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Rouvrir le jardin d'Eden, voilà ce que j'ai tenté de faire, comme, je le suppose, quelques autres poètes. En tous cas, faire partager le poignant regret d'en avoir été expulsé. «Adorations». Je ne serais pas étonné que cela laissât tout le monde indifférent...

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Puisque, dans un unique individu, fraction microscopique et misérable de l'univers, il existe assez de liberté pour concevoir l'harmonie universelle, assez de coeur pour choisir le bien, et assez de courage pour l'accomplir jusqu'au sacrifice, comment douter que, là-haut, dans la sphère infinie, ces valeurs ne triomphent ?

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Qu'est-ce que cela fait de vivre entouré de malades, odieux de vulgarité, d'égoïsme, et pourtant dénués de méchanceté ? Faut-il les prendre au sérieux, lutter, se défendre, ou les ignorer et les plaindre ? Sans doute n'y a-t-il rien d'autre à faire que les ignorer, les secourir quand ils le réclament.

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Voyez ce parking bien ordonné, oeuvre de l'homme, cette belle dalle de ciment peinte de bandes blanches, jaunes, de flèches, où s'alignent côte à côte, inertes, sans vie, des centaines de voitures, non loin d'un terrain vague où croissent à l'abandon des plantes ordinaires, inutiles, oeuvre de la nature. Qu'en est-il exactement pour vous entre cette mort élaborée d'un côté, véhicules rangés, immobiles, et cette vie spontanée de l'autre, branches audacieuses traversant le grillage, fleurs ouvertes, offrandes ? S'il fallait garder l'un, supprimer l'autre, que supprimeriez-vous ?

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Pourquoi m'intéresserais-je à la Nature plus que de raison ? Ce grand marronnier dans la cour, c'est moi, et aussi ces buissons, cette herbe, ces fleurs... incompréhensibles, et par conséquent sans attrait.
Mais de là à leur préférer ce béton, cette ferraille, les murs, les rues, les poisons de la société, non, je ne suis pas si bête !

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Sur le chemin il n'y a pas d'embûche.

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La chose la plus mystérieuse au monde, bien entendu, c'est l'âme. Car, dans nos bons moments, considérant le corps (borné, souffrant), qui n'est pas grand-chose -pour utiliser l'ancienne terminologie : «fardeau», «poussière»- la mort ne paraît pas bien redoutable.
Reste donc l'âme. C'est elle, sans aucun doute, immortelle, que nous adorons à tort comme nous-mêmes et que la liberté grandissante nous permet d'aimer dans la dépossession, qui est tout.

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Il y a une énorme différence entre le silence -mat, cotonneux, figé- d'un appartement bien isolé, pourvu de fenêtres à double vitrage, et celui - brillant, creux, frémissant- de la campagne nocturne. L'un fait songer à la maladie et au repos obligé, l'autre est une vie en attente, pleine d'impatience et d'envie, une proie cachée, immobile, palpitante d'émoi.
Le premier nous étreint comme une angoisse, le second nous lance sur la route blanche sous la lune, nous fait tenir l'être même de l'espace, convoque les planètes, retient l'ange.

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Quoique nous ne puissions comprendre ni l'un ni l'autre dans la langue originale (d'arbitraires réformes nous ont coupé d'eux) il n'est pas inutile de se souvenir qu'un siècle environ sépare Villon et Rabelais. A peu près autant qu'il y a entre Verlaine et nous. On peut raisonnablement présumer, si toutefois il existe un avenir, que, comme nous l'avons fait nous-mêmes, les générations futures amalgameront ce qui nous paraît aujourd'hui anachronique. Dans ces conditions à quoi bon se soucier de modernité ?

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Je me souviens de la maisonnette à la campagne, une seule pièce, où se trouvait ma chambre durant les vacances. Merveilleux de s'y trouver seul, allongé sur le lit étranger, prisonnier de la nuit, mais sans nulle peur. Tout était "esthétique", les beaux draps anciens, les ténèbres princières, moi-même.
Et un soir vint l'oiseau d'Athéna, une jeune chouette, dans la chambre.

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La Nature ne cesse jamais de nous faire comprendre que nous sommes des idiots. Si nous avions la plus petite conscience du miracle permanent qu'elle représente nous tomberions immédiatement à genoux. Quel homme sensé inventerait, par exemple, la girafe, animal totalement absurde et parfaitement viable. Savez-vous que son cou a des vaisseaux équipés de valvules de retenue qui, lorsqu'il est incliné vers le sol, règlent parfaitement la circulation du sang ?
Bien. Mais prenez aussi l'oie à tête barrée (Anser Indicus). (Je vous parle de ce que j'aime.) Ce sont des oiseaux qui migrent chaque année d'Asie Centrale en Inde. Ils leur faut, pour atteindre leur but, franchir la barrière de l'Himalaya qui s'élève à plus de huit mille mètres. Impossible, avec leurs simples forces, d'accomplir cet exploit. En outre, à ce moment du voyage, ils sont épuisés. Le froid, l'absence d'oxygène, devraient être mortels. Mais leurs os creux peuvent stocker l'oxygène ! Et ils vont emprunter les courants chauds qui se forment et s'élèvent assez haut le soir pour atteindre l'altitude d'où ils pourront redescendre en vol plané de l'autre côté.
Voici : Dans la grandeur épique de ces paysages ils attendent leur heure en tournant dans le ciel. S'ils devaient manquer ce rendez-vous ils ne survivraient pas. Tous, même ceux qui font ce voyage pour la première fois, guidé par leur infaillible instinct, savent qu'ils n'y aura pas un autre essai. Certains, un très petit nombre, mourront malgré tout, tribut obligatoire à une justice supérieure qu'ils acceptent sans révolte. Le soir tombe et les courants chauds commencent à se former. Les mieux placés s'en approchent, s'y installent, puis tous peu à peu formant une gigantesque spirale tournoyante, lente et mystique. Ils sont des centaines, vaisseaux vivants inventés par la nature pour transcender la loi ordinaire, la magnifier, exprimer son sens. Dans le silence, loin de tout, avec pour seuls témoins les montagnes, le ciel du couchant, et les nuages, s'accomplit quelque chose qui devrait à mon avis engendrer chez l'homme un sentiment religieux définitif et absolu. Car il s'agit de quelque chose qui rend tangible le divin.
Regardez cette flamme s'élever jusqu'à huit mille mètres, une flamme faite d'oiseaux orangés dans les rayons déclinants du soleil. Il n'y a plus d'air là-haut, aucune chaleur, et ce brasier est vivant. Il est composé d'êtres d'une humilité que nous pouvons à peine concevoir. Des créatures sans aucune valeur à nos yeux, sans importance, que nous tuons sans hésiter quand nous le voulons, mais qui possèdent des moyens de repérage que nous n'expliquons pas, une physiologie qui nous ébahit, et un amour de la vie, une foi, une constance dans l'accomplissement de celle-ci, tels que nous devrions, comme des sauvages, trouver -retrouver- la part d'âme en nous qui leur est fraternelle, le totem, et les adorer. Avec leur prétendue bêtise de bêtes ils accomplissent ce qu'aucune science humaine n'est capable d'expliquer réellement. Ce que nous appelons expliquer n'est toujours en fait que décrire. Et même si nous comprenions, nous ne saurions toujours pas pourquoi.
Ou plutôt si. Nous pourrions le savoir si nous acceptions de renoncer à notre illusion de toute-puissance. Si nous consentions un peu à nous laisser porter, comme eux, quand c'est nécessaire, sur les ailes du vent, sur les ailes des Souffles et des Apparitions, au sein d'une nature plus grande que nous.

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Il semble malheureusement que nos concitoyens (je m'adresse ici exclusivement à mes amis internautes français) ne comprennent en majorité l'usage de l'ordinateur que dans l'unique perspective d'actions illégales, dont la plus répandue exclue totalement internet : le piratage de CD par l'intermédiaire d'un graveur. Puis, ensuite, dans le non-respect des droits d'auteurs, ils tentent de s'établir tant bien que mal sur le créneau de l'édition sauvage. En dernier lieu seulement infiltreraient pour leur compte les réseaux pédophiles ! N'exagérons pas, je plaisante.

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Jamais, dans toute l'histoire humaine, n'a été trouvé l'équilibre entre nature et société qui eût permis le véritable épanouissement de l'individu. Cette constatation n'est cependant pas suffisante pour permettre de croire qu'il s'agisse d'une utopie. Et ce but nécessaire est celui que l'humanité poursuit inconsciemment depuis toujours. Aucun progrès n'a de sens si le contexte social ne permet pas que tous en profitent, nulle aspiration personnelle n'est recevable si elle n'enrichit pas la société.

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Personne, au boulot, ne fait état des doutes et des erreurs qui, s'ils étaient assumés, contrecarreraient la poursuite normale de l'activité. On n'avoue pas que tout est approximatif, qu'on triche, qu'on bâcle, qu'on falsifie. Les méthodes sont censés correspondre à une perfection que l'art seul, en réalité, est capable d'offrir. (La seule activité humaine qui, désintéressée, mobilise les facultés «supérieures»). Inutile de dire qu'il faudrait infiniment plus de temps, et d'humanité, dans les entreprises, si les résultats devaient être à la hauteur des prétentions.(Mais que de gaspillage évité !)
Cette hypocrisie totalitaire.... abuse parfois ceux-là même qui s'y associent par obligation, intermédiaires entre la masse qui subit et les chefs haut-placés. Ces âmes damnées...

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Soyons un peu sérieux. Vous prétendez subvenir aux besoins d'une famille, construire l'avenir, dans le respect de l'ordre et de la morale, et bla bla bla... que sais-je encore, mais vous n'acceptez jamais de perdre un privilège au bénéfice des autres, qui croyez-vous abuser ?

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Quand on arrive à créer vraiment, cela ressemble à ce qui se passe dans la nature selon la loi de l'attraction que les Grecs ont nommé Eros, l'amour. (Eros, et non Agapè.) Les potiers connaissent ce miracle qui soude indissolublement, comme aimantées, deux parties d'argile. Restauration de l'unité, retrouvailles des molécules.
Lorsque je crée quelque chose de virtuel se réalise, comme si une fusion s'opérait entre deux moitiés séparées d'une unique, d'une absolue vérité.

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... les serpents de tes caresses.

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Depuis que j'ai raison, personne ne me croit.

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