Carnet 15carnet 16CARNET 17


J'ai été élevé par des gens méchants qui osaient outrageusement contester les vérités les plus évidentes, les plus hurlantes, pour établir leur domination, si bien qu'aujourd'hui encore, malgré le besoin impérieux, je doute de tout, je me méfie, je ne crois à aucune réelle sympathie, je n'attend aucune sérieuse reconnaissance.

haut de la page
bas de la page

Je suis un être humain, ma nuit est grise et je mets des boules Quiès
Un bout de mon âme est resté au dortoir des garçons un autre est toujours dans ma culotte
Je ne suis pas polyglotte malgré la nécessité ni unijambiste malgré la peur
J'avance et je vais mais jamais bien loin puis je repars en arrière je recule
On ne sait jamais est ma devise écrite partout au couteau sur les bancs des squares
Sur les abris bus à la craie sur les trottoirs à la crotte de chien en français en esperanto
En morse en braille en aparté
J'ai peur j'ai peur j'ai peur je hurle à la mort mais en silence en secret car j'ai honte
Je me masturbe faut-il vraiment le dire ? Comme vous comme toi comme tout le monde
Ma vie amoureuse est un fiasco
Je vends de fausses montres je répands des idées fausses j'ai une prothèse dentaire
Tout va à vau-l'eau les cadavres les espoirs les souvenirs
Il ne me reste rien
Sauf moi.

haut de la page
bas de la page

Le trombone jouait du clairon et le chien du voisin,
En dessous, lui répondait
Il était six heures, mais du matin ou du soir, l'histoire ne le dit pas
Quoi qu'il en soit après ce concert la concierge le couvrit d'éloges (éloges de concierge, les meilleurs...)
Il remit son imperméable, rangea le clairon, et s'en alla.

haut de la page
bas de la page

La mort est plus, pour l'esprit humain, une incongruité défiant l'imagination qu'une chose effroyable. Le problème vient de ce que ce qui nous est incompréhensible nous est effroyable.

haut de la page
bas de la page

Beaucoup de gens ont la prétention d'être intelligents. Heureusement, grâce au système d'évaluation scolaire actuel qui exclut, comme un outrage adressé à l'élève, la possibilité d'une note arithmétique, (et bientôt il en ira de même, je le crains, des lettres de l'alphabet assorties d'un plus ou d'un moins), ils savent qu'ils sont dispensés d'en donner la moindre preuve.
Comme il n'y a pas plus sûr de soi qu'un imbécile, et que les grands philosophes se montrent souvent d'une discrétion excessive dans la compétition sociale (I love thee, Diogène), on assiste maintenant à des joutes oratoires où le crétin tient le crachoir, tandis que l'homme d'esprit, souvent même exclu du débat, est forcé de se taire.

haut de la page
bas de la page

Cette sorte de rétractation permanente qui comprime ta personnalité, ce corset étroit que tu portes au moral, et même aussi, malheureusement, un peu au physique, avec ton souci obsessionnel de la propreté et de la décence, l'une comme l'autre mal comprises, mal appliquées, ce n'est pas de la distinction, de la classe, comme on te l'a fait croire, ce n'est que de la peur, la peur du qu'en-dira-t-on, la peur de la liberté, la peur de vivre.

haut de la page
bas de la page

Permettez-moi, très chère Madame Médoc, de vous adresser ce compliment posthume, en souvenir du bien que vous me fîtes, inconsciemment, durant mon enfance, par votre présence dans votre boutique, au-dessous de chez mes parents.
D'abord vous étiez la dépositaire de cette vénérable culture française du bien manger et du bon boire derrière la devanture laquée bordeaux de votre échoppe, votre opulente poitrine surplombant le comptoir de noble chêne derrière lequel vous officiiez. La gent féminine ne pouvait espérer meilleure représentante pour l'enfant mâle que j'étais . Vous incarniez la majesté de votre sexe, par l'ampleur de vos formes et votre gentillesse inscrite dans l'exquis sourire d'une bouche en forme de cerise admirablement peinte de vermillon. Vous étiez grande, grosse, et sans malice, mais dotée d'un solide bon sens qui vous permit au moins de diagnostiquer ma souffrance que personne ne remarquait. Je vous en remercie.
Je vous remercie également d'avoir quelques temps hébergé dans votre arrière-boutique, derrière le mystérieux rideau semi transparent, un inconnu, sans doute un amant, dont l'existence hypothétique fit circuler un air plus soufré , plus réel, dans la banalité quotidienne du quartier, un peu trop hypocrite à mon goût. Le jour où vous soulevâtes ce rideau pour aller me chercher un bonbon ainsi que vous le faisiez souvent , et où j'aperçus un bras masculin vite disparu, reste dans ma mémoire comme une échappée dans la réalité, la liberté, la vie elle-même.
Et puis il y avait votre chien, Loulou (de Poméranie), dont la belle fourrure fut pour mes yeux d'enfant, je m'en rends compte cinquante ans plus tard, la première manifestation du luxe, cette inutilité vitale, indispensable au bonheur humain, et parfois peu coûteux ainsi que vous le démontriez.
Pour toutes ces choses, et pour le démenti apporté aux idées de ma mère, qui répétait souvent que les gens méchants se retrouvent forcément seuls un jour -c'est d'ailleurs son cas aujourd'hui contradictoirement, comme ce fut également le vôtre après votre retraite sans que j'aie songé à vous rendre visite charitablement comme j'aurais du le faire- je vous envoie ce témoignage de ma reconnaissance et de ma gratitude.

haut de la page
bas de la page

Rester avec quelqu'un pour le confort psychologique et matériel malgré la carence sentimentale irréductible, c'est ce que beaucoup de gens font, et moi je trouve ça carrément abject.
........
J'espère que tu vas bien. Je ne veux pas ta mort.

haut de la page
bas de la page

Dans quelque vie antérieure, longtemps en arrière, à une époque où la vie était bien plus dangereuse qu'aujourd'hui -aujourd'hui on n'en meurt plus, on meurt de maladie seulement, d'un virus, d'accident, tandis qu'alors c'était l'air même qu'on respirait qui vous tuait, les complots, les trahisons, on mourait des passions humaines, l'ambition, l'orgueil, on mourait des turpitudes dont aujourd'hui on fait son lit et sa survie, bref... -en Grèce, à Rome, dans une de ces cours barbares opulentes établies sur les décombres de l'Empire... j'ai été probablement comme tout le monde, ou pire, j'ai dû patauger dans cette merde-là jusqu'à plus faim, plus soif, je m'en suis goinfré, je suis allé au bout de la tragédie... parce que maintenant la moindre petite saloperie entrevue chez autrui non seulement me contriste, me fatigue, mais aussi m'ennuie : je regarde cette saleté d'espèce humaine et je la vomis.

haut de la page
bas de la page

Tous les cadrans de montres, de pendules, d'horloges, ne devraient-ils pas être ornés d'une tête de mort, les aiguilles ressembler à des tibias, des humérus, et ne devrions-nous pas repousser avec horreur ces instruments que nous fabriquons et qui ne servent en réalité qu'à nous rappeler la mort tapie au bout de ces secondes, ces minutes, ces heures, ces jours, ces années, qui occultent trompeusement la durée métaphysique, subjective, et éternelle ?
Bien sûr je m'en fous, j'ai compris que le temps n'existe pas, qu'il n'est que la volonté humaine de supprimer le mystère (peut-être même seulement la complexité) de la réalité qui nous échappe, mais tout de même...
Ce qui est sûr : Dieu ne porte pas de montre.

haut de la page
bas de la page

Quelle imbécillité de juger de la valeur d'une idée sans prendre en compte sa dimension psychologique. L'athéisme, par exemple, prétention d'une autonomie de l'âme, qui cache en fait une démission, l'abandon ou le refus des aspirations sans raison, sans limite, de l'esprit, le besoin de vérité en soi ! Peut-être est-il vain de croire en Dieu mais cette croyance est une manifestation de vitalité. De plus, l'incapacité à trier entre les déclarations des églises et la pensée religieuse originelle, avec la propension généralisée des ennemis de la foi à ne voir les défauts des premières que comme la conséquence inévitable (des qualités) de la seconde, et à confondre par-dessus le marché "grenouille de bénitier" et "mystique" véritable, me paraît témoigner d'une irrémédiable médiocrité intellectuelle.

haut de la page
bas de la page

La pire chose que puisse faire quelqu'un qui a perdu son âme est de faire semblant d'être vivant, comme tous ces gens qui, n'ayant pourtant aucune conviction religieuse (ce qui est un droit incontestable), se croient cependant obligés de poser des questions sans fondement sur la foi, la vie du Christ, la véracité historique de la Bible, etc., comme un sourd qui s'obstinerait à discuter de musique, ou un aveugle d'art pictural. Leur prétention ne masque pas leur vide.

haut de la page
bas de la page

..." compliqué " et " complexe " n'ont pas le même sens. Un processus peut être complexe et simple à la fois, en étant composé d'une multitude d'éléments (ce qui le rend complexe) qui tous s'organisent, se développent de la même manière (ce qui en fait une chose simple).
C'est ce qu'il en est d'une libération intérieure dès que les conditions préalables sont remplies. La complexité du processus correspond à la multiplicité des événements qui la précèdent, la transformation s'accomplissant simplement, comme Dieu l'a voulue.

haut de la page
bas de la page

Tout me ressemble. Mon esprit se sert de ce qui m'entoure, de ce que je vois, pour s'alimenter, créer ses définitions, ses symboles. C'est comme si je rêvais mon monde, et que le monde soit mon rêve.

haut de la page
bas de la page

La plupart des gens sont athées, bien que peu le revendiquent. L'amusant est que les rares qui le revendiquent utilisent, pour critiquer la religion, les observations qu'ils font de la masse de ces mécréants considérés comme " croyants ". Ils dénoncent les ravages de la religion sur ces spécimens exemplaires qui, en réalité, en sont absolument indemnes (mais pas de la société).
Au fond, comme toujours -je suis au regret de le dire- qu'y a-t-il de réel dans tout cela : un ou deux vrais athées, un ou deux vrais croyants (qui méritent d'être appelés " mystiques "), et le reste est littérature... (reste qui entretient les idées fausses, le mensonge quotidien, la névrose banale, la folie ordinaire !)
(Si je compte bien cela me fait au mieux quatre lecteurs).

haut de la page
bas de la page

Gueuler mon bonheur d'être avec toi... ma joie insensée... les seins, la chatte... enfin à moi... permis de baiser... autorisé... après tous ces siècles d'adoration, d'attente désespérée, de souffrance sans nom... bander n'est pas suffisant (koike) : je ne sais pas, je voudrais m'arracher les vêtements, la peau avec... oui, la peau avec... me mordre les yeux... me tordre les mains... je voudrais m'ouvrir les veines (sans mourir)... je voudrais m'éclater la gueule sur le plancher... me frotter les durillons jusqu'à plus soif contre les tiens... te tenir la main pendant des heures en pleurant... gigoter ma mentule... te fourbir le haricot... bref je t'aime... je t'aime... je t' aimmmeu !

haut de la page
bas de la page

J’ai toujours cru qu’une modestie renforcée, c’est-à-dire une simplicité véritable affichée comme un drapeau, voire un bouclier, permettait à tous de deviner en arrière-plan un peu de génie allié à un brin de sainteté, en raison, tout simplement, de l’impossibilité archi-avérée de simuler raisonnablement pareille apparence.
Mais je me trompais. Déjà que pour comprendre cette ambiguïté, il faut être génial... et que, dans notre époque, la vacherie (la complication) est à la mode, ils vous prennent en réalité pour un con.
Mes mauvais seigneurs, pas d’inquiétude, j’en ai autant à votre service, même si moi, malgré une suffisance au moins égale à la vôtre, je ne vous appelle pas « mon petit Untel »...

haut de la page
bas de la page

Vous n’y comprenez rien malgré tous vos efforts parce votre intelligence est paralysée par les idées reçues, les idées communes, les idées toutes faites, qui sont fausses.
Par exemple je parle de rêve et vous croyez qu’il s’agit d’une chose sans réalité, sans valeur, comme il en va logiquement dans une société cartésienne, positiviste (deux siècles plus tard), et athée.
L’instant d’avant ce que j’écrivais vous avait paru d’une rigueur scientifique exemplaire et vous voilà perdu. Vous pensez que j’ai des idées contradictoires.
Rappelez-vous quand même qu’il existe aussi la psychanalyse... Le rêve, pour moi, est un élément irréfutable, un apport salvateur qui vient compenser la lucidité incertaine de la veille, le manque de clairvoyance, l’inconscience. Le rêve –involontaire- est probablement la seule approche « objective » de notre monde dont nous disposions.

haut de la page
bas de la page

La conscience morale et l’intelligence sont deux choses bien différentes.
Certaines personnes considèrent comme des imbéciles ceux qui ont des options morales différentes des leurs –par exemple : l’altruisme, la candeur, la simplicité, la franchise, la naïveté, etc... qui sont pourtant compatibles même et souvent avec le génie.
Personnellement j’aurais plutôt la tendance inverse : considérer les « (gros) malins » comme de pauvres cons !

haut de la page
bas de la page

Ce qui me parait juste : chercher à comprendre ce qui m'entoure -nous entoure- uniquement par la réflexion. Par contre, rien ne me parait justifier la recherche spéculative, qui ne relève que de la curiosité, laquelle doit s'arrêter aussitôt que le mal risque de se produire. Le mal : faire souffrir (par exemple les animaux).
Aussi dingue que cela paraisse je suis convaincu que tout ce que l'homme doit savoir se trouve déjà en l'individu, capable d'accéder à une dimension spirituelle bien supérieure à la claudicante raison cartésienne.
Il faudrait, surtout en France, éradiquer définitivement cette philosophie du malaise existentiel promu au rang de religion. Chercher à me prouver que j'existe est-ce réellement un point de départ pour une saine recherche de vérité ?
Nous n'avons besoin de savoir que ce qui peut nous procurer le bonheur et non augmenter notre orgueil ou notre folie destructrice. Chaque culture, chaque civilisation, comme l'histoire et l'ethnologie le démontrent, fait toujours l’impasse sur certaines facettes de la réalité, parfois positivement, comme par exemple, pour les Chinois inventeurs ludiques de la poudre, parfois négativement, comme pour nous, qui développons constamment à l’opposé notre agressivité. Le but n'est pas de dresser une comptabilité exhaustive du réel mais de vivre dedans, sans oublier que nous en sommes, avant tout, un élément. Pourquoi chercherions-nous à nous en distinguer sinon précisément pour calmer l'angoisse de Descartes ? Qui suis-je, est-ce que j'existe -ridicule !
Pendant que ce crétin cherche à fuir sa peur en s'attaquant à tout ce qui n'est pas lui (ou qu'il croit tel ayant renoncé à l'empathie naturelle), quelqu'un qui n'a pas son complexe fait l'amour, tresse un panier, part à la cueillette de champignons, caresse son chat, écoute de la poésie, chante, rit, vit.
Il y a une explication psychologique au cartésianisme : la névrose !

haut de la page
bas de la page

Dire que nous salopons notre environnement ne me parait pas exact. Nous salopons -ce qui est beaucoup plus grave- l'environnement de Dieu -Il l'a créé, c'est le Sien- et nous nous salopons donc nous-mêmes, puisque nous en faisons partie, ce qui démontre que nous sommes (à l’exception des « primitifs » respectueux de la nature) une vraie bande de cons.
(Et en plus, depuis quelques siècles en Occident : fiers de l’être !)
... une belle bande de cons et de salauds.

haut de la page
bas de la page

J'ai honte d'être un humain. Quand je regarde mes semblables, ici, en France, aujourd'hui, leur bassesse, leur médiocrité, leur malhonnêteté, leur hypocrisie, leur lâcheté, leur bêtise, etc. etc. je me sens plus enclin à fréquenter les chats, les chiens, les rats mulots, les vers de terre, et même les mouches.
Dieu merci je mourrai un jour, je ne les verrai plus.
Je n'assisterai plus à leurs réunions, leurs messes au dieu du sérieux, qui les rend ridicules.
Je n'écouterai plus leurs divagations sur l'avenir tandis qu'au dehors passent les saisons mort-nées qu'aucun d'eux ne regarde.
Je n'entendrai plus leurs compliments qui, étrangement, finissent toujours par me rendre dépressif.
Je ne perdrai plus mon temps et mon énergie à les démasquer, à m'en protéger, à les dénoncer, à les plaindre.
Je serai allongé dans la boîte tandis que mon âme montera Là-haut et la parenthèse de cette vie qui la prive de Dieu sera enfin fermée.

haut de la page
bas de la page

Si la vie n'est qu'une somme de perceptions, une somme d'images, d'odeurs, de sons, de goûts, de sensations tactiles, j'ai été servi mieux que quiconque. Pendant mon enfance, dans le boyau obscur du passage de la Moselle, j'ai rassemblé autant d'impressions qu'un vétéran d'une guerre de tranchées; j'ai été seul, j'ai eu peur, je me suis tourmenté, sentinelle immobile assaillie de réflexions imprécises, de doutes, de fantasmes, cohorte de fantômes insaisissables, changeants, et innombrables. J'ai contemplé des brouillards qui étaient peut-être l'armée ennemie, ou des renforts venus à mon secours, des vapeurs, des buées qui se déformaient, se décomposaient, puis, à nouveau, réapparaissaient, ressemblant un instant au monde connu. J'ai entendu des bruits qui n'avaient aucune origine, et même de savantes musiques qui obéissaient à ma volonté comme les hautes herbes qui dansent au vent. Le temps, quant à lui, semblait ne pas bouger. Le jour ne venait jamais, ou alors un jour blême, falot, une lueur à peine plus forte que les feux de camp de la nuit.
Déjà il semblait que tout fût de l'ordre du souvenir.

haut de la page
bas de la page

L'Inventaire

J'ai tellement de choses à écrire que je ne sais par où commencer. J'aimerais ne pas oublier de dire le bonheur que me procure la contemplation de mes trésors artistiques accumulés en Italie, monuments, sculptures, tableaux et objets du Quattrocento, réfléchissant la lumière dorée de la Toscane, et dont l'évocation fugitive et périodique suffit à me rasséréner complètement quand je souffre de quelque doute.
Je déplore qu'Henri Michaux ait déjà exploré ce type d'impression dans " Mes propriétés ", où, peut-être inquiet de l'absurdité du projet, il prit le parti d'une description analogique sans essayer d'en découvrir le sens.
Je n'ai pas encore ce genre de folie... tissus lâches et mous et parties dures s'opposent et se répondent, se complètent même peut-être, comme la chair et le squelette physiques, toujours à identifier clairement, se recouvrant l'une l'autre...
Les dômes et les coupoles m'appartiennent incontestablement, mais la marée humaine à leurs socles aussi. Têtes brunes, blondes, chenues, têtes d'épingles vues du ciel sont à moi : je les aime.
J'embrasse dans un même amour instable et douloureux les choses et les êtres et c'est l'ampleur, la démesure, de mon sentiment, qui m'équilibre.

haut de la page
bas de la page

Je n'ai jamais aimé que des enfants de riches. Il n'y a qu'eux qui reconnaissent les poètes. Pour le commun des mortels, noyé dans la trivialité du quotidien, quelqu'un comme moi est une énigme.

haut de la page
bas de la page

Tous les millions de vivants que nous sommes deviendront des millions de cadavres.
Ça en fera, des restes !
On n'y songe jamais. Pensez à tous ces gigantesques cimetières qui encerclent déjà Paris : grouillements colossaux de larves souterraines, alpes d'os, de squelettes, foules immensurables de fantômes...
Je n'ai pas besoin d'être compris, il me suffit de comprendre.
Laisse les morts enterrer les morts.
Live and let die.

haut de la page
bas de la page

Il y a des gens pour qui " bien communiquer " c'est " ratisser large ", comme si un malentendu avec le grand nombre signifiait impuissance, manque de vérité, mais le " je parle pour ceux qui ont des oreilles pour entendre... " est l'unique façon (vous garantissant au passage que vous avez réellement quelque chose à dire), il ne peut en aucun cas en exister de meilleure.

haut de la page
bas de la page

Il y a toujours un moment où je me réveille...
Je me rappelle, j'avais douze ans, c'était l'année où le Brésil gagna, avec Pelé, la coupe du monde de football. Ce jour-là je revenais de l'école et, dans un café, je vis beaucoup de gens très agités qui regardaient la télévision. Après avoir compris de quoi il s'agissait, j'entrai (la porte était grande ouverte) et m'associai rapidement à l'enthousiasme général. Comme tout le monde, je me mis à crier, à applaudir, tandis que, dans la petite lucarne accrochée en hauteur, le dieu Pelé accomplissait ses miracles. Cela dura un bon moment, dans une agréable sensation de chaleur humaine, puis, d'un seul coup, moi seul, je me réveillai. Je regardai autour de moi, dégrisé, ces hommes, jeunes, moins jeunes, vieillards -aucune femme- qui continuaient à s'exciter, pris conscience de la laideur des lieux, et je sortis.
C'était fini. J'avais réalisé définitivement que passer ainsi son temps n'est qu'un gâchis pur et simple, une véritable distraction au sens pascalien, une absence.
Tandis que commençait l'irrésistible ascension du sport dans la culture générale, soutenue par un nombre toujours plus grand de personnalités opportunistes et/ou irresponsables (beaucoup de politiques), et/ou conformistes -et je n'oublie pas Bernard Pivot- je demeurai fidèle à ce qui avait été jusque-là l'opinion prépondérante : que la compétition sportive, à plus forte raison le spectacle commercial du sport, n'est qu'un dérivatif futile réservé majoritairement aux atrophiés du bulbe.
Je n'abandonnai pas la pratique personnelle de l'athlétisme qui était la mienne mais jamais je ne regardai un match à la télé, ni ne me livrai à un de ces sports dits " collectif ". A mes yeux leurs participants défendaient une idéologie fasciste et les " rencontres " étaient leur guéguerre infantile avant la vraie.
Et bien, ne vous en déplaise, j'en suis toujours là.

haut de la page
bas de la page

Délices, amours, orgues... et soldes !

haut de la page
bas de la page

Croyez-moi, pour celui qui aime lire, les livres ont une matière.
Il y en a qui sont gras et suintants comme du lard un jour de forte chaleur, d'autres plâtreux, grisâtres, produisant continûment une fine poussière ; certains sont faits d'une substance qui n'existe pas dans la réalité mais qui se laisse néanmoins appréhender dans l'imagerie intellectuelle comme une espèce de mélange de parties plus ou moins bien identifiées combinées selon d'impossibles proportions.
Les meilleurs sont ceux qui paraissent taillés dans la vie elle-même, comme s'ils n'en étaient rien de moins qu'une tranche succulente, palpitante comme un cœur, et de cette belle couleur sang qui est aussi le vert des arbres des forêts.

haut de la page
bas de la page

Dispensez-vous de faire le malin ! Dites-moi que la vie est plus forte que vous, et là seulement je comprendrai que vous êtes aussi fort qu'elle !

haut de la page
bas de la page

J'ai vraiment l'impression que la plupart des gens ne comprennent pas les véritables enjeux. Prenons l'Histoire comme exemple. Le premier cercle est constitué de ceux qui La confondent avec ce qui paraît dans les journaux ou se dit à la télé. Le deuxième contient ceux qui comprennent qu'un recul est nécessaire et que l'essentiel paraîtra quand le tri aura été fait, dans quelques décennies. Le troisième cercle est celui des professionnels qui ont appris que la vérité historique se trouve dans les manuels universitaires, dans les travaux des chercheurs, que seuls quelques étudiants prennent la peine de lire. Quant au quatrième cercle, le dernier, peu fréquenté, il est le domaine de ceux qui savent que la vérité peut être méconnue éternellement, ce qui d'ailleurs importe peu, qu'Elle brille fugitivement, de ci de là, comme une luciole, dans tel ou tel esprit, en permanence ou temporairement, qu'on La retrouve sous forme de conséquence dans les œuvres humaines, leur donnant leur éclat et leur force quoique sans être identifiée, qu'Elle peut transformer un humain en une sorte de dieu s'il consent à ne servir qu'Elle, inaliénable, intangible, ne Se retrouvant que dans Sa propre cause.
C'est Elle qui me permet de déclarer, par exemple, que Sylla était un irresponsable, un militaire fou furieux dont toutes les entreprises signalent l'imbécillité, ne sachant faire que des massacres, s'en allant quand il aurait dû rester, plus préoccupé de pouvoir personnel et de débauche que de gouvernement, qui détruisit à coup de décisions ponctuelles opportunistes la République romaine sans même savoir s'il voulait ou non la sauver, et non le génial politique que des historiens infantiles continuent à imaginer. (D'ailleurs le refus d'admettre, partout et toujours, que la classe dirigeante puisse être composée d'un certain nombre de crétins, est permanent. Est-ce parce que cela signifie logiquement que les autres ne sont pas très futés et qu'on a honte, ou parce que le père a forcément la plus grosse ? Les deux peut-être.
Rendons-nous à l'évidence : la classe politique est le territoire d'élection (c'est le cas de le dire) des gros bêtas. C'est là qu'on peut avancer en écrasant les pieds des autres sans se faire traiter de lourdaud. C'est là qu'on peut ne rien faire et être crédité de finesse politique (oui, je pense à Mitterrand), c'est aussi là que, pas assez réfléchi et volontaire pour avoir une ligne de conduite, on peut annoncer qu'on n'a pas cette faiblesse !)
Pour en revenir aux enjeux : peu importe donc d'être ou non reconnu, vivant ou mort, par la foule ou quelques amis, ou par personne, l'essentiel est d'être regardé par Elle. Si je peux prétendre que tout s'accomplit pour moi " en mon âme et conscience ", et non sous une pression extérieure, c'est tout ce qui compte.

haut de la page
bas de la page

Il ne faut pas confondre compétence professionnelle, statut social, et valeur personnelle. Cette dernière se compose des qualités humaines d'ordre moral qui ne s'acquièrent pas en société même si c'est là qu'elles se révèlent (au détriment le plus souvent de celui qui en est le mieux pourvu). La valeur personnelle vient de l'intégrité, de la probité, de la rectitude, etc. qu'on peut rencontrer aussi bien chez un chef d'orchestre que chez un ouvrier du bâtiment.
Quelqu'un qui croit mériter le respect que seule sa fonction peut lui procurer est toujours contrarié. On salue sa toge, ses brodequins, jamais lui-même. Même son autorité supposée n'a pas d'effet. Elle n'agit que sur ceux qui craignent le pouvoir social, c'est-à-dire les irresponsables.
Il en faut plus pour motiver quelqu'un qui connaît lui-même sa propre valeur et se sait l'égal de celui qui lui donne un ordre. Même s'il fait profil bas en raison de l'Injustice Avérée, il conserve jalousement, comme dit l'autre chanteur, " sa liberté de pensée ".

haut de la page
bas de la page

J'écris toute la journée chez moi, dans le secret, et quand je sors le soir j'ai l'impression d'être un criminel.

haut de la page
bas de la page

Ma psy m'avait prévenu. Ou plutôt non, elle ne m'avait presque rien dit. Mais dans sa façon de glisser :
" Le jugement sur les gens ça se forme ! "... il y avait eu non seulement la consolation pour moi que ce n'était pas inné et que je n'étais donc pas un imbécile, mais l'avertissement aussi que cela prendrait du temps.
C'est seulement aujourd'hui, plus de vingt ans après, alors que ce pouvoir commence seulement à être effectif, que je réalise combien la tâche était ambitieuse. Quand je pense à la hâte qui m'animait, pour ne pas dire la précipitation, dans une entreprise qui consiste à affronter la multiplicité humaine, sa complexité, l'inconscience généralisée, imposée, les masques de la société, la duplicité, l'hypocrisie individuelles, etc., sans parler des projections personnelles, je suis bien obligé de sourire.

haut de la page
bas de la page

Le cul d'une femme doit être assez large et assez rebondi, quelle que soit sa taille, doit posséder ces proportions intimidantes qui inspirent le respect nécessaire à la moyenne licencieuse des hommes.

haut de la page
bas de la page

Qu'est-ce qui a changé depuis l'Antiquité ? Une idée philosophique en ces temps-là pouvait vous valoir la mort. Ce fut une période recélant une humanité sauvage, violente, habituée aux extrêmes, et bien loin de nous en somme.
Et pourtant aujourd'hui c'est pareil. Essayez de garder votre véritable intégrité, de ne déroger sur aucun point de votre morale, si vous en avez une, de votre idéal, de votre foi, tout en travaillant, en vous mariant, en menant une vie normale, je doute que vous surviviez longtemps. Ce sera moins spectaculaire et vous n'y gagnerez pas la gloire de Diogène ou de Socrate, mais vous deviendrez dépressif, vous perdrez tout, épouse, enfants, amis. Si vous ne vous suicidez pas, vous finirez clochard.

haut de la page
bas de la page

Combien de gens relativisent l'humain ? Sont capables d'imaginer une forme de vie analogue mais différente, et surtout meilleure ? Plus performante, moins vulgaire, moins pitoyable ? Plus belle, plus juste ? Le surhumain peut-être qu'il y a peut-être en l'humain ?

haut de la page
bas de la page

Ma propre expérience m'incite à penser que c'est déjà beaucoup pour un homme de comprendre seulement ce que signifie " sauver son âme ". Personnellement il y a à peine une dizaine d'année que je m'en fais une petite idée, et ce matin c'est en train de devenir précis, ou plutôt concret : j'arrive à en entrevoir l'application au quotidien.
Que d'erreurs accumulées auparavant, que d'inconscience, que d'errements, que de souffrances, que de désespoir, que de colères !
Mais jamais je n'ai cherché à " sauver ma peau " ou alors seulement au pire de mes erreurs quand j'en étais à tout confondre, à ne plus savoir même qui j'étais, à prendre l'une pour l'autre, à tout essayer.
Jamais je n'ai mis ma survie personnelle au premier rang de mes soucis -ce dont je prie de m'excuser ceux qui m'aimaient, ou du moins d'excuser l'excès qui me fit ignorer leurs inquiétudes. Leur consacrer un peu d'attention m'eût fait gagner du temps.

haut de la page
bas de la page

Il va bien falloir que je m'y fasse : il faut être heureux tout seul et danser sur le tas de cadavres. Danser sur tous mes morts mais aussi sur les autres, ceux qui vivent encore et qui ne valent guère mieux ; il y a cinq minutes, ils me faisaient encore pitié... La pitié est cet immonde succube qui était sorti de moi-même et qui me regardait avec mes propres yeux, me suçait avec ma propre bouche, m'avalait dans mon propre estomac, me vomissait pour me ré-ingurgiter sans fin... nausée... la masturbation de la bonté.

haut de la page
bas de la page

Je commence à penser qu'il y a quelque chose au-delà de la Bible : c'est quand on la comprend.
Après tout elle n'a été écrite que par des hommes comme moi. On peut concilier la stricte morale religieuse issue du Livre et " par-delà le Bien et le Mal ". On peut être obéissant et libre à la fois.

haut de la page
bas de la page

Nous sommes tous des planètes attachées, des planètes qui ne tournent pas dans le Grand Vide Cosmique, qui n'ont pas trouvé leurs attractions, leur orbite, leur équilibre, comme des chiens attachés à la niche, des boulets de forçat cloués au sol par la pesanteur. Elevons-nous, envolons-nous, tournoyons, faisons entendre la musique des sphères.

haut de la page
bas de la page

Leur amour n'emprunte pas des voies détournées. Il ne s'amoindrit pas, ne se corrompt pas, à cause de la peur de souffrir, ou d'un sentiment de culpabilité inconscient. Il n'est pas dévoyé en vue d'improbables plaisirs liés à de pitoyables perversions.
Non, il est franc, simple, entier. Paisible, confiant, lumineux.
Il n'est même pas pesant car il ne réclame en retour qu'un peu d'attention.
...........
Vous aurez compris que je parle ici spécifiquement des chats.

haut de la page
bas de la page

Qu'en est-il du démon qui est dans l'homme qui trébuche quand tu soutiens cet homme ? Tu soutiens aussi son démon.
Voilà pourquoi le sage ne soutient pas l'homme mais seulement le bien qui est dans l'homme.
Maintenant, si tu continues à soutenir cet homme quand il est en conflit avec un homme meilleur que lui, tu te fais l'allié de son démon contre l'homme meilleur.

haut de la page
bas de la page









Carnet 15carnet 16CARNET 17

[Accueil] [Des Chats] [Adorations] [Le Cavalier de l'Hippocampe]