regard quand tu te retiens de pleurer puis se résout en cascade, en fumerolles, pour disparaître...
Comme la main tendue qui est une ligne sans hameçon, un filet de pêcheur confectionné avec des cheveux d'enfants, la nasse de lumière où attend l'autre poisson de la paix.

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J'ai habité en Crète un éperon rocheux que le cavalier Dieu poussait au flanc d'une Méditerranée a-historique, comme pour une cavale métaphysique dans l' " outer space " dont nous percevions, nous troglodytes, les échos caverneux. ...... Matala.

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Tout cela c'est aussi de l'amour, qui ne retombe pas en pluie bienfaisante, qui n'agit pas en fertilisant, qui n'embaume pas, qui se refuse à fleurir, à s'épanouir, à nous rendre heureux. On se fout sur la gueule, on s'insulte, on pleure, et l'on se quitte parfois, à tout jamais, mais cependant, je le soutiens, c'est toujours de l'amour.

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Ils n'ont que cela, l'autre pour l'un, l'amour humain, tandis que moi, j'ai l'amour divin.

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Certes, il y a sans doute parfois de la tristesse à quitter le royaume imaginaire de l'ignorance pour la vérité prosaïque -par exemple en apprenant à identifier la flore banale des lieux où l'on vit, ou en replaçant dans la chronologie exacte des événements historiques paraissant légendaires- mais être ainsi confronté aux erreurs qu'on commettait et s'en guérir, les effacer, et revoir la lumière perdue, quel incomparable bonheur !

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-" Bonjour, vous pourriez me donner de quoi écrire ? "
- " Un cerveau ? "

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Dire (avec fureur) :
" Ils n'auraient pas pu attendre un peu ces deux-là ! ",
en parlant d'un couple ayant si bien consommé avant la date officielle que la promise vient à ses noces avec le " ballon ", revient à mettre la société avant la nature, le livret de famille avant le sexe, comme si la procréation était le résultat d'une décision du maire et du curé et non pas celle de Dieu.
Faire preuve de plus d'imbécillité et de conformisme (les deux étant synonymes le plus souvent) me paraît impossible. Quand il s'agit par-dessus le marché des géniteurs de la belle qui a fauté, vieillards rassis à l'orée de leur disparition, on se prendrait à rêver que les apparences fussent conformes à la réalité et que ces débris lamentables portassent encore bavoirs et barboteuses...

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Supposez, (mais pourquoi supposer c'est une certitude), que vous possédiez ce don inexplicable, cette faculté rare de liberté et d'invention, avec la culture nécessaire, et la conscience, les qualités morales indispensables, qui font de vous un véritable poète, dans ce monde de goujats et de mécréants, de ploucs et de salauds en nombre presque infini, et vous mesurerez alors avec précision quel exploit cela représente de ne s'exprimer, malgré toutes les tentations, ni plus bas ni plus haut que sa propre altitude, sans consentir à la démagogie ou au mépris, à la complaisance ou au refus, au mensonge ou à l'erreur. Oui, c'est bien cette guillerette mélodie au roseau que vous faites entendre désormais, cette fraîche, limpide, verte, musique de pâtre grec ou italien, moitié satyre moitié héros, à la manière de Shakespeare et de Yeats, de Verlaine et d'Apollinaire, cette eau lustrale qui, étonnamment, ronge comme un acide tous les rouages des sociétés financières, ce chant d'amour, cette antienne bucolique, cette transe naturelle, ce médicament.

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J'affronte des monstres bien plus redoutables que la tarentule géante, l'orque des mers, l'hydre de Lerne, j'affronte sans illusion la banalité du quotidien, la réalité sociale, chaque jour, fraternelle, la platitude humaine...

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Je pense qu'il faudrait aimer les animaux comme on aime nos enfants, dans la familiarité -ils sont une part de nous-mêmes, ils nous appartiennent...- et nos enfants comme nos égaux, distincts de nous, autonomes, dans le respect.

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Je sais que je dois remonter un jour dans l'espace, là-haut, entre l'étoile et la comète, entre Bételgeuse et Saturne, à gauche après la baraque de frites, entre la naine blanche et le trou noir, où ça flamboie, ça rutile, ça explose, chez moi, entre les paillettes d'argent et la galaxie inconnue, le grand oreiller de plumes de cygne noir et la lumière, sous les pointillés des astrologues, car c'est là que j'ai RENDEZ-VOUS !


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