« Si tu connais un homme qui dit la vérité, donne-lui un cheval, il en aura besoin pour s'enfuir » Proverbe persan. Chercher la vérité pour la dire, c'est mon dada.
Dernière modification le : 15 08 2019 12:53:22.
Mercredi 14 août 2019
Si la splendeur de la Création n’éclate pas à vos yeux dans chaque être vivant, de la fourmi et de l’escargot aux mammifères supérieurs et à l’homme, en passant par toutes les créatures étranges et merveilleuses qui peuplent la terre, et que vous demeuriez capable de tuer sans regret, d’ôter ces vies de la vôtre, de votre relation à la globalité de l’être, sans ressentir une perte, on ne peut que vous plaindre infiniment, vous instruire si possible, en espérant que le mal vous déserte un jour en vous rendant miraculeusement à vous-mêmes et à l’humanité.
Samedi 10 août 2019
Des portes, des fenêtres qui s’ouvrent. Des murs qui tombent. C’est cela l’intelligence. Elle nous rapproche du moment où l’on ne sera plus séparé.
Mardi 30 juillet 2019
Être c’est aimer.
Mercredi 17 juillet 2019
J’ai toujours aspiré à un oubli de mes erreurs, de mes fautes, en croyant sincèrement aspirer à Dieu. Comme ce matin au soleil, apaisé pour un instant par le bien-être physique, la ferveur ne faisant pas défaut.
Cependant le but indéfini a toujours été d’obtenir un pardon sans vraiment changer, en conservant les mêmes désirs puérils, et, sans doute parce que récemment j’ai compris que dans cette voie j’étais allé une fois jusqu’au crime, j’en saisis à présent l’inanité.
Mardi 16 juillet 2019
C’est en réalisant que ce que j’avais vécu de plus beau, de plus intense, de plus extraordinaire ici-bas, à l’âge de dix-neuf ans, à Matala, sous le soleil ardent de la Crète, ne pouvait se répéter, se prolonger, malgré les efforts successifs que j’avais pu déployer à cette fin durant plusieurs années, et était devenu dans ma mémoire une sorte de photo ancienne en noir et blanc aux bords dentelés, petite, surexposée, que m’est apparue - mieux que la Durée immobile qui ne se mesure pas - l’Eternité divine, intangible, sur laquelle pourtant comme sur une pique, une lance, s’épinglaient l’une après l’autre sans conséquence toutes ces images fausses et inutiles qui étaient censées être ma vie.
Dimanche 14 juillet 2019
C’est lorsque j’ai cru que j’étais irrémédiablement perdu que j’ai découvert que je ne pouvais pas l’être. Comme n'importe qui.
Tous ces retards et ces souffrances insensées pendant si longtemps pour en arriver là !
Vendredi 12 juillet 2019
Faire pièce à Descartes ... : « Si je suis ! Comment pourrait-il en être autrement ? »
Lundi 8 juillet 2019
Glimpse : Le présent est un paradis.
Mercredi 3 juillet 2019
Les soi-disant Maîtres du Temps ne sont plus
Politiciens, financiers, fonctionnaires
Tout simplement parce qu’il n’y a plus le Temps
- rien d’étonnant au fond car le Temps n’est rien, nous l’avions inventé en falsifiant la Durée immobile et éternelle qui n’existe qu’au présent et qui exige la Vérité -
Le Temps qu’ils nous vendaient sous forme d’espoir
L’Avenir, la Croissance, le Progrès, le Règlement de la Dette, la Solution à tous les Problèmes
Ou de consolation comme de regret pour nous-mêmes avec le Passé
Ce temps-là a fait son temps , c’est du temps perdu !
CAR DÉSORMAIS IL Y A URGENCE !
Lundi 1er juillet 2019
La prise de conscience de l’absurdité du monde n’est qu’un premier pas, d’autant plus facile à effectuer pour moi que la parution de « L’Homme Révolté » après celle du « Mythe de Sisyphe » eut lieu l’année de mes sept ans et influença considérablement l’époque de mon adolescence et de mes études au lycée.
L’avantage de cette conception pour le jeune homme que j’étais, était d’encourager la fuite en avant, la licence, la course à l’erreur, dont je ne me privais pas pour occulter mon désespoir.
Ainsi l’échec n’était pas moins intéressant que la réussite, et je peux au moins me réjouir de ne m’être jamais pris au sérieux, malgré les objurgations permanentes de la société.
Mais l’idée qu’il s’agirait d’un rébus, d’une charade, d’un puzzle, dont la totalité recèle un sens qu’il faut découvrir, ne peut manquer de survenir chez quiconque éprouve réellement le besoin de comprendre.
Les religions, et, à mon époque en particulier, le Bouddhisme, clignotent de la bonne manière. Je fis donc un tour par celle-là, puis, car j’ai toujours malgré tout gardé un certain réalisme, un socle de bon sens, je me dis que le Christianisme faisait tout aussi bien l’affaire, et même mieux, pour l’individu grandi dans la culture judéo-chrétienne que j’étais.
Le Bouddhisme a sans doute l’avantage de paraître plus philosophique, moins dogmatique a priori, mais c’est faux car la recherche, l’ascèse indispensable, y est constamment balisée, codifiée, d’une manière effroyablement impérative et complexe, tandis que les Évangiles se révèlent au contraire d’une simplicité, c’est le cas de le dire, « biblique ».
Peut-être faut-il au préalable avoir échappé dans son enfance au catéchisme pour en faire la lecture facile et saine qui aboutit rapidement à l’amour et à l’admiration du Christ, comme ce fut mon cas à neuf ans, ayant reçu une Bible en cadeau et y ayant ensuite tout puisé en toute liberté.
Ce que je comprenais avait la clarté d’une révélation, et ce que je ne comprenais pas restait en suspens sans me déranger.
C’est ainsi, par exemple, après avoir attendu longtemps, que je découvris à douze ans en cherchant dans le dictionnaire, que le mot « commandement » avait le sens étymologique de « conseil », car je ne pouvait imaginer que Dieu, dans Sa grandeur, eût jamais eu besoin de donner globalement des ordres, comme n’importe quel autocrate, quel petit chef humain et mon égal dans ce que j’ai de pire. Puis, quoique très longtemps plus tard encore, presque récemment, me revint en mémoire que ces « commandements » avaient été le début de ma conscience morale naturelle. En fait ils avaient été là depuis toujours, c’était une partie de moi.
...
Jeudi 27 juin 2019
J’ai ma propre mythologie, celle de mon enfance, et elle est vaste et innombrable.
Et le Paris où j’ai grandi, que j’ai connu, mon Paris personnel, m’apparaît clairement aujourd’hui comme son Olympe.
Ce ne sont pas les rues, les quartiers pittoresques ou intéressants qu’on décrit toujours quand on dévide ses souvenirs, c’est beaucoup plus idéal, plus essentiel, plus métaphysique, et on y perçoit constamment la présence du roi des dieux : ma mère...
Je ne pouvais en parler à personne, je ne pouvais le partager. Pas autant en tous cas, que je l’aurais voulu.
à suivre...
Mercredi 26 juin 2019
Ce jour d’été était une chip noire.
Lorsque toutes les règles de la société vous apparaissent comme des jeux d’enfants fous, et tout ce à quoi vos semblables croient dur comme fer un impondérable filet d’eau qui se perd dans les sables, que vous vous sentez seul et invisible parmi eux - heureux qu’ils soient aveugles, le grand criminel ! - c’est parce que ce sont eux qui commettent des crimes contre la Nature et contre vous, en voulant croire qu’ils peuvent se passer de Dieu !
Lundi 17 juin 2019
Un ciel tout rempli d'un peuple de nuages dont chacun est un univers...
Alors qu'aujourd'hui je peux facilement apercevoir des constellations entières au plafond de ma chambre, cette époque-là - de mes vingt ans et de mon père - était celle d’égos plus petits même que les corps.
Je dédie ce poème à la 12, l'incisive qui, avec simplicité et sans douleur, m’a abandonné hier soir vers 23h, une désertion sans surprise puisqu'elle branlait de façon alarmante depuis pas mal de temps. A l’évidence la racine est cassée, ce qui permet de présumer que la gencive n’est pas si malsaine que cela. A quelque chose malheur est bon.
Je n’appartiens pas à mon corps.
Samedi 15 juin 2019
Mal aux roucates
Froid z'à mes os...
Venu fortuit et reparti itou Mais seulement peut-être Tant que je ne suis pas mort.
Seul quelqu’un ayant tenu dans ses doigts tremblants une fleur intacte, une fleur unique et précieuse réchappée par miracle de la plus effroyable tornade, comprendra ma stupéfaction lorsque j’appris qu’une opération de piratage informatique d’envergure internationale s’était déroulée en France, précisément à Lons-le-Saunier !
Lons-le-Saunier, et non Moscou ou Londres, Budapest à la rigueur, Hong-Kong peut-être... Le nom même semblait inconnu, on ne savait pas comment l’écrire : Laon-le-Saunier, Long-le-Saulnier, Lon-le-Saulnié ? Je n'arrêtais pas d'y penser. Existait-il vraiment ?
Quelle mouche les avait piqués ? Quelle fantaisie les avait saisis au terme d’une recherche maladive, d’un hasard sarcastique, d’une perdition invincible ?
Plus je cherchais à comprendre, plus j’étais perdu, et plus je comprenais plus l’endroit rétrécissait.
En fait, en y pensant, je voyais surtout Chaumont où j’étais passé quelques années auparavant avec une espionne orientale. Mais les rues paisibles de cette ville bon-enfant, le linteau de pierre sculpté de style moyenâgeux d’une porte dont je gardais le souvenir, n’avaient évidemment rien à voir. J’avais garé ma Bugatti dans la rue principale avant de déjeuner dans un bistrot avec la beauté qui m’accompagnait, mais passons...
Lundi 10 juin 2019
Être ce qu’on est n’est pas une affaire de volonté : ce serait plutôt le contraire. Néanmoins il faut bien vouloir changer, puisque, généralement, nous ne sommes pas ce que nous devrions être. C’est là toute la difficulté.
Jeudi 30 mai 2019
A deux ans, toutes les erreurs - ou disons l’erreur principale - était commise et son potentiel révélé, et j’aurais dû, déjà, vouloir repartir en arrière. Mais je me suis lancé avec une sorte d’irrésolution en avant, sans rien espérer de bon, pensant qu’il n’y avait rien d’autre à faire.
Comme me le dit B. plus tard, alors que je venais de prononcer le mot : « La vie... ah oui, la grande ennemie ! »
Mercredi 29 mai 2019
Si j'arrive à découvrir seulement qu’il n’y a que la mort, j’aurais fait le voyage de l’horreur de toute une vie.
Jeudi 16 mai 2019
Quand L. m’a quitté, il a fallu peu après que je déménage, et, à partir de là, plus ou moins consciemment, je me suis considéré comme un proscrit.
Au bout de huit ans je me suis retrouvé dans cette ville du 93 que j’habite toujours, où mes habitudes et mes repères de parisien n’avaient plus lieu d’être, et le sentiment d’ostracisme grandit.
Curieusement d’ailleurs, alors que je tentais au début de préserver ce que je pouvais en retournant le plus souvent possible à Paris, ma voix intérieure me le déconseilla et j’abandonnai.
C’était il n’y a pas loin de trente ans.
Aujourd’hui, étrangement, tandis que je m’installe au soleil sur ma terrasse submergée de fleurs, pléthore de roses rouges, roses, lilas d’Espagne rouge, rose, blanc, et hampes scintillantes mauves-violettes de la sauge, je me sens à nouveau localisé, légitime, même si c’est petit.
Lundi 13 mai 2019
Cette bonne pâte de Lili...
Il fallait que j’arrive à l’âge que j’ai aujourd’hui - 75 ans quand même... - pour que je puisse profiter en définitive de ce qui m’est arrivé à 30, en me laissant surprendre et envahir d'un seul coup par le sentiment prodigieux de bonheur et de gratitude que m’a causé jadis la fréquentation de Y. T-B.
La rencontre et la fréquentation de quelqu’un incarnant tout ce que j’avais espéré trouver chez ma mère à ma naissance, bonté lucide et génie !
On ne peut pas « rattraper » les gens... Chacun se rattrape lui-même, ou pas ! C’est toujours « pas », d’ailleurs. On assiste à toutes ces perditions, plus ou moins conscientes, plus ou moins assumées, parfois si stupides, mais il faut toujours se taire.
Tu ne semblais jamais heureuse..., la ravissante.
Vendredi 26 avril 2019
Je suis un mystique qui cherche Dieu, mais chercher Dieu c’est normal. C’est cette normalité qu’il faut admettre et comprendre pour éviter les erreurs du type : « un bodhisattva est un être exceptionnel et en quoi cela peut-il me concerner ? », ou « il faudrait se réfugier dans un monastère et j’ai autre chose à faire », qui nous aveuglent et occultent la voie.
Car c’est le destin humain normal que l’individu s’accomplisse totalement, absolument, en affrontant ce qui lui paraît réel.
Tout ce qui lui paraît réel, ici et maintenant.
Rien ne doit être oublié, méprisé, ou éludé en se mentant à soi-même, tout doit être compris.
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La mère-dieu trahie, le père adjoint inapte à la remplacer, la mésentente entre les deux, moi orphelin, tout cela ne tenait pas la route mais m’a cependant servi négativement de patron, de plan, de règle toute ma vie. Avec toutes les appréhensions et les sentiments qui pouvaient en découler, c’était moi, un moi inacceptable que je voulais oublier.
Mais il fallait d’abord l’accepter pour le voir disparaître.
Samedi 20 avril 2019
Tout se fait comme il se doit, en temps et en heure, avec des rouages jadis en si grand nombre que rien n’était compréhensible, mais qui se sont raréfiés, la plupart n’ayant plus de raison d’être et le système se simplifiant peu à peu.
Une roue fait tourner l’autre en sens inverse et vice versa comme on prend d’une main pour verser dans l’autre, avec une quantité qui diminue, et le but poursuivi se rapproche. Les opérations deviennent comptables sur les dix doigts.
Un - deux. Quatre - trois. Cinq - six.
Clic-clac, les pignons et les dents, tout s’éclaircit, jusqu’au clic ultime.
Dimanche 7 avril 2019
Il faut déjouer Descartes à l'intérieur de soi-même. C'est possible.
Mardi 2 avril 2019
C’est très simple (je le précise à mon propre usage, parce que, durant toutes ces années, j’avais plutôt l’impression que c’était très compliqué).
J’ai cru, passé la période de récupération intensive du début, que ma libération progressive obtenue par ma psychothérapie, allait m’apporter en quelque sorte des pouvoirs magiques. Etre délivré peu à peu de limitations dont on n’aurait pas même imaginé qu’elles puissent ne pas exister, est déjà en soi si extraordinaire qu’il semble logique que les effets obtenus possèdent la même qualité.
Hélas, non.
La paix grandit, certes, mais elle semble ne rien changer au monde, et peu de gens alentour paraissent la voir. Et moi, d’ailleurs, pauvre insensé, je l’ai toujours méprisée.
Je me disais que je n’avais pas suffisamment progressé. Et j’espérais toujours. En vain. Que de souffrances.
Bref, aujourd’hui j’ai compris.
Je suis le seul bénéficiaire et je ne dispose d’aucune faculté me permettant d’octroyer à quiconque la vision des choses qui est la mienne. Je n’ai pas à en souffrir, je ne suis pas blâmable.
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D’ailleurs la magie n’est pas ce qui compte, elle n’est qu’une illusion supplémentaire.
Dimanche 31 mars 2019
Changer de moi est une chose étrange...
Sachant à quoi cela est dû, il faut juste garder en tête que l’on n’est pas en train de devenir fou
Avant je ne savais pas du tout qui j’étais mais à présent je ne sais pas même que je ne sais pas
Une impression d’espace vide, immense, et de latence...
Ce pourrait être grandir dans toutes les directions autant qu’aller en arrière pour aller en avant.
Jeudi 14 mars 2019
Même si l’on croit ignorer tout, lui, l’esprit, sait.
Lorsque j’eus fait écouter un soir de 1970 à J.P. R., dans son club, la bande-son du spectacle poétique que nous avions composé, Guy B. et moi, il m’offrit immédiatement et généreusement de m’apporter toute son aide mais n’en ajouta pas moins avec clairvoyance au bout d’un moment : « Tu n’as pas explosé ».
J’eus la vision à cet instant du petit garçon (vert, pourquoi ?) que j’avais été à l’âge de deux ans, quand, dans la grotte des Buttes-Chaumont où s’étaient en quelque sorte concrétisées et conjuguées les appréciations les plus conflictuelles de ma courte vie, je dus en refouler farouchement le résultat de façon à survivre, avec la prescience que de nombreuses années s’écouleraient désormais avant que je n’aboutisse je ne savais à quelle lumière au bout de l’interminable avenue rectiligne qui s’étendait devant moi jusqu’à un lointain brumeux. Ensuite jamais l’idée que je pouvais mourir jeune ne m’a effleuré.
A présent, ce qui semblait pouvoir être atteint à terme, j’ai commencé à entrer dedans.
Mardi 12 mars 2019
Lorsque la culpabilité s’est signalée, et que le malentendu continue, de faux problèmes continuent à surgir qui ne servent qu’à la renforcer. Le doute existentiel, par exemple, avec sa fumeuse échappatoire : « Je pense donc je suis », et l’amour-auquel-on-ne-saurait-survivre... entre autres.
Mardi 5 mars 2019
Il n’y a pas plus vulnérable que le bébé. Etre l’objet d’un manque de compréhension ou d’amour sans raison est tellement contre nature, tellement inconcevable, qu’il préférera imaginer qu’il en est responsable. Tôt ou tard coupable !
Vendredi 22 février 2019
J’ai vécu toutes ces années en me figurant avec les gens que je rencontrais pouvoir compter sur la connivence qui existait entre les aficionados de ma psy, fondée sur l’amalgame d’une même croyance en un monde de vérité et de vertu, d’une possible guérison, d’une volonté indéfectible de bonheur et de clairvoyance.
Ce qui n’a certainement pas grande signification pour la plupart des gens, sauf à certains instants lorsque c’est nécessaire, et qu’on cache comme une faiblesse indigne, un enfantillage, un espoir inutile.
Il est cependant impossible de faire l’économie de cette recherche indispensable de la vérité, du sens de l’existence, sans souffrir d’une manière ou d’une autre, sans se condamner soi-même à mort.
Or -vous voyez que je n’ai pas peur d’avoir l’air idiot- la Bible ne dit-elle pas, ce qui s’imprima dans mon esprit quand j’avais une douzaine d’années quoique je n’y ai jamais pensé ensuite jusqu’à ces temps derniers, et qui me semble vrai : « De mort il n’y en a pas ! »
Mercredi 20 février 2019
Dieu est avec nous. C'est l'Histoire de l'Art.
Ma mère était l’Unité. Je n’ai jamais vu d’autre Dieu qu’elle.
C’était bien pratique, même si j’ai cru un jour l’avoir trahie irrémédiablement, au point de devoir vivre séparé et coupable durant le reste de ma vie.
Il me fallut alors le nier et m’inventer une autre vie.
Orphelin obsédé par son rachat.
Sort of.
Mercredi 30 janvier 2019
Le point de vue anthropomorphique cartésien, selon lequel il va de soi que mon ego est la mesure de toutes choses et sa propre justification, a, bien sûr, de multiples inconvénients, mais en voici un inattendu :
s’il fausse l’appréciation du monde extérieur, de la nature, le plus souvent en la dévalorisant et en ne la respectant pas, en même temps il ne suscite pas l’admiration pour ce que nous sommes, il ne crée ni n’encourage le moindre espoir, puisque nous faisons office laborieusement de référent, de « normal ».
(En revanche, considérer globalement sans doute et sans préalable toute la nature dont nous sommes une partie, est source d’émerveillement et de respect spontanés, et la place que nous y occupons en la couronnant permet d’envisager un Sens.)
Mardi 29 janvier 2019
Aucune vérité dans ces apparences...
Pour quelque cause aussi légitime soit-elle, l’homme qui a établi la vérité dans les apparences qu’il perçoit, est condamné à découvrir qu’il se trompe.
Les animaux sont plus saints que nous, parce qu’ils meurent sans souffrir de voir disparaître les apparences.
Nos infortunes n’existent que pour nous aider (Karma).
Mercredi 16 janvier 2019
Tant que l’on n’aura pas compris que cette histoire de « salut de l’âme » des religions est une problématique réelle, technique, de la vie humaine, la principale sans doute, voire l’unique, reléguant dans la catégorie « détails » toutes les autres, il ne se passera rien de bon sur Terre, comme cela a été le cas jusqu’à présent et dont on voit le résultat regrettable aujourd’hui.
« Il (l’individu) est la réalité fondamentale de la vie, et le rôle des Eglises devrait être de le rendre conscient que le salut du monde dépend du salut de son âme propre. » C. G. Jung Présent et Avenir
Mardi 15 janvier 2019
Dans une de ces contrées lointaines où l’air est plus humide et plus parfumé
Et que celui qui vient d’arriver respire comme un encens
Nous finirons de lier notre foi à la vie comme un bouquet lancé au ciel à la fin de la fête
Car tout est pardonné : la souffrance qui nous tenait lieu de vérité n’est plus et notre âme impatiente peut retrouver son origine
Il ne s’était strictement rien passé.
Dans le langage courant normal signifie moyen mais c’est une erreur.
Le normal est rare et extraordinaire car c’est Ce qu’a décidé Dieu et qui surgit chaque fois que s’efface l’illusion d’une autre volonté.
Le normal est ce qui nous manque, ce dont on languit, dont l’absence nous fait souffrir.
Un miracle est normal.
Le normal est ce que j’aime et dont je suis trop souvent privé.
Dimanche 6 janvier 2019
On voit des gens donner continûment d’eux-mêmes comme on verse une farine
Et d’autres qui s'entourent de cadres de fer noirs
Etaient ainsi ma mère et mon père
Les falaises des immeubles étaient éclairées tout en haut de soleil
Et le vent jouait ses arpèges dans les feuillages des platanes
Il y avait une course du vent et du soleil vers moi
Et vers eux éperdue ma propre course
Personne ne semblait le voir parce que j’étais un enfant
Comme si j’avais été de l'autre côté d'une frontière
Ce que je savais alors je le sais toujours.
Mercredi 2 janvier 2019
A un moment historique où tout était en péril, J-J Rousseau est parvenu avec précision à distinguer entre nature et société, en rendant, hors église, son sens à la religion. Malheureusement ce sont les considérations sur le contrat social qui ont semblé le plus important.
Toutefois il ne faut jamais oublier l’arrière-plan de nature qui est le socle de tout. L’homme naturel est bon, et la devise que nous a légué la Révolution de 1789 : Liberté, Egalité, Fraternité, en est la rigoureuse affirmation.
Lorsqu’un individu est piégé à l’intérieur de la société et que ses valeurs s’arrêtent aux remparts fortifiés de celle-ci, tournent en rond comme s’il n’y avait qu’elles et que lui-même soit son propre créateur, sans qu’aucun absolu - c’est-à-dire la nature - ne leur donne leur vrai sens, il peut, certes, faire ce qu’il veut jusqu'à un certain point avec un sentiment de liberté s’il est en haut de l’échelle sociale, mais l’égalité et la fraternité sont perdues et cet homme-là s'avère mauvais.
En société un arbitraire de circonstances crée les inégalités illusoires, et, dans le système qui s’édifie, le rejet, la mise à l’écart des moins valorisés, ne manque jamais de se produire.
Il faut, pour s’épargner cette déchéance générale, se souvenir constamment de ce qui est vrai : l’égalité et la fraternité originelles qui nous composent en premier lieu.
C’est le point de vue du Christ, entre autres.
Lundi 31 décembre 2018
Chaque animal qui demande compréhension et amour est une offre de rédemption (réelle ou imaginaire, peu importe). Vous la refusez parce que vous êtes innocent ou trop coupable pour y croire ?
Jeudi 27 décembre 2018
Les animaux nous voient comme les Fils de Dieu que nous sommes et ils ont de la révérence pour nous. Si nous faisons preuve d’amour à leur égard leur gratitude est incommensurable.
Considérer leur amour en réponse au mien chez mes chats est un de mes grands bonheurs. C’est contempler à loisir une absolue merveille.
Jeudi 20 décembre 2018
Humeur
Ce qui est étonnant avec l’homme, c’est que, quoiqu’il perde la plupart de ses qualités natives en grandissant, en vieillissant, à cause de l’éducation, des influences extérieures, des difficultés que lui présentent ses congénères, de sorte qu’il devient en général un imbécile conformiste aggravé, il n’en continue pas moins à vouloir tenir le haut du pavé, parler fort, décider pour sa progéniture comme s’il savait tout alors qu’il ne sait rien.
Le plus surprenant, à notre époque, c’est qu’il prétend aussi réfuter le mystère qui l’entoure, comme le sien propre, tout en croyant légitime de cracher sur Dieu (convaincu d’être précédé dans ce mouvement par tous ses semblables -seul il n’oserait pas) sans s’avouer que la mort lui fait si peur qu’il l’a fait disparaître de l’espace public mais la promeut généreusement sans s'en rendre compte dans tous ses projets.
Lundi 17 décembre 2018
Dieu nous accompagne tous, et nous sommes tous ensemble -tous, c’est-à-dire tout ce qui vit, du plus complexe organisme au plus rudimentaire et au plus minuscule, parcourus par la même vie d’égale valeur.
Nous sommes libres, de Dieu à nous, les hommes, et d’un homme qui connaît aux créatures qu’il bénit, une partie du monde en noir et blanc qui prend des couleurs.
( Le salut du monde )
Personne ne sait ce qu’est l’argent (et pour cause, puisque ce n’est rien). On y souscrit parce qu’on croit que les autres savent, qu’ils comprennent cette convention, pourtant aussi diverse qu’il y a de ses usagers crédules pour la percevoir.
Il suffirait que tous le réalisent en même temps pour que s’évanouisse cette illusion et que la vérité se fasse jour : chaque chose est unique, il n’y a rien d’échangeable !
Seul notre esprit avec la volonté de conciliation est le commun dénominateur.
L’amour préside à tout.
Samedi 8 décembre 2018
Reconnaître absolument la nécessité du salut
Il aurait fallu seulement ne pas naître
Comprendre par là même l’impossibilité de se sauver entièrement soi-même
C’est tout ce que je peux faire
Mercredi 21 novembre 2018
A gifted man is more likely to fall than to succeed, because every step of succeeding is an occasion to fall. Will he ever learn not to care ?
Jeudi 15 novembre 2018
La mère était Dieu.
« Je te trouve lugubre... »
Etablir dans l’enfance un lien de causalité entre deux événements qui n’ont rien à voir ensemble, c’est ce qui peut nous condamner à répéter ensuite sans cesse la même erreur. J’ai l’impression de venir tout sanglant vers Toi.
Vendredi 9 novembre 2018
Je viens de découvrir sur Internet, certainement pas par hasard - démarche trop commandée, trop étrange - mais inopinément, que JMD était morte depuis octobre 2016, ce que rien n’aurait pu me faire supposer. Elle était pour moi quelqu’un d’invincible, je m’en rends compte à présent, presque d’invulnérable, et elle ne pouvait pas disparaître. C’est un choc, que je n'imaginais pas pouvoir un jour subir.
Le monde perd pour moi une de ses dimensions.
Dimanche 28 octobre 2018
Il m’est arrivé des centaines, voire des milliers de fois, de caresser mes chats, pénétré de la valeur et de l’utilité de mon geste, et pourtant en quelque sorte « faute de mieux », parce que je brûlais en même temps - une brûlure intense, constante - d’accomplir quelque chose d’important ailleurs, au-dehors, et visiblement, afin de mériter l’estime de mes pairs...
Aujourd’hui, pour la première fois, je réalise qu’il n’y a pas mieux, pas plus important et justifié, pas plus béni; je n’ai besoin de rien !
La lente implosion de ce système ou son « effondrement », et qu’on redoute sous sa forme physique des désastres environnementaux, s’est déclarée il y a longtemps dans le domaine des idées, de la morale, des valeurs diverses, j’oserai nommer la fin de la religion¹, et l’on voit à présent la collusion avec le concret, évidemment prévisible, qui se produit de manière on ne peut plus logique. Quand on appelle « art » les jeux vidéo comme je l’ai entendu dire avec sérieux aujourd’hui - ce n’est qu’un tout petit exemple - il y a du souci à se faire². C’est toute notre culture industrio-capitaliste dont il faudrait se débarrasser, et les signes apparaissant d’un salutaire réveil ne peuvent paraître étranges que si on ignore d’où procède leur légitimité. Les antispécistes, par exemple, ne font rien d’autre que de s’opposer à Descartes qui voulait voir les animaux comme des machines sans âme, une théorie commode pour s’attaquer sans complexe à la Nature et faire le mal dont nous voyons actuellement les effets. Un Mal qui dure depuis plusieurs siècles et dont on peut craindre que le temps nécessaire pour le guérir nous manque.
¹ Mais avait-elle seulement jamais commencé ?
² Je n’ai rien contre les jeux vidéo, vraiment, mais l’art, c’est autre chose.
Vendredi 19 octobre 2018
L’intelligence est une exigence, elle peut même devenir tyrannique. Mais la société, d’abord sous la forme des parents, des proches, l’est tout autant, avec tant de visages trompeurs se multipliant sans cesse qu’elle peut même sembler plus forte. Si l’individu succombe à la première avant de succomber à la seconde, et se retrouve avoir affaire à elle directement, effectuant seul les recherches qu’elle lui impose, il y a une chance de réussite personnelle. Sinon c’est l’échec ou un combat sans fin entre les deux instances qui se disputent la prééminence.
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L’intelligence consiste à espérer connaître la Vérité.
Lundi 15 octobre 2018
Comme si j’étais encerclé, je me sens attaqué de tous côtés par la nécessité du « lâcher-prise ». Je peux de moins en moins rattacher l’idée de ce que je fais à celle de ce que je suis ; le lien, s’il y en a un, ce qui paraît de plus en plus douteux, n’est en aucun cas logique.
Pourtant ce qui doit être fait l’est, et sans le moindre effort, à charge pour moi d’attendre et de contempler ce qui se passe. Tranquille, sans passion, sans hâte. Un détachement qui n’est nullement de l’indifférence, une quelconque distanciation, et qui, je fais l’hypothèse, pourrait être simplement l’absence de peur. Non pas la peur connue, reconnue, comme telle, mais la peur plus profonde, structurelle, non identifiée, que nous prenons pour un aspect normal de nous-mêmes et du monde.
Dimanche 7 octobre 2018
Je ne pourrai jamais expliquer les choses avantageuses d’un point de vue spirituel que j’ai comprises à partir de mon expérience beaucoup trop scabreuse pour être racontée ou même seulement évoquée.
Quoi qu’il en soit, au retour de cette promenade difficile - je respire mal, j’ai les bronches encombrées - je conçois tout-à-coup avec soulagement devant le miroir du lavabo n'être que le rien de tout le monde, le même faux-semblant interchangeable, équivalent, et comprenant aussi que le joyau du pur esprit se retrouve identique en chacun, je me sens débarrassé d’un poids contraignant.
Peu après, il me semble me souvenir que je me sentais léger comme ça quand j’étais enfant.
Jeudi 4 octobre 2018
Si l’on se réfère à la typologie psychologique de Jung qui distingue quatre aspects de la pysché : pensée, intuition, sentiment, sensation, et qu’en même temps on envisage le choix de Descartes de privilégier la pensée comme garantie existentielle et argument unique de sa « méthode », on ne peut que déplorer l’immense gâchis accompli par cette théorie dans notre culture en niant les autres aptitudes humaines, et beaucoup plus encore quand on sait que l’accomplissement complet de l’être humain consiste à retrouver l’harmonie de toutes ces fonctions à parts égales, ce que Jung nomme l’ « individuation », en somme la perte de l’ego, en un mot incompris aujourd’hui : le salut !
Dimanche 30 septembre 2018
L’âge procure une grande liberté.
Si, à 2 ans, j’ai commencé à douter de ma santé mentale en constatant que mon entourage - les adultes - ne partageait pas du tout mes opinions, en particulier mon sens et mon besoin vital d'équité, aujourd’hui, à soixante-quinze ans peu ou prou, l’idée de devenir fou, ou de l’être un peu depuis longtemps tout en ayant lutté contre de toutes mes forces, ne m’effraie plus du tout. Je peux même avouer qu’elle m’amuse. Je sais qu’elle signifie seulement que je peux espérer être enfin pleinement moi-même et fonctionner ainsi que je le dois pour mon plus grand bonheur.
Dimanche 23 septembre 2018
Certains êtres sont écrasés sur la Terre. Ils ne voient pas l’abîme vertigineux qui les surplombe. C'était le cas de ma mère.
Quant à ceux qui ne sont « que » défaits, comme moi, épars, ils peuvent connaître le bonheur invraisemblable de se reconstituer et de s’expliquer à eux-mêmes ce qu’ils sont.
Alors ensuite, évidemment, se retrouver là-haut...
Vendredi 21 septembre 2018
C’est lorsque je me suis cru misérable que j’ai découvert qu'en réalité je l’avais été avant, et que je ne l’étais plus.
Dimanche 16 septembre 2018
Si tout tient ensemble, c’est qu’il y a la Vérité
S’il y avait plusieurs vérités, ce qui dépend de l’une s’opposerait à ce qui dépend d’une autre et finirait par l’évincer, le faire disparaître
Dites quelque chose de juste, comme ce qui précède, et vous récolterez probablement un « bof » de vos auditeurs
La vérité sur la Vérité n’est pas un exploit, une performance intellectuelle ; au contraire elle nécessite une acceptation candide de l’évidence
C’est d’ailleurs ce qu’expliquait Einstein de sa « méthode », de l’esprit de sa recherche, qui avait consisté à s’en tenir aux apparences du monde, et non pas à l’idée qu’il aurait pu s’en faire, pour tenter de l’expliquer. Il disait : « Qu’est-ce qui semble le plus important à un enfant, le soleil ou la lune ? La lune, évidemment, puisqu’elle éclaire la nuit. Je m’en suis tenu à cela. »
Mardi 28 août 2018
Tout grand artiste se double d’un philosophe, car c’est la vérité qui donne sa valeur à l’œuvre. Il faut donc avoir quelque chose de juste à dire, ce qui peut s’accomplir au début par l’intuition mais ne peut se poursuivre ensuite durablement que par une réflexion consciente. La fantaisie, le caprice, pas plus que la vanité, le « jeu », ne sont suffisants, d’autant plus que la cohérence est indispensable.
Considérons les artistes pour ce qu’ils sont : des personnalités éminentes, qu’il faut prendre au sérieux, de l’humanité.
Samedi 25 août 2018
On a du mal à se connaître ( Connais-toi toi-même )
On a du mal à se croire croyant ( c'est plus sportif de se dire athée ! )
Cependant j’ai toujours considéré que ce monde devait être beau en tout ( pardonné ? )
J’ai toujours cru en la colombe, en l’Esprit Saint
J’ai toujours attendu la Collision/Collusion !
Mercredi 22 août 2018
Dans cette ville, je me sens méprisé et aboli.
La bonne opinion que j’ai de l’être humain-moi est niée par le comportement des autres, lesquels semblent incapables de simplement l’imaginer, encore moins de la concevoir pour eux-mêmes.
Ils ont été assassinés, ils sont morts. Demeure un corps qui semble toujours en vie, ils l'ont conduit ailleurs en guise d’espoir.
Ils sont frustres, je les trouve grossiers. Ils sont inconscients, ils me dérangent.
Pour eux, respecter autrui consiste à ne pas le regarder dans les yeux, à feindre en quelque sorte de l’ignorer - et je le ressens ainsi, alors que je recherche une connivence, des sourires, de la courtoisie.
Mais toute la misère du monde n’est pas courtoise, et moi, dont la pauvreté n’est que matérielle (sinon je ne serais pas là), je suis l’étranger chez moi, riche d’une culture hégémonique et sourde.
Dimanche 19 août 2018
L’amour ne peut pas disparaître. Mais il peut se recroqueviller, se cacher, changer d’aspect, de place, en laissant un vide, et se faire de la sorte oublier comme s’il avait disparu.
J’ai retrouvé ce matin celui que j’avais pour ma mère en me rappelant un quartier de Paris, celui de Marx Dormoy, où elle venait parfois de la porte d’Aubervilliers afin de voir des boutiques et des gens, c’est-à-dire des formes, des couleurs, et entendre des sons, plus riches et plus intéressants, et retrouver un plaisir qui lui manquait dans le triste décor où elle séjournait habituellement.
Par quel étrange phénomène ai-je ainsi rattaché son souvenir à un coin de Paris que je connais à peine, que je n’aime pas, mais dont j’avais deviné le rôle et l’importance pour elle, alors que je ne la voyais que rarement, vivant ailleurs depuis longtemps ?
Mon sentiment avait disparu à cause des nombreux différends qui s’étaient accumulés depuis mon enfance et de la séparation, et se trouvait là, presque mort, larvé, jusqu’à ce que, par ces quelques images de rues, il ressuscite et soit reconnu.
Et que j’éprouve cette impression presque physique de tenir dans mes bras un être que j’aime, le connaissant pour ainsi dire comme moi-même.
Rien de ce que nous sommes ne peut nous demeurer inconnu si nous nous libérons chaque jour comme l’exige notre vocation. Le dédale à parcourir est immense et paraît inextricable mais la route est tracée pour rejoindre notre but.
Vendredi 3 août 2018
Je viens de comprendre que je souffrais de n’avoir aucun pouvoir. Non pas que j’aie jamais rêvé de commander les autres ou quiconque, non, c’est seulement qu’au spectacle de leurs turpitudes et de leurs faiblesses je voulais qu’ils se corrigent et s’améliorent.
Ils ne se respectent pas les uns les autres, et donc ne se respectent pas eux-mêmes, et ils ne s’en rendent pas compte.
« Mon coeur que tout irrite... »
Donne-moi de tes nouvelles et dis-moi qui tu es, cela m’aidera peut-être à savoir qui je suis moi-même.
-« La Terre effectue une rotation sur elle-même en 24 h.
Cela signifie que, chaque matin, à la même heure, on se retrouve comme neuf en quelque sorte au même endroit.
Un peu comme si l’on avait écrit quelque chose sur l’ardoise puis qu’on l’ait ensuite effacé.
C’est une sensation assez agréable surtout quand le matin est un beau matin d’été ensoleillé avec un magnifique ciel bleu comme aujourd’hui, comme ceux d’hier et d’avant-hier - faisons semblant d’oublier que le réchauffement climatique en est l’artisan...
Oui, mais en même temps, la Terre tourne autour du soleil et avance sur son orbite durant ces 24 h.
Donc ce n’est pas le même endroit où je me trouve aujourd’hui, il faudra que j’attende un peu pour que ce soit vrai.
Attendre un an pour revenir au point de départ.
Ça donne le tournis.
Où allons-nous ? Nulle part. »
-« Où voulez-vous en venir, cher ami ? »
-« Et bien justement, nulle part ! Tout est à refaire chaque jour, et si cela est vrai, il s’agit clairement d’une erreur. »
Dimanche 22 juillet 2018
Je plains tous ceux - nombreux - qui ignorent qu’il y a un Ordre et une Destination, un Sens.
On peut imaginer, à lire ces mots avec leur majuscule, qu’il y a derrière « de la religion » et, en ce qui me concerne, ce n’est pas faux, mais si cela vous choque, si vous êtes allergique, demandez-vous simplement si le fait d’être en train de détruire irrémédiablement la biosphère, de créer des zones mortes dans les océans, d’augmenter les températures à la surface du globe au point de provoquer un changement climatique catastrophique, a consisté jusqu’à présent à aller « dans le bon sens », à respecter l’ordre naturel quel qu’il soit et aussi divers qu’il ait pu jusque-là paraître, et à se diriger vers le but idéal auquel aspire l’humanité ?
Savoir qu’il y a un Ordre, une Destination, un Sens, est évidemment une attitude spirituelle, une vocation religieuse au bon sens du terme, que l’ensemble de l’humanité et surtout l’Occident, n’a pas beaucoup retenue, pas plus au Moyen-Age, lorsque l’église catholique l’avait privatisée dans son unique intérêt, qu’aujourd’hui.
On pourrait la caractériser symboliquement par le choix qu’il faut faire entre Abel et Caïn, un choix possible, quoique Caïn paraisse avoir à jamais triomphé.
Préférer la douceur, le silence, l’inaction, la paix, tout ce qu’on nous éduque à mépriser. Préférer l’amour à la peur, et la foi au doute.
Vendredi 20 juillet 2018
Je n’aurai jamais la reconnaissance escomptée ( je fais donc allusion, coupable, à tous les efforts, et ils furent nombreux, intenses, constants, que j’ai pu faire pour être mieux...). Elle reposait sur une erreur d’appréciation de ce qu’est le monde, de ce que je suis, et de comment nous interagissons ensemble !
Il n’y a rien d’autre à faire que cette drôle de chose : lâcher.
Fumées. Fumée.
Il n’y a rien !
Plus je m’En rapproche, plus ma crainte de m’En éloigner grandit.
Jeudi 19 juillet 2018
L’innocence des animaux, à laquelle nous nous heurtons systématiquement sans la comprendre, nous porte ombrage et nous indispose, c’est pourquoi nous préférons qu’ils disparaissent, à l’exception bien-sûr de ceux qui nous servent de nourriture et de nos indispensables souffre-douleurs « de compagnie ».
Dimanche 8 juillet 2018
La vie ne vaut la peine d’être vécue que si l’on accepte de ne pas vouloir la régenter.
Or, la régenter passe à certains égards pour une forme de responsabilité. Certains, dont j’ai été durant une fraction récente de ma vie, commettent cette erreur.
Mais la vie n’appartient qu’à Dieu, et seulement à nous-mêmes quand nous consentons à nous identifier à Lui pour Sa volonté : « Je comprends que Tu décides de moi comme de tout ». Ce n’est pas du fatalisme. Ce n’est pas de la résignation. Il s’agit d’un accord sensible, d’une acceptation qui agit en quelque sorte comme si elle annihilait les obstacles. « Tout baigne », tout s’accomplit comme il se doit. D’ailleurs, tout le monde l’a déjà éprouvé plus ou moins, sans se référer forcément à Dieu.
Tout plan de carrière, évidemment, est exclu.
Il y a un très beau poème tibétain que récite Isabelle Adjani dans « Lung Ta Les Cavaliers du Vent », film documentaire sur le Tibet, qui décrit parfaitement cet état de choses : « Quand il y a des obstacles, ce n’est pas la vie ».
Dimanche 1 juillet 2018
Je suis en train de me demander ce que j’ai bien pu espérer obtenir jadis en m’entêtant à consulter malgré tous les signaux que m’envoyait ma psy pour que je cesse de venir la voir.
Oui, quoi en vérité ?
Une femme plus belle et plus intelligente, une vie plus facile, des amis meilleurs ? Ce n’était guère possible, j’avais à peu près tout ce qu’on peut désirer.
Mais je ne me posais pas du tout la question. Aujourd’hui il me semble que c’était plutôt le passé que j’espérais « racheter », avec l’idée ingénue que c’était le meilleur moyen de préparer l’avenir, un avenir qui, sans cela, n’eût pas manqué d’être aussi mauvais que ce dont il avait été précédé. Le présent, surtout s’il était bon, ne pouvait pas exister, il était à mes yeux ce qu’il y avait de plus improbable, de plus douteux.
Samedi 23 juin 2018
Le doute cartésien est tout simplement le symptôme de la perte de la foi, car lorsque l’on ne s’est pas créé et qu’on devine être plus qu’un corps, la croyance en un Ordre créateur - en d’autres termes Dieu - est naturelle.
Si l’on veut réfuter cette donnée ontologique de base il faut logiquement douter d’exister.
Ensuite, le « je pense donc je suis » n’est que la validation de l’angoisse qui en résulte tout en s’épargnant la pénible recherche de la vérité.
Reconnaître et saluer, rendre justice à la vertu des animaux est inappréciable. C’est la meilleure inspiration de piété qui se puisse trouver dans l'actuel désordre du monde.
Mardi 19 juin 2018
J’aimerais être Boulevard Haussmann
Avec un cigare, ou une pipe
Une canne, un melon ou un chapeau mou
Matez l’arpète avec ses grolles à bout pointu
L’ hispano-mauresque avait siphonné le réservoir de la Bentley, biberonné la tuyauterie, chatouillé le col de cygne, elle fut élu « homme de l’année »
Je me suis souvenu de mon école de la rue Manin comme d’un grand corps en carton dont je m’affublais - tête bras corps et jambes
Amoureux de sa belle concierge rose et obèse au visage de poupée
Quoique homosexuel occasionnel on ne doit pas casser sa pipe en plein milieu il faut la terminer
Et c’est ce que j’avais fait...
J’ai éprouvé une sensation totalement nouvelle (ce n’est pas tellement courant, ça, m’sieurs-dames) et extrêmement agréable aujourd’hui.
J’étais sorti sur la terrasse et je m’étais installé dans le fauteuil en plastique vert, et, au bout d’un moment, j’ai fermé les yeux.
Alors, comme s’il s’agissait d’un immense vêtement en maille jersey extensible j’ai eu l’impression d’« essayer » l’univers, avec et dans le noir espace brillant de l’infini.
Seyant, prodigieux, et en paix.
Je comprends que je n’ai pas l’obligation d’être « important » - ce que l’affection et les compliments de mes proches jadis m’avaient conduit à escompter - et que je n’ai pas à me reprocher et à souffrir de ne pas avoir réussi à l’être, ou de l’être comme tout le monde dans tous les cas de figure sans le moindre effort.
La vie du monde
Mardi 12 juin 2018
C’est elle... l’amie de l’écrivain.
Elle ne contrarie pas son travail, ni ne l’exalte. Par elle ses heures et leur tempo s’inscrivent dans le temps ordinaire, le temps « normal », comme s’il en faisait partie.
Elle permet son existence apparente et crédible et non le simulacre habituel comme lorsqu’il est seul et se figure être abandonné.
Il ne peut pas y avoir d’écrivain heureux sans cette improbable amie près de lui, qui ne juge rien, qui lui fournit l’être qu’il n’a pas.
Un écrivain est une voix qui cherche des mots sans cesse et il n’est que cette recherche. Ce qu’il dit n’importe pour lui que si cela s’avère être une véritable naissance : la phrase, le texte, exigés. Le travail, celui de la femme enceinte, est sa fonction, la mise bas obligatoire. Toujours en avant.
L’amie de l’écrivain est la droiture, et la représente quand elle existe charnellement, elle lui est donnée comme une garantie pour lui-même.
Dimanche 3 juin 2018
Les parents qui veulent aimer leurs enfants comme il faut doivent comprendre que ceux-ci ne leur appartiennent pas. Ils s’appartiennent à eux-mêmes, peut-on dire avec une redondance justifiée.
Avec l’Amour qui préside indubitablement à la Vie et à nos destinées, même si tout le monde ne s’en rend pas compte, il n’y a aucun risque à laisser un enfant être lui-même, l’idée de poignarder ses parents dans la cuisine ou de s’enfuir de la maison après y avoir mis le feu tandis qu’ils en écrasent lourdement après une nuit de réveillon, ne l’effleurera même pas, alors qu’au contraire en le chargeant de devoirs, en l’étranglant savamment de conseils inutiles, en le surveillant à chaque instant, en le pourchassant pour un bien hypothétique, cela est malheureusement possible.
Mais le plus probable, grâce à Dieu, est qu’il perde durant son évolution la liberté qui lui aurait permis de prendre sa revanche et devienne, soit un misérable hypocrite envieux à peu près inoffensif, soit un pervers opportuniste qui se rabattra sur d’autres victimes, d’abord les chats du voisinage qu’il fera souffrir longuement avant de les dépecer toujours vivants, puis un soir d’hiver dans une ruelle obscure son premier être humain, un ou une inconnue sans méfiance et de faible constitution.
L’expérience le prouve, la plupart des parents, qu’ils soient bons ou mauvais, ne risque rien.
Ce n’est pas une raison pour s’en foutre.
Le Go et Dillot, guide de voyage.
Le diamant ne se voit pas briller.
C’était dans un cadre militaire. L'armée : l’ordre, la force, l’organisation, le nombre.
Tout ce qui avait été divisé, fragmenté, réduit en morceaux différents, en poudre, en purée auparavant, se recomposait, se reformait, passait à nouveau dans le moule pour se refondre à l’identique et cela réussissait, sauf que la pièce était devenue un peu plus grande, ou un peu plus petite, peu importe, en tout cas n’était pas conforme à l’original quoique semblable.
C’est l’histoire de ma vie.
L’échec à rétablir l’excellence perdue et sans cesse recherchée, malgré toute la bonne volonté, l’étude, l’analyse, le besoin et la souffrance.
L’ego ne se réforme pas. L'ego ne cherche pas Dieu. L’ego ne devient pas le Soi.
L’ego n’aime personne.
Il voulait écrire, il a tout juste réussi à aigrir (ce n’est pas de moi qu’il s’agit). Un peu, sans doute, comme un des plus grands, J.D. Salinger, l’auteur de « Catcher in the Rye », 60 millions d’exemplaires vendus, ce qui semble prouver encore une fois qu’il ne suffit pas de « réussir » pour s’accomplir et être heureux.
Quand donc cessera-t-on de juger d’une vie par les critères de la société ?
Samedi 2 juin 2018
Bien que je parvienne aujourd’hui à ressentir à nouveau l’insouciance magnifique et injustifiée de ma jeunesse - mais avec la batterie de solutions dont je ne disposais pas à l’époque - je n’ai aucune raison d’être fier de ma vie.
Elle n’a été déterminée que par le besoin que j’avais de me prouver qui j’étais et d’éprouver autant que possible ma liberté - le résultat effectif n’étant que de constater l'absence de celle-ci.
Je me suis servi des gens, pourrait-on dire, quoique sans le savoir, parce que je n’avais pas le choix.
Il fallait en quelque sorte avancer.
Heureusement j’arrive à me rendre compte que « les gens » ne procédaient pas autrement avec moi, et j’imagine qu’eux et moi sommes quittes.
Les malheurs - sans doute infinitésimaux à présent mais qui me paraissent se nommer ainsi - continuent à s’abattre sur moi.
(C’est cette phrase que j’avais besoin d’écrire, et qui correspond à l’image que j’ai en tête d’une gravure ou d’un tableau ancien représentant une pluie de météorites s’abattant dans une campagne sur des personnages qui tentent de s’échapper. En gros plan on voit le visage d’un homme pris de panique. Derrière lui le rideau oblique du bombardement frappe êtres et choses sans rien épargner.)
Et il en sera toujours probablement ainsi tant que je n’aurai pas atteint l’illumination.
Jeudi 17 mai 2018
Qui que tu crois être de mal, quoi que tu crois avoir fait de pire, je t’aime.
Se sentir grandi en percevant l’ omnipotence de Dieu : Sa volonté est la mienne !
La Poésie se tiendra dorénavant en bas à l’entrée près du portique de détection des métaux et Elle ne laissera rien passer que de dûment vérifié...
Elle s’est d’ailleurs toujours tenue là avec son uniforme de sécurité, son petit calot, en train de se faire les ongles discrètement en attendant, tournée vers le coin, et vous n’avez jamais fait attention à Elle. Vous entriez pour vos affaires, grossier, bruyant, imbu de votre importance. Regardez-vous aujourd’hui, vieillissant, perclus, beaucoup moins fier, tandis qu’Elle n’a pas changée. A bien regarder on pourrait s'imaginer que c’est votre jeunesse...
Mardi 15 mai 2018
Le Dieu omniscient que je considérais être ma mère n’intervenait jamais pour me défendre.
Elle savait tout, le bien et le mal comme moi, mais aussi toutes les lois du monde, les causes invisibles, les effets inexplicables, et, croyais-je passionnément, mon coeur, mais, quoi qu'il pouvait m'arriver de mauvais et d'incompréhensible, n’intervenait pas.
Cela pouvait-il ne pas signifier que j’eusse toujours tort ?
Quand le devoir -celui, imaginaire, d’avoir à être meilleur- devient peu à peu avec le temps à partir de l’enfance une vieille femme qui ne vous quitte plus, accrochée à votre bras et marchant lentement avec une canne, à qui tous vos actes sont dédiés, ainsi que beaucoup de vos pensées, sa disparition, même préparée, progressive, mais n’ayant pas permis de l’identifier absolument, laisse un vide.
Tout va aller mieux mais ce ne sera plus pareil, et la satisfaction escomptée de lui faire plaisir n’aura pas lieu.
Lundi 14 mai 2018
Ma volonté n’est pas ma liberté, tant que ma volonté n’est pas celle de Dieu.
Dimanche 13 mai 2018
J’ai toujours voulu échapper comme un coureur à ce que j’étais - la définition biologique - pour rejoindre ce que je savais devoir être, ce que je suis, mais, quoique forcé depuis mon enfance par tant d’événements douloureux, de drames épouvantables, de malheur quotidien, ce n’est pas le bon chemin. La transcendance n’est pas une route horizontale.
Samedi 12 mai 2018
Pensée légitime :
S’ils savaient ce qu’ils font ils mériteraient qu’on les tue, et d’ailleurs ils s’ y acharnent eux-mêmes !
Jeudi 10 mai 2018
La difficulté pour quelqu’un ayant effectué une psychanalyse assez poussée est de vivre ensuite dans le monde « normal ». (Mal)heureusement il y a un assez grand nombre de personnes dans ce cas.
Ce sont des gens qui ont appris à leurs dépens, puis qui ont dû intégrer cette compréhension, que les événements de l’existence, l’éducation qu’on reçoit, les expériences que l’on fait, sont structurés pour nous par rapport au bien et au mal selon lesquels nous les percevons. Lorsque l’on se méprend sur ces valeurs, parce qu’elles sont faussées pour une raison ou une autre, ou qu’on les nie carrément parfois pour s’aveugler, il y a des conséquences. Et ainsi nous créons nos « traumatismes » sur cette base.
Le retour à la santé se fait par une sorte de récupération progressive, qui, si l’on comprend parfaitement la finalité du processus devrait conduire à l’illumination définitive. Car si tout est produit de l’esprit, la réalité considérée ordinairement comme telle n’est qu’une illusion.
En attendant on se met à vivre avec un regard critique, voire suspicieux, que ne partagent pas ceux qui ne sont pas passés par là, sinon, exceptionnellement, mais je n’en ai jamais rencontré encore, les autodidactes géniaux qui, eux aussi, cherchent leur salut.
Non, la vie n’est pas un chaos, ni même l’absurde que signalaient, dans ma jeunesse, les philosophes à la mode.
Elle peut effectivement y ressembler, mais c’est notre vocation d’en chercher l’issue, et d’écouter en nous la voix qui nous accompagne pour nous y aider.
Mardi 8 mai 2018
La vérité en tant que produit d’une réflexion, concept, phénomène de compréhension sur un sujet particulier, est naturellement de type « quantique », difficile à prouver, ce qui sert d’excuse à ceux qui entendent profiter de son « absence », de sa « faiblesse », de sa « pluralité », pour prendre une place et une valeur dans le monde qu’on ne leur octroierait pas si elle était écoutée... C'est ainsi.
Mais nous, nous parlons de la Vérité en tant qu’Être, immuable, intemporelle, unique et souveraine.
Celle-là, si vous la réfutez, c’est votre propre existence qui disparaît, et qu’est-ce alors qu’une illusion comme vous, une ombre, un fantôme, une esquisse, un ersatz, un faux-semblant, pourrait dans ce cas prétendre décider au sujet de la vérité ordinaire, qui ait le moindre sens ?
Samedi 5 mai 2018
Nous sommes les janissaires d’un monde en lutte contre Dieu, corps étrange de parfaits serviteurs arrachés enfants à leur origine et rendus esclaves d’un maître contre lequel ils n'auraient que des raisons de se rebeller.
Vendredi 4 mai 2018
Mon client a extrait ses yeux de leurs orbites - deux jolies petites boules blanches bien propres, et s’est mis à jongler avec eux, longtemps, longtemps... - avant de réaliser que ce qu’il croyait avoir vu de tragique à ce moment-là n’existait pas, et il les a donc ensuite simplement remis en place.
Son rôle, si devoir il y avait eu à le remplir, n’était donc pas du tout celui qu’il pensait, et la trahison / désertion qu’il s’était toujours reprochée n’avait tout simplement pas existé. L’enclume qu’il voulait défendre était potentiellement le marteau et le marteau potentiellement l’enclume entre lesquels il s’était cru pris et obligé de choisir, ce qui changeait tout. D’ailleurs, à la fin, lorsque cela était devenu manifeste et démontré, bien qu’il eût tout oublié du commencement, il s’était senti particulièrement hésitant, ne sachant s’il devait s’en réjouir ou le déplorer.
Il se demandait s'il pouvait voir là la confirmation, à un niveau peut-être encore trop simple, trop matériel, que rien de réel ne peut être menacé et rien d’irréel n’existe¹, cet irréel ayant constitué sa vie, celle-ci n’étant rien d’autre qu’un rêve ?
1 "Un Cours En Miracles"
Mercredi 25 avril 2018
[Le monde est trop tourmenté aujourd’hui pour faire mieux que de la] Philosoésie [quand on pouvait jadis, dans la sérénité, écrire de la poésie pure. Justifié ou pas, en tout cas, c’est ce que je me plais à l'instant à croire que je fais.]
Mardi 24 avril 2018
J’ai fait un rêve d’« honorabilité ». J’étais adapté à la vilenie et à la médiocrité ambiantes mais la fréquentation de ma psy, ce qu’elle offrait d’intelligence et d’élégance morale, non seulement me captiva, mais me fit croire à la possibilité d’un monde civilisé.
J’ai fait personnellement tout ce qu’il fallait pour coïncider avec cet idéal en imaginant - voilà l’erreur - que mes progrès seraient contagieux et que le monde autour de moi s’améliorerait en même temps.
Quelles souffrances lorsque cela ne se vérifiait pas ! Car, aussi déraisonnable que cela fût, je croyais que la faute m’en incombait.
Coincé récemment dans l’ultime recoin habitable de cette pénible logique et sur le point d’être écrasé par ma théorie, j’ai fini par accepter que jamais, même durant la période de ma rechute qui fut d’ailleurs celle où le « complexe » que je viens d’évoquer cristallisa, Balda n’avait cessé de me considérer et de me traiter comme un égal, l’homme « providentiel » qu’elle m’avait déclaré que j’étais dans sa propre vie, et qui répondait entièrement à ses espoirs en matière d’humanité, elle dont la lucidité et les exigences à cet égard étaient terrifiantes.
Lundi 23 avril 2018
Parents, ne dîtes pas à votre enfant, comme le faisait ma mère avec moi, « sois gentil » lorsque vous voulez signifier « sois obéissant ».
Vous instillez en lui un doute pernicieux en corrompant le sens des mots, et vous abusez de son innocence.
C’est un chantage à l’affection qui le détruit en profondeur en le culpabilisant et en lui faisant perdre de vue la vérité.
C’est l’expression perfide de la tyrannie.
Dimanche 22 avril 2018
La paix que je ressens avec mes chats, avec ces animaux « qui sont dans la main de Dieu¹ » et dont la paix sacrée, pour peu qu’on y prête attention, est contagieuse, s’arrête malheureusement au noyau restreint que nous formons eux et moi sur mon canapé, îlot minuscule dans l’océan de perdition que constituent, avec la capitale à laquelle elle est accolée, la ville de banlieue que j’habite... J’aimerais - cette paix - qu’elle s’étende en cercles concentriques au monde entier, mais passé la fenêtre, déjà, il n’y a que « bruit et fureur », tant de bruit et de fureur que je m’imagine parfois que mes semblables y prennent un malin plaisir.
Je sais cependant que c’est faux. Tout le monde, ou presque, rêve de silence et de tranquillité. Mais la paix intérieure, spirituelle, qui devrait les procurer fait défaut, et c’est cet ordre logique manquant qu’il faut retrouver.
1 Yvonne Thurel-Baldacci
Mercredi 18 avril 2018
Si j’ai arrêté de boire, après avoir ralenti de plus en plus en raison de l'ennui causé par l'habitude (cela « ne me conduisait nulle part », je l'ai dit ailleurs), la dernière de mes impressions fut de déposer un fardeau, d’opter pour la légèreté de l’irresponsabilité, de la désertion, et si j’éprouve à présent l’envie de témoigner c’est en pensant pouvoir en étonner quelques-uns - buveurs que je côtoie - qui ne se doutent certainement pas qu’ils picolent pour avoir l’air comme tout le monde !
C’est ce que je faisais moi-même sans le savoir, pour faire sérieux, pour faire normal, pauvre de moi, car aujourd’hui ma sobriété s’avère bien être une distance avec les autres.
Naturellement je m’en fous. Pour une raison toute simple : j’avais rompu longtemps auparavant avec leurs idées, le consensus social, l'instinct grégaire, la connerie ambiante imposée.
Pourquoi ne l’ai-je pas compris plus tôt ? Quand j’étais jeune je m’en tenais à l’eau pour ne pas ressembler à mon père. Puis il y eut les copains qui me poussèrent et je finis par me conformer à la règle.
Tout le monde picole plus ou moins, n’est-il pas vrai, plus ou moins ouvertement... Dans les vernissages, lieux de mondanités que je fréquente encore un peu, je suis l’exception.
Ne picolant pas, et tout le monde le devine ou l’ignore mais cherche à le savoir, je pense aussi différemment. De là à être accusé de traîtrise il n’y a qu’un pas. A moi d’esquiver...
C’est l’addiction qui masque la vraie nature du problème. Car, lorsqu’on veut arrêter, la dépendance, les difficultés du sevrage, occultent la banalité de la cause. Le besoin physique, les souffrances mentales tiennent le devant de la scène...
Si vous voulez arrêter, cessez seulement de vouloir ressembler aux autres. Retrouvez votre originalité première, ayez le courage d’être vous-même, capable de savoir qui vous voulez être vraiment, qui vous vous sentez. Croyez en vous. On boit, on fume, par manque de maturité. Arrêtez d’avoir peur. Ce n’est pas plus compliqué que cela.
Dommage qu’on ne le dise jamais.
Samedi 14 avril 2018
Toute œuvre d’art digne de ce nom est éclairée d’une lumière zénithale qui vient directement de notre esprit, comme de celui de l’artiste qui l’a créée.
Vendredi 6 avril 2018
J’ai toujours considéré la beauté, surtout dans mon enfance, un peu moins aujourd’hui (la vieillesse me rend indulgent), comme une décence nécessaire, presque obligatoire. Au fils plus âgé que moi d’un ami de mon père, qui avait commencé un jour, mandaté sans doute par l’opinion familiale, à « me faire la morale », je ne sais plus au sujet duquel de mes « mauvais » penchants, j’avais lancé comme une insulte avant de m’échapper - il était effectivement assez laid - : « Tu n’es pas beau ! », ce qui était pour moi la pire des accusations : « Tu dépares la Création, tu contreviens à l’ordre divin ! »
J’espérais ne pas trop déroger moi-même à la règle, mais j’en doutais constamment, et, en y réfléchissant bien, je me convaincs aujourd’hui que cette crainte familière, devenue normale pour moi, d’être laid peut-être, en tous cas « pas beau », était l’expression concrète du grave problème existentiel dont je souffrais.
Lundi 2 avril 2018
Aujourd’hui - j’étais dans mon canapé, à demi-allongé, les yeux fermés, Zsa Zsa appuyée sur mon bras, méditant - lorsque je me suis mis tout-à-coup à rire tout seul (toute prise de conscience est libératoire, et toute libération mérite d’être saluée par le rire). Je venais de me rendre compte, à soixante-quatorze ans, qu’une bonne partie de moi était encore collée à ma mère, qu’elle l’appelait au secours continûment, qu’elle lui manquait comme cela n’avait jamais cessé d’être, et plus encore depuis qu’elle est vraiment disparue, mais non pas ma mère, car j’en ai une bien meilleure vision à présent, mais le dieu de Tout que j’en avais fait dans mon enfance, Dieu qui existe toujours évidemment, j’en suis sûr, et ne peut pas, comme elle, me faire défaut de cette façon.
Sinon, ce ne serait pas Lui, ce ne serait pas Dieu.
Les autres, c’est-à-dire soi...
Tout se passe dans l’intime, pas à l’extérieur.
A l’intérieur se trouve la Vérité.
Parfois l’extérieur paraît La contredire.
Il s’agit souvent de l’opinion des autres qui est différente, mais des autres en tant que tels, des autres réunis, chacun d’eux ayant séparément sa propre idée, qu’il ignore parfois, différente.
Ce sont des enfants fous, en société « ils ne savent pas ce qu’ils font ».
Par exemple, la langue française, qui est mon amie, mon amie intime : je l’aime, elle m’aime, elle et moi sommes en ménage...
Ils vont la célébrer, dans une cérémonie collective - mettons une dictée de masse, organisée, spectaculaire - et ce faisant la dénaturer, la rendre vulgaire, la regarder sans la voir, la méconnaître.
Ils s’en emparent, me la volent, la violent en s’amusant, et cela (même si j’en comprends l’intention et l’accepte -j’ai même songé à participer) me fait peur. Elle, je ne la reconnais plus, je crains de m’être trompé sur son compte : elle leur appartiendrait ?
Non, en vérité, elle ne vit pas pour eux. Si c’était le cas, ils passeraient chacun dans l’intime, ils écriraient comme je le fais, ils quitteraient le troupeau.
On écrit pour les autres, certes, mais pas pour un bataillon, une foule, ceux qui font des dictées dans des stades. On écrit pour un semblable, quelqu’un d’identifiable, un frère ou une soeur, on écrit en fait pour soi. C'est la même chose !
Samedi 31 mars 2018
Tant de gens sont « déconnectés de la réalité » qu’on se prend à imaginer qu’il doit y en avoir plusieurs, chacun probablement ayant la sienne, ni meilleure ni pire que celle de son voisin, et si nombreuses qu’il n’y en a à l’évidence aucune de vraie... toutes sont fausses !
Mardi 27 mars 2018
Le cartésianisme, qui passe à tort pour une espèce de progrès, n’est que le refus du doute qui caractérise l’humain. C’est un refus de l’humanité considérée comme une faiblesse.
Certes le doute existentiel est une pathologie mais la solution n’est pas en aval comme le préconise Descartes, elle est en amont, la gageure consistant à le conserver en l’état sans lui administrer le poison d’une méthode consistant tout simplement à le faire disparaître à n’importe quel prix.
J'ai des doutes sur ma capacité à plaire longtemps dans la vie réelle. Je n'ai pas de vice partageable.
La « bonne nouvelle » apportée par les premiers chrétiens se solde peu à peu par un dépit qui assure le succès de la philosophie de Descartes. Sans ce préalable qui donc se serait accommodé de cette idée insane selon laquelle : « Je pense donc je suis » ? Qui en aurait eu besoin ?
Le cartésianisme est une revanche sur la religion chrétienne et son aboutissement dans la laïcité et l’athéisme est logique.
Entre-temps il y a eu Saint-Simon, la propagande industrielle.
Qu’on entre ou pas dans les détails, on voit aujourd’hui à quoi cette évolution nous a conduit. Admettons qu’un certain bien-être matériel n’aurait pas pu se gagner autrement (ce qui n’est pas certain) et réjouissons-nous de cela. Mais à quel prix ? Une planète qui se meurt rapidement, un système si pesant, si enkysté, qu’on ne pourra probablement pas faire marche-arrière assez vite.
Le seul espoir est la survie d’un petit nombre, qui serait en mesure de tirer la leçon de tout ça.
(Prodigieux, le gaspillage d’énergie, de vies, qu’il aura fallu!)
Lundi 26 mars 2018
La pire chose qui se puisse imaginer est un monde sans Dieu. Croyez-moi j’ai essayé, j’ai regardé l’abomination sans limite du néant.
Un monde avec Dieu n’est pas, comme tant de gens aujourd’hui le croient, un monde qui réclame qu’on s’agenouille. Rappelez-vous les représentations d’hommes en prière de jadis, qui sont debout, fièrement, les bras levés vers le ciel. Parce qu’alors ils savent encore que le ciel peut leur répondre.
Un monde avec Dieu c’est un monde avec le Sens. C’est presque la même chose. Si vous ne voulez pas croire en Dieu, croyez au Sens. Sans le Sens, pas de joie. Peut-être nous échappe-t-il ? Mais Il nous justifie.
Croyez, croyez de toutes vos forces. La croyance est la structure même de l’être. C’est ce que nous faisons de toute façon, sinon en Dieu du moins en nos illusions. Ne croyons-nous pas en la matière solide qui n’est pourtant qu’une onde, une vibration, rien de palpable, simplement la création de nos sens qui ne nous renvoie ainsi qu’à nous-mêmes ?
Cela a-t-il un sens, de vivre ainsi dans l’irréalité comme dans un labyrinthe de miroirs ? De nous heurter à nous-mêmes sans nous reconnaître ? De nous haïr parfois ? De nous combattre ? De nous chercher sans cesse ?
Non sans doute, à moins qu’il y ait quelque part un Dieu qui l’explique et qui nous dise ce que nous sommes vraiment.
Mardi 20 mars 2018
La société, qui est une rivalité de fait, ne doit pas l’être d’intention.
On peut devenir « meilleur » qu’un autre -plus ceci ou cela- à condition de ne vouloir être que meilleur que soi.
Autrement c’est le contraire ! Envier l’autre nous rend systématiquement inférieur.
Mardi 13 mars 2018
A la guerre comme à la paix :
-« Fais gaffe quand même, c’est le président... »
-« Et alors ? Il n’en a que deux, comme tout le monde ! »
-« Bah non, justement, regarde, il n’en a qu’une, le pauvre, et pas bien grosse ! »
-« Tout s’explique ! Bon, colle-lui une rustine comme aux autres, et au suivant. »
Lundi 12 mars 2018
Je n’ai connu durant toute ma vie que deux comédiens : Gérard Philippe et Gérard Desarthe, capables, en esquissant simplement un geste et en prononçant quelques mots, de m’envelopper d’un seul coup d’un rêve faisant surgir un autre univers.
« … que ce qui est faux est faux et que ce qui est vrai n’a jamais changé. »
En sa compagnie [Balda], j’avais droit à une stature de 3 mètres, et à vaguer ça et là avec ma ronde et orageuse épaule de nuée comme un dieu clément.
Samedi 10 mars 2018
La santé mentale c’est comme la pureté de la race, et ce sont ceux qui en ont le moins qui s'en préoccupent le plus.
Mercredi 7 mars 2018
J’ai cru que je pouvais faire disparaître la connerie autour de moi ! Ne me demandez pas où je suis allé chercher une pareille conviction, je n’en sais rien. C’était une idée que j’avais dans mon enfance, et la psychanalyse me l’a restituée. Bref je n’ai pas beaucoup chômé question souffrance ces dernières quarante années.
Je croyais que j’avais un contrat : faire de mon mieux et améliorer les choses. Penses-tu ! c’était imaginaire.
D’une certaine façon, j’ai été passablement con moi-même, sinon dans les modalités du moins dans les intentions. Est-ce cela qui s’est soldé par mon échec social et le purgatoire que je vis ici, dans cette ville pleine de désagréments du 93 ? Probablement.
Je n’ai jamais songé à moi, sauf pour la recherche forcenée d’excellence dans le projet imbécile qui était le mien. Là, c’était une obsession.
L’essentiel c’est que cela soit terminé aujourd’hui.
Toute ma vie j’ai eu peur des gens qui ne croient pas en Dieu, pour la bonne raison qu’ils sont trop sérieux ! (Quelque chose me dit que vous vous demanderez encore à la fin de cet article si je plaisante ou pas.)
Ils ne comprennent pas le jeu, la plaisanterie, et j’oserai dire l’incroyance ! Oui, l’incroyance dans le réel ! (Mais quel réel, toute la question est là.) Pour eux tout est solide, leurs pensées, leurs engagements, leurs projets, et j’ai toujours perçu qu’ils ne pouvaient pas approuver un clown tel que moi. D’ailleurs je ne me considère comme tel que parce qu’ils l’ont décrété eux-mêmes. « Farfelu » est le qualificatif qu’on m’attribua dès le cours complémentaire, c’est-à-dire vers 14 ans. Déjà, et pourtant du même âge que moi, ils ne pouvaient pas me comprendre.
Le principal désagrément fut par la suite ma difficulté à affronter les familles des femmes que j’ai aimées. J’aurais dû le faire par égard pour elles. Mais je ne pouvais pas. « Qui êtes-vous ? » voilà la question qui m’aurait été forcément posée. Or, mézigue, je ne connaissais pas la réponse. Donc cet être ni chair ni poisson que j’étais ne pouvait pas prétendre être un gendre acceptable; je le comprenais très bien. Farfelu peut-être, mais pas con !
Mais qui dit gendre douteux, dit époux idem. Du moins c’est le doute qui survenait chez mes copines. Elles acceptaient souvent de ne pas m’avoir aux repas de famille mais elles étaient inquiètes.
Si seulement j’avais compris alors la supériorité qui était la mienne ! Compris que ce manque de sérieux qu’on me reprochait n’était rien d’autre que le symptôme de la foi, l’intuition du royaume de Dieu ! Tandis que leurs billevesées de mécréants glissaient sur moi comme l’eau sur les plumes d’un canard pas du tout boiteux. Et que mes coin-coin désespérés sonnaient plus ou moins pourtant comme la trompette du Juste !
Mercredi 28 février 2018
Le calcul ne remplace pas l’inspiration.
Si Dieu ne rayonnait pas logiquement à l’horizon de notre esprit, c’est que nous n’en aurions pas -lui dont nous percevons que nous en sommes plutôt les dépositaires que les possesseurs.
Mardi 27 février 2018
Si le bonheur n’est pas définitif, et, que je sache, il ne l’est jamais, alors il semble qu’on ait vécu pour rien.
On comprend ce qu'on veut aux paroles, mais c'est toujours une très belle chanson.
Et pourquoi ne pas écouter tout l'album "The Color of Spring" ?
Dimanche 25 février 2018
Les êtres humains sont comme des mouches -n’y voyez aucune méchanceté, je m’exprime fraternellement- qui pondent leurs œufs dans des morceaux de cadavres ou des cadavres entiers et ont une progéniture grouillante et nombreuse, touchante par sa vulnérabilité.
Toutes leurs inventions, leurs créations, ou plutôt la valeur qu’ils leur accordent et l’intérêt qu’ils leur portent, reposent sur la confusion permanente qu’ils font entre matière et esprit; croyant manifester ce dernier ils ne font que rendre un culte éternel et constant à la première.
Par exemple l’architecture, dont je suis moi-même épris. Quatre piliers, un toit, trois fenêtres, un porche d’entrée, et tout est dit ou devrait l’être, mais non, des livres par milliers, des magazines, des films, des conférences, des colloques, des concours, des prix, sans parler du boulot infernal de singularisation personnelle qui taraude tous les faiseurs de plans, font croire depuis longtemps à une expression ésotérique, merveilleuse, si variée et multiple que tous s’y perdent à moins d’adopter un parti-pris, une machine à délirer qui a besoin d’une mythologie, de prêtres et de fidèles, de vœux sacrés, d’une espérance, et d’un enfer comme il se doit qui consiste à aller toujours plus loin, plus haut, plus grand, plus impossible et plus néfaste, jusqu’à la mort, qui ne manque jamais de venir dans ses formes diverses, la mort de l’architecte, la mort des habitants, celle du bâtiment, de l’idéal qu’il a représenté, de l’espoir qu’il a fait naître, de l’idée de beauté ou d’intelligence qu’il incarnait, etc., etc. Et puis cela recommence. Quelqu’un, croit-on, en fait l’Histoire, c’est-à-dire l’Illusion, apporte un nouveau style, une technologie révolutionnaire… Tandis qu’il n’y a rien de mieux depuis toujours que quatre piliers, un toit, trois fenêtres, un porche d’entrée.
Je vais vous dire ce qu’est l’Esprit : c’est le rayon de soleil qui vient caresser la façade, entre dans la pièce, allume la couleur du mur.
C’est la pluie qui tambourine sur les tuiles, qui frappe au carreau comme une amie.
C’est le vent qui oblige à sortir pour assujettir le volet qui claquait, et alors tout l'espace et la nuit offerts font oublier le reste.
L’Esprit ce n’est pas ce que nous cultivons c’est ce que nous recevons, Il nous précède depuis toujours.
Le rejoindre c’est arrêter de juger.
Agir Seul.
Mardi 13 février 2018
C’est lorsqu’il n’a plus de limite que l’esprit ne risque pas de commettre d’erreur ; c’est sa nature, ma foi plutôt exaltante pour la conscience, dont il ne faut pas avoir peur. Restreint par quelque peur, fût-ce celle du Mal, il ne peut pas exister où et donc comme il doit.
Mardi 6 février 2018
Croiser des inconnus qui nous regardent avec des yeux encore remplis de l’horreur qu’ils viennent de voir
On se demande un instant si c’est soi-même qui leur inspire ce regard
On ne les reverra jamais mais on ne peut pas les oublier
Hommes femmes enfants blessés hallucinés
Voilà en grande partie la vie qui nous échoit à tous
N’est-ce pas ?
Lundi 5 février 2018
« Les gens souffrent et meurent..., mais pas moi ! »
Voilà ce que je pense, et ce que devraient dire tous les enfants dits « surdoués » s’ils n’étaient pas écrasés par l’énorme différence qu’ils sentent avec leur entourage. Ils en arrivent presque toujours à avoir peur d’être fous.
Les mécanismes du succès et de la notoriété ne m’intéressent pas.
Ranger consiste à assigner aux objets une place logique particulière, et, si elle n’existe pas, à la créer (pas forcément évident). Vous établissez ainsi chez vous un ordre plus ou moins visible, pratique et rassurant. Avant je croyais qu’il fallait pour cela du génie. Mais la liberté fait tout autant l'affaire !
Les chats empiètent vaillamment sur notre égo et beaucoup d’humains croient leur accorder une faveur en les laissant faire. Ils devraient les remercier, car ils nous aident à comprendre et à percevoir qu’il n’y a qu’ « ici et maintenant » dans la paix qui est à nous comme à eux.
Je crois que vous ne comprenez pas, mesdames et messieurs : tout ceci n’est qu’une blague, une vaste illusion !
Dans ma jeunesse je le savais et je croyais avoir tort. Aussi je me suis appliqué -malgré moi d’ailleurs, croyant faire autre chose- à démonter ce savoir pour le remplacer par le vôtre, et sinon le vôtre celui dans lequel la société humaine prétend exister: le fameux Sérieux !
Raison d’état, droit de vote, droit de vie et de mort sur les animaux, blablabla, blablabla...
J’avançais dans une direction tout en reculant dans la direction opposée, et cela sans me dédoubler, croyez-le ou pas, c’est une aptitude de l’esprit, entre autres toutes aussi étonnantes.
C’était certainement requis pour élucider les tracas qui me torturaient et que j’avais mis de côté peu à peu depuis mon enfance formant ainsi la montagne prodigieusement haute qui me cachait l’horizon.
J’ai appris ainsi « pourquoi », ce qui ne change pas grand-chose par rapport à la vérité que je suis.
Laquelle ne m’appartient pas car je ne me suis pas créé.
Ce qui exclut, selon les critères de la société, vous en conviendrez, tout sérieux à mes démarches.
Samedi 3 février 2018
Échantillon
Ceux qui sont morts intérieurement n’ont pas de mérite. Ils vaquent à leur boulot comme indiqué dans la notice fournie par la société, respectant de leur mieux la posologie et commettant de temps à autre l’erreur qui les fait paraître humains aux yeux des autres et aux nôtres, mais qu’on ne se méprenne pas : ce sont des zombies!
Ceux qui, comme moi, comprennent quelque chose -pas grand chose- à la pièce, souffrent comme des damnés parce qu’ils se croient responsables, tout en sachant parfois -certains seulement, pas tous- qu’ils ont tort, ce qui est vrai : on ne devrait pas souffrir ! Cependant on expie -suffit de le savoir- on est dans Sa main, on va vers Dieu.
Relaxe.
S’Il se présente un jour à toi inopinément, ne fais pas comme moi, comme je l’ai fait jadis, ne t'En juge pas indigne !
Vendredi 26 janvier 2018
Dans mon désordre précédent, je respectais une loi que j’ai toujours connue instinctivement et par laquelle une vie facile et relativement brillante m’échoyait.
Néanmoins mon équilibre était mauvais et ne pouvait durer.
Je suis descendu, on peut dire, dans la fosse aux lions. Travail, Famille, Patrie. Du sang, de la sueur et des larmes. Pleurs et grincements de dents. Tout ce dont j’avais toujours eu peur et que j’avais jusque-là réussi, avec une certaine ingéniosité, mauvaise foi et lâcheté, à éviter.
J’ai fait la pénible étude (du malheur que nul n'élude...) qui m’a convaincu que cela ne sert à rien. Ce qui me faisait peur n’a rien d’effrayant en soi, il est simplement idiot d’y consacrer son énergie.
C’était le monde où vivait mon père et qui le rendait fou.
Il faut viser la joie, pas le sérieux, pas la responsabilité, que l’on accepte s’ils surviennent, sans plus, mais dont on ne doit pas faire une idole, comme ils l’ont été pour moi.
J’ai payé mon écot pour le brouet spartiate.
Faites ce que vous voulez, rêvez, croyez à l’impossible.
Ne croyez qu’en Dieu.
La vie n’est pas la mort. La vie n’est pas la souffrance.
Il faut être libre et en paix.
Jeudi 25 janvier 2018
Un des aspects de la méchanceté est de présenter constamment une fin de non-recevoir à celui qui, comme moi enfant avec mon père, tente d’établir le dialogue, d’obtenir des réponses, des explications, essayant de percer, d’escalader ce mur (en fait un vide) qui se dresse devant lui, incompréhensible et impénétrable.
Je me suis rendu compte récemment que mon goût des extrêmes, mon besoin d’excès, mes exigences trop grandes, venaient de la colère, de la rage rentrée, installée en réaction peu à peu comme une composante de ma personnalité, mon côté passionnel créé par l’habitude en réponse au comportement de mon père.
Mardi 23 janvier 2018
(Ecrit antérieurement -avril 2017)
Il y a une espèce de conspiration universelle de la connerie -je suis désolé de m’exprimer de manière aussi vulgaire mais c’est la seule possible- pour faire comme si la mort n’existait pas. (On a même renoncé, de nos jours -le « progrès » probablement- aux cortèges funèbres).
Tout ce à quoi l’on est censé croire, dans ce consensus imbécile, s’effondre indéniablement quand elle survient, et malgré cela, le deuil achevé (!), on doit recommencer comme si de rien n’était.
Personne ne songe, apparemment, à remettre en question le modus vivendi, à protester, s’indigner, faire la grève, bouder ou que sais-je encore, repartir sur d’autres bases, demander à ce qu’on prenne en compte le caractère douteux des « projets d’avenir », établir l’urgence première de savoir vraiment ce qu’est la mort !
Car le plus beau de l’histoire c’est que personne ne sait ce qu’elle est. Cela rend-il quelqu’un ici humble et modeste ? Pas du tout. On continue à préparer des voyages dans la galaxie, la conquête des autres planètes, alors qu’il ne reste que quelques jours à vivre à ces fiers conquérants, savants, ingénieurs, techniciens, etc., qui, à moins d’être incinérés -c’est la mode aussi- devront descendre, sans finir le boulot, dans la fosse aux asticots.
La majeure partie d’entre nous ne laisse pas la moindre trace ici-bas. Les mémoires sont capricieuses, toujours injustes, partiales, oublieuses. De toute façon, ce que l’on a été vraiment personne ne le sait, et souvent pas même nous-mêmes. En fait nous n’existons pas.
Et c’est probablement ce qui nous tue.
La barbarie est un mépris de l’homme pour l’homme, collectif, général, et c’est ce dans quoi nous vivons.
Nous avons créé une civilisation soi-disant laïque, en fait athée, sans voir que le refus de la religion, parce que nous luttions en Occident contre la tyrannie et l’ignominie de l’Eglise catholique, est celui d’une fonction majeure de l’esprit humain qui lui alloue une certaine grandeur et lui fait respecter ce qui l'entoure : la spiritualité.
Nous avons érigé en compensation le matérialisme comme religion.
Que nous en crevions aujourd’hui n’est que justice, ou, si l’on préfère logique -la plus primaire- celle-ci, à défaut de l’intelligence, étant ce que nous avons mis en œuvre de manière exclusive.
Samedi 20 janvier 2018
J’ai assumé des défauts que je n’avais pas, ce qui m’a fait commettre des erreurs que je n’aurais jamais dû commettre, tout en me permettant de découvrir sinon qui je suis du moins qui je peux légitimement passer pour être. La parenthèse se referme, et le possible revient, le potentiel, l’attraction tant aimée.
Jeudi 11 janvier 2018
Il entra dans la pièce et dit : « Je n’ai plus la conception linéaire du temps !
C’est une conséquence de ma réflexion sur l’Histoire et une vision plus juste assurément, le temps étant ainsi moins identifiable avec les transformations. Elle présente en outre, à mon âge, l’avantage non négligeable, ajouta-t-il avec un sourire, que c’est à présent à la mort de me trouver et non à moi d’aller vers elle. »
Mardi 9 janvier 2018
Reconnaître l’Histoire pour ce qu’elle est, la pesanteur sans intention ni but que nous engendrons nous-mêmes économiquement et non le progrès -comme l’illustre actuellement la régression sociale et culturelle qui a lieu en France, dans la logique de la formation de l’Europe affrontée à la mondialisation- (on pense au tonneau que roule en tous sens inutilement Diogène), permet au Sage d'être enfin disponible pour le Soi et Dieu, de ne plus Lui en vouloir, d’aimer au lieu de haïr: il n’y a plus de coupable.
Dimanche 7 janvier 2018
D’une manière un peu infantile, et même beaucoup, j’ai cru aux « lendemains qui chantent » durant ma psychanalyse. C’est la raison pour laquelle, associée avec ce questionnement non satisfait correspondant au mensonge de famille dans lequel j’avais grandi, je n’ai pas pu accepter la fin normale du traitement et retourner à la vie civile qui s’annonçait évidemment très décevante.
Ajoutons-y environ quarante années très compliquées de lutte continue et de souffrance perpétuelle pour continuer à croire plausibles mes espoirs enfantins et nous retrouvons le bonhomme enfin prêt à comprendre que, si cela se peut, ce n’est pas dans « le monde ».
Enfin. Car le paradoxe est que je n’avais pas tort du tout quoique en me méprenant sur le lieu où ce que j’attends doit se produire.
S’est toujours produit.
Se produira à jamais.
Se produit de toute éternité.
Samedi 6 janvier 2018
L’ « Histoire » ne m’a jamais vu, peut-être un peu, à peine, quand j’ai croisé quelque Grand, en tous cas n’a rien retenu de moi. Mais cette Histoire-là, celle que les hommes choisissent d’appeler ainsi, n’est que le rêve plus ou moins commun que nous nous racontons collectivement avec des livres, pour nous justifier tous, nous fournir le sentiment d’existence objective dont nous pensons avoir besoin, au détriment de l’intime réalité, celle que nous craignons de voir se concrétiser pour de bon, notre lutte féroce avec le Soi, avec nous-mêmes, avec Dieu !
Dans ce domaine, mézigue a toujours considéré qu’il était élu. C’est un mot fort, je sais, mais comment exprimer autrement la conviction profonde d’avoir à jouer un rôle décisif, de compter pour l’univers quelles qu’en soient les modalités, d’être important, depuis la naissance, décalé par rapport aux autres, parents, famille, proches ?
Et cependant il m’a toujours semblé que cela devait être vrai pour chacun, que c’était la seule façon d’être vivant. ...
Le Salut est ma vocation.
Mercredi 3 janvier 2018
Et si ce que l’on devinait, pressentait, ressentait, imaginait, espérait, etc., était plus vrai que ce que l’on nous a appris et pratiquement forcé à croire ?
Et si l’on aimait Dieu plus qu’on ne Le craignait ?
Et si l’on se sentait plus fort que la mort ?
Et si l’on était plus innocent que coupable ?
Innocent entièrement d’ailleurs car à demi c’est impossible
Bref si l’on était ce que l’on est ?
Le Fils de Dieu !
Bonté divine !
Lundi 1er janvier 2018
L’observation du « principe de réalité » est une forme de dépression.
Je ne peux pas demander pardon, je ne peux pas faire amende honorable. Tous ceux à qui je devrais des explications sont morts, absents, partis, irréductibles.
Ils ne peuvent ou ne veulent pas entendre parler de moi.
Je n’existe pas.
Et tandis que la nuit tombe, seul chez moi, mon vieux chat à mes côtés, je me joue la rengaine du désespoir domestique : « Objets avez-vous donc une âme ? » -La tienne, sale con, toute ruisselante de suie et de larmes acides, vieux débris !-
Et puis j’assume, bonheur résigné, lavé, fataliste.
Il faut bien qu’il y en ait un ou deux pour bouder les cimetières.
Samedi 30 décembre 2017
La photographie (le plus souvent) : comme si nous n’en avions pas assez de cette « réalité » indigeste qui nous rend perplexes...
Incohérence: il ne pouvait pas raconter une histoire -lui, un peintre abstrait- sans dire : « Figure-toi que... »
Mercredi 27 décembre 2017
Tout bon masochiste apprenti sait qu’à aucun moment il n’est agréable de souffrir
La souffrance n’est que le prix à payer pour obtenir ce que l’on croit ne pas mériter
Pour faire ce qui n’est pas permis Pour oublier ce dont on se croit coupable
On en arriverait ainsi facilement à croire aux fantômes
Lundi 25 décembre 2017
Le bizutage des nouveaux arrivants révèle la peur qu’ils inspirent aux « anciens », à ceux qui sont déjà en place. C’est le principe même de la société humaine. Ceux qui viennent au monde sont bizutés par leurs parents.
La société humaine est régie par la peur, celle-ci étant de fait le contraire de l’amour.
Dans le monde, l’amour n’existe qu’à titre individuel, l’individuel et le social se juxtaposant parfois, s’interpénétrant, dans une confusion difficile à percer.
Instinctivement les êtres plutôt aimants se détournent de la société, s’en méfient. D’autres, qui se méprennent, font le sacrifice de leur meilleure inclination. Tous les cas de figure existent, à l’infini.
Pour conduire sa barque au mieux il faudrait être absolument lucide sur cette question, ce qui est presque impossible.
Tout être aimant accepte sans peine sinon sans étonnement d’être un looser dans la société ; de toute façon il n’y a rien à gagner sauf l’argent, qui ne sert à rien. Une position sociale n’est qu’un masque, qui cache surtout la peur intrinsèque qui a permis son obtention.
On peut hériter d’une position, ce qui s’accompagnera de grandes souffrances...
A suivre...
Samedi 23 décembre 2017
Le plus remarquable dans le comportement de Balda à mon égard c’est la considération avec laquelle elle m’a traité, comme si son intelligence exceptionnelle, son savoir-faire professionnel éprouvé, sa culture immense, sans parler de son altruisme, de sa bonté, ne pesaient rien face à mes propres qualités. Il y avait de quoi être retourné, ce qui était précisément ce dont j’avais besoin, et ma dette envers elle est infinie.
Samedi 16 décembre 2017
X est une ville où la vulgarité est générale, dominante, omniprésente, oppressante, despotique.
Vulgarité partout, dans les gens, dans les choses, dans l’atmosphère, à tous les étages (c’est contagieux).
Il n’y a pratiquement pas un atome de cette ville qui en est dépourvu, du quidam de base aux notables, comme si, à X, être vulgaire était civique.
On ne sait pas, on ne sait plus, ce que peut signifier « élégant », « distingué » ; « aristocratique » est un mot qu’on ne peut pas prononcer, un gros mot. Un reste de courtoisie, cette chose désuète, charmante à mes yeux, est le dernier signe de reconnaissance clandestin qu’on décèle encore parfois, à X, chez ceux qui savent encore qu’il peut exister autre chose que la vulgarité. C’est une sorte d’appel au secours, un soupir d’agonie, la dernière décharge nerveuse.
Car la manière dont on croit être raffiné, éduqué, à X, est elle-même vulgaire.
Le bonheur des gens vulgaires qui se retrouvent à X est palpable. A X, à l’instar de la police, le bon goût, la correction, n’existent pas. On ne les voit jamais. On peut être et faire ce qu’on veut. Et malheureusement on ne peut et on ne veut être que vulgaire.
La question que je pourrais me poser est celle-ci : tout le monde a-t-il comme moi des secrets, un ou deux, qui tiennent plus, non pas à la nature des éléments qui les composent mais plutôt à leur arrangement, la façon dont ils se sont constitués et qui impose le silence à leur sujet.
Non pas ce que j’ai fait qui pourrait sembler scabreux mais les raisons qui m’ont amenées à faire ce que j’ai fait.
Raisons pour la plupart -c’est ce que je crois- impossibles à comprendre pour le commun des mortels, raisons que personne ne pourrait raisonnablement imaginer pouvoir avoir été les siennes dans les mêmes circonstances, inventions, « embrouilles », qu'on avancerait comme excuse… autrement dit mensonges.
Et pourquoi l'on se tait.
Quoique le résultat obtenu ne soit probablement que très rarement flatteur pour l’ego, je pense que c’est un privilège de parvenir à comprendre le sens général de sa vie, comme cela vient de m’arriver à presque soixante-quatorze ans.
Je peux me consoler également en me disant qu’il ne s’agit que du domaine affectif, de l’explication dans la sphère du sentiment, laquelle, à en croire Jung, n’est pas la seule constituant la psyché. Néanmoins c’est déjà bien satisfaisant d’apercevoir une trajectoire continue et compréhensible à la place d’un mystère, et pratiquement d’un néant il y a peu.
Voici : toute ma vie durant -ce ne sont pas des mots creux- je n’ai vécu que pour trouver l’impossible bonheur avec ma mère, et avec mon père logiquement indissociable d’elle (ne me gratifiez pas d’un complexe d’Oedipe forcené), le bonheur « familial » représentant de l'Harmonie, attente déçue depuis mon enfance, mon accomplissement existentiel restant bloqué là. Dans tout ce qui m’arrivait, même après leur mort, et ce matin encore, c’est cela que je cherchais.
Mercredi 13 décembre 2017
Lorsque je racontai à Balda la mésaventure qui m’était arrivée avec un petit chat à l’âge de 12-13 ans, chaton plein de puces qui m’avait été donné, et que, démuni, sans aide, je ne sus, désespéré, qu’abandonner à nouveau aux Buttes-Chaumont où il avait été trouvé, son commentaire, avant de m’annoncer que mon allergie aux chats était terminée avec cet aveu, fut simplement : « Deux orphelins ».
Une image passa alors dans mon esprit, trop fugace pour que je la reconnaisse, et d’autant plus inattendue que, lorsque cet événement était arrivé, et alors même que je le racontais, mes deux parents étaient encore en vie et pour longtemps.
Comme toujours, cependant, elle avait raison.
Cette image était celle de l’endroit où, jadis, à l’âge de deux ans, j’avais bien été obligé de me rendre compte douloureusement et à jamais que ni ma mère, ni mon père (substitut impossible), n’étaient capables, en cas de problème, de m’apporter le moindre soutien.
Lundi 11 décembre 2017
Puisque je vous le dis
Préférer la niche du chien au canapé du salon n’est pas forcément l’indice d’une dépression¹
Des gestes valent bien des mots et vice versa
Se rapprocher de la mort ne guérit pas immédiatement des hémorroïdes
Les pesticides remplacent très bien les épidémies de peste
Paul ne veut pas changer de sexe pour qu’on l’appelle lope²
Ils se relèveront et comprendront qu’ils étaient mieux couchés
Celui qui prend le pouvoir abandonne le bon vouloir
Avoir et avoir été c’est possible
Le monde paraîtrait moins grand s’il n’y avait pas autant d’espace intermédiaire entre deux points distincts
On n’aimerait pas échanger sa maison contre son chapeau mais on change d’avis quand on a besoin de sortir
Etc…
¹ A plus forte raison si l'on est le chien.
² Surtout avec cette orthographe.
Se prendre au sérieux n’a pas que des avantages. Cela consiste aussi à ne pas se faire confiance.
Jeudi 7 décembre 2017
Quand le « bon goût » n’est plus que la peur du naturel, il faut l’abandonner.
On peut certes préférer la lumière de la lune à celle du soleil, l’argent à l’or, mais c’est une faiblesse, un excès de « civilisation ».
Mercredi 6 décembre 2017
J’ai fabriqué un diorama, représentant une partie d’un musée de mon invention (où les chiens ne sont pas interdits...), destiné à afficher pour quelque temps, dans un cadre supposé être grand, les petites images de tableaux pour lesquels j’ai un coup de cœur.
J’ai compris à l’occasion qu’un roman est un diorama.
Mais la poésie, ce sont les jeux de la lumière sur les choses de ce monde et les êtres en tant qu’objets, le poète étant celui des êtres en tant que tels qui fait entendre la voix de tous les autres.
Dimanche 3 décembre 2017
Il paraît que jadis, à l’époque malheureusement disparue où montrer de l’esprit avait de l’importance, certains, pour un bon mot, étaient prêts à se damner.
Je suis moi-même souvent tenté de le faire pour une belle phrase, une tournure inattendue, une expression originale, aux dépens de la vérité, mais je résiste, je me bats, car ce qui compte le plus pour moi est d'abord mon salut.
Mes quatre chats m’aiment totalement, j’ai envie de dire : « comme un seul homme ». Ils me l’ont montré définitivement ce matin. Blottis ensemble nous constituons une fratrie de cinq enfants.
C’est on ne peut plus réconfortant quand chaque relation humaine amicale, quoi qu’il arrive, est toujours entachée à cet égard d’un petit doute.
Jeudi 30 novembre 2017
-« Pourquoi as-tu fait cela ? »
-« J’avais un compte à régler »
Comptabilité de la petitesse humaine, de la médiocrité, voire de la bassesse, que tout le monde ou presque agrée, trouve normale.
Mais si tu dis : « Je fais ceci parce qu’il me semble que c’est requis de tout homme, que c’est ce que Dieu veut », on te jugera comme quelqu’un dépourvu de liberté, de douteux sur le plan psychologique, toi qui montres la vraie grandeur.
Mardi 28 novembre 2017
J’aime à penser que Karl Marx n’a pas identifié et décrit la lutte des classes afin que nous fassions du côté où nous nous trouvons par hasard à notre naissance une appartenance sacrée et consacrions notre énergie et notre volonté consciente à son approfondissement, son aggravation et sa perpétuation.
Au contraire il faut trouver le moyen d’y remédier, de la dépasser pour construire « un monde meilleur », contrecarrer sa puissance, refuser ses automatismes, lui échapper.
Puisque la société, comme une fatalité, corrompt l’homme, ce qui est indéniable, essayons d’être le plus lucide et le moins soumis, le plus libre possible à son égard.
« Loin d’eux... »
On nous parlait encore, comme d’habitude ici, de richesse humaine, de brassage ethnique, de multiculturalisme, etc. Personnellement je ne vois qu’un grouillement de blattes, dont, je le concède sans peine, je fais également partie pour quiconque porte dessus un regard identique au mien, celui de l’individu libertaire outragé par « la multitude vile »...
Baudelaire : Recueillement
Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille.
Tu réclamais le Soir ; il descend ; le voici :
Une atmosphère obscure enveloppe la ville,
Aux uns portant la paix, aux autres le souci.
Pendant que des mortels la multitude vile,
Sous le fouet du Plaisir, ce bourreau sans merci,
Va cueillir des remords dans la fête servile,
Ma douleur, donne-moi la main ; viens par ici,
Loin d'eux. Vois se pencher les défuntes Années,
Sur les balcons du ciel, en robes surannées ;
Surgir du fond des eaux le Regret souriant ;
Le Soleil moribond s'endormir sous une arche,
Et, comme un long linceul traînant à l'Orient,
Entends, ma chère, entends la douce Nuit qui marche.
Il est quatorze heures du matin.
Pablo Innocent » could be a good pen name.
Il avait de gros sourcils de gendarme qui lui donnaient l’air sérieux indispensable et portait un costume bleu-marine avec de fines rayures blanches de parrain de la mafia : un premier ministre idéal !
J’en ai marre de ma condition d’homme mortel (j’explique : c’est trop de souffrance !)
Pourtant je vis dans un monde non-violent, oisif et doux de retraité
Plein des étranges souffrances de l’esprit inquiet que tous partagent et que tous taisent
Considérant qu’il s’agit là de la vie « normale » qui conduit normalement à la mort Normale, mon œil !
Jeudi 23 novembre 2017
Au fond l’idée pour laquelle je choisissais de faire une chose plutôt qu’une autre, au cours de ma vie, a toujours été que cela « allait me conduire quelque part ».
Intéressant, n’est-ce pas ? Je le découvre enfin aujourd’hui.
S’il s’avérait ensuite que cette chose malheureusement « ne me conduisait nulle part » (!), je ne pouvais pas faire autrement que de l’abandonner à la première occasion.
C’est ainsi que j’ai cessé un jour radicalement de boire du vin -un breuvage que je considère cependant comme délicieux- parce que je me suis rendu compte que, quelle qu’en fut la qualité et/ou la quantité, en somme en m'y consacrant je faisais du sur place !
Il y a énormément de choses que nous faisons qui ne nous conduisent nulle part, et que nous devrions immédiatement abandonner en vertu de ce principe ingénu !
Le cours des choses en serait modifié à un point inimaginable et, j'en suis persuadé, dans le bon sens, mais je ne m’attends pas à ce qu’on me croie.
Dimanche 19 novembre 2017
Les gens sont des problèmes. Ici, en ville, ce sont des millions de problèmes juxtaposés, tous plus odieux, effroyables, irritants, les uns que les autres. Ils sont problèmes et la relation avec eux est problème. Ils ne vous font pas grâce de leurs soucis, ils ne veulent pas, pour votre bien-être, que vous restiez hors-jeu, au contraire. Ils cherchent à vous piéger, ils vous demandent de les accepter, c’est-à-dire de participer, d’être comme eux. On voudrait que tout soit simple et facile, c’est impossible.
On se prend à rêver d’un autre monde, plus beau, à la campagne. Un décor naturel, conforme à l’ordre auquel on désire participer. Mais là aussi, quoique plus rares, il y a des gens, et, devinez, ce sont des problèmes ambulants, qui n’auront de cesse de s’accrocher à vous, de vous sucer le sang jusqu’à ce que vous soyez mort !
Voilà comment je vois le monde.
Jeudi 16 novembre 2017
Micheline, Michèle...
La loge du concierge, au rez-de-chaussée de l’immeuble, était une pièce carrée de dimensions moyennes, dont l’unique fenêtre, sale, obscurcie par des paquets empilés jusqu’à mi-hauteur, donnait sur une petite cour fermée jusqu’au ciel par un immense mur noir.
Il n’y avait presque pas de lumière.
Dedans vivaient les parents, la fillette, un bébé, et la grand-mère à demi-paralysée qui ne quittait pas son fauteuil. Il y avait aussi Rex, « un beau berger allemand ».
La pièce servait de chambre, de cuisine, de salle à manger, de salle de bain -taudis épouvantable, obstrué, plein de choses opaques, dans lequel on entrait comme dans un igloo, avec l’impression, le sas franchi, qu’on ne pourrait jamais ressortir.
C’est là que vivait Michèle, mon amour d’enfance. Nous avions le même âge. J'habitais au premier, juste au-dessus.
Elle était belle et elle était rousse, d’un roux de feu, le visage entier constellé de taches de rousseur bien visibles qui faisaient l'effet d'un tatouage primitif et sauvage. Ses cheveux l’auréolaient d’une couronne de lumière radiante, splendide, surnaturelle.
C’était un être « anormal », anomal, et je l’adorais.
Dans sa prodigalité somptueuse la Nature l’avait jetée là, flamme vive au milieu des cendres, rubis dans la fange, comme la lumière d’une étoile, peut-être déjà morte...
Elle a déménagée quand j’avais dix ans, à mon grand désespoir, je ne l’ai jamais revue.
Rien ne me paraît plus injuste que le destin des enfants magiques comme elle, qui naissent dans des des bidonvilles, des banlieues pauvres, des lieux sans nom, et dont la beauté, à cause de la misère, va disparaître sans s’épanouir.
Samedi 11 novembre 2017
A maître B.
Quiconque veut prouver qu’il est le meilleur -fût-il pourvu de toutes les qualités- ne peut pas l’être précisément à cause de ce besoin.
On veut toujours être le meilleur pour quelqu’un d’humain qu’on croit au-dessus de soi, son père, sa mère, par exemple, et c’est cela l’erreur.
Tous les mieux supposent les moins bien. Demain suppose hier. Et c'est cela l'erreur.
(Il n'y a rien.)
Mardi 7 novembre 2017
Nous avons été là, parmi vous, dans les camions. Dans les remugles de laine, de viande, et dans le froid. Secoué, transporté, sur des routes de fondrières géantes, dans des Indes, des Pakistans, des empires humains lointains et pervers.
Mercenaire, victime, épave et conquérant. Quêtant le futur, le futur toujours insaisissable.
Et Dieu sait comment, après ce qui semble des siècles d’égarements, de batailles perdues, de désillusions, d’échecs sur tous les plans,
nous sommes là victorieux, lumineux comme un enfant, nous avons survécu.
J’ai conquis le grand syncrétisme fou du « réel », je peux m’identifier avec chaque partie du Tout. Je ne suis pas séparé !
Si je regarde la Nature et si je l’aime, c’est parce que c’est moi.
Le monde animal n’est pas un répertoire organisé d’individus génériques similaires, machines cartésiennes sans âmes. Dans la sphère fantastique du vivant, chaque être est unique, unique et irremplaçable à l’instar de l’homme.
Vendredi 3 novembre 2017
Le monde est un endroit trivial où il se passe des choses pas très jolies (auxquelles on participe parfois de près ou de loin) qu’on se refuse à admettre. On cherche à l’embellir, on l’idéalise, on lui découvre des beautés qu’on veut privilégier, on s’aveugle tant bien que mal, mais avant de pouvoir regarder au-delà des apparences la vérité lumineuse qui seule compte, il faut l’accepter entièrement tel qu’il est.
Quiconque voit le Bonheur comme le meilleur avenir possible, ce qui est le cas, je crois, de tous les enfants (en particulier ceux qui ne savent pas quoi répondre lorsque les adultes leur demandent ce qu’ils veulent « être » plus tard¹), est déjà heureux, possède déjà sans le savoir -puisqu’il peut se Le représenter et L’aimer- le Bonheur.
Il ne lui reste plus qu’à L’atteindre vraiment, ou plus exactement sans doute à se laisser être atteint par Lui : « Werde der du bist ! »
¹ A juste titre, ne sont-ils pas déjà eux-mêmes ? John Lennon, à ce qu’on raconte, répondait précisément : « Heureux » !
Jeudi 2 novembre 2017
Ni crosse, ni mitre.
Un peintre doit nous convaincre que ce qu’il nous montre a une existence nécessaire.
Une sculpture doit avoir à l'évidence une âme, comme nous, parce que les formes physiques ne sont faites que pour cela.
Lundi 30 octobre 2017
La fraternité n’est pas une communauté de souffrances. La souffrance est ce qui nous divise.
La fraternité est plutôt une communauté d’idéal, que certains, aspirant à faire leur salut, conçoivent mieux que d’autres, contribuant ainsi davantage au salut de tous.
Lundi 23 octobre 2017
Depuis que je comprends que ce n’est pas une punition personnelle infligée pour mes erreurs et errements passés (et contre laquelle, d’ailleurs, en attendant d’en être certain, je n’ai jamais cessé de me rebeller de toutes les façons) je n’arrive pas à m’expliquer que les êtres humains mes semblables supportent les nuisances sonores que nous subissons en permanence ici, dans le centre ville de Saint-Denis, les travaux importants qui se renouvellent constamment depuis des années -pour mémoire : dalle de l’îlot 4, suppression des escaliers, sortie du parking Carrefour, sol de la place du Caquet côté sud, et, en cours, dalle de l’îlot 8- le tout au milieu des cris, hurlements et exactions quotidiens de l’étrange population disparate et sans règle, ainsi que des procédés intempestifs de voirie de Plaine Commune (rappelons-nous ces bruyants engins de nettoiement, les « Gloutons »), en dernier lieu l’usage de bennes à ordures d’une taille démesurée, mastodontes épouvantables qui font tout trembler sur leur passage, lequel est lent avec de longues haltes pendant lesquelles le séisme ne s’arrête pas, et journalier.
Il me semble que parmi tout ce que notre époque a inventé de stupide et de mortifère pour notre espèce, l’abandon d’un idéal de vie simple et cohérent à échelle humaine (production artisanale des biens et entretien régulier) est bien le pire.
La « prétention », ou pour être classique l’Orgueil, est notre péché le plus grave, comme les Grecs d’il y a 2500 ans le savaient déjà.
Cet orgueil ne se remarque même plus. Il est dans chacun de nos projets, du plus petit au plus grand, il est notre désir et notre volonté, notre esprit même. Son habileté consiste à se faire passer pour le rationnel et l’efficace. On le met en œuvre soi-disant par réalisme et économie, un comble ! La seule chose que nous n’essayons pas d’économiser est notre souffrance.
L’espoir de la Décroissance qui nous sauverait n’est que l’espoir du retour à la normale, mais j’ai bien peur qu'il ne se réalise jamais !
Jeudi 19 octobre 2017
J’exprime une idée, elle ne te plaît pas, tu me sautes à la figure comme un pou sur un chien ! Tu devrais, à mon sens, te contenter de me classer parmi les imbéciles, les idiots et les fous, comme tu le laisses percevoir, au lieu de vouloir me convertir à toutes forces à ton point de vue que je connais d’ailleurs très bien, dont j’ai mesuré avec précision les limites depuis longtemps, et qui ne m’intéresse en rien.
Voilà pourquoi je me suis emporté et t’ai crié que je ne voulais pas t’entendre. J’aurais dû simplement me taire et ne pas te répondre. »
Comme tout le monde j’ai été tenté de m’adonner à des pratiques dangereuses -comme de se frotter les aisselles de produits chimiques dans un but de « raffinement »- qui doivent tout à la publicité, c’est-à-dire à des intérêts vils, mais un bon sens involontaire et puissant qui tient à ma nature m’en a toujours préservé.
Je n’ai pas mangé de la plupart des saloperies qui font les délices de nos jeunes contemporains, et j’ai relativement tôt abandonné l’alcool et le tabac.
Donc pour le moment ça va, je ne souffre que des carences normales qui vont avec notre vie citadine, nos aliments pauvres en nutriments, et le désespoir constant que me procure le spectacle de la société.
J’ai du bonheur dans la fréquentation de mes chats mais pas de mes semblables.
Mardi 17 octobre 2017
Quels sont les problèmes capitaux ? Evidemment ceux dont personne ne parle jamais.
Ainsi, quelle relation doit s’établir entre l’homme et les animaux, entre les animaux et l’homme, par exemple entre un chat et l’homme, et surtout pourquoi; tenter d’y voir clair dans cet épais mystère qu’est l’existence et le monde dans lequel nous vivons.
Les chats ne se trompent pas, ils nous voient comme leurs parents supérieurs – oui, parents, et ils nous aiment.
A les observer, l’amour semble bien être la seule réalité.
L’action n’est pas le fin du fin, et même si tout le monde ne peut pas voir comme moi le fin du fin dans la contemplation, il me semble que le but étant avant tout de faire son salut, ou au moins de se contenter, la seule action légitime est celle qui procure la paix dans sa finalité et n’aspire pas à se reproduire indéfiniment.
Même si la mode n’est plus à la Vérité, celle-ci, heureusement, ne change pas. Il n’y en a qu’Une -il faut le répéter pour ceux qui veulent à leurs fins propres qu’il y en ait plusieurs.
Cette unicité dispense les artistes dignes de ce nom de courir après du vent et de souffrir inutilement.
Jeudi 12 octobre 2017
...un grand nombre d’années consistant en beaucoup d’actes dont je ne peux pas être fier, mais aucun, bien considéré, dont je doive avoir honte.
Aux premiers jours de la vie l’enfermement dans une logique désastreuse.
Mardi 10 octobre 2017
Mon erreur fondamentale, pas si grave que cela somme toute, a été de croire que si je récupérais mes facultés complètes, retrouvais un parfait équilibre, je trouverais le bonheur en ce monde tel qu’il est.
Balda avait su me rendre ma légitimité, mais, en même temps, me faire douter de la validité de la vision très pessimiste qui était la mienne. Ma mère, selon elle, n’était pas méchante. Elle avait raison quoique le résultat fût strictement le même.
Mais je me mis à reconstruire le rêve d’amour et d’harmonie que j’avais dû abandonner peu à peu durant mon enfance, travail qui a (aurait?) précipité ma rechute.
Quoi qu’il en soit mon pari forcé était que je ne mourrais pas avant de m’être raccroché aux branches. Je n’avais pas le choix: il fallait que je sache¹ pour comprendre et être bien, tout le reste était secondaire.
Cela m’a fait perdre Lionelle.
Effectivement Balda a su me fournir au dernier moment le viatique censé me ressusciter (La liberté ou la mort...).
Aujourd’hui, l’ayant utilisé comme je devais le faire (et appris d’autre part par l’une de mes sœurs ce dont l'intuition aveugle me hantait), je comprends que le paradis espéré ici-bas correspondant à celui que j’avais pu croire perdu dans mon enfance, n’existe pas. Il n’y avait rien d’intéressant dans ce monde dès le début.
¹ Quoi ? Je l'ignorais. En fait, la dramatique vérité qu'avait toujours cachée ma mère.
Vendredi 6 octobre 2017
On peut faire tout ce qu’on veut, ne voulant que ce que l’on doit.
La petite fiérote me manque. Je voudrais le lui dire mais ce n’est guère possible, elle ne comprendrait sans doute pas.
Werde der du bist ! (Ainsi donc Dieu n'est pas mort.)
L’exercice absolu de la compassion implique la conscience de son invulnérabilité.
Figurez-vous -vous allez devoir faire un effort- qu’on peut être chrétien sans être passé par la case « église, culte, confession »... On peut être chrétien naturellement, comme, avec des aspirations innées, l’ajout inévitable d’une spiritualité recueillie et comprise individuellement.
Comment ai-je pu me sentir si seul et si perdu, j’existais à peine... A cette époque je prenais souvent le 95 qui me conduisait du côté du Louvre et je remontais ensuite l’avenue de l’Opéra, large et majestueuse, où je marchais comme dans un rêve avec la seule boussole de ma foi et de l’espérance.
Pourtant de quelles ineffables beautées je profitais sans m’en rendre compte ! Je l’aperçois aujourd’hui alors que les illusions ont disparues.
Les surdoués sont des gens qui ont gardé un petit peu de ce que les autres ont si prématurément et totalement perdu qu’il n’en reste aucune trace. Ma conviction est qu’ils étaient pareils.
Lundi 25 septembre 2017
Dieu sait pourquoi, vivre à Chaillot m’a toujours paru le nec plus ultra. Dans la partie qui s’élève à l’ouest, vers la rue Pétrarque par exemple. Est-ce toujours Chaillot d’ailleurs ? Peu importe. C’est l’endroit de Paris que je connais le moins.
Jadis on avait l’impression qu’il y avait par là de l’espace secret, de la solitude, une paix. Tout semblait moins concret, un peu délavé, un peu passé. Noble.
C’est là qu’on devait rencontrer les spécimens humains les meilleurs, les plus agréables à fréquenter. Là que se tenaient les plus fiers caractères, intransigeants sur la morale et la vertu bien comprises : en un mot la résistance ! Quelle drôle d’idée. Pure imagination sans doute.
Cela me fait penser au contraire à la fausseté. Quels gens plus faux que les comédiens, les acteurs ? Cependant si inoffensifs, de si peu d’importance, fabricants besogneux de l’imitation, du faux-semblant, n’étant rien eux-mêmes. On les aime, quoique.
I'd love to turn you on
Dimanche 24 septembre 2017
Vous y dansiez petite fille
Y danserez-vous mère-grand
C’est la maclotte qui sautille
Toutes les cloches sonneront
Quand donc reviendrez-vous Marie
Les masques sont silencieux
Et la musique est si lointaine
Qu’elle semble venir des cieux
Oui je veux vous aimer mais vous aimer à peine
Et mon mal est délicieux
Les brebis s’en vont dans la neige
Flocons de laine et ceux d’argent
Des soldats passent et que n’ai-je
Un cœur à moi ce cœur changeant
Changeant et puis encor que sais-je
Sais-je où s’en iront tes cheveux
Crépus comme mer qui moutonne
Sais-je où s’en iront tes cheveux
Et tes mains feuilles de l’automne
Que jonchent aussi nos aveux
Je passais au bord de la Seine
Un livre ancien sous le bras
Le fleuve est pareil à ma peine
Il s’écoule et ne tarit pas
Quand donc finira la semaine
Guillaume Apollinaire, Alcools, 1913
Mercredi 20 septembre 2017
Il n’y a aujourd’hui personne, vraiment, à qui je puisse confier ce qui est vital, primordial, essentiel pour moi dans mon développement, comme, par exemple, le fait que le passé ne peut plus en aucun cas compter pour moi, avoir de l’importance, et au fond me retenir.
C’est étrange de se préparer à vivre quelque chose qui ne ressemble en rien à ce que l’on a connu jusque-là.
J’aimerais me retrouver quelque part où je n’entendrais plus aucun bruit humain, assez longtemps pour me laver les oreilles et l’esprit du vacarme furieux qui règne ici.
...
« C’est la souffrance qui m’a conduit ici, dit-il, et s’il faut blâmer quelqu’un ou quelque chose, c’est elle, pas moi, qui est coupable. Bien que je pense ne pas l’avoir été, on peut être méchant quand on souffre, malheureusement c’est humain ».
Lundi 18 septembre 2017
La vie matérielle, physique, est-elle, comme j’ai tendance à le penser et à me sentir obligé de le formuler depuis ce matin une disgrâce, mais négligeable, qu’on peut accepter, qui est sans gravité, il me semble que oui !
Lundi 11 septembre 2017
Il y a des choses qu’on peut dire et d’autres qu’on ne peut que taire; les choses qu’on peut dire sont celles qui ont une réalité objective bien qu’on ait été seul pour les vivre, les autres appartiennent à « l’homme intérieur », comme dit Jung, elles sécrètent une pudeur insurmontable.
Au nombre des premières il y a cet étrange événement -moi qui ne lis pratiquement plus- d’avoir ré-ouvert « Présent et Avenir », précisément de C.G. Jung, et de m’y être replongé avec naturel, comme animé par une évidence. (C’est un petit livre que j’ai dû lire dans les années 70...)
Ma compréhension aujourd’hui est bien meilleure puisque j’ai même eu l’impression au début que c’était un peu « bébête » (bah oui, j’ai avancé), et puis, étonné, j’ai retrouvé les idées qu’on tendrait à qualifier de nos jours de « mystiques », qui me confirment, en quelque sorte de manière scientifique s’agissant de Jung, que mes préoccupations actuelles sont non seulement fondées mais mieux encore souhaitables, cohérentes, absolument légitimes !
Sa reconnaissance de la psyché et de la conscience le conduit à agréer l’évolution vitale personnelle dont je ne peux pratiquement parler à personne, sauf à décider de déclencher avec mon interlocuteur·trice une dispute désagréable et éventuellement une rupture, ce dont j'ai déjà fait l’expérience.
Il y a en particulier, dans ce livre, une phrase que j’ai envie de citer, car elle exprime une vérité que j’avais du mal à reconnaître, et qui, sous la plume de Jung se révèle lumineusement:
« Il (l’individu) est la réalité fondamentale de la vie, et le rôle des Eglises devrait être de le rendre conscient que le salut du monde dépend du salut de son âme propre. »
Ce qui signifie que ce n’est pas une démarche collective qui peut sauver le monde mais bien un acte individuel !
Il me reste deux chapitres à lire, le VI : « La connaissance de soi », et le VII : « La connaissance de soi, axe de l’avenir ».
A ce stade déjà, ce que je pourrais fournir de personnel pour étayer les propos de Jung appartient à la deuxième catégorie évoquée au début.
Vendredi 8 septembre 2017
(Ancien)
L’art veut être évasion dans un monde qui n’est qu’un champ de ruines
Mais pour aller où ?
Tu sculptes cette pierre noircie par l’incendie
Tu prends de la boue pour faire de l’or
Mais pour payer quoi ?
Vivre de cette façon est impossible, de celle-là comme des autres
Il suffit de regarder la société un instant pour se rendre compte que tout est usurpé, volé par les plus retors, et qu’il n’y a de vrai mérite, de vraie gloire pour un artiste que passée la mort, et encore.
Tout est illusion pour celui qui voudrait « avoir », qui cherche à se consoler, et les « maîtres » en chair et en os ne sont au fond que des escrocs.
Jeudi 31 août 2017
Accepter les idées «naturelles», c’est-à-dire celles qui ne peuvent pas être autres, qui se forment seules et s’entendent d’elles-mêmes -à condition que nous sachions écouter- issues, on le devine, d’un tout cohérent qui doit correspondre -on l’espère- à ce que nous sommes sans encore le savoir clairement, aussi inattendues, étranges, dévastatrices, et comme inacceptables qu’elles semblent à première vue, mais à la fin sereines et justes... Penser ce que l'on doit.
Dimanche 20 août 2017
Ecrit dans les années 80 (je fais le ménage...)
Il y a des lieux qui semblent situés aux confins du monde, comme Argos, dans le Péloponnèse -ultimes bastions de l’humanité- au-delà desquels plus rien ne paraît devoir exister que l’espace inexploré où vivent les monstres fabuleux des anciennes cartes, et d’autres qui sont des nombrils du monde, rassurants, verdoyants, où foisonne la culture, comme la Toscane.
Ceux qui peuplent les premiers -coins enfoncés dans l’Inconnu-, sont des sentinelles aux nerfs à vif, sursautant au moindre bruit et hantés de dangers imaginaires; quant aux autres, paisibles, industrieux, ils inventent des musiques et des chants d’amour.
Samedi 19 août 2017
J’avance par bonds, comme un crapaud, c’est-à-dire par crises, ce qui est assez souvent pénible, mais j’avance.
Arrogant intellectuellement, ce qui peut donner l’impression, aux autres comme à moi-même, que tout va bien, et même trop bien, mais avec un cœur qui saigne à gros bouillons, tout le temps.
Tout le temps c’est un peu comme jamais, on s’y habitue, on ne le voit plus.
Il y a tant de gens comme moi -pour le cœur- que l’on n’y fait pas attention : ils sont « normaux ».
Nous consacrons toute notre intelligence, et nos forces, à créer un peu, et à réformer des choses qui ne ne nous apparaissent qu’à travers nos perceptions déformantes.
Ma bibliothèque est pleine de ces dénonciations de maux qui proviennent d’un mal plus grand lequel reste invisible. Nous révérons les auteurs qui ont ainsi perdu leur vie.
...
Je m’aperçois que la vie ne s’est pas arrêtée au début des années 80 ni n’a attendu pour repartir que j’aie fini de régler les nouveaux problèmes qui étaient apparus à la fin de ma psychothérapie, comme je l’ai imaginé durant ces presque quarante ans !
Or, constatant tous les jours que je me trouvais à la fois dans un lieu et dans une situation inadéquats, inadaptés à l’image que j’ai de moi-même, je pensais devoir continuer à « guérir » -c-à-d à être malade- et je souffrais de n’y pas parvenir.
Toute la problématique était à peu près fausse à l’exception des souvenirs refoulés qu’il fallait retrouver; mais mes « fautes » n’avaient aucune gravité métaphysique : ce n’étaient pas des péchés !
Bon, ça c’est fait.
Vendredi 11 août 2017
Si tout le monde est comme moi, alors, quand il est malade, il prend son so-called, soi-disant « médicament », comme on fait amende honorable, comme on accepte une punition.
J’ai parfois une oppression, de la difficulté à respirer, ce qui est considéré comme « de l’asthme », un état qui semble bien correspondre à un sentiment impromptu (quoique familier et hermétique) de faute, déclenché tout-à-coup par un événement, une situation particuliers. Je réagis alors en attrapant ma détestée Ventoline et je tire une bouffée qui n’est rien d’autre qu’une manière symbolique d’expier.
Et c’est comme ça, ayant obscurément fait ma coulpe, que je reviens à la normale, que je retrouve mon souffle.
Vendredi 21 juillet 2017
Finding Beauty Craig Armstrong
Mercredi 19 juillet 2017
Je pense aujourd’hui que l’on peut dire avec exactitude que je suis né « un contemplatif ». Je n’ai jamais voulu exercer aucun pouvoir à l’égard de qui que ce soit, homme ou animal, intervenir d’une quelconque manière, faire pression, j’étais beaucoup trop intelligent. Malheureusement, ni dans la société (ne sommes-nous pas des « modernes »...), ni dans ma famille, je n’avais la moindre chance d’être reconnu comme tel. Si cela avait été le cas, j’aurais probablement mieux « réussi », et je n’aurais pas connu tous les errements lamentables qui ont constitué jusque-là mon existence.
Je me souviens que mon père me répétait souvent que je n’avais « aucune volonté ». D’accord, il était méchant, mais je réalise à présent qu’il voulait surtout exprimer par là que j’étais beaucoup trop conciliant, d’une bonté ostensible, et dépourvu de l’agressivité ordinaire avec laquelle beaucoup de gens s’imaginent démontrer qu’ils existent.
A l’école primaire on diagnostiqua que j’étais « un génie ». Mes parents furent convoqués pour en être avertis, évidemment en pure perte. Après les avoir informés qu’il existait l’Ecole Normale Supérieure où je serais à coup sûr accueilli en tant que boursier, l’instituteur, espérant frapper leur imagination, déclara que je pouvais même devenir « président de la République » ! Grandiose.
J’aimais tout, les êtres et les choses, les éléments, l’impalpable, l’invisible, le chant des étoiles.
Il ne pouvait y avoir de mort, et la méchanceté, la malveillance -le Mal incarné dans l'homme- était incompréhensible.
Il l'est toujours.
La psychologie est un fil d’Ariane qui, en « pistant » la recherche intellectuelle, spirituelle, permet de s’y retrouver dans le labyrinthe des valeurs et de la légitimation ou pas des résultats qu’on obtient.
Je me considère avant tout comme un enfant de Dieu, ensuite seulement comme un membre de la communauté humaine (en déplorant que celle-ci soit constituée pour l’essentiel de gens qui n’imaginent rien d’autre qu’elle).
J’ai donc à ma disposition un no man’s land sauvage, pacifique et beau.
Les hommes suivent leurs passions, parfois bonnes, parfois mauvaises, jamais leur intelligence.
L’intelligence nous dit de suivre Dieu.
Mardi 18 juillet 2017
Je pense que l’humanité est devenue suicidaire d’une façon déclarée. Elle l’a toujours été, sinon nous n’en serions pas où nous en sommes, mais c’était dissimulé, travesti pour ne pas faire peur aux enfants et à soi-même. On affichait une espèce de bonhomie, de fausse joie de vivre, on souriait, on chantait des chansons dégoulinantes de bons sentiments.
Tandis qu’aujourd’hui, on se sait plus ou moins condamné en ignorant seulement à quoi : cancer programmé, sida fortuit, irrévocable maladie d’Alzheimer, sans compter le chômage garanti; la tragédie nous pend au nez. Pourquoi ferait-on semblant de rien ? On s’assoit devant sa télé et l’on regarde une série passionnante décrivant la vie d’un couple de serial killers. Comme le fiston est parti la semaine dernière faire le djihad en Syrie, on peut déboutonner sa ceinture et se laisser aller, c’est cool.
Lili, ses beaux yeux calmes où s'offre l’éternité...
Lorsque vous proposez une théorie philosophique accessible aux sots et suffisamment simple pour ne pas risquer d’être démentie par les faits s’y rapportant, vous avez plus de chance de passer pour un génie que si vous cherchez à atteindre une vérité ténue et périlleuse qui sera constamment combattue par tous ceux qui ne parviendront ni à la comprendre ni à la vérifier et dont les défenseurs maladroits ne feront qu’aggraver la réputation négative ».
N’est-ce pas ce que s’est dit René Descartes pour rompre avec la pensée mystique du Moyen-Age et trouver un système un peu plus « payant » ?
Mercredi 12 juillet 2017
Je l’ai fait exprès sans le vouloir.
J’ai parfois l’impression que ça allait mieux quand j’étais défaillant.
Cela n’aurait aucune signification que nous ne soyons pas un seul et même Esprit.
Je survis pour le moment avec mes quatre chats, petit, dans une anfractuosité du récif corallien, madrépore, polypier, qu’est le milieu urbain dans sa plus affreuse déclinaison de banlieue, dans le pays qui a nom France, loin, très loin, de mes chères îles grecques, du bleu de la mer et du ciel, des oliviers ombreux et des murs blancs.
Chaque fois que je faisais un peu confiance à quelqu’un et que je me laissais aller, je me heurtais à une incompréhension que j’attribuais toujours à la mauvaise volonté, à un refus de mon interlocuteur de m’écouter et de m’entendre, au lieu de réaliser (comme je viens enfin heureusement de le faire) qu’il pouvait s’agir d’une incapacité véritable.
Ce qu’un animal comme le chat nous offre d’infiniment précieux, c’est, à son contact, de reprendre pied dans la réalité, quand on a perdu celle-ci à cause de la folie des hommes.
Cher Jean,
Tu souffres énormément, parce que tu te trouves à un endroit et à un moment où l’observation du monde contemporain dans toute la variété et l’immensité de sa laideur est pour toi extrêmement aisée. Tu voudrais le réparer.
Il n’y a pas à le réparer, car c’est dans sa nature d’être déglingué. Le monde, au sens religieux où on l’entendait jadis, et il n’y en a pas d’autre, n’est qu’un amas d’illusions toutes plus absurdes et répugnantes les unes que les autres, auxquelles il faut renoncer.
Vendredi 30 juin 2017
Tandis que la dévote tirait le diable par la queue
Et que le fossoyeur se retournait dans sa tombe
Le cul-de-jatte rêvait d’une partie de jambes en l’air
Mais avec ses fers à repasser il pouvait repasser
La vie du cheminot suivait son train-train
Et le poète comme il se doit dépassait les bornes.
Lundi 26 juin 2017
Chaque vie est une fable dans la Fable commune (?).
En y réfléchissant bien et aussi incroyable que cela puisse paraître, aussi extraordinaire, fou, absolument idiot, je crois bien que j’espérais, au terme du travail accompli sur moi-même, inverser le cours du temps et ressusciter les morts. Tout au moins L.
Comme un combattant qui avance farouchement au coeur de la bataille, tandis que les explosions se succèdent, que la fumée s’épaissit, que les cadavres autour de lui s’amoncellent, je ne pensais qu’à atteindre mon but comme si cet exploit effacerait alors tous les dégâts.
Je ne suis qu’à une faible distance et rien ne paraît présager que j’aie raison...quoiqu'autrement.
Dimanche 25 juin 2017
Pour moi les « cons » (je réponds là, avec beaucoup de retard, à une question de l’une de mes sœurs qui n’en saura probablement rien, et ce mot n’a jamais exprimé pour moi le dédain, le mépris, mais toujours la colère), sont ceux dont les idées métaphysiques, implicites le plus souvent, et parfois déclarées (quand on a de la chance), sont à l’évidence boiteuses, ou, ce qui est plus fréquent, tellement stupides qu’on pourrait convenir tout aussi bien qu’ils n’en ont pas du tout. D’ailleurs, beaucoup, à cet égard, peuvent être considérés comme morts.
En tout un grand nombre de gens.
Vous allez me dire, spontanément : « Mais qu’est-ce qu’on en a à f… ! Ces idées-là ne servent à rien, et rien n’est sûr dans ce domaine ! Est-ce que cela empêche de lire, d’écrire, de compter, de réussir sa vie professionnelle, sentimentale ? »
Et je vous répondrai : « C’est fondamental ! Tout ce que vous faites, la manière même dont vous respirez en dépend ! La manière dont vous marchez, dont vous vous vous habillez, dont vous parlez, dépend de vos idées métaphysiques, que vous les connaissiez ou pas, que vous y ayez réfléchi ou décidé de vous asseoir dessus ! La première intelligence consiste à se rendre compte de leur importance. »
Et, pour être complet sur le sujet, j’ajoute que le contraire de la connerie consistant à exister avec une métaphysique défectueuse est « le calage ».
Il ne s’agit pas de l’intelligence « intellectuelle ». Quelqu’un de « simple » peut très bien posséder cette cale.
(Nous ne nous soucions pas de prouesses intellectuelles, ni de jeux de logique. Nous nous occupons seulement de ce qui est l’évidence même.)¹
On n’est pas vacillant, on tient debout, on est « calé ». Cela n’épargne aucun tourment, et même souvent les multiplie et les aggrave, car, d’une part il faut faire avec les cons -le monde entier ou presque à des degrés divers, selon mon expérience-, et d’autre part la croissance spirituelle à laquelle il est impossible d’échapper avec ce point de départ n’est pas une aventure de tout repos.
¹ A Course in Miracles
Mardi 20 juin 2017
On ne peut pas être intelligent si l’on se soucie de l’être ou d’avoir l’air de l’être.
C’est une des choses fondamentales qui distinguent le surdoué des normo pensants. C’est aussi ce qui explique sa tendance à prononcer des jugements abrupts et choquants pour la majorité des gens, sans même s’en rendre compte. « Tu te trompes », « tu as tort », « c’est con », etc., lui paraissent des formules normales. Il n’existe pas d’amour-propre intellectuel à ses yeux, ce serait contre-productif. Les idées appartiennent à tout le monde, ou à personne ; on les reçoit le plus souvent sans effort, et les raisonnements ne sont qu’une simple gymnastique, au total rien dont on puisse s’enorgueillir. Tout au plus s’il s’agit d’une nouveauté qui paraît utile, on est content, voire très content au maximum.
Les compliments que l’on reçoit, évidemment, n’ont aucune valeur. En faire soi-même en croyant dispenser quelque chose est aussi une vanité.
Tout cela complique singulièrement les relations avec la plupart de ceux qui voient les choses de manière différente.
Lundi 19 juin 2017
Avec l’idée que le « contrat » entre Balda et moi impliquait que je devienne le mec le plus éminent de la planète, vous imaginez ici, à Saint-Denis, ma résidence actuelle, le sentiment d’échec !
Est-il possible qu’un contraire si total n’ait pas de sens ?
Je me serais trompé, d’accord, mais elle aussi ? Et en inversant tout ?
Il n’y a que deux solutions : 1/ la concrétisation se met en place progressivement : déménagement, prospérité relative. Même si le but pressenti n’est pas atteint, un lot de consolation est offert.
2/ la réussite a bien lieu mais hors de ce monde, et la nullité apparente est la forme extérieure de l’absolu atteint.
Les sirènes, filles à la peau verte …
Que mon avenir soit exactement celui que Dieu veut pour moi.
L’éternité est de mon côté.
Lundi 5 juin 2017
Comprendre, comprendre, voilà mon aspiration
Non pas savoir mais comprendre
De toutes mes forces
En attendant de connaître.
Vendredi 2 juin 2017
Finalement ce n’est pas si difficile à comprendre. Moi qui étais si à l’aise dans la gabegie générale, qui avais très bien compris comment fonctionnaient mes semblables et qui n’attendais rien, ni d’eux, ni de moi-même, je finis par imaginer à cause des observations réitérés et tellement nombreuses que Balda m’adressa pendant plusieurs années au sujet de L. afin de la défendre contre mes attaques, que la «perfection » de cette dernière était la qualité de tous ceux qui, comme elle, avait un travail, un salaire régulier, une vie réglée, bref les gens normaux, pas les artistes, et encore moins les zèbres en stratégie de fuite comme moi, ce dont j'étais très loin d'être conscient, qui picolais, se droguais occasionnellement, se révoltais sans espoir ni succès contre la société. Et, culpabilisant -ce que je savais faire le mieux- je me mis à vouloir m’amender et ressembler à ces « parfaits » qui n’existaient pas.
Pendant trente ans j’ai recherché la perfection dont je croyais les autres détenteurs, acteurs et chantres, en me demandant pourquoi cela ne me rapportait qu’incompréhension, mépris parfois, et même une sorte de haine à l’occasion.
Pour tenter d’y pallier, alors qu’officiellement je n’étais qu’un quelconque ouvrier, je faisais état de mon niveau d’études et étalais mes connaissances, ce qui ne faisait évidemment qu’aggraver mon cas.
J’ai bien souffert, encore qu’avec une ingénuité et une bonne foi en forme de bouclier.
Un vrai con¹.
Grâce à Dieu, depuis peu j’ai rechaussé mes bottes de sept lieues, dont je n’attends pas qu’elles me conduisent dans un endroit plus extraordinaire que celui que j’avais perdu en les abandonnant. Peut-être est-il trop tard et je ne suis plus tellement sûr qu’il faille compter sur leur magie. Mais elles sont moi-même, et me dispensent de chercher le bonheur où il n’est pas.
1 Sympa quand même, je trouve.
Mercredi 31 mai 2017
Percevoir la toute-puissance de la nature à des fins d’équilibre personnel, de sagesse et de paix, est ce qui nous manque en Europe où le décor urbain a pratiquement remplacé le cadre naturel. Quelqu’un, comme moi, qui vient de passer des années en ville ne peut même pas profiter d’une promenade dans un parc. Les immeubles l’entourent et l’on a l’impression que sous la terre et les arbres il y a un socle épais de macadam. Il ne peut s’agir que d’une illusion.
Toute la France, du moins au commencement d’un séjour à la campagne, a cet aspect artificiel d’un arrangement humain. Il faut du temps, s’enfoncer dans la réalité des détails, pour retrouver un peu le sentiment d’un ordre véritable, irréductible, qui nous définit. Pas grand-chose de sauvage, sauf dans les lieux reculés, difficiles à exploiter, n’a été préservé. Si l’on s’y rend on le sait, on s’y rend comme à une exception; à cause de cette idée il faut aussi un certain temps pour retrouver là le sentiment précieux du normal et de l’altérité conjoints.
Je pense que nous sommes des imbéciles de nous détacher de la nature, même si c’est une sorte de vocation de notre espèce. Nous devrions garder un rapport filial avec elle, la respecter, l’aimer, au moins pour ce qu’elle peut nous apprendre sur nous-même, sur notre vérité et nos perversités, comme un nécessaire miroir.
En outre -mais est-ce le principal pour une humanité coupable et suicidaire?- notre survie en dépend. Notre démarche « civilisatrice » aboutit actuellement à la destruction de la biodiversité : 421 millions d’oiseaux en moins en Europe en 30 ans, les abeilles et beaucoup d’autres insectes qui disparaissent, le jour « zéro poisson » dans les océans et mers du globe programmé pour 2048 !
Dimanche 28 mai 2017
J’ai toujours considéré que l’harmonie des êtres humains entre eux était le préalable, ce qui, en tant que THQI, ne pouvait être que constamment démenti par l’expérience.
Comme, par ailleurs, depuis la prime enfance, j’avais accepté ma culpabilité foncière, c’est à elle que j’imputais les problèmes que je rencontrais, multipliant ainsi l’erreur initiale.
Il est très difficile, voire impossible, de comprendre qu’on est radicalement différent sur le plan intellectuel.
« Nous ne soucions pas de prouesses intellectuelles ni de jeux de logique. Nous nous occupons seulement de ce qui est l’évidence même » était (et est toujours) mon motto, sauf que ce qui était évident pour moi ne l’était pour personne.
Son erreur principale dans la vie, avait toujours été de croire qu’elle était le plus méritante, et dût obtenir ainsi la gratitude et l’amour des autres, en se sacrifiant.
Samedi 27 mai 2017
Dans mon cas (…), il faut se débarrasser du besoin d’être « normal » !
Jeudi 4 mai 2017
L’humanité actuelle est dans l’ivresse de puissance provoquée par les découvertes de la Physique qui ont donné naissance à la civilisation industrielle, et elle se figure que cet état est normal.
Cette ivresse conduit le monde vers la catastrophe.
En réalité l’âme humaine est humble et respectueuse, circonspecte, attentive, tendre, musicale, et ses fulgurances naturelles, qui ne prétendent jamais s’incarner, nous rendent plus légers et non plus lourds, au contraire des ivrognes dont le rêve uniquement a de la grandeur, et dont la démarche, les gestes sont grotesques.
Or, c’est exactement ce qui nous arrive. Nous nous croyons capables de tout, comme des dieux. Nous ne pouvons plus rien concevoir à l'échelle humaine. Nous avons pris l'habitude de la démesure (tiens, oui, l'hybris grecque), tandis que nous nous pissons et chions dessus comme aucune bête ne le fait jamais.
Mardi 2 mai 2017
Les grands écrivains et les poètes croient que le langage doit pouvoir exprimer l’indicible, tout comme la peinture, pour les grands peintres, montrer l’invisible, et ainsi de suite, sculpteurs l'impalpable, musiciens l'inaudible, etc., l’art pour traverser l'illusion que nous appelons à tort la « réalité » -ce mur épais- et tenter de rejoindre Dieu !
L’art est une prière.
Jeudi 27 avril 2017
Moi : -« Je suis le Gobileur. On me demande de te demander si ça va. »
A. Rimbaud : -« Le Gobileur, tu es le seul qui me comprenait. »
Cette réponse devrait me rendre un peu de la considération qui me manque cruellement depuis pas mal de temps.
Quelqu’un qui m’avait connu a eu cette idée pour me rendre service. D’après lui, dorénavant, il y a bon espoir.
Il est bien difficile de faire comprendre sa pensée à quelqu’un qui déjà ne connaît ni ne comprend aucun des éléments dont elle est constituée.
Lundi 17 avril 2017
J’essaie seulement, par mon humour irrespectueux et parfois un peu déplacé, de sortir les gens du mode « pilotage automatique » dans lequel ils se complaisent la plupart du temps. Si mes saillies les agacent, qu’ils sachent que leur inertie conformiste m’irrite également pas mal.
La société me fait peur, mais pas les individus séparément : je les aime trop !
Le sd, le zèbre
L’anarchisme chrétien, déjà parce que le reste est inacceptable, parce qu'il n'y a rien d'autre…
Mercredi 12 avril 2017
J’avais trouvé à exprimer un certain ressentiment « avec esprit » sous la forme suivante : « Je veux bien être modeste, mais pas méconnu ! »
Puis, songeant à immortaliser ce subtil aphorisme en l’écrivant, je me dis qu’inconnu, à la rigueur, était sans conséquence. Et compris finalement que mon sort habituel, dont je voulais me plaindre, n’en valait pas non plus la peine.
Je préfère être un illuminé qu’un éteint.
Lundi 3 avril 2017
Dans ce monde de folie protéiforme, le « normal » est une aventure et un émerveillement.
Il m’est arrivé quelque chose ce matin qui, il y a quelques siècles, aurait probablement conduit les témoins, s’il y en avait eu, à faire venir en urgence l’exorciseur. C’est la deuxième fois en quelques mois.
Je suis assailli de douleurs qui me paraissent correspondre à un problème gastrique, un problème d’air coincé dans la tuyauterie comme des contrariétés peuvent le provoquer, mais qui atteint là un paroxysme jamais connu auparavant. Pendant plus d’une heure, si je ne me roule pas par terre en hurlant et en bavant, c’est tout comme. Je me retrouve à quatre pattes, essayant de résister ou de me détendre, ce qui, évidemment, est contradictoire et ne peut aboutir, et cette épreuve se double d’une souffrance morale avec surchauffe intellectuelle, questions et doutes imprécis, mais, toute idée étant coupable je ne peux pas réfléchir, pardons et excuses sans objet, etc., prouvant, si besoin était, que c’est au minimum psychosomatique, sinon psychologique tout court.
La première fois le soulagement était venu avec un rot caverneux et prolongé qui m’avait convaincu que c’était uniquement physique, le désordre mental n’étant qu’un supplément opportuniste.
Mais aujourd’hui pas de rot. Uniquement la découverte tout-à-coup d’un pouvoir perdu, celui d’avoir un haut-le-coeur, une nausée, et de faire une tentative de vomissement.
Et je me suis souvenu d’un épisode de mon enfance au cours duquel une envie de vomir irrépressible (et justifiée, dans des circonstances que je ne vous raconterai pas) m’avait paru une faiblesse à corriger, conviction si puissante que je réussis en grandissant à la concrétiser. Je devins pratiquement incapable de ce réflexe pourtant parfois salutaire.
Il s'est rétabli aujourd’hui à la vue des quelques crachats de salive bien inoffensifs que j’avais déversés dans une cuvette quand j’étais à quatre pattes dans la salle de bain -ah bah oui, je bavais !- et tout est revenu rapidement à la normale.
Finalement, je me suis endormi avec un chat ou deux sur le canapé jusqu’à midi et demi, avec un grand bonheur.
Le travail de ma psy avec moi a été tellement important, s'agissant, pour me sauver, de refaire pratiquement toute mon éducation, que j’ai fini par croire que l’enjeu en était le Salut lui-même et qu’elle m’accompagnerait ainsi, même disparue physiquement, jusqu’au bout. Et avec l’habitude, tout ce qui n’avait pas été marqué par elle était suspect et je tendais à m’en détourner. Comme si elle m’avait ouvert une voie, la sienne, dont elle connaissait toutes les étapes et la destination finale.
Mais non.
Et ce qui reste à parcourir, malgré l’équilibre presque parfait que je croyais avoir atteint, est tellement étrange et imprévu, bizarre, héroïque, fou, inimaginable, que je ne sais si je dois m’en réjouir ou le déplorer, invoquer la passion ou la raison, abandonner toute volonté ou le contraire, bouger ou ne plus faire un geste.
Il n’y a rien pour m’aider dans la nomenclature, plus de guide répertorié, de savoir approuvé. Et je suis seul.
Et en même temps, venu du Ciel, j’ai un livre, un livre de philosophie « mystique » qui répond à toutes les questions que je me suis posé durant toute ma vie (et cela c'est déjà beaucoup quand on a gardé comme moi sa curiosité d'enfant), avec non seulement des définitions, des explications, mais des conseils, des leçons, et, à condition de ne pas rester sourd, toute la compagnie nécessaire !
Mardi 28 mars 2017
Or donc, des gens commenceraient par croire en Dieu de la manière la plus puérile qui soit, débile même, un Dieu secourable à leur dimension, censé les assister dans leurs recherches de bénéfices, de profits, de satisfactions élémentaires, et qui guérirait les maladies, les bobos, sur demande.
Souvent, dans l’élaboration de ce concept, l’aide de professionnels en soutanes, en robes, en boubous, en slips, et même parfois tous nus, toujours coiffés d’étranges couvre-chefs pour établir leur majesté, peints, tatoués, troués, scarifiés, circoncis, et bardés d’amulettes diverses, avec l’approbation laudative de la société, relayée souvent par la famille, n’est pas fortuite, malheureusement.
Puis, ayant compris enfin que « Dieu Il n’existe pas », se sentiraient enfin adultes, libérés, en un mot (ou deux) : athées !
(Moi, c’est café !)
Que c’est bon ensuite, pour pallier à la solitude qui n'a pas manqué de survenir, de se reconnaître adorateurs du même non-culte, frères ou sœurs en mécréance, non-croyants.
(Non-croyant, cela ne sonne-t-il pas un peu absurde, si on oublie le sens relatif d’ « ennemi de telle ou telle église » ?)
Je me souviens d’une amie « progressiste », prête littéralement à m’embrasser en lisant une déclaration de foi un trop ambiguë que j’avais écrite, puis réalisant avec déception sa méprise.
Car je n’ai jamais pu imaginer qu’un Dieu à ma dissemblance, et j’ai attendu seul le coeur battant toute ma vie en révérant Son Absolu de comprendre ce que signifie d’avoir été créé à Son image !
Lundi 27 mars 2017
Je n’ai rien, je ne suis rien. Je ne vois pas ce qui pourrait m’arriver de pire. Ou de mieux !
J’assiste depuis mon enfance, je peux dire depuis toujours, à la connerie humaine. Je l’ai observée sous toutes ses formes. Je me suis raconté quantités d’histoires pour me leurrer, pour ne pas la voir, mais c’est d’elle qu’il s’agit, toujours.
Les hommes passent leur temps à lutter contre la paix, elle leur fait peur. La paix, le silence. Ils redoutent ce qui ne pourrait manquer d’arriver si ces conditions étaient réunies , la venue de Dieu !
En quoi le Tout peut-il être redoutable ? Nous en faisons forcément partie, il ne peut pas nous détruire. A moins que nous nous considérions comme distincts de Lui, ce qui est bien la connerie ultime. Pas même un problème de morale, tout simplement de la bêtise.
Alléluia !
Je ne fais rien d’autre, là, que de lâcher du lest.
Dans le concert des voix discordantes...
Vendredi 24 mars 2017
(Avoir une « idée » de quelqu’un -et c’est ce que tout le monde fait avec ses « connaissances »- revient à s’imaginer qu’on le possède.)
« Mais excusez-moi, Madame, Monsieur, je ne suis pas votre prisonnier ! »
Nous imaginons à tort la mort grande, forte, hautaine, à la ressemblance de la peur qu’elle nous inspire, tandis qu’elle est petite, usée, humble, épuisée par les efforts incessants que nous lui demandons pour servir tous nos desseins secrets, notre constant désir de punition et de sacrifice.
Elle ne demanderait qu’à nous oublier, selon toute vraisemblance, si nous la laissions un peu tranquille.
On croit que la rencontre avec elle sera quelque chose de prodigieux qui affectera le monde, mais non... même pas l’impact en automne d’une feuille fanée détachée d’un arbre et qui se pose sans le moindre bruit sur le sol tranquille de la forêt. Un véritable non-événement.
Et c’est bien ainsi.
Jeudi 23 mars 2017
La société du spectacle n’abolit pas la réalité « en vrai ». Elle l’abolit pour l’esprit superficiel, certes pour une grande partie de nous-mêmes ; elle abolit de fait la partie de nous-mêmes qui correspond à ces apparences de réalité trompeuses dans lesquelles elle œuvre. Il ne reste donc plus qu’à nous occuper de l’irréductible, autrement plus important, qui la récuse totalement : l’esprit profond, la vertu !
Mercredi 22 mars 2017
Les normo pensants sont des surdoués qui ont quitté la barque natale, et c’est peine perdue que de vouloir les aider à y retourner. C'est ce qu'ils aiment le moins qu'on fasse pour eux. La grâce de Dieu seule peut le leur permettre.
Samedi 18 mars 2017
Le cartésianisme c’est la primauté donnée à l’intellect au détriment, au préjudice, du moi, qui pourtant le contient.
La primauté de l’intellect c’est le renforcement de l’ego.
Prendre c’est voler. (Donner c’est recevoir).
Nous vivons à une époque de voleurs.
Mercredi 22 février 2017
Je suis un coeur dévasté une âme no man’s land le « qui suis-je ? » de tout un chacun allé jusqu’au bout du non-moi parental pour trouver sa non-réponse
J’ai frappé à toutes les portes sans exception
J’ai essayé tous les habits dont aucun ne me va
Je n’ai pas avancé d’un pouce (mais personne ne le peut) en n’ayant jamais cessé de marcher
Je peux rire et pleurer en même temps
Je me mords la queue comme le serpent Ouroboros
Je suis et je ne suis pas je vis et je suis mort
Je suis exactement au moment où tout a commencé jadis
J’ai vérifié le temps et je sais qu’il n’existe pas
J’ai cru à l’existence de ma mère en tant qu’esprit nourricier
Pour elle ainsi qu’à mon père qu’elle était en écho j’ai mouru
Pour lui déclarer mon amour.
Mercredi 15 février 2017
Un peu de pittoresque.
Il n’est malheureusement pas impossible que ma seule ambition ici-bas n’ait été, pour complaire à ma mère, que de me retrouver, surtout à l’âge canonique que j’ai aujourd’hui, dans un appartement clair et spacieux savamment décoré (sans avoir oublié de tenir compte de sa position géographique), abritant des œuvres d’art coûteuses (d’amis, de préférence, et peut-être de moi-même), ambition que je n’ai évidemment pas su mener à bien, et ce n’est pas faute, trop tardivement sans doute, d’avoir essayé espéré !
Tout à fait un rêve de fille de mineur.
Il aurait réclamé un héritage ou un don, un ou des événements miraculeux, à défaut des multiples turpitudes étrangères à ma nature que ce genre de résultat nécessite couramment.
Mardi 14 février 2017
J’ai croisé récemment une dame, « artiste » de son état, qui s’imagine avoir compris l’essence de la poésie parce qu’elle a simplement pris le parti de confondre celle-ci avec le pittoresque.
Ne sachant pas à qui elle avait affaire, elle a eu l’audace de vouloir me rallier à son point de vue !
J’entends protester ici, car, sur le moment, éberlué, je n’ai pas su quoi lui répondre, mais je signale toutefois que le pittoresque ne me paraît pas dénué d’intérêt. Il m’arrive de m’en servir comme d’une respiration dans ce que j’écris, en allant le puiser particulièrement dans une source aussi banale que lui : l’humain !
Dimanche 12 février 2017
Nous jouons tous une partie où l’enjeu, que l’on soit gagnant ou perdant, qu’on le comprenne ou pas -mais tous le comprennent, d’une façon ou d’une autre, et certains même l’approuvent qui ne sont pourtant pas des assassins déclarés- est la mort. Il faut donc sortir de la partie !
Plutôt que de conclure aussi logiquement, tous les hommes d'aujourd’hui, comme ceux des siècles passés, ici et ailleurs, s’appliquent à jouer de la façon qui leur paraît la plus intéressante, et qui consiste toujours à tuer son semblable, consciemment ou pas, sous une forme évidente ou discrète, justifiée ou pas en apparence.
Je te tue. Je te poignarde ou je t’étrangle. Je te brûle ou je t’empoisonne. Je te coupe en petits morceaux ou je t’écrase. Je te torture savamment ou je te laisse mourir de faim.
C’est le jeu de l’ego. « Je, je, je », qui ne peut exister que « contre l’autre ».
Une occupation exclusive, qui nous paraît conforme à l’ordre universel, et qui semble encore plus nécessaire lorsqu’il s’agit d’un quidam qui ne veut pas participer au Grand Massacre Réciproque, qui refuse cette forme perverse de ce que certains osent appeler parfois la fraternité (Tous Ensemble Dans La Gadoue !).
Un traître à l’espèce humaine, qui mérite d’autant plus la mort...
Cependant c’est lui/Lui qui a raison : la seule félicité est au Ciel, il n’y a de fraternité qu’en Jésus Christ.
Voilà ce que j’aurai dû me dire quand j’avais cinq ans -je le savais déjà mais le « pourquoi ? » et ma prétention à le découvrir, m’aveuglaient- cela m’aurait épargné beaucoup d’erreurs.
Lundi 6 février 2017
Chats
J’ai l’impression de flatter un bison ce matin en posant ma main sur l’encolure de Lili. N’a-t-elle pas, à d’autres moments, un regard fixe et rond d’oiseau prédateur, hibou, faucon ?
Daisy fait parfois entendre une voix presque humaine pour ressasser interminablement, en vaguant dans les coins, ce qui ressemble à de vieux griefs douloureux contre le Destin. Je dois établir avec elle un dialogue hautement intuitif pour la faire revenir à la normale, moi-même un peu halluciné par ses inflexions étrangement mélodieuses de tragédienne consommée.
Je ne vous parle pas de Babou et de son allure de guépard, qui vous transportent d’un seul coup dans la savane en compagnie des grands fauves. Quels voyages !
Samedi 4 février 2017
Niveau 2-3
La foi des cathédrales est la foi rampante qui veut s’élever. Tout ce peuple emporté par un même élan (que se plairont à vanter plus tard les historiens), se heurte, crie, s’invective. Les jurons, les blasphèmes fusent. Des pieds sont écrasés, des doigts tranchés, chaque jour le sang coule, on meurt. Les sanglots résonnent sans fin tandis que s'accomplit l'ouvrage...
Nous n’avons pas besoin de nous soucier de leurs empilements de pierres.
Nous voulons prier dans une cathédrale intangible de lumière.
Jeudi 2 février 2017
Enfants fous, troupeau
Vous pensez que je suis arrivé ici, dans ce cul-de-sac, et que je n’ai pas l’intention d’en repartir ? Que je vais attendre patiemment, en chantant des comptines avec vous, que la mort vienne m’en tirer? Tout en me faisant du mauvais sang en quantité raisonnable, à intervalles réguliers, comme vous le faites, pour avoir l’air, comme vous l’imaginez, sérieux ?
(Enfants fous !)
Que je vais, par exemple, aller voter ? Pour un de ces mendiants prodigues ou mercenaires flétris censés représenter ce que vous êtes, vous : viande sur pied en route vers l’abattoir ? Depuis que je suis majeur, en un demi-siècle bien tassé, je n’ai jamais voté !
Cela vous hérisse, n’est-ce pas ? Vous qui ne croyez pas en Dieu (ou le prétendez), vous croyez dans les élections, un comble. Vous êtes convaincu qu’en déposant dans une urne un petit bout de papier sur lequel est écrit le nom d’un couillon quelconque, vous accédez à la grandeur de la condition humaine. Là, vous existez ! Là, vous êtes Dieu en en élisant un autre pour vous gouverner !
(Troupeau !)
Je ne fais pas partie de votre engeance. Je ne veux pas mourir comme vous, « mourir comme un homme ».
Vendredi 20 janvier 2017
Le Grand Règne Pharmaceutique
Les pharmacies sont le symbole de nos vaines et fausses contritions. Elles trônent toujours à un coin de rue, prospères jusqu'à l'indécence, peuplées et affairées de malheureux de toute espèce, produisant une vaste rumeur heureusement sans écho.
On les regarde tout en les considérant comme invisibles. Il en va d’elles exactement comme de tout ce qui a trait à la politique : un mal permanent dont on ne sait comment se passer.
Jeudi 19 janvier 2017
Niveau 1
A force de penser à tes problèmes, de poursuivre tes désirs, de te regarder le nombril, de passer ton temps enfermé avec cette part de toi-même, tu finis par être persuadé que tu es ta propre création et tu en tires rapidement un invraisemblable orgueil. Te voilà convaincu d’être ton propre démiurge et tu te considères comme le maître du monde. Et l’on voit avec quels résultats : tu détruis à peu près tout ce que tu touches !
Tu es pitoyable.
N’est-ce pas plus intelligent d’admettre que tu ne t’es pas créé toi-même et que tu es un autre dont tu ignores l'essentiel ? Et de vouloir y remédier ?
Lundi 16 janvier 2017
Les grandes pensées, par exemple celle-ci, de Nietszche, qu’Albert Camus appose en dédicace d’Actuelles II pour René Char (bien que je n’accorde pas beaucoup de crédit à aucun de ces deux auteurs) : « Ah ! Si seulement les poètes consentaient à redevenir ce qu’ils étaient autrefois : des voyants qui nous parlent de ce qui est possible… Que ne nous donnent-ils l’avant-goût des vertus à venir » ne sont pas des ornements apportés à la vie comme des bronzes sur un beau meuble, un luxe pour enrichir les loisirs d’une catégorie d’intellectuels jouisseurs qu’on imagine d’ailleurs assez mal, pas plus que du matériel professionnel à l’usage de spécialistes, philosophes, écrivains, artistes divers, etc.
Parce qu’elles sont vraies, elles sont la vie même, ou plutôt celle de l’Esprit commun à tous qui est, de la vie apparente, l’essence, la réalité. Elles propagent la lumière qui doit nous éclairer à chaque instant lorsque nous ne voulons pas nous contenter de la mort. Nous devons les reconnaître et les entendre, les accepter pour nôtres et en tenir compte de la façon la plus appliquée possible. (A la date du 8 janvier, j'ignorais totalement cette citation, découverte aujourd'hui par un pur (?) hasard sur Twitter.)
Lundi 9 janvier 2017
« Croire en Dieu » est la seule chose qui empêche de tuer dans certaines circonstances de grande détresse psychologique et morale.
Je ne parle pas de la soumission à une secte, une église, d’une appartenance idéologique, culturelle, qui revendique cet intitulé, mais de l’Espérance naturelle, de la foi innée, de la structure « croyance » dans la psychè... de ce soupirail qui est la seule source de clarté dans le sous-sol où nous vivons déjà, et que d’aucuns, se proclamant athées sans l’être heureusement, voudraient non seulement clore mais en recouvrir les vitres d’un voile si opaque que ne pourrait passer aucun rayon.
Pour avoir effleuré cet état, je peux vous affirmer qu’on ne peut pas y vivre et que la seule sortie en est le meurtre.
Mieux vaut s’en remettre à Autre Chose que le sinistre ego, pour résoudre le problème impossible à résoudre dont on souffre. On s’octroie un sursis -d’ailleurs involontairement, ce n’est pas une décision rationnelle- qui bénéficie à celui ou celle qu’on aurait dû supprimer comme obstacle inévitable incarné.
Quand un homme entend se passer de Dieu afin de récupérer sa souveraineté volée par la « religion », il ne se rend pas compte que ce désir serait impossible s’il ne possédait justement quelque part en lui, sous un inattendu déguisement, la croyance en Dieu.
Jeudi 8 janvier 2017
La vertu est pourtant l’unique moyen de découvrir le « nouveau » dont rêvait Baudelaire, qui, comme tout homme d’une véritable intelligence, s’ennuyait ferme dans la vie « normale » et le vice plus ou moins grand et nombreux qui l’accompagne. Son excuse pour ne pas y avoir songé complètement est l’emprise morbide de la syphilis qu’il subissait depuis ses dix-sept ans, et qui devait bloquer une partie de ses aspirations. Syphilis dont il est mort à 46 ans seulement. Eh, oui, mon semblable, mon frère, la vertu, la sotte vertu !
Mercredi 4 janvier 2017
Mon coeur que tout irrite, excepté la candeur de l’antique animal…
Donc vous n’y croyez pas...Vous êtes de ces esprits rassis, cartésiens, adeptes de la raison, des tenants de la logique, des esprits forts, des gens sérieux… (en fait, je le sais bien, cette catégorie n’existe pas, c’est un mythe, ils font seulement semblant -mieux vaut ne pas savoir ce que cela cache-, et les plus sérieux parmi les hommes sont ceux qui ne prétendent pas l’être)…
N’empêche qu’après avoir regardé ce film « fantastique », et qui plus est « pour enfants » : « Le Prisonnier d’Azkaban », et envié le héros d'amadouer le farouche Hippogriffe, alors que je m’apprêtais à remonter dans ma voiture aux alentours de minuit, cette chatte inconnue, jeune, un peu rousse, tigrée, a traversé avec détermination depuis l’autre côté de la rue déserte, surgissant de l’ombre de la nuit, s’est assise devant moi, et m’a miaulé pendant une ou deux minutes -ce qui est très long- ce qui était probablement son histoire et ses difficultés.
« La magie continue ! » ai-je lancé en riant à Nadine qui attendait sur le trottoir côté passager, et, ne sachant trop quoi faire, j’ai machinalement ouvert ma portière.
La bestiole a aussitôt bondi dans la voiture -Lili, c’était à l'évidence son nom, qu’elle a immédiatement reconnu- et elle est toujours avec moi douze années plus tard, adorable, tandis que Nadine, elle, m’a depuis fièrement quitté.
Méditation du matin obscure, et triste, et inutile…
C'est le résultat d’un rêve de dernière minute, pénible, comme il m’arrive très souvent depuis quelque temps d’en faire, un rêve qui met à bas toutes mes prétentions en me dépeignant comme quelqu’un d’indigent, dans des circonstances vraiment désastreuses, compliquées, inextricables, que seul un crétin, mais pire encore, un faible, un indécis, un maladroit, un médiocre, a pu se laisser imposer.
J’essaie de remédier à quelque chose de précis au début sans aboutir, puis qui s’éloigne et devient de plus en plus vague. Les circonstances se compliquent, beaucoup de gens surgissent et interviennent sans insister, disparaissent, et les péripéties s’enchaînent en m’éloignant de mon but, cependant que tout s’aggrave. J’ai une certaine bonne volonté mais peu de conviction. Je suis principalement désemparé et inquiet pour ma réputation, car la famille de ma femme -celle-ci n’étant pas réellement définie par ailleurs- est en cause, du moins au début. C’est un monde absurde qui tournoie autour de moi, d’innombrables possibles surgissent sans arrêt et je vais sans méthode de l’un à l’autre sans trouver la moindre solution. Je ne souffre pas. C’est surtout un malaise intellectuel, mais total.
Lundi 2 janvier 2017
Clint Eastwood fait des films hautement commerciaux. Cela devrait signifier le contraire de « bassement commerciaux», mais en fait pas du tout.
Dimanche 1er janvier 2017
C’est toujours pour moi une consolation prodigieuse, qui corrige presque totalement ce qui l’avait rendu nécessaire, voire obligatoire (puisque je suis censé être en marche comme tout le monde vers un meilleur équilibre, une plus grande conscience), de comprendre.
Par exemple, revenant aujourd’hui de mes courses de dernière minute pour les chats, et apercevant à l’improviste ma moustache grise-blanche dans le miroir de l’entrée, c’est-à-dire, vous l’aurez peut-être compris, l’âge, la vieillesse, victorieux, tout le flot de regrets ordinaires, de désespoir normal, d’amertume banale, de dégoût habituel, de honte reconnue, qui s’écoule en petit filet ad nauseam quand j’évalue avec précision ma situation, mes possibilités vaines de la changer, etc., m’a submergé d’un seul coup comme une gigantesque vague tout en se résumant dans mon esprit pour la première fois en une claire formule lapidaire, bizarre cadeau de la Saint-Sylvestre : j’ai, non pas « raté ma vie » ainsi que je le pensais, mais un peu plus étrange, je l’ai « oubliée », « abandonnée », « égarée », « perdue » (oui, il me semblait toujours qu’il y avait d’autres urgences que de s’en occuper, de la choyer, la pauvre, de l'accomplir...) ! J’ai perdu ma vie (comme on perd ses papiers, ses clefs, son porte-monnaie), et aussitôt, joyeusement, sans effort et avec véracité, la formule se complète d’elle-même : mais enfin je le sais !
... Je pourrais peut-être la retrouver, qui sait ? ...
Comprendre c’est pardonner.
Jeudi 29 décembre 2016
Si ma mère ne m’avait pas trimballé à l’âge de deux ans chez le bijoutier du coin (merveilleuse boutique dans le XIXe arrondissement bourgeois de mon enfance -métro Laumière) pour me placer sous la protection de la Vierge en m'accrochant au cou une chaîne en or et une médaille (malgré notre pauvreté), je n’aurais pas été toute ma vie un fondu de Beauté que seule la différence d’époque a empêché de le proclamer à tout va et de s’en glorifier comme le fit en son temps Baudelaire.
Je vis à cette occasion ma mère hésiter longuement, s’interroger à haute voix, argumenter avec la vendeuse pour décider, de toutes ces breloques, « laquelle était la plus belle ? » -ce n’était pas une mince affaire- et, en écoutant et en observant, captivé, surgit devant moi presque physiquement l'idole mystérieuse et secrète, impalpable, indéfinie -occulte- qui possédait à l’évidence la capacité d’être tyrannique.
C’était très intéressant et je voulais comprendre, je reconnus cette « existence », j’acquis en quelque sorte le virus.
Bien entendu il s’agit d’un rêve, la Beauté n’existe pas.
Elle est le fruit de nos comparaisons et de notre expérience, de nos conventions, de notre formation et de notre personnalité, etc., nous l’inventons constamment, la créons en la voulant objective bien que nous sachions précisément que c’est le contraire qui la caractérise.
Elle nous paraît indispensable et son absence peut être une véritable torture.
Nous l’aimons et elle nous fait souffrir.
C’est un jeu puéril et savant.
Elle fait de moi un être unique et plein d’orgueil.
Mardi 27 décembre 2016
En matière d’humanité il n’y a pas de mode qui tienne; les protagonistes des émissions de télé-réalité passent peut-être à quelques moments pour des artistes, et les cuistots du petit écran pour des chefs, mais ils n’en sont pas, pas plus que Manuel Valls n’est le Clémenceau de notre époque. Ce dernier adorait les peintres impressionnistes, avait pour ami Monet, « son vieux coeur », a écrit un livret d’opéra, collectionnait l'art japonais, etc., et quoique détestable à beaucoup d’égards, son intelligence, sa liberté, et même son génie, éclatent à chaque instant. Houellebecq n’aurait jamais songé à le traiter d’ « attardé congénital ». D’ailleurs, pour ça, il aurait probablement reçu un coup de canne qui lui aurait fait sauter sa dernière dent.
N’ayant plus d’angoisse à distraire… je peux renoncer sans effort à cette vie de « plaisirs » qui consiste à fumer, boire, se repaître de victuailles en grandes quantités, et baiser comme si c'était le moyen de sauver le monde.
Lorsque j’étais jeune enfant, ayant souffert malheureusement très tôt de la folie générale, je croyais que la beauté du monde devait suffire à enseigner aux hommes la sagesse et le pardon. Mais j’ai découvert que c’est précisément dans les endroits les plus beaux, où le ciel est toujours extatiquement bleu et l’air chaud et chargé de parfums, les nuits douces et paradisiaques éclairées par toutes les étoiles, que l’on se fout sur la gueule et s’extermine depuis toujours avec la plus grande constance.
L’avantage aujourd’hui pour un écrivain, c’est qu’il n’y a plus de « Littérature », ce truc un peu sacré auquel croyaient oeuvrer, par exemple, Chateaubriand, Victor Hugo... sinon donnerait-on le Nobel dans cette matière à un chanteur pop-folk américain millionnaire qui n’a jamais voulu « en » faire et n’a assurément besoin de ce brevet à aucun égard ?
Ainsi peut-on écrire enfin n’importe quoi sur n’importe quel sujet (mais pas n’importe comment), ce que n’avaient osé jusqu’à présent que ceux qui n’avaient pas le choix, contraints par leur vocation, les plus grands !
Et bonne année, si on ne se revoit pas d'ici là !
Samedi 24 décembre 2016
Tous les ivrognes qu’on connaît ont une expression particulière qu’ils arborent comme leur propre caricature, un masque pathétique censé exprimer la sagesse qui les guide, celle qui justifie leur addiction.
O. a un long sourire en coin qui ne le quitte pas, comme s’il se gondolait intérieurement au spectacle dérisoire de la vie, à l’instar (modestement) du Jocker de la bd affichant sa blessure. Et il glisse entre les convives, factotum fantomatique en proie à sa douloureuse hilarité.
N. sourit malicieusement du regard comme s’il souhaitait à tous à chaque instant un joyeux Noël. Il veut porter un toast à la fraternité, à la compassion, à l’entraide, son verre à la main comme un luminaire inusable.
M. vient de recevoir le direct qui l’a mis k.o debout. Bien entendu il ne s’écroulera pas tant que nous sommes là. En attendant il titube de l’un à l’autre pour témoigner de la violence du choc et de l’inhumanité d’un sort qu’il accepte malgré tout avec vaillance en dévidant ses propos décousus.
Le seul qui n’a rien à prouver est L. qui se délite, se désagrège lentement au dedans comme un sablier, toujours imperturbable extérieurement -un peu trop d’ailleurs. Il faut le regarder avec attention pour sentir le vide grandissant qui l'aspire lentement de l'intérieur, en provoquant des myriades de rides microscopiques sur la chair tremblotante de ses joues.
Mais en réalité nous leur ressemblons tous, quoique nous n'éprouvions pas le besoin, comme eux dans leur état, de donner le change; nous portons la marque d’un événement de notre enfance qui nous a durablement impressionné. Quelqu’un d’intuitif et d'expérimenté peut connaître d’emblée le souci primordial qui nous ronge. Nous sommes toujours en train de nous poser une question : que m’est-il arrivé ce jour-là ? C’était incompréhensible, douloureux, choquant, et cela nous a étonné, meurtri, ébahi. Et cela continue à se manifester, inchangé, dans nos gestes, sur notre visage, dans notre posture.
Vendredi 23 décembre 2016
Le mépris que j’avais pour moi-même allait inconsciemment à tout ce qui m’entourait, en particulier mes chats, dont seule la parfaite innocence fut un jour à même de m’en faire prendre conscience, et ainsi de m'aider à me sauver. Les hommes, évidemment, ne pouvaient jouer ce rôle.
Lorsqu’on a été élevé comme moi, contraint de rétrécir peu à peu sa vision, de ne plus retenir, de ne plus voir de ce qui existe autour de soi, que le « normal », autrement dit le banal, le quelconque, l’attendu, le « raisonnable »...
- « Ne dis pas de bêtise, Jeannot, sois raisonnable ! » , on ne sait voir qu’avec les yeux du corps sans écouter son esprit et ses autres sens secrets, sans accepter le résultat global, en refusant en somme la vérité.
On souffre évidemment de ce déni et l’on tente de s’en accommoder comme on peut, mais dans certains cas comme le mien il devient obligatoire sous peine de mort de rétablir un bon fonctionnement.
...
Or, je veux dire ici enfin ce qui définit réellement la femme que j’ai aimée jadis, avec qui j’ai vécu huit ans, qui m’avait quitté et qui est morte, et qu’il aura fallu pour que je la comprenne un peu les nombreuses années d’évolution et d’étude suivant ma psychanalyse, ainsi que le rêve de cette nuit.
Cette femme était extrêmement forte et pourtant d’une immense douceur, mais ce qui la résume le mieux pour moi tient en une phrase, sans doute assez énigmatique car il n’y a pas d’analogie au niveau des termes. Ce n'est pas une évocation, mais plus une invocation... C’est ce qui l’appelle, un incipit, qu'on peut prononcer un peu comme son nom.
Et cette phrase est :
« L’Orage Éclata Sur Le Parc ».
Mardi 20 décembre 2016
Chaque espèce animale qui disparaît emporte avec elle un morceau de notre âme. Notre totem s’étiole. Nos possibilités d’identification et de reconnaissance se perdent. Nous étions des connards par choix, nous le devenons par force.
Il est mort, ce remarquable plouc !
Lundi 12 décembre 2016
Je ressens la même chose que le grand bison des plaines quand il a vu arriver son extinction.
Apprendre, le cas échéant, est une bonne chose, mais prendre des cours de suicide ne l’est pas.
Pourtant, quand on est jeune, beaucoup de gens vous les recommande avec conviction.
Ils sont divers, nombreux, et tous censés vous apporter la satisfaction de perdre tous vos soucis et de vous faire ressembler à tout le monde.
Vous irez rejoindre la file interminable des petits jeunes gens comme il faut constellés de cocardes en papier comme celles des conscrits de jadis « bons pour le service », sous des flots de rubans en papier idem, semblables au bétail vainqueur des concours dans les foires paysannes.
Dimanche 11 décembre 2016
...par moments dans une solitude diabolique.
Tomber amoureux d’elle dès l’enfance me garantissait une traversée paisible mais il n’était pas question de devenir célèbre comme je l’aurais voulu ni même de faire fortune
Partager son chagrin était un renoncement à tous les bonheurs un abandon de toutes les prétentions
Il fallait monter beaucoup plus haut aller beaucoup plus loin
J’en étais totalement inconscient jusque-là d’où mes souffrances
L’aimer n’était qu’une erreur de cible mais c’était le sentiment juste
Tout petit déjà l’arrachement au monde
Jeudi 1er décembre 2016
L'Océan Indien est un poumon de roses
............................................
Il n'y a aucune obligation en ce monde car tout est écrit d’avance
Et beaucoup de souffrance avant de le comprendre
Ecrite la pièce beaucoup de souffrance pour accepter le rôle Et que les roses pleuvent sur la scène !
Enfant j’ai eu un amant un fait inacceptable
L'accepter c'est respirer le refuser recourir à la Ventoline
L'accepter c'est se retrouver au milieu d'une sphère constellée d'yeux bienveillants
Tout en découvrant dans un autre processus que L’Océan Indien est un poumon de roses
Tandis que la voix familière tant aimée prononce : « Je savais bien que tu finirais par le comprendre ».
Enfant j'ai eu un amant
Ensuite seulement oublier.
L'amour est le seul à régner en maître.
Dimanche 27 novembre 2016
Personne ne peut espérer chose plus grande et plus belle que sa libération.
Lundi 14 novembre 2016
Un jour… ou plutôt une nuit (je travaillais alors de 18h à 3-4h du matin comme «opérateur» chez Cewe Color, une entreprise aujourd’hui disparue et que je ne pleurerai pas¹, qui faisait la nuit le développement photo des appareils jetables, lesquels, si je crois bien, n’existent plus non plus), un type entra dans le long couloir carrelé du sol au plafond et éclairé à giorno par de violents néons qui servait de vestibule, et au bout duquel se trouvait la vaste salle dans laquelle nous étions occupés à trier, mes collègues et moi, les rouleaux de pellicule que nous extrayions des appareils en les brisant, et demanda à notre responsable d’appeler les pompiers pour porter aide à l’un des livreurs malades, lequel, expliqua-t-il, se trouvait à l’extérieur dans une camionnette sur le parking. Puis le gars repartit par le même chemin et referma la porte derrière lui.
Il y avait quoi, une bonne trentaine de mètres, entre nous et cette porte.
Un relent d’égout terrible, une odeur pestilentielle, nous était arrivée. Nous nous regardâmes, étonnés, n’imaginant pas d’explication plausible dans l’univers rigoureusement minéral où nous nous trouvions. Je l’ai déjà dit : carreaux de faïence réverbérant une lumière aveuglante, nous debout devant des sacs plastiques se remplissant de rouleaux de pellicules, au milieu de cartons éventrés débordant d’appareils photo.
Nous apprîmes ensuite que le type avait eu une infection intestinale et s’était chié dessus à l’arrière de sa camionnette.
Etrangement, je compris ce jour-là, sans m'en rendre entièrement compte (mais c'est maintenant chose faite), que la précarité et l’ignominie de la condition humaine telles qu’elles peuvent apparaître au niveau politique, c’est-à-dire apparaître aux yeux de ce personnage improbable qu’on appelle le président de la République, sont absolues, sans limite, que nous ne sommes forcément pour lui que du bétail, de la chair nauséabonde à canon, vision que, naturellement, il m'est impossible de partager. Mais ce monsieur ne peut considérer que les corps, cela tombe sous le sens, et, de par sa fonction, ne les voir que comme celui du livreur allongé dans ses excréments attendant qu'on vienne le secourir, et dont l’horrible odeur -comme elle nous était parvenue dans la salle de tri- emplit invinciblement jour après jour l’Élysée !
... Il n'y a pas de doute, c'est comme ça.
1 Erreur. Existe toujours.
Lundi 31 octobre 2016
La Vérité se défend toute seule. Regardez-la pousser des pseudopodes, des filaments vivants, comme un alien d’un autre monde, qui atteignent le cerveau de celui qui, se croyant libre, menace toujours, revolver au poing, les autres qui l’entourent.
En se défendant, elle nous défend, et nous dispense de le faire nous-mêmes.
Pour moi, tout est devenu provincial. New-York, Paris, le sont. Ou pire encore: maniériste : Dubaï, Singapour. La seule capitale est le Soi.
Mercredi 26 octobre 2016
En petit et en anonyme, une histoire qui peut faire songer à celle du Christ, se reproduit partout et tout le temps. Un individu, dont le défaut est d’être à la fois naïf et pur, se heurte un jour à l’imbécillité et à l'arbitraire bureaucratiques, ayant fait, aux yeux de ceux qui croient détenir le pouvoir, obstacle à la bonne marche des choses -la simple insolence suffit-, grain de sable dans les rouages du système kafkaïen dont le dieu implicite est la Mort. Pour survivre, tout en abandonnant ce qu'il voulait défendre, il lui faut perdre tout orgueil. ... «Madame, j'ai compris la leçon, qui est celle d'un fou... ou plutôt d'une folle, puisqu'elle vient de vous.»
Mercredi 19 octobre 2016
S’agissant des chats opérés, castrés, je pense que c’est nous qui, en les aimant, faisons pour eux le prix de la vie.
Si nous ne leur apportons pas une véritable attention, la compréhension nécessaire, si nous sommes seulement indifférents, ils vieillissent repliés sur eux-mêmes et s’ennuient, jusqu’au jour où l’envie de tomber malades les prend et où ils meurent plus ou moins avant leur heure, sans heureusement que l’on puisse en être sûr...
Samedi 15 octobre 2016
Tu me dis « je ne veux pas être un misanthrope ! ». Sous-entendu : « comme toi ! » Etonnant. Est-ce qu’on a le choix ? Mais se pochetronner comme tu le fais à longueur de journée revient à s’établir derrière un bouclier; c’est de la misanthropie appliquée. Tu es peut-être là physiquement mais à peu près hors d’atteinte des gens. Fais bien attention de ne pas développer des tics intellectuels, des manies, qui, en dépit de ton intelligence, vont faire de toi un imbécile.
Toute la sagesse que j’ai toujours sentie (exister) comme un autre univers siamois du mien, tout proche, plus grand et plus dense, n’est pas imaginaire, l’accepter est légitime.
Je peux devenir un sage et un illuminé. J’ai le droit.
Je suis français, et bien que je haïsse Descartes, j’aime l’ordre, l’équilibre, et la clarté.
Vendredi 7 octobre 2016
Etre meilleur n’assure pas un sort meilleur.
Jeudi 6 octobre 2016
Je me considère comme infiniment plus malheureux que le reste des hommes -tous les agités & inconscients que je croise-, tout en pressentant in petto que c’est en réalité exactement le contraire.
Jeudi 29 septembre 2016
La plupart des comportements en société sont régis par l’idée implicite que tout le monde dispose de la même intelligence. Il n’y a que la notoriété publique ou privée de chacun qui infléchit la règle générale.
Si vous possédez une intelligence hors-norme, comme les surdoués, HP ou zèbres, vous êtes d’emblée déprécié¹, par quelqu’un qui, de toute manière, ne peut pas complètement vous comprendre, et, si vous n’abdiquez pas, si vous ne renoncez pas à être vous-même, c’est une lutte constante qui vous expose à passer pour prétentieux, agressif, bizarre, inadapté, que sais-je encore... Le problème commence dès l’enfance, avec les effets destructeurs qu’on peut imaginer.
Il est probable que le nombre d’individus qu’il faudrait appeler « surdoués » est très grand, beaucoup plus grand qu’on l’admet aujourd’hui (il se peut même que ce soit la majorité), mais beaucoup de ceux-ci ont été détruits.
Pour permettre l’épanouissement intellectuel -voire même spirituel (je suis convaincu que c’est le degré spirituel au départ qui autorise une plus grande intelligence)- il faudrait tout simplement respecter la personne de l’enfant, ce dont la plupart des parents est incapable.
1 Ce n'est pas ce que pense le surdoué qui importe, c'est sa position par rapport aux choses, au monde, à l'intangible vérité qu'il pressent ou anticipe. L'ignorer revient à lui dénier toute valeur. (?)
Mon visage ressemble de plus en plus à un vieux pneu.
Je ne peux échapper au moindre événement de ma vie.
Le sentiment dans lequel j’ai toujours excellé : la ferveur.
J’ai toujours préféré les mocassins aux bottes.
Lundi 19 septembre 2016
Quand quelque chose ne se passe pas comme je l’escomptais -malgré la perfection dont je me sens investi (à cause de tous mes efforts)- je ne crois plus en Dieu !
Comment laisse-t-Il se produire ce que moi, soi-disant son enfant, je ne peux supporter ?
Voilà la racine de l’athéisme, une espèce de chagrin dont la puérilité nous échappe si, d’aventure, la douleur des autres, la souffrance d’autrui et non la sienne propre, est la chose insupportable. Dieu n’existe pas, ou Il est méchant !
C’est cette dernière option (à cause de la douleur constante de ma mère), que je tentai avec plus ou moins de succès (car je m’en souviens très bien) de refouler comme un sacrilège, qui fit taire en moi (plutôt la tentative de refoulement que le jugement), à l’âge de neuf ans, la voix qui m’avait toujours soufflé mes paroles, mes pensées.
Vendredi 16 septembre 2016
Il y a des choses qu’on connaît, parce que si elles n’étaient pas ce qu’elles sont, l’impossible auquel on croit ne pourrait exister.
Par exemple, j’ai toujours su qu’il ne faut en aucun cas se renier, quelle que puisse être l’erreur qu’on rencontre. Se renier rendrait l’impossible sans lequel on ne peut vivre inaccessible.
J’ignore comment on trouve cette boussole qui ne fait pourtant jamais défaut quand on en a besoin.
Mercredi 14 septembre 2016
Certains qui transforment leur douleur en rire bravache, en hennissement de cheval, en flamme brillante qui leur sert d’étendard
M’aident à me cacher des fanatiques qui pourraient me tuer, juste parce que je suis pur, bienheureux, et sans haine
N’y comprenant rien, ne possédant pas les codes, étranger à ce système de propagande et d’oppression, et seul à m’en abstenir car ma nourriture n’est pas la terre mais l’air et la lumière.
Je vis dans une ville peuplée de beaucoup de malades de l’espèce qui heurte la conscience, mais à l’opposé il y en a aussi, moins remarquables mais tout aussi atteints.
Je prends conscience de choses qui étaient tellement moi-même qu’il m’était impossible de m’en distinguer (la souffrance que m’infligeait mon père et le grand mur noir de la cour, par exemple…).
Pour vivre où je vis il faut y être né, ou bien être con ou l’avoir été. Moi je l’ai été et ne l’étant plus, logiquement je devrais partir.
Après avoir pourchassé toute ma vie les vérités essentielles, je pense que je m’en approche assez près. Il y a, en effet, deux ou trois choses qu’il faut comprendre pour ne pas se tromper sur tout le reste.
Lorsqu’on les ignore, il convient de rester évasif et circonspect, et c’est malheureusement ce que l’humanité en général n’applique pas.
Lundi 5 septembre 2016
J’ai vécu durant trente-cinq années (35) avec un épisode précédent de ma vie qui en avait duré huit (8).
35+8=43, centrés sur les mêmes personnes, les mêmes problèmes. Quand même !
Et tout-à-coup, à cause en partie de ce temps gris et pluvieux, doux, très triste, qui agit comme un déclencheur (quelques essais ratés depuis ce matin), cette odyssée peau de chagrin retrouve sa vraie place et des proportions normales.
On peut regarder « Retour Vers Le Futur » autant de fois que l’on veut, cela ne procure pas l’ impression que j’ai ressentie.
Samedi 3 septembre 2016
Chercher le sens de ce qui ne peut pas en avoir.
J’ai été le genre d’individu qui vit avec le sentiment de céder à l’urgence et qui rêve de comprendre ce qui lui arrive.
Puis il est advenu que nombre des éléments qui composaient cette existence ont montré ce qu’ils étaient, c'est-à-dire pas grand-chose, en étant rapportés peu à peu au prix de grandes souffrances à quelques schémas essentiels. Cela pouvait paraître un progrès parce que mon inquiétude avait diminué au point de sembler inexistante et que je pouvais enfin me poser des questions simples, globales, comme si j’approchais de la solution.
Tout-à-coup des événements inattendus me prouvent que rien n’a changé réellement et que le problème est toujours là, toujours aussi important.
Il me faut admettre ce qu’il y a dans le titre de cet essai.
Vendredi 2 septembre 2016
Il faut arrêter de faire du mal aux gens et à la planète.
Il faut commencer à réparer les dégâts.
Nous devons tous nous muer, chacun au poste qu’il occupe, en lanceurs d’alerte, pour revenir à des méthodes honnêtes.
Il y a assez pour tous à condition d’arrêter de se battre.
La paix intérieure, la joie de l’âme, tout ce qui est vraiment nécessaire à l’homme, est donné tel quel, et n’augmente pas avec le profit.
Le profit est une illusion.
Jeudi 1er septembre 2016
Gardons ça pour plus tard.
[J’ai oublié de comprendre certaines choses.
C’était là sous le fatras des idées reçues, des idées répétées par les médias, le brouhaha des conversations, des mensonges, des appels au secours, etc.
Bien sûr qu’il y a un destin de l’humanité, comment pourrait-elle rester en plan, certaines parties laissées de côté, indifférentes et différentes, avec une autre psychologie, un esprit autre ?
Que des avancées puissent faire figure de recul certes… pas toujours facile à décrypter. Que des sauvages en sachent parfois plus long que nous, oui, bien sûr… parfois. Mais en tout cas cela avance, que nous devinions que nous sommes parfaits et voulions le voir.
Ma belle, tu peux garder ton argent, ce que nous avons à vendre ne s’achète pas !]
Tout ce qui se trouve dans la main de Dieu se trouve aussi d'une certaine façon dans la nôtre, mais nous faisons rarement preuve d’autant d’Amour que Lui.
Un système philosophique… l’univers de vos pensées… quand ça fonctionne, ça tourne !
Pitoyable humanité qui n’a de cesse de vouloir prouver qu’elle est « supérieure », ce qu’elle-même ne croit pas !
Dimanche 28 août 2016
Le chat très amaigri que je croyais mourant, caché depuis deux jours sous un lit entre le sommier et un coffre plat où l’on range les couvertures, a quitté tout à l’heure son réduit vers 21h et est allé boire (enfin... Dieu merci) à deux reprises. Puis il est sorti dehors un petit moment et est revenu, a bu à nouveau. Il n’a pas mangé -il y avait pourtant des sardines à son intention. Finalement, il est reparti vers la chambre en s'arrêtant avec élégance et une exquise politesse devant moi, ou plutôt sous moi, (j’étais assis sur un siège haut, les pieds sur mon bureau), juste le temps que j’effleure de la main le bout de sa queue dressée.
Je réalise toute l’étrangeté de la déclaration que je m’apprête à faire, mais je pense qu’il s’agit d’une élucidation indispensable. J’en ai pris conscience après un long travail de réflexion, et la libération que j’ai éprouvée en garantit, au moins pour moi, la véracité et la réalité.
En effet, toute ma vie, je me suis senti en décalage, en porte-à-faux, différent, inadapté, etc., sans pouvoir m’expliquer pourquoi, et même après avoir compris très tardivement -alors que tous les signes indubitables avaient toujours été présents- que je suis, comme on dit, HP, zèbre, surdoué, il manquait une explication.
En songeant récemment à tous les gens « normaux » que j’ai croisés, en les imaginant réunis quelque part, non loin de moi, en me fabriquant une image mentale de cette foule innombrable plus ou moins anonyme, de laquelle je me suis toujours senti exclu… en y injectant la complicité qui les unit, leur association évidente dans des buts, des projets communs, dont j’ai pu parfois, je l'avoue, être un peu nostalgique, le statu quo dont ils font perpétuellement état (et là j’aurais envie de dire : « pour m’emmerder »...), il m’est apparu comme une évidence, l’expression parfaite de ce qu’ils ont, eux, de différent de moi, qu’ « ils sont mortels » !
« Ils sont mortels » ! Surgie dans mon esprit, cette caractérisation planant au-dessus d'eux, est, pour moi, concluante.
Je ne me suis jamais considéré comme tel, et cela me distingue.
Savent-ils qu’ils le sont ? Je n’en suis pas sûr mais on dirait que oui.
C’est dans cette confrérie qu’ils voulaient me faire entrer. (J’ai déjà raconté ailleurs comment ma propre famille s’était réunie un jour contre moi, pour me faire admettre qu’il fallait faire, c'est-à-dire être, « comme tout le monde... »)
J’ai toujours escompté qu’il y a autre chose que les simples apparences, et cette conviction exclut la mort, non pas après, dans un hypothétique au-delà, mais bien ici et maintenant.
Mardi 23 août 2016
Ma jeunesse, immensément riche, fut, pour une part, le Quartier Latin en la compagnie imaginaire de Paul Valéry, Léo Ferré, Henry Miller, dans ces rues charmantes, belles, célèbres et séculaires, dont la gloire était la mienne, et vice versa.
Je revins à moi nu et désespéré, comme il arrive parfois après une sieste impromptue trop longue. Et puis tout se redessina, reprit sa place autour de moi, son histoire dans la mienne, et m’habilla à nouveau.
Toute ma vie, comme une sale manie, j’ai pris pour juge la gent féminine.
D’abord ma mère, image de Dieu inférieure au modèle, forcément toujours décevante et injuste, cruelle évidemment sans le vouloir, qui m’aida à m’auto-condamner systématiquement durablement.
Puis sacro-sainte B., qui semblait pouvoir tout comprendre et comprenait presque tout, et qui me sauva littéralement la vie mais ne put empêcher, avec ma rechute, ma nouvelle impossible dévotion, la suscitant d’ailleurs en partie, pour L.
Cette dernière me laissa endurer son mépris et son désaveu, qui prit la forme d’un rejet physique journalier très destructeur pendant les deux dernières années, avant de m’abandonner à mon triste sort ainsi qu’au sien, car une âme sœur devenue aveugle n’a pas pour autant le droit d’oublier l’autre, c’est-à-dire elle-même.
Enfin, pour faire bonne mesure, j’ai tenté en vain de restaurer ma confiance en moi en exposant à N., comme si elle était le clône de L., les preuves de mon équilibre retrouvé et tout ce qui en découlait : tendresse, attention, compréhension, patience, jusqu’à ce qu’elle me largue en bonne et due forme à ma grande surprise et sans doute légitimement, puisqu'elle était loin de ressembler à son illustre devancière. Cela lui coûta le chagrin de se convaincre que c’était nécessaire, ce qui était absolument faux.
Un individu qui peut se persuader aux trois-quarts, et même aux quatre cinquièmes, qu’il ne convient pas fondamentalement à sa moitié du sexe opposé qui qu’elle soit, risque de se mettre en tête des dérives plus ou moins suicidaires quoique symboliques en cherchant son bonheur dans un lointain passé inconscient de cette enfance perverse protéiforme (il s’agit en fait de l’innocence) que l’ami Freud avait formellement identifiée.
C’est ce que j’ai fait jusqu’à tout-à-l’heure, la solution dans mon cas consistant seulement -mais ces minuscules victoires coûtent horriblement cher- à remettre à leur place et grandeur exactes ces amours qui ne sont qu’humaines...
Jeudi 18 août 2016
Je n’ai auprès de moi aucune des femmes que j’ai connues, avec qui j’ai vécu, à l’âge que j’ai aujourd’hui où un homme aussi obtus soit-il peut comprendre tout ce qu’il leur doit, ce qu’elles lui ont donné d’unique et de précieux qu'elles sont seules à posséder, et où le besoin d’exprimer sa gratitude peut lui sembler vraiment impérieux.
Lundi 15 août 2016
Mxxx, qui allait s’endormir, se rappela étrangement des vers de Baudelaire : « Les soleils mouillés/ De ces ciels... » La suite ne venait pas. « ...brouillés » ? Mais il était sûr du début : « Mon enfant, ma sœur/ Songe à la douceur/ D’aller là-bas vivre ensemble »... En y réfléchissant pour tenter de retrouver le poème, tout-à-coup il perçut ce qui était implicite, caché au dedans, la douleur absolue du poète, et, dans le même mouvement l’accepta complètement, la fit sienne... Une vision désespérée. Mais aussitôt, sans qu’il le veuille, cette reconnaissance le fit déboucher sur la lumière de la vérité, intense, éblouissante : non ce n’était pas vrai, il y avait autre chose, et c’était Dieu !
Lundi 1 août 2016
Consulter chez un psy pour se débarrasser d’angoisses particulières aiguës qui vous interdisent totalement de vivre, comme il m'est arrivé, ou de gênes sérieuses mais limitées, une agoraphobie, par exemple, ou pour résoudre de curieux scrupules plus ou moins importants, est un simple préalable.
Lorsque vous êtes « guéri », c’est-à-dire capable à nouveau de vaquer à vos occupations, vous ne l’êtes pas ! Le plus important reste à faire, et vous l’avez compris si vous n’êtes pas complètement idiot. Vous vous êtes rendu compte que la partie immergée de l’iceberg, c’est-à-dire l’ego, est toujours une source de souffrances, un lest inutile qui vous empêche de vivre réellement.
Il n’y a pas d’analyse bien conduite qui ne révèle pas que les schémas courants dissimulent le caractère métaphysique de l’existence, ainsi que la dynamique spirituelle qui doit conduire chacun d’entre nous vers sa libération qu’on appelait naguère le « salut ».
Quelque forme qu’elle prenne, d’esclavage quotidien et/ou de privilèges éphémères ou permanents, la perspective aveugle «métro, boulot, dodo », « travail, famille, patrie », « naissance, vie, mort », etc., selon la formule qui la résume, est un mythe. Nous sommes appelés à une échappée, un véritable voyage d’une dimension dans une autre, une transmutation, une transfiguration : l’Illumination !
Dimanche 31 juillet 2016
Il y a une chose que tu peux légitimement me reprocher : c’est de ne pas avoir eu les idées claires à ton sujet.
Mais tu ne trouveras jamais quelqu’un qui soit plus ému que je l’étais par ta beauté, plus respectueux de ta douceur et de ta féminité, plus soucieux de comprendre ce que tu ne veux ou ne peux pas révéler.
En fait j’attendais beaucoup de découvertes, sans doute trop... et tu as cru ne pas pouvoir répondre à cette attente.
Erreur, ma chère, pour deux raisons. 1/ tu étais largement capable de me combler, et 2/ l’attente n’a jamais été pour moi dans notre relation un état que je souhaitais voir cesser.
Je m’étais décidé de toutes manières pour une satisfaction arbitraire, de parti-pris, sans rapport avec les péripéties quotidiennes. Il me suffisait de te regarder pour passer dans une autre dimension, irréfragable et éternelle, dont tu étais une sorte de symbole.
Ta beauté de femme asiatique correspondant si bien au sentiment de ma propre étrangeté suffisait largement à me procurer l’impression d’harmonie que je recherche et peu importait qu’ici ou là surgisse un malentendu dont j’étais convaincu du peu d’importance. Tellement d’ailleurs que j’ai cru pouvoir à la fin laisser filer ces problèmes sans les résoudre, ce qui t’a fait croire à mon désaveu.
Ce n’est pas un cas si rare d’ailleurs. On voit beaucoup d’hommes qui ne tiennent aucun compte -littéralement- de ce que peut dire et même faire la femme qui est à leur côté… de ces couples qui donnent l’impression d’avoir abandonné toute ambition de bonheur, et qui, peut-être comme c’était mon cas, connaissent une félicité secrète attachée au sens supérieur qu’ils voient dans leur relation. Aimer ce qui est et non ce qu’on veut.
(?)
Lundi 25 juillet 2016
Etant donné l'imbécillité générale des hommes, ce que l'Humanité a réussi à accomplir jusque-là est admirable. Mais elle l'a payé d'une quantité de morts astronomique. Peut-être devrais-je mettre ce mot au singulier et avec une majuscule qui rendraient mieux compte du peu d'importance des destins particuliers par rapport à la Chose constamment active, l'Horreur grandiose, la définitive Abomination : « elle l'a payé d'une quantité de Mort astronomique ! »
Mais ces réalisations formidables que j'évoquais, que sont-elles en vérité par rapport aux possibilités d'un unique cerveau, d'une seule pensée libre d'un seul individu dans une seule vie ?
Rien, en fait, pas grand-chose.
Je me suis rendu compte finalement que, pour prouver la valeur que B., avait bien voulu m'attribuer, me reconnaître, je n'avais plus cessé d'essayer de faire toujours mieux, d'être en quelque sorte constamment offensif dans ma personnalité (sans doute un peu désagréable à autrui), de me fatiguer sans nécessité, et de ne plus jamais me sentir qu'insatisfait, à la fois de moi-même et des autres -du « monde »-, alors que, probablement par nature et par expérience, j'étais auparavant surtout indifférent, peu concerné, et davantage en paix globalement malgré tous mes problèmes.
Le seul changement positif, à ce qu'il peut sembler, était l'abandon de ma sauvagerie, laquelle ne demande qu'à revenir. En effet je ne ressens aucun besoin de fréquenter ces humains moins que passables, stupides, inintéressants, et, ce que j'ai découvert en plus en les étudiant et en perdant ma naïveté, totalement égoïstes et calculateurs.
Leurs plans, auxquels ils consacrent pratiquement toute leur énergie, n'aboutissent que rarement¹, ce qui les rend par-dessus le marché, pitoyables.
Le mieux n'est-il pas de les oublier autant que j'y suis enclin ?
¹Camilleri « Le Diable Certainement »
Dimanche 24 juillet 2016
La sagesse
Ouf, le bruit place du Caquet ce matin a cessé !
Le camion karcher de nettoiement, d'abord, mais il y a un mieux, il semble qu'il soit aux normes acoustiques, c'est supportable. Et puis travaux dans un appartement voisin, au premier beau temps, juste quand j'ouvre enfin vraiment ma fenêtre depuis des mois et que j'entends profiter de ma terrasse... Et ça, pour entendre... ils refaisaient le sol; la machine pour décoller les dalles juste à quelques mètres...
Bon, là j'ai le cervelet qui se décrispe, citron, je veux dire sinon je devenais enragé !
Hier, dans la relative quiétude de la soirée, je suis allé deux fois au balcon pour voir ce qui se passait. Un type gueulait en bas, n'arrêtait pas de parler. C'était clair qu'il était dérangé, on le perçoit aux intonations, au registre de la voix. J'imaginais qu'il était en conversation avec un autre dans son genre, comme cela arrive souvent, mais pas du tout, il était seul : il téléphonait ! Cela a dû durer une bonne heure. Parfois il s'arrêtait puis rentrait brusquement chez le cordonnier. On aurait dit qu'il attendait la fin d'un boulot, une commande, un ressemelage ? Et puis ça reprenait. Souvent il hurlait. Surréaliste. Je plains sa meuf
Place du Caquet ce genre de désagrément est constant.
Le nombre de gens qui ont besoin de hurler à Saint-Denis est invraisemblable. Souvent dans des langues étrangères, gutturales. Ce pourrait être des cris d'animaux, c'est pareil. Quand c'est vraiment bizarre je vais voir. Parfois des enfants, en bande, des aigus inattendus, violents, des sifflements de Larsen. Je deviens comme ces ornithologues qui identifient tous les oiseaux à leur ramage, sauf que je n'identifie rien et que c'est de l'ethnologie physiologique.
Ne me dites pas que tous ces hurleurs peuvent faire de discrets voisins, respectueux de la jouissance paisible et pétris d'attentions et d'égards pour autrui. Non, ils sont également bruyants chez eux en toute ingénuité, si l'on peut appeler ainsi la grossièreté et le mépris dont ils font preuve sans pour autant être méchants.
Mais le plus détestable, le plus catastrophique d'après mon expérience, ce qu'il faut dénoncer à l'échelle nationale, mondiale, et galactique, c'est notre addiction aux moteurs à explosion et électriques, notre ferveur religieuse pour le piston et la bobine cuivrée.
Chez moi, par exemple, il y a le passage du métro toutes les 3-4 minutes, vous l'avais-je dit ?
Je parie que je l'avais oublié. Le cerveau oblitère ce son, un véritable grondement -la ligne souterraine traverse toute la place en diagonale, avec une grande grille d'aération au début et à la fin qui laisse sortir le fracas-, on ne le perçoit plus. Mais l'oreille, qui est un dispositif mécanique comme vous l'avez appris à l'école, et donc qui s'use, elle, fonctionne quoi qu'il arrive. Toutes les 3-4 minutes.
Je ne parle pas des transformateurs électriques ronronnant partout dans la ville, ou du dispositif de refroidissement du magasin Carrefour constitué de 31 turbines sur le toit d'un immeuble situé non loin de chez moi, des perceuses, ponceuses, aspirateurs. Des radios, chaînes Hi-Fi, télévisions. Du moteur de la clim' du magasin de reprographie qui émet en été un hululement continu. Des bagnoles, autobus, camions, scooters, avions, hélicoptères, etc.
C'est une véritable folie car au moins deux fois sur trois on pourrait s'en passer. Mais on a pris l'habitude. (Comme le gars qui va utiliser le souffleur à 6h du matin place du Caquet pour trois papiers...) Le travail, quel qu'il soit, serait aussi bien fait, presque aussi vite, et en silence. Mais on serait également obligé de revenir à l'échelle humaine, à un tempo plus lent, et de se remettre à penser, à réfléchir -évidemment dans le silence...- et on ne le veut pas.
Les hommes ne veulent plus chercher la sagesse, c'est trop pénible. Ils veulent rêver et se la péter, se croire tout-puissants. En fait, c'est plutôt désastreux, et ils ont surtout l'air d'une bande de cons.
………………….
PS
Ah oui ! Et puis aussi, méditez bien cela : le bruit est une violence !
Après un certain temps on s'habitue, on finit par ne plus se rendre compte, mais je me souviens qu'au début il me donnait l'impression d'être entouré d'obscurité, de se promener enveloppé de sa propre nuit, même dans l'éclairage du bistrot, dans la lumière. Lui-même était obscur, d'ailleurs, et on ne distinguait pas bien ses traits, ni même son corps comme brouillé sous une estompe de noir. Plutôt pénible comme sensation, d'autant plus qu'il affectait en permanence une humeur qu'on ne peut pas qualifier autrement que d'enjouée, de badine, aussi étrange et paradoxal que cela paraisse.
J'aurais aimé flotter seul avec toi sur une vaste et mince plate-forme gonflable sur la mer.
Pour nos besoins nous aurions accosté sans bouger à des îles nombreuses.
Des îlots de carte postale avec des palmiers sous le soleil.
Samedi 9 juillet 2016
J'envie beaucoup les gens qui ont compris dès l'enfance que la vie consiste pour l'essentiel à se procurer des denrées alimentaires aussi correctes que possible afin de les préparer sans hâte plus ou moins savamment deux fois par jour et de les consommer la conscience tranquille.
Une vie simple, équilibrée, et paisible, en théorie du moins, car parfois cet idéal réaliste conduit à d'effroyables déconvenues. La guerre éclate, par exemple, tandis qu'on fait son marché, et, peu après, famélique, on se vide de son sang dans la boue des tranchées, ou encore un stupide accident survient dans la cuisine, et on se réveille à l'hôpital amputé des deux mains.
Mais c'est toujours mieux que le mien, d'idéal, qui, si l'on m'avait questionné il y a peu encore, consistait à se retrouver un beau jour de manière irrationnelle dans un endroit inconnu très lointain -les îles Fidji, par exemple- et de là à s'envoler audacieusement pour atteindre le soleil.
Vendredi 8 juillet 2016
Considérer l'Art signifie qu'on prend en compte la dimension spirituelle de l'humanité dont la créativité ne se limite pas à la résolution de problèmes pratiques. Ne retenir que les « Phares » ou admettre au même titre l'Art Brut, l'Art Populaire, les Arts Premiers, ne change rien au constat essentiel que l'être humain n'est pas un simple animal qui se contenterait de réagir au milieu et de s'adapter autant qu'il le peut mais dispose bien de la « liberté » de répondre par oui ou par non aux injonctions qu'il perçoit en lui et qui lui offrent constamment l'occasion de se dépasser ou de se perdre.
Une œuvre d'art est le témoignage d'un individu qui offre à l'appréciation des autres la liberté particulière dont il dispose et que chacun peut reconnaître comme la sienne propre.
Samedi 2 juillet 2016
On se moque d'autant plus du jugement des autres qu'on ne se juge pas soi-même, ni pour se condamner, ni pour s'absoudre.
Vendredi 1er juillet 2016
On pose le sac à terre, le fardeau familier. Mais kess exakète qu'y'a dedans ???
Lourd, lourd, lourd fardeau de n'importe quoi. Des bambêches marrons qui ressemblent à des vers s'en sont échappées comme des rubans, des serpentins mourus immobiles par terre.
N'est-ce tout ? Pas possible. Du gravat, du néant bien juteux, du froc roulé en boule qui pèse une tonne, on ne comprend. C'est beaucoup bien sûr le poids, et c'est rien.
C'est comme d'avoir posé à terre un gros Saturne avec son bourroir maléfique qui nous crépinait, planète oui, de forte densité. En même temps ça faisait crâneur, m'as-tu vu sans vergogne, fier de soi comme de tout, fringant, voltigeur. Coqueteur qui portait trop hautain.
Qui suis-je ? Un autre ! Et même pas celui-là. Quelle étrange question.
Cette question est un monde, elle le crée, mais qu'il n'existe pas.
Je sais, je sais, et je ne voudrais pas savoir.
Le plomb est posé à côté de moi maintenant. J'attends.
Mercredi 15 juin 2016
Journal : Les trente dernières années de torts erronés assumés s'effacent. Vertiges réels.
Ce n'est pas faute d'avoir essayé, de m'y être cramponné, mais j'arrête le décompte
Des ans des mois des jours, des oui et des non, des peut-être et des sûrement...
Je ne sais pas je ne sais plus si je suis vieux ou jeune, grand ou petit, fort ou faible
Ignare ou savant ou encore comme c'est la norme les deux ensemble, vivant ou mort
Je T'attends j'attends à la lisière devant la porte, il y a une lumière d'argent qui tremble
Une ombre un frisson un filet, une eau de lumière. Fragile...
Vendredi 10 juin 2016
Si nous n'étions réductibles qu'à notre ego malade, la haine de soi et/ou des autres sous la forme des crimes les plus variés, des maladies, des suicides et des guerres, aurait vite fait de décimer l'humanité jusqu'à une complète extinction pour rendre la Terre aux seuls êtres qui n'ont rien à se reprocher : les animaux.
Heureusement il y a Autre Chose, dont nous sentons parfois la présence en nous, que certains choisissent d'écouter avec attention et de prendre pour guide, qui maintient la cohésion indispensable et nous fait progresser les uns les autres tant bien que mal, en perpétuant la survie.
Mon coeur que tout irrite, exceptée la candeur de l'antique animal
Baudelaire
« Celui-qui-sait », tel est mon nom.
Je le sais depuis le bas âge où l'on se demande à quoi l'on peut bien ressembler par rapport aux autres. D'ailleurs, on ne se pose pas vraiment la question. C'est la réponse qui surgit dans les premiers contacts, comme l'étincelle quand on frotte un silex.
La fameuse ire, naguère sacrée, exprime cette connaissance innée de l'étrange individu que les autres baptisent « poète », mais qui, lui, ne se considère que comme « celui-qui-sait ». Elle ne peut qu'éclater constamment devant le spectacle des atteintes que les hommes ordinaires -qui ne savent pas- portent à leur héritage et leur grandeur.
Mercredi 8 juin 2016 écrit le 17 nov 2015
Lorsque j'étais enfant mon « petit papa » (oui, vraiment petit), se défendit un jour de ne pas me donner les dix francs qu'il m'avait promis solennellement en début d'année pour la place de premier de la classe, que je venais, comme chaque mois, d'obtenir, en me disant : « D'abord tu ne le mérites pas : tu ne fais aucun effort ! »
C'était on ne peut plus vrai. Aller à l'école n'avait été difficile que le premier jour. Il avait fallu pratiquement me porter. Mais ensuite ce ne fut qu'un jeu grandeur nature. J'étais le chouchou de l'institutrice mais également le meilleur copain des « mauvais » garçons qui faisaient la loi aux récréations. Mon père l'avait bien compris.
Quand il me dit cela au bistrot où il était comme chez lui (et moi itou), je pouvais voir derrière le comptoir, vissée au mur, la plaque d'émail publicitaire qui disait « Toute peine mérite Salers », une belle plaque brillante, apparemment précieuse, qui ne pouvait pas mentir. Je ne comprenais pas du tout l'humour de l'adage ainsi rédigé mais j'en admettais absolument le sens usuel, ce qui, rapidement, avec une inversion sémantique inconsidérée, me convainquit définitivement que mon père avait raison.
J'imaginai, je crus -sans doute étais-je psychologiquement préparé pour cela-, que toute récompense doit découler d'une souffrance.
Et in petto je scellai à tout jamais à ma cheville l'anneau de fer de ce boulet, jusqu'à ce matin où il semblerait que l'éclaircissement définitif vienne de se produire...
Ensuite je ne me suis jamais permis le moindre naturel, la moindre spontanéité. J'ai tout abîmé, tout gâché de la plupart des choses quand ma réaction venait sans effort et me paraissait ainsi sans valeur. Je me suis torturé constamment tout seul de cette manière et j'ai été, en conséquence, quelqu'un non seulement de pénible mais également d'incompréhensible pour les autres. Je n'ai pas assumé mes responsabilités normales en ne voulant que trop bien faire. Tout ce qui m'arrivait de bon devait procéder d'une souffrance et j'ai assez bien réussi jusqu'à ce qu'il ne m'arrive plus que du mauvais.
Jeudi 26 mai 2016
L'incompréhension dont j'ai toujours souffert, constamment interdit, décontenancé, je commence à comprendre qu'elle ne stigmatise pas l'imbécile que je suis mais ceux que sont les autres.
Lundi 16 mai 2016
J'ai découvert la Grèce à vingt ans, sans l'avoir voulu, par un enchaînement naturel de circonstances.
La Grèce, et la Crète en particulier, fut pour moi la résurrection de l'Espérance perdue, une extase dans la lumière et la beauté, la sainteté, la grâce dans la fraternité humaine idéale, et le succès, la célébrité personnelle. Presque tout, en somme, sauf évidemment (je le découvre en me relisant) la Paix. Et cela en quelques six mois qui aboutirent ensuite à mon mariage, d'autres voyages, avant que je réalise vraiment ce qui s'était passé.
Que faire ensuite d'une vie qui continue et semble ne servir à rien, sinon à regretter ces moments où Dieu semblait présent ?
L'image de la falaise de Matala ne cessera plus jamais de me hanter sans que je puisse en élucider le sortilège, et ce ne sont pas les séjours ultérieurs, toujours plus décevants, qui me permettront de résoudre ce mystère.
Tout était dit très tôt, tout ce que je savais déjà à la naissance. Rien, aucun de mes efforts désespérés pour aller plus loin ou plus haut, n'aboutira ensuite jamais.
Je réussis même à avoir une deuxième vie avec les mêmes espoirs et la même inutilité.
« Le monde que je vois ne contient rien que je veuille. »
Samedi 14 mai 2016
La réussite en art impose une certaine lucidité à l'égard de soi-même, et plus encore c'est le besoin de cette lucidité qui permet l'accomplissement.
Mardi 10 mai 2016
Appartenir à une civilisation mortelle était déjà une chose, mais appartenir à une civilisation à la fois mortelle et tristement quelconque comme nous le reconnaissons à présent est sans commune mesure. Nous devons affronter également, avec ce modèle, que nos qualités, notre intelligence, notre pouvoir, nos créations détruisant tout, ne sont que d'amers faux-semblants, rien de sérieux ni d'admirable.
L'homme c'est de la merde, pardon, de la poussière…
Si quelque chose mérite d'être recherché c'est la transcendance, et le seul génie humain n'est dédié qu'à la mystique.
Mercredi 4 mai 2016
Certains moments de la vie font figure d'arrêts sur image. Ils peuvent durer indéfiniment, souvenirs inoubliables, maintenus par un espoir têtu ou un regret qui les pétrifie, ou bien les bords de la pellicule se mettent à roussir, elle prend feu, et, en quelque sorte, il faut tout recommencer.
On doit surtout se rendre compte qu'ils n'ont pas existé, en tous cas pas tels qu'on a pu s'en persuader, car le temps ne peut jamais s'arrêter dans un monde où il y a des images.
Lorsque l'éternité survient elle fait tout disparaître, abolit tous nos besoins, elle rend absurde le rêve que nous avions inventé.
Mercredi 13 avril 2016
Ecrit jadis
Poème n°1
Bien sûr si le paradis a un visage c'est le tien.
Mais il ressemble aussi à cette grande maison grecque bâtie autour d'un patio, cette demeure historique que nous avions visitée ensemble, je ne sais plus où ni quand.
Dans quelle île, l'été de quelle année ?
Je me rappelle la fraîcheur silencieuse, les sols de mosaïques, les plantes vertes en pots.
Il se dégageait de cet endroit une indéfinissable impression de temps arrêté, d'aristocratique attente.
Comme entre deux coeurs l'impossible synchronisme et pourtant l'amour.
Petits poèmes à L.
Vendredi 1er avril 2016
La vie est (un film) fantastique : le scenario n'a pas été écrit par moi. Mais je continuais à le croire.
Quelle étrangeté, l'histoire véritable était à côté...
Je rêvais de raffinement et d'élégance et je n'étais toujours entouré que d'une pataterie et de fruits pourris tandis qu'il pleuvait.
L'histoire était ailleurs et en même temps, et donc moi-même aussi, ce qui n'est pas facile à comprendre.
Mardi 22 mars 2016
Je pourrais m'imaginer comme un petit poisson que le banc entier a abandonné tout seul derrière lui dans l'onde amère, pour poursuivre sa route grouillante et impavide sans conscience vers le grand chalut impartial de la Mort.
J'en ai beaucoup souffert et essayé vainement de nager plus vite, plus effrontément, avant de voir rapidement disparaître au loin dans l'opacité ceux que j'aimais.
Certains sont morts, je l'ai appris, d'autre pas, mais pour la plupart j'ignore ce qu'ils sont devenus.
Désormais je ne veux plus faire grand-chose et c'est bien mieux ; je médite, j'écoute, je ne vais nulle part vraiment, j'attends.
Il m'a toujours semblé que le plus difficile à comprendre pour un être humain n'est pas Dieu mais précisément la société humaine, toutes ces absurdités que nous nous imposons les uns les autres à nous-mêmes en nous considérant mutuellement comme étrangers alors que nous sommes semblables.
Je voudrais bien accepter tous ces procédés plus ou moins délicats, pratiquement ésotériques parfois, s'ils conduisaient à quelque chose, mais ici, en France, ils ne servent à rien, seulement à maintenir les cloisons étanches entre les classes sociales, à perpétuer les incompréhensions et les intolérances, et certainement pas à faire progresser les plus « rustiques » d'entre nous comme je me le figurais dans mon enfance.
Je n'ai jamais eu envie de commander les autres, et je ne comprends pas qu'on puisse le faire. Pour gagner de l'argent ? Parce que l'on a été dressé pour cela dès la naissance ? Quelle fatigue inutile. Non, je suis trop paresseux et j'aime trop la liberté.
Vendredi 18 mars 2016
Dans la vie on (je) n'a pas l'utilité qu'on (je) désire avoir, ce qui exclut d'avoir des projets qui ne sont que des défenses plus ou moins conscientes contre nos peurs. Tout doit être reconnaissance, découverte de ce que l'on est conduit, appelé à faire.
Samedi 5 mars 2016
Pense-bête, pansage, pansement
On a le droit, oui le droit, d'être en parfaite santé à soixante-dix ans et insolemment jeune -c'est normal quand on est libre. (Je ne dis pas que c'est mon cas, seulement que cela peut le devenir, d'autant plus que je viens de le comprendre.)
Je ne pouvais pas faire autrement que d'accepter un « sale » boulot, un emploi de manœuvre pénible et mal payé, quand je me suis mis tardivement à chercher du travail, car, avec mon éducation, cela était non seulement normal mais requis. C'était la seule façon d'avoir du mérite à mes propres yeux. Bien entendu je ne m'en rendais absolument pas compte, autrement j'y aurais remédié.
Probablement -mais pas sûr- c'était la même raison avant qui me poussait au contraire à m'y refuser, à la fois effrayé par ce qui m'attendait et craignant de ne pouvoir le supporter.
En tous cas, je ne pouvais pas imaginer « gagner ma vie » en faisant quelque chose que j'aurais aimée et sans souffrir.
En fait quand je me suis arrêté -après vingt-cinq ans d'un vrai labeur- j'étais enfin rodé. Je me levais le matin sans effort, je prenais le métro, le bus, sans m'en rendre compte. La journée s'écoulait paisiblement et je rentrais chez moi sans redouter le lendemain. C'était tout confort, la leçon était apprise. Utile seulement pour que je puisse comprendre un jour que j'aurais pu m'en passer. La vie c'est aussi cela.
C'est un immense travail d'un autre genre et beaucoup plus gratifiant de prendre conscience de chaque croyance erronée qu'on porte en soi sans le savoir, de ces idées qu'on a reçues de ses parents et de la société, idées fausses, maléfiques, dont le présupposé est infiniment grave, et même tragique, hérétique en réalité, car seul un Diable invisible et tout-puissant peut en être l'inspirateur.
Croire en une fatalité de la vieillesse, comme je l'évoquais au début, en est un exemple. Et la malédiction du travail aussi.
Jeudi 3 mars 2016
Le raisonnement qui consisterait à se dire, à soixante-dix ans : « J'ai la chance d'avoir grandi dans la misère, cela m'aide à supporter ma pauvreté d'aujourd'hui » serait fallacieux.
Car c'est bien le fait d'avoir été misérable dans l'enfance qui conduit à l'être toujours dans la vieillesse.
Les plus humbles luttent pour la survie et ne savent rien faire d'autre. C'est déjà un luxe de posséder la notion de réussite et de profit.
Mardi 1er mars 2016
Quand je suis rentré à Saint-Denis avec ma lampe Tolomeo achetée d'occasion qui dépassait du grand sac plastique que je portais, je me sentais inquiet comme si j'allais devoir franchir une frontière en dissimulant une marchandise précieuse de contrebande.
J'avais même un peu peur en pensant que quelqu'un pourrait m'agresser pour s'en emparer. Et puis, rapidement, j'ai réalisé qu'aucun des zouaves et zouavesses que je croiserai n'allait reconnaître cet objet.
C'était comme de se balader sur la planète Mars avec un camembert de Normandie, sachant que les autochtones, de toute façon, n'ont pas de tube digestif, pas de bouche ni de dents, aucun organe pour déguster ni même, encore pire, reconnaître l'existence du renommé fromage.
Tout se passa donc sans encombre. Je rentrai chez moi en fait plutôt déçu, privé du plaisir de penser que quelqu'un, non loin, pouvait en quelque sorte raisonnablement m'envier ou contempler affectueusement ma nouvelle acquisition, et me sentant de la sorte horriblement seul.
Quinze jours ont passé. Aujourd'hui je regarde la lampe posée sur mon bureau. Elle semble toujours ne pas exister vraiment.
Dimanche 28 février 2016
La morale est une partie constituante de la psyché humaine (peut-être aussi de celle de certains animaux, les mammifères notamment, va savoir ?) C'est, fondamentalement, ce que l'Ancien Testament intitule : « les commandements de Dieu » ; tout simplement ces scrupules spontanés à accomplir certains actes que les enfants pas trop abîmés éprouvent encore et qui existeraient même s'ils n'avaient pas été plus ou moins définis : « Tu ne tueras point, tu ne voleras point… » etc.
C'est naturel, presque physiologique (encore que l'esprit n'ait aucun besoin du corps) et, pour le comprendre, il suffit de s'affranchir un peu des idées toutes faites, des préjugés « modernes » qui font l'impasse sur la religion sans pouvoir imaginer qu'elle soit autre chose que le prolongement des superstitions. Les superstitions sont des peurs, et se méfier de la religion et refuser de l'étudier en est exactement une.
La non-peur vous arracherait à votre somnolente condition d'animal grégaire pour vous pousser vers la Lumière qui peut vous vaporiser !
Vendredi 26 février 2016
Son esprit était comme la couverture d'un lit, qui a glissé et dont une partie traîne à terre. Dans cette partie résidait sa « folie », et il aurait suffi probablement de remonter la couverture pour faire disparaître les désordres dont elle était parfois victime.
Un bon moyen pour elle eût été de s'astreindre à suivre des raisonnement complets, des démonstrations philosophiques par exemple, sorte de gymnastique pour à la fois assouplir et muscler son esprit, mais, malheureusement, ces exercices lui apparaissaient comme des complications vaines, une perte de temps et d'énergie, un jeu ridicule.
Pourtant, ainsi renforcé, son mental ne partirait plus en vadrouille, elle ne pourrait plus divaguer.
Lundi 22 février 2016
Dans cette curieuse société qui est la nôtre, on n'en est pas encore à discréditer ouvertement la bonté -on évite plutôt le sujet- mais on méprise activement la gentillesse, qui est considérée comme une faiblesse, une sorte d'idiotie.
Cette attitude est le fait de gens agressifs, de forcenés au petit pied, si nombreux qu'ils passent pour normaux, se défendant préventivement contre des menaces imaginaires, des attaques irréelles, et, au fond, contre Dieu Lui-même, Lequel ne demanderait qu'à les aider, s'ils voulaient seulement un instant déposer les armes et Lui prêter quelque peu l'oreille.
La première faute que j'ai commise dans la vie a été de prendre l'un de ces individus au sérieux -une bonne sœur !- et de tenter en vain de m'armer à mon tour contre lui. Il en est résulté une série de méprises dont les effets se faisaient encore sentir à l'instant où j'ai commencé à écrire ces lignes.
Samedi 13 février 2016
Il n'y a pas de maman, papa, ma sœur, mon amour, mon enfant, etc.
Tout le monde le sait même si l'on se raconte tous des histoires pour essayer d'y croire, et quand on y croit le plus souvent ce n'est plus drôle, il y a un problème, ça va mal...
Don't you agree ?
Il n'y a que des esprits, le mien (le leur), le nôtre !
Mardi 9 février 2016
Une grande œuvre artistique prend en charge ce qui est caractéristique de l'époque à laquelle elle est créée. Il faudrait donc tenir compte de la nôtre mais le matériel symbolique, l'iconographie, le vocabulaire, qu'elle propose, sont particulièrement tragiques. Le drame, la séparation, la douleur, l'addiction, le vice, sont ses représentants. La peur, l'angoisse, le désir incertain, la maladie, triomphent.
On s'est «libéré de la religion» mais on demande de l'espoir, ce petit frère de l'Espérance, elle-même abandonnée. On a oublié la grandeur humaine indissociable du Salut.
Comme on ne peut pas faire disparaître le spirituel, il revient sous d'étranges formes fantastiques, malsaines, sataniques, dans les jeux vidéo et le cinéma où il s'en donne à coeur joie avec les effets spéciaux propres à satisfaire les enfants instables et attardés que nous sommes.
Dans un paysage post-apocalyptique crépusculaire (bien qu'on soit en plein jour), une créature géante -robot androïde- patrouille infatigablement à la recherche des survivants humains qu'elle traque et détruit sans pitié. Ses yeux rougeâtres émettent des rayons qui balaient les ruines méconnaissables de ce qui a été notre monde jadis. Il n'y a plus de végétation ni d'animaux, rien que des amoncellements de débris noirâtres et du mâchefer.
Ceux que le Progrès -c'est le nom de la créature- n'a pas détruits encore, mourront bientôt de faim et d'asphyxie.
Par bonheur, si j'ose dire, nous ne nous rendons pas compte de notre malheur
A la lumière de la raison, il n'y a aucune raison d'espérer
Se rendre compte du monde est un cauchemar, un cauchemar tranquille...
Et dans ce tourbillon Je cueille une jonquille.
...
Le bonheur est une détonation de revolver
La balle ne m'a pas encore atteint.
…
Comme un astronaute perdu enfermé dans son scaphandre et qui tournoie seul dans l'infini éternel et silencieux...
Mardi 2 février 2016
Nous poursuivons collectivement sans nous en rendre compte l'espoir individuel auquel nous avons tous renoncé, celui que le miracle existe, qu'il est possible. Et nous sommes capables puérilement de recouvrir d'or fin malgré la misère générale la coupole entière d'une église, d'un temple, le fronton d'un palais, pour garder sous les yeux l'indispensable image de notre véritable grandeur niée.
Samedi 30 janvier 2016
-« C'est peut-être un service à rendre à l'humanité que d'en supprimer une partie de temps à autre... »
-« C'est épouvantable de penser une chose pareille ! »
-« Sans doute, mais vous qui ne le pensez pas, vous le faites ! »
Lundi 25 janvier 2016
Quand on est un artiste avec «de la facilité», il ne faut pas la combattre, aller contre, il faut la dépasser, aller au-delà, ce qui est bien plus difficile. C'est, d'ailleurs, une règle qui vaut pour tout le monde.
Jeudi 14 janvier 2016
Quand la peinture remplaçait tout : la photographie à naître, l'Histoire, la religion, l'expression personnelle… l'artiste-peintre déchiffreur de la réalité, cette époque n'est plus.
On ne tente plus le tout pour le tout, époque de spécialistes, ou l'on fait quelquefois semblant, ou sinon en secret...
Dur, dur… Pauvre peintre, comme Verlaine disait de lui-même « pauvre Lélian ». ...
Que faire ?
Olivier R., toi tu cherches la glaise natale, et, heureusement, tu ne la trouves pas.
La peinture aujourd'hui doit chercher la musique.
Lundi 11 janvier 2016
Le silence: douce et pure caresse
si rare
pas d'acouphènes
un tressaillement d'objet par-ci par-là...
virginité et perfection
on dit « un silence de mort » on devrait dire « de vie ».
Mercredi 6 janvier 2016
J'ai compris que si j'arrive à comprendre celui qui veut comprendre disparaîtra.
Lundi 4 janvier 2016
Récemment une amie à qui j'exposais au téléphone mes aspirations, mes projets, mes ambitions, pourtant tout en abstractions, a poussé un véritable rugissement et s'est exclamé : « Quoi ! A soixante-dix ans ! » comme si j'avais perdu la boule et oublié la réalité. Et lorsque j'ai pu constater qu'elle ne se reprenait pas pour transformer sa remarque en compliment en ajoutant, par exemple : « Bravo, quelle santé, vas-y, fonce, je te félicite » comme j'aurais aimé qu'elle fît, j'ai pu mesurer la méchanceté dont sont capables les gens quand ils ne comprennent pas quelque chose.
Voilà bien le problème que nous rencontrons tous dans l'enfance, celui de se heurter au déni de notre originalité et de notre force, et qui aboutit rapidement, dans la plupart des cas, à une neutralisation définitive.
Ce n'est pas mon cas, j'ai toujours surnagé en buvant la tasse, à moitié asphyxié et désespéré, jusqu'au moment où j'ai coulé plus ou moins par ma faute, en essayant d'inventer des mouvements de nage extravagants et stupides.
Quelle chance inouïe j'ai eue de trouver immédiatement un sauveur !
Cela m'a conforté dans l'idée qu'il existe la Providence et qu'on peut facilement oublier les «vains soucis».
Mais lorsque j'ai commencé à aller mieux, et aussi plus mal, ayant cru mesurer l'importance de mes égarements passés, j'ai cédé à la tentation de « réparer » et de devenir celui que je n'avais jamais pu être, l'individu conforme et sans aspérité qu'on avait, comme je l'ai évoqué plus haut, voulu faire de moi jadis. J'ai renoncé à mes vieux trucs, à ma souplesse et à mes contorsions, et j'ai emprunté le chemin indiqué par tous les panneaux officiels.
Et, en même temps, doté du pouvoir de me «rappeler», c'est le cas de le dire, j'ai compris peu à peu, non sans difficultés, que je n'avais jamais commis auparavant de péché.
La boucle du retour en arrière à la fois par le reniement et les souvenirs n'est pas encore tout-à-fait complétée mais je peux commencer à me lâcher, comme si j'étais redevenu qui je suis au point de départ, mais instruit, savant, me rapprochant par ce seul fait de l'éventualité du grand bond qui n'est ni en arrière ni en avant, la transmutation, pour contempler enfin la vraie lumière.
Bien entendu, pas la mort !
J'aurai alors plus de soixante-dix ans, peut-être quatre-vingt, quatre-vingt dix, et alors ?
Samedi 2 janvier 2016
L'envie naturelle de se réveiller existe, probablement chez beaucoup d'entre nous, mais inconsciente, s'exprimant de multiples manières, parfois les plus invraisemblables.
On peut présumer la reconnaître quand elle se traduit par une recherche d'excellence et le jusqu’au-boutisme -l'impossibilité de renoncer essentielle- les deux ensemble produisant quelquefois un succès grandiose apparent, l'obtention d'un résultat exceptionnel qui n'est malheureusement pas celui que l'on désire. Dans cette catégorie, Alexandre le Grand et Napoléon ont été remarquables et leur fin ordinaire assez révélatrice.
Le plus communément on assiste à des naufrages plus ou moins dramatiques, anonymes et pitoyables, qu'il convient d'observer en se souvenant de ce qui est en cause, afin de pouvoir aider dans le bon sens autant que possible.
L'Eveil, c'est le grand œuvre et le terrible besoin lorsque l'on n'est pas un mort vivant. Mais comme on l'ignore, et, dans une société aujourd'hui qui l'ignore également et même le nie et le combat, c'est difficile.
Vendredi 1er janvier 2016
Polémique
Je pense qu'on devrait déchoir de leur nationalité tous ceux dont le QI est trop bas (et/ou la puérilité trop grande) pour leur permettre de distinguer entre l'indignation que leur inspirent certains crimes et une mesure juridique dont le premier effet serait de diminuer la valeur de ce dont ils se montrent si fiers. En effet si le droit du sol par essence intangible devient relatif, variable, arbitraire, autant le retirer immédiatement à tout le monde, ce qui, d'ailleurs, est peut-être le but visé. Des peuples sans légitimité se gouvernent plus facilement à la schlague, n'est-ce pas ? La reconnaissance de l'Etat sera ainsi distribuée avec parcimonie par le pouvoir comme on le faisait jadis avec les bons points à l'école, mais sans véritable considération et sans bonhomie.
Dimanche 20 décembre 2015
La poésie est une proclamation de non-peur. Seul un esprit qui ne recule devant rien en est capable.
Mardi 15 décembre 2015
Seul l’extraordinaire a des chances d'être exact.
Dimanche 13 décembre 2015
On ne se sent pas supérieur quand on fait ce qui est requis, même s'il s'agit d'une action que jamais personne apparemment ne tente parce qu'elle paraît impossible.
Mercredi 9 décembre 2015
Ma mère n'était pas capable d'élévation ¹. Je le savais, et c'est pourquoi, la première fois que j'ai usé de ce moyen pour échapper à une situation pénible qu'elle et moi partagions quoique pour des motifs différents, j'y ai aussitôt renoncé (pour autant que je sache, définitivement) croyant commettre envers elle une trahison. J'avais deux ans, les péripéties furent nombreuses de l'événement complexe qui avait lieu ce jour-là, et mon choix en cet instant, ainsi que d'autres qui advinrent aussi, fut capital pour la constitution de cet étrange faux-semblant qu'on appelle la « personnalité ».
Dans certains cas comme le mien, Dieu merci, il est toujours possible d'y revenir plus tard, et c'est ce que je fais.
¹ Mon esprit (...)
Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides;
Va te purifier dans l'air supérieur,
Et bois, comme une pure et divine liqueur,
Le feu clair qui remplit les espaces limpides.
(...)
Derrière les ennuis et les vastes chagrins
Qui chargent de leur poids l'existence brumeuse,
Heureux celui qui peut d'une aile vigoureuse
S'élancer vers les champs lumineux et sereins;
(...)
Charles Baudelaire
Dimanche 6 décembre 2015
Depuis l'âge de vingt-deux, vingt-trois ans, je n'ai pas cessé, pratiquement à chaque instant, de lutter pour ne pas sombrer, ce qui, naturellement, m'a rendu aveugle à certaines choses, sourd à d'autres.
La lutte a été changeante ; il y a eu différentes périodes. A quelques moments j'ai pu sembler « normal », et même avec les années, de plus en plus « normal » mais personnellement je n'en ai jamais été convaincu. Je sais d'ailleurs que ce mot ne veut pas dire grand-chose, et la réponse de ma psy à qui j'avais posé la question, avait été : « Tu es normal mais tu n'es pas moyen ».
Cela paraîtra probablement idiot à certains mais c'est la difficulté à assumer cette différence qui était en quelque sorte ma maladie.
Dès l'enfance j'avais été sommé d'abdiquer et je m'étais farouchement défendu.
L'orgueil, qui est un mauvais sentiment, me soutenait. Je savais bien ne pas être n'importe qui, même si j'avais oublié consciemment la stupide conviction que ma mère était Dieu.
J'étais le fils de Dieu, quoique ayant placé Dieu où Il n'est pas.
J'avais à la fois raison et tort, et il allait me falloir toute une vie pour démêler un écheveau qui n'avait vocation qu'à s'emmêler chaque jour davantage.
Samedi 28 novembre 2015
Avec un chat il y a une égalité -j'ai bien dit égalité... pas similitude.
Mardi 24 novembre 2015
Après tout ce parcours d'élucidations et de repentirs, et d'accomplissement, j'aurais aimé revoir celles et ceux à l'égard de qui mes explications et mon bilan auraient pu servir à m'excuser, en espérant transmuer leur triste appréciation de moi en une ardente et positive compréhension, mais hélas, ils sont ou disparus ou réticents à tout éclaircissement de ce genre.
Il est plus rare de remonter la pente que de la descendre ou de stagner, ce qui fait des morts et des vivants, pour la plupart, des interlocuteurs impossibles pour moi.
Jeudi 19 novembre 2015
On n'est jamais assez délicat et aimant avec un chat, et, si l'on parvient à l'être, il fait encore reculer la limite.
Mercredi 18 novembre 2015
Il y a une sorte de dialogue inabouti
Ils nous tuent pour nous dire que nous sommes déjà morts
Mais nous ne voulons rien entendre
Notre riposte est de creuser un peu plus leur enfer
Les y devançant pour ne pas les y rejoindre.
Samedi 14 novembre 2015
On ne commettrait pas scientifiquement plus d'erreur en considérant les enfants HP, intellectuellement précoces, surdoués, comme la norme, qu'en faisant le contraire pour une simple raison statistique, laquelle révèle bien le préjugé courant, cartésien, de la supériorité du nombre sur tout autre critère.
Qu'une espèce de blocage mental, produit à la fois par les heurts sur la sensibilité, l'indifférence et l'implicite déni parental de la véritable intelligence, aussitôt amplifiés par la société, frappe en majorité, dès les premiers jours, les premiers mois, les rejetons de l'espèce humaine, n'est-il aussi plausible que l'existence d'une catégorie « différente » bénéficiant d'un inexplicable fonctionnement meilleur ?
Pour avoir observé les dégâts que nous faisons par notre brutalité coutumière inconsciente sur des êtres sensibles comme les chats (auxquels, je l'espère, nous n'avons rien à envier), et avoir jadis été classé moi-même « surdoué » (à l'époque on disait « génie », ce n'était pas pire...) et en souffrir encore, ne sachant exactement ce que cela signifie, sinon d'être mis à l'écart, je suis convaincu que le changement de point de vue que je suggère serait bénéfique.
Mardi 10 novembre 2015
Il vaut mieux être boiteux sur le bon chemin qu'ingambe sur le mauvais, c'est ce que je pense. Quelle folie que de préférer la bonne méthode pour se perdre qu'une moins bonne pour le salut. Au moins si on ne réussit pas, on garde toutes ses chances. C'était la philosophie au Moyen-Age. On demeurait à l'écoute (d'un souvenir, d'une prémonition, d'une voix céleste…), on attendait. Tension difficile, certes, et même insupportable. Tu as préféré être sûr quoi qu'il arrivât, fût-ce le pire, René Descartes, quoiqu'au fond tu n'aies pas choisi, cédant à l'angoisse !
Lundi 9 novembre 2015
La grande force de l'argent est de se faire passer pour le remède aux angoisses qui sont la nature même de l'ego : entre autres, peur du lendemain et des autres, culpabilité et manque de confiance en soi...
C'est pourquoi des gens dont on pourrait penser qu'ils en ont suffisamment ou même trop pour assurer leur présent et leurs vieux jours, en veulent toujours plus, car leurs angoisses, loin de disparaître avec l'argent, qui est une invention et l'allié naturel de l'ego, auraient même tendance à augmenter.
Dans notre société on peut même ériger en « personnalité » cette appétence, ce besoin, et ne pas en avoir honte...
Mais si, comme moi, vous peinez pour vous procurer même l'essentiel, gagnez en sérénité et en bonheur en vous affranchissant de l'ego autant que vous le pouvez !
Jeudi 29 octobre 2015
« Octogénaire et main de coeur dont les deux (...) font treize. »
Phrases énigmatiques de mes rêves
Mardi 27 octobre 2015
Tous nos problèmes viennent du fait que nous nous croyons nombreux et différents, chacun en butte à l'altérité de ses congénères, alors que nous ne sommes qu'Un avec de multiples apparences et surtout sans la moindre responsabilité envers ce qui n'existe pas : l'autre.
Mercredi 21 octobre 2015
Les gens qui ne veulent pas être aimés mais craints, compris mais obéis, ne peuvent pas se satisfaire de la compagnie des chats.
Lundi 19 octobre 2015
J'ai oscillé entre un plus qui était une exagération découlant d'un jugement indexé sur l'intensité de mon désir et un moins opposé censé annuler la précédente erreur, ni l'une ni l'autre n'ayant grand-chose à voir avec une authentique appréciation de la réalité. Ça fait du bien quand ça s'arrête.
Dimanche 11 octobre 2015
C'est comme si tout ce que j'avais aimé quotidiennement tout au long de ces années s'était transformé en un mince, vaste et ondoyant rideau de pluie, un rideau de pluie gris subtilement coloré, les sensations, les perceptions, les états d'âme, les visions... le bonheur rétrospectif des sens quand on se rappelle les endroits où l'on a vécu...
Parce que l'on ne s'est pas créé soi-même on n'a pas à mettre en ordre le réel, ainsi que le rêve l'ego, le comprendre intellectuellement, se l'expliquer. C'est lui qui s'adresse naturellement à nous pour qu'on le rejoigne.
J'ai la pénible impression que les gens jouent leur vie comme un rôle et que, quand ils meurent, ils n'ont jamais vécu. Ils se disent : « Je suis ceci, cela... » et ils s'efforcent de se comporter en tant que tel. Au mieux, ce qu'ils font est indispensable à leur équilibre, est dicté par la nécessité de le conserver, et ils n'ont pas le choix.
Samedi 10 octobre 2015
On n'a pas à vouloir guérir, on a juste à vouloir ne plus être malade.
Lundi 21 septembre 2015
J'ai occulté toute ma vie à mes propres yeux un grand nombre de mes affections parce que je croyais devoir les concrétiser par une présence physique et un comportement « responsable » plus ou moins offensif, ce dont, avec honte, je me savais totalement incapable.
Mais, sans le savoir, j'étais plutôt sur la bonne voie en ne réussissant pas à considérer mon corps comme un instrument de pouvoir et d'attaque...
Comme je le comprends à présent et peux l'accepter, je vois se déployer enfin souverainement le grand ciel de mon amour au-dessus de ceux que j'aime. (C'est une libération et un bonheur inattendus).
Samedi 19 septembre 2015
Notre conduite morale est révélatrice de notre état spirituel et celui-ci détermine tout. A quelqu'un que je découvre en quête infructueuse de sa santé physique et que je croise régulièrement par ailleurs dans les vernissages où il ne va que pour s'empiffrer gratuitement au point de paraître ridiculement abject aux yeux de ceux qui s'en avisent (ce dont il est évidemment inconscient), je conseillerai simplement de réfléchir à ses motivations à ce sujet, de les comprendre et de s'en libérer, et je suis certain que ses soucis de digestion et ses douleurs dorsales chroniques disparaîtront rapidement d'elles-mêmes.
Bien sûr impossible de lui faire une telle déclaration.
Je ne peux que l'exposer ici en espérant qu'elle lui parviendra un jour par la bande de façon compréhensible.
Mais l'excès de scrupules moraux n'est guère moins négatif.
Dimanche 6 septembre 2015
J'ai passé une bonne partie de ma vie -enfant et jeune adulte en tous cas- prisonnier dans un espace restreint entre deux hautes plaques de tôle rouillée. Quelles étranges circonstances m'avaient amené là, je peux me le figurer un peu aujourd'hui, mais par quelle chance n'avais-je pas été écrasé complètement, je n'en sais rien…
Il ne fait aucun doute qu'il y avait beaucoup de mon père là-dedans.
C'est là et pas ailleurs que j'ai dû pour me défendre crier : « Tu n'es même pas beau, Berthelot ! » avant de m'enfuir vers l'avenue Jean-Jaurès où j'atterris d'un bond, ou encore que j'ai pu entendre ma femme me confier avec un sourire triste, au milieu de la gare Victoria, qu'elle avait des papillons dans l'estomac et sentir mon coeur se serrer mais partir quand même.
Mes galoches, mes genoux glacés, mon énorme et lourd béret, tout le rêve éveillé qui tournait sans cesse au cauchemar m'y ramenait sans cesse.
Mardi 1er septembre 2015
A notre arrivée à Corfou, tôt le matin, dès que nous eûmes quitté le port, tout était si merveilleusement beau que nous fûmes pris d'interminables fou-rires et d'une exultation qui dura plus d'une heure. Nous chantions, nous dansions, nous nous embrassions, puis nous riions sans pouvoir nous arrêter. Nous nous retrouvions seuls dans une exquise campagne printanière ponctuée de magnifiques cyprès, baignée d'une lumière miraculeuse, splendide, comme nous n'avions jamais vu, sous un ciel impeccablement bleu, et cela dépassait de très loin tous nos espoirs et nos rêves les plus insensés. (...)
Jamais non plus je n'oublierai ces lumineux matins dans le parc national d'Athènes, où j'allais me promener seul avec le sentiment d'une paix et d'une santé étonnamment retrouvées, ces moments qui me laissaient croire que rien encore -aucune saleté humaine- n'avait souillé la beauté du monde.
Vendredi 28 août 2015
Heureusement que je ne suis pas complètement idiot... L'intelligence est le seul moyen d'accepter un beau jour de fatigue de perdre quand l'ego vous a hurlé depuis toujours de faire le contraire. Certes, je ne me suis pas envolé comme je l'espérais*, mais cela aura peut-être lieu autrement... C'est même certain...
*Je le jure, j'ai fait tous les efforts jusqu'aux plus surhumains, mais je le confirme, il n'est pas possible, comme Jérôme Bosch l'avait déjà noté, de s'envoler en tirant sur ses lacets.
Mercredi 26 août 2015
«Courage politique» est un oxymore.
Dimanche 23 août 2015
Ma méthode de travail ne me permet pas de parader en clairière avec les nains bavards, les trolls griffus, en m'exhibant comme eux devant les nymphes, les naïades, comme je l'aimerais. Mon travail m'impose la concentration, la réclusion, avec l'extase en récompense, ce qui compense.
C'est un beau chemin que celui des apparences sensibles de l'art parce qu'il conduit au Jourdain où eut lieu le baptême
Quand la première pluie commence il s'élève une fine poussière d'argile provoquée par le choc des gouttes d'eau sur le sol
Retombée aussitôt qui s'ajoute à la lourde pâte rouge qui met des semelles aux pieds nus
Nous aimons ce tambour de suçons que fait la surface du fleuve avec la pluie
Tambour gris serpent liquide artère du grand corps étendu de l'impersonnalisation du monde...
Vendredi 21 août 2015
Le fait qu'il y a apparition-disparition depuis toujours, depuis le commencement, entrée en scène, applaudissements, représentation, puis sortie, le rideau qui retombe, mais pas pour longtemps, se relevant aussitôt non loin, chez vous, chez moi, chez tout le monde, tout à fait comme au théâtre où rien n'est vrai, et surtout pas les cris, les larmes, qui saluent le dernier souffle, le dernier mot... ne vous donne-t-il pas, comme à moi, l'impression que le principal, la constante, c'est l'invisible éternel qui préside à tout ?
Dimanche 16 août 2015
On a l'impression que si B. se redressait elle casserait le plafond. C'est peut-être d'ailleurs ce que j'ai fait moi-même, avec pour conséquence de retomber plus bas. Ceux qui gardent le lien avec la toute première enfance, par-deçà la destruction générale, quand ils se raniment rapportent l'espérance la plus folle qui semble dans ce monde-ci, et même pour eux-mêmes. Dès lors, c'est naturel, il n'y a que la voie mystique qui est possible.
(C'est tout simplement aussi parce qu'il n'y en a, pour tous, aucune autre).
Samedi 15 août 2015
Entouré de hautes montagnes
Dans le Tibet de mon enfance
Je savais que les moulins à prière
Allaient tisser le filet
Qui me retiendrait de tomber.
On doit arrêter de Le combattre, pour comprendre que l'on a peur de Dieu.
Vendredi 14 août 2015
Comment parvenir jamais à faire comprendre aux autres ce que c'est que d'être miné de l'intérieur, rongé par la conviction qu'on n'est « pas bien », malade, surtout perfectible, améliorable, réclamant d'être parachevé et qu'on s'y efforce tant que l'on n'est disponible pour rien d'autre ?
Entre autres choses c'est ce dont je souffrais jusqu'à hier encore et qui vient de disparaître.
S'accepter enfin…
… Où t'emmener à la parade, à la procession ? Belgique. Les aubes blanches, les scapulaires, l'arrière-plan gris d'arbres maigres, de ronces... Chemin de boue, Christ de bois qu'on promène, balançant, sous un ciel d'orage vert et griffé.
Rimbaud aussi.
La Passion qui n'aurait servi à rien, que personne n'aurait comprise, et la Résurrection qui, pour la plupart, n'a pas eu lieu.
En dépit de toute la vie bénie des petits animaux qui courent au bas du tableau, campagnols, musaraignes, hérissons, en dépit du bonheur des fleurs, de la joie des insectes, des chants d'oiseaux…
Pourtant il y a comme une béatitude dans des regards d'enfants, sous des fronts bas et têtus de demeurés.
Jeudi 13 août 2015
Comment pourrait-il y avoir un juge qui me condamne puisque je suis au milieu de moi ?
Quel juge devrais-je craindre ?
Puisque je suis au milieu de moi
Et parmi mes semblables.
J'ai avalé ma psy finalement ce que je voulais tant ne pas faire
J'ai longtemps résisté je voulais continuer à profiter d'elle
Mais voilà il fallait que cela arrivât
Elle que je voulais considérer comme le Sauveur je n'en ai fait qu'une bouchée
Il y a toujours un moment où il faut accepter la vérité :
J'étais le plus fort et advienne que pourra.
Elle le savait
N'est-ce pas que tu le savais ?
Quel bras de fer nous avons joué ensemble !
Moi veillant toujours à bien perdre, et toi le sachant.
Il fallait que j'aille jusqu'au bout j'en étais convaincu. Maintenant seulement je vais savoir si j'avais raison ou tort.
Jeudi 6 août 2015
Je connais au moins une personne qui pourra penser que je paraphrase quelque chose que j'ai découvert dans la lecture d'un certain ouvrage. Il n'en est rien même si, effectivement, la lecture en question est ce qui me permet d'accepter une conscience naturelle qui ne demande qu'à exister.
Ainsi, ce matin, j'ai réalisé que la peur est le sentiment omniprésent qui m'habitait, peur de ce qui m'est étranger, comme, par exemple, mes chats, dont on ne peut douter pourtant que je les aimais, autant qu'il est possible à un être humain d'aimer un animal.
Ce n'était pas réel, car leur apparence, leur aspect physique, leurs poils, leurs dents, leur yeux si magnétiques et lumineux, tout cela, sans que je m'en rende compte, différent, autre, me faisait peur ! Il m'a fallu l'accepter pour le comprendre et le dépasser.
J'ai déjà écrit que je jouais à « inter-être » avec Zsa-Zsa mais c'était une sorte d'échange hypothétique, et vraiment un jeu, c'est-à-dire un faux-semblant, tandis que là, à sens unique, comme si la chatte voulait être moi, j'ai accepté que cette altérité me remette d'elle-même en question, en quelque sorte me détruise, m'annihile : j'ai accepté de ne plus en avoir peur !
Il ne s'est rien passé de ce que je redoutais, bien au contraire, sinon la prise de conscience que j'essaie de dépeindre en ce moment, et, je l'espère, la fin d'un blocage inutile.
Car le contraire de l'amour, ce dont, il est vrai, j'avais eu la définition dans le livre évoqué plus haut, LE CONTRAIRE DE L'AMOUR EST LA PEUR !
Mardi 4 août 2015
Dans certaines circonstances, ne pas dire ce que l'on a vraiment envie de dire, ce que l'on a à coeur, mais en donner une version censurée, faussée par un jugement accessoire, avoir un préjugé au sens littéral… en somme ne pas dire, quoique sincère, ce que l'on ressent mais ce que l'on pense (on croit malheureusement à la supériorité de la raison sur le sentiment), peut provoquer d'étranges conséquences apparemment inexplicables, des événements dont on se sent la victime bien qu'on les ait déclenchés... victime paradoxale de ses propres propos inconsidérés.
Je me suis récemment retrouvé en train d'acheter à un artiste un livre édité à son sujet que je ne désirais pas parce qu'au lieu de lui dire le moment d'avant : « C'est magnifique » comme j'en avais envie après avoir regardé son travail -je ne le pouvais pas étant donné ma classification qui réserve exclusivement à Michel-Ange cette appréciation (!)- j'ai eu l'étrange idée d'affirmer : « Si j'étais riche je vous achèterais ce carnet de croquis ».
Naturellement il s'en est suivi un commerce maladroit, lui cherchant à me faire plaisir et moi, dans le même but, consentant finalement à lui acheter quelque chose de « pas cher ».
Dimanche 2 août 2015
L'Art, c'est ce qui, d'habitude, est en moins dans nos œuvres par rapport à la Nature, ce qui manque pour ainsi dire toujours, dans ce que nous faisons.
Vendredi 31 juillet 2015
Pour moi le poète est celui qui voit des choses en esprit. C'est voir normalement, sauf pour la société humaine qui sait qu'en l'acceptant elle serait mise à mal.
Selon l'emprise que la société a sur les autres hommes, le poète souffre peu ou beaucoup, autant que de lui-même quand il commet l'erreur de se concevoir aussi comme l'un de ses membres.
Mercredi 29 juillet 2015
Quoique beaucoup trop tard, je viens d'apercevoir en esprit le droit et bleu chemin montant à parcourir pour élever un enfant, l'accompagner... Ceux qui s'en privent, pour quelques raisons que ce soient, sont des malheureux.
Vendredi 24 juillet 2015
Se penser coupable dans son être est beaucoup plus qu'une simple méprise, un errement, c'est une inversion de la réalité.
J'ai eu la mère la plus faible et la plus compliquée qui soit -faiblesse et complication marchent ensemble- parce que se croyant coupable de la sorte avec intensité : le mal pouvait passer pour le bien, la trahison pour la loyauté, le mensonge pour la vérité, etc. ; impossible à comprendre surtout pour un être naturellement fort et simple : un enfant !
Ainsi elle me jeta à deux ans dans les bras de Tonton Lulu qu'elle eût probablement tué si elle l'avait su capable de faire ce qu'il me fit, et y rester par amour pour elle sans comprendre qu'elle voulait pour moi tout autre chose -comme mon propre sentiment de culpabilité pouvait malheureusement à mon tour me porter à l'imaginer- n'était pas du tout requis.
Mercredi 15 juillet 2015
Comment peut-on se dire athée ? On pourrait inventer Dieu avec le seul besoin d'échapper à la platitude humaine.
Tandis qu'il y a aussi la cruauté, la bêtise, l'indifférence, etc.
C'est tout ce qui nous entoure que nous n'avons pas créé et ce qui nous dirige en dépit de tous nos vilains calculs et de notre présomption qui fait l'intérêt et la beauté de l'existence.
Mercredi 8 juillet 2015
Je pense que si l'on reconnaissait à la planète Terre, aux animaux et aux plantes, un droit à la Vie indépendant de nous, on comprendrait que chaque homme, chaque individu, est aussi une existence irréductible à la société et au système, qui ont l'obligation de la respecter.
La démocratie n'est pas un système politique particulier mais tout simplement le reflet (malheureusement imparfait parce que nous le sommes nous-mêmes) d'une loi naturelle.
Les enfants n'appartiennent en rien à leurs parents, ni les individus à leur pays ou à leurs dirigeants. Je n'ai de pays que le monde et pas d'autre despote que moi-même.
Toute autre vision des choses est une hallucination.
Mercredi 1er juillet 2015
Quand ma mère est morte, à quatre-vingt trois ans, elle n'avait pas l'air d'une vieille femme. Ses cheveux étaient entièrement blancs, mais ils l'étaient depuis l'âge de quarante ans et étaient toujours abondants. Sa peau, claire, lumineuse, n'était pas beaucoup ridée et semblait toujours fraîche, et quoique un peu émaciée à cause de la maladie, elle était toujours, sinon plus encore, élégante.
Destin étrange que le sien, apparemment quelconque, ordinaire, qui était en réalité une ascèse morale sans concession, destin sans péripétie sauf celle, déterminante, de s'être retrouvée brutalement orpheline à quinze ans et d'avoir vécu alors tant bien que mal avec sa sœur légèrement plus âgée et un peu moins irréprochable.
Son père avait abattu sa mère devant elle d'un coup de revolver, puis, emprisonné, s'était pendu.
Ce drame l'avait tellement marquée qu'elle n'en parla jamais et même le dissimula soigneusement, nous racontant son enfance en l'omettant si bien que, personnellement, du moins consciemment (inconsciemment c'était autre chose), je n'y vis que du feu. Je n'appris la vérité que bien plus tard, de la bouche d'une de mes sœurs plus jeune à qui, enfin, mon père disparu, ma mère osa se confier.
Je suppose qu'elle se croyait plus ou moins responsable d'une façon compliquée de ce qui était arrivé à ses parents, et surtout à sa mère, à ses yeux une pure victime. Mais son père, qu'elle considérait tout bonnement quelque part avoir été « un fou » (elle m'observait parfois d'une façon bizarre, guettant les signes d'une possible hérédité), elle ne pouvait certainement pas le condamner. Elle vivait dans le cilice de ces deux exigences, de ces deux affections antagonistes, et les séquelles furent nombreuses et subtiles, pernicieuses évidemment pour ses enfants -je pense surtout à moi- au plus haut point.
Jusque vers l'âge de douze ans je la vis souffrir de dépression -une maladie qui n'était pas vraiment identifiée à l'époque-; elle était tous les jours en pleurs, menaçait régulièrement de se suicider « avec ses enfants », puis peu à peu, sans que l'on sache pourquoi, cela passa et disparut pratiquement. J'ai déjà raconté que mon père me prit un jour à part -j'avais sept ans- pour me dire sérieusement qu'elle « était folle » comme si cela allait m'apaiser.
Si je dis tout ceci c'est pour mieux dépeindre un être qui se voua toute sa vie au Sacrifice, censé réparer, absoudre, le mal qui l'avait frappé, un mal dont elle se croyait plus ou moins la cause, un mal qu'elle aurait dû pouvoir au moins empêcher.
Ce fut bien une ascèse, qui lui donna l'air d'une sainte avec ses cheveux blancs et une certaine lumière -sainte-nitouche pour sa sœur, ma tante, qui était bien plus à l'aise en ce bas-monde et qu'elle considérait comme un démon. Ma mère refusa tous les plaisirs, non seulement matériels -et comme nous connaissions peu ou prou la misère ce n'était pas très difficile, mais également sentimentaux, affectifs, toutes les facilités. Il n'y avait que le Devoir, au sens le plus strict, qui la rassurait, qui, en quelque sorte, la mettait à l'abri des angoisses.
Elle fut exemplaire et ne s'acheta que deux jupes durant les dix-sept années que je passais à la maison. Nous n'allâmes que deux fois au cinéma, mes parents et moi durant toute mon enfance. Le peu d'argent allait uniquement dans la nourriture et les vêtements indispensables pour mes sœurs et moi-même. Chaque sou était compté, pesé, vérifié, dépensé avec parcimonie, et avec cette antienne : « nous n'avons pas d'argent » ma mère pleurait sur la nappe cirée tous les jours.
Bref, c'était une forme de Grandeur.
…
Je raconte tout cela parce qu'au sortir de ma sieste de cet après-midi (j'ai soixante et onze ans, tout cela est bien loin) j'ai eu une brève vision qui m'a donné la certitude que cet être de souffrance et d'abnégation que je n'ai jamais aidé, ma mère, avait par bonheur rencontré ma psy -génie et sainte- à la jonction de deux de ces espaces prismatiques mouvants et purs et se transformant sans cesse où séjournent certains morts. Elles n'ont pas eu de difficultés à communiquer, et, la seconde ayant instruit la première, à présent tout est compris et en ordre comme il se doit pour les deux.
Vendredi 26 juin 2015
Je n'ai jamais remercié publiquement ma psy pour le travail qu'elle a fait avec moi... - « publiquement », cela signifie naturellement pour moi « par écrit »- et il est temps, trente-cinq ans après, de le faire ici. Je pense -nouveauté- qu'elle est peut-être passée à côté d'une ou deux choses me concernant, mais je lui dois tout pour l'essentiel, en particulier de n'être pas mort.
Pendant que tout va à vau l'eau avec l'universel égoïsme, en politique, en économie, dans les mœurs, de discrets psychiatres comme elle, bien peu soucieux de notoriété et de profit matériel*, consentent à scruter tous les jours, avec le courage nécessaire, l'enfer intime de leurs patients, et tentent, malgré la difficulté et l'ampleur de la tâche, de les aider, et parfois y parviennent.
Il leur faut des qualités humaines exceptionnelles et un grand savoir, une obstination des plus étranges soutenue par une patience immense.
De temps à autre ils prennent d'incroyables risques, celui de se perdre eux-mêmes, ou de commettre une erreur qu'ils ne pourraient pas se pardonner.
Pour ne pas être terrassés, ils doivent témoigner paradoxalement d'une empathie miraculeuse, et en outre, il me semble, on ne guérit pas les gens de l'extérieur.
J'ai toujours pensé sérieusement que Yvonne Thurel-Baldacci était un génie et une sainte, et, dans un accès brutal de reconnaissance, probablement assez gênant pour elle, je le lui ai même dit, un soir, dans la rue, avant de rentrer chez moi. Elle m'a regardé un instant (il fallait bien qu'elle me réponde, et qu'auriez-vous dit à sa place, vous adressant à un patient qui ne veut pas être contredit ni que vous soyez vaniteux?) et elle a prononcé :
« Je crois que Laurent (il s'agissait de son fils) le pense aussi... ».
Imparable.
*Je n'ai jamais réglé une consultation.
A l'ombre des chemises à fleurs…
Je n'ai plus besoin de me tuer pour vivre.
Votre « réalité » peut aller se faire jober, je cherche autre chose.
Un beau chat grabou.
Je suis un Pardonnator, je l'ai toujours été. Cela me fatigue d'en vouloir à quelqu'un, de perpétuer un état de dépit, de colère, de « consistance », pourrait-on dire, artificielle, au motif que mon importante personne serait lésée dans son exemplarité si je ne le faisais pas. Et puis c'est passé et il faudrait aussi prolonger également un temps dont la vocation est pourtant de disparaître comme s'il n'avait jamais existé. Il y a déjà bien trop à faire avec ce qui, que je le veuille ou pas, m'encombre et me condamne : mon besoin de « réussir » à mes propres yeux.
Jeudi 11 juin 2015
Fraternité
La personne que j'ai aimée le plus au monde au cours de ma vie est née alors que je n'avais environ qu'un an, et est morte (convulsions, etc. Tragédie...) d'une méningite tuberculeuse quelques mois plus tard. Il s'agit de ma sœur Pierrette que j'étais « trop jeune pour avoir connue... » dixit ma mère, je crois -mon père me l'a dit aussi probablement-, « trop jeune et ayant disposé de trop peu de temps... » voulaient-ils dire évidemment l'un et l'autre, mais, contrairement à ce qu'ils imaginaient, cet amour a bel et bien existé et m'a hanté et manqué fondamentalement aussitôt qu'il eut cessé d'avoir un objet.
Je ne raconte pas cela pour inciter qui que ce soit à compatir à mon étrange malheur, mais pour répéter, car nous sommes tous pareils à ce sujet, j'en suis convaincu, que nous ignorons ce qui compte le plus, nous en sommes le plus souvent inconscients, et que nous passons ainsi à côté de notre vie, ce qui, d'ailleurs, dès qu'on touche au Présent, n'a plus aucune importance.
Encore une chose étonnante, n'est-ce pas, mais c'est ce qu'il vient de m'arriver et qui m'a ouvert les yeux.
En effet, dès que j'ai eu retrouvé la joie primordiale, quoique pour un bref instant, je me suis tourné pour la partager vers cet amour, vers ma sœur, mon double, l'autre moi-même que je savais à un an qu'elle ne pouvait manquer d'être, et, dans la lumière d'or, je l'ai enfin reconnue.
Lundi 8 juin 2015
Mon appartement de citadin n'est pas digne de porter ce nom, il n'existe pas, c'est juste un morceau d'appareil digestif, un bout d’œsophage ou d'intestin grêle, un diverticule d'un énorme organisme plus ou moins anthropophage, où ne devrait pas résider un homme civilisé... ce n'est sûrement pas ce qu'on peut appeler une (noble) demeure.
Plus simplement c'est un boyau, oui, et là vous comprenez ce que je veux dire et que je n'exagère pas beaucoup.
Dimanche 7 juin 2015
Mon garagiste me traite de « fils de pute » ! A votre avis, pourquoi ?
Il n'arrive pas à me voler !
Demandez-vous toujours qui porte les jugements que vous entendez.
Samedi 6 juin 2015
Alors que je n'étais, le plus clair du temps, qu'une ingénue libertine culminant dans les occasions en sainte nitouche, je pris cette fois-là, si je puis dire, les choses en main…
Il en résulta une séance qui n'était pas piquée des hannetons, puis je rentrai chez moi et tentai tant bien que mal de faire le point.
Je ne parvins pas à surmonter ma honte, ou plutôt mon sentiment de culpabilité, car je pensais que la gentillesse consistait à se laisser faire, et que prendre l'initiative, surtout par rapport à quelqu'un que je respectais et aimais, revenait à être méchant !
Je ne parvins à garder comme souvenir, après moult longues souffrances, que la partie honorable -le versant sentimental de l'événement-, refoulant les péripéties et me condamnant de ce fait à craindre toujours à l'avenir « d'en être », ainsi qu'à succomber toujours -authenticité oblige- à la tentation de recommencer, Dorian Gray au petit pied, verso ensoleillé, recto(!) sombre.
Vendredi 5 juin 2015
Toute ma vie j'ai cherché le point de vue unique, celui qui permettrait de tout considérer sous un seul angle, de manière à pouvoir porter un jugement sans ambiguïté et se savoir plus ou moins parent de la vérité, mais c'est impossible.
Au niveau courant où nous sommes tout est duel, tout a un double visage, un noir et un blanc, un blanc et un noir, que certains, qui font ainsi l'aveu de leur faiblesse, de leur impuissance à discerner, voire de leur imbécillité (dégénérescence), disent gris, en s'autorisant ainsi tous les égarements et tous les vices.
Ici-bas nous étouffons et nous devons fatalement nous en sortir, nous élever.
Lundi 1er juin 2015
Quand la société est plus puissante que la conscience individuelle, les hommes sont sans Dieu.
-« Et moi, tu crois que je ne suis pas cinglé ?» dit-il de sa voix de vieille coque laissée en cale sèche à réparer.
Les ondes sonores allèrent s'écraser en larges flaques concentriques du côté vers lequel il s'était tourné, très en colère, les babines retroussées, et la fillette, à ce qu'il paraissait, qui s'y trouvait - en réalité une jeune femme de petite taille, fine et musclée, les cheveux longs, l'air perdu, qu'il trouvait très excitante- essaya sans succès de paraître indifférente.
Elle vacilla légèrement.
« J'ai envie de l'appeler Lubna » pensa-t-il « mais je ne suis pas RanXerox, tout de même. Bon, oublions. »
Il était en train d'essayer de déplier la tôle enfoncée.
-« Putain d'explosion » dit-il encore, « tu n'es pas blessée ? »
-« Je ne pense pas » dit-elle, puis elle s'évanouit.
Il lâcha le robot et courut vers elle.
Il la prit dans ses bras et la déposa avec précaution sur un canapé couvert de débris. Elle ne tarda pas à rouvrir les yeux.
-« Comment t 'appelles-tu ? » demanda-t-il doucement.
-« Lubna. »
-« Tu es sûre ? » dit-il avec une étrange émotion.
-« Oui, c'est un prénom arabe. Il y a une héroïne de bande dessinée qui le porte. »
-« Je sais, je sais. »
Romans
Jeudi 14 mai 2015
Je ne suis pas un mec marrant : je ne fume pas, je ne bois pas, je ne baise pas (faute de partenaire), je ne vote pas, je ne mets pas de sucre dans mon thé et je suis végétarien.
Attention, la forteresse volante est en train d’atterrir. Deviendra-t-elle un beau papillon blanc en touchant le sol, comme on l'espère, ou restera-t-elle un gros tas de ferraille vert-de-gris hérissé de mitrailleuses et de canons promis à la rouille, c'est la question.
Je vous parle de moi, bande de béotiens !
Je suis comme tout le monde (ou je l'ai été): je nage dans l'erreur à pleines brassées dans une piscine d'objets hétéroclites, journaux, gravats, reliefs de repas, tissus en lambeaux, épaves rouillées, une vraie poubelle !
Ce sont les idées reçues, les savoirs boiteux, les préjugés, les mensonges, alliés à l'impatience, à la vanité, à la prétention courantes, ce brouet de la folie ordinaire qui tient lieu de nourriture à nos esprits de citoyens, d'électeurs, victimes enchaînées sur l'autel de la compétition sociale… membres de la société !
Et de nos vices les serviteurs.
Mardi 12 mai 2015
On ne peut parvenir à épuiser un poète qu'en le convainquant de travailler lui-même à son épuisement.
Autrement, il y a chez lui quelque chose d'inexpugnable, d'invincible, que l'on ne peut ranger nulle part dans les catégories considérées comme humaines, ce qui le rend haïssable en dernière instance pour tous ceux qui soutiennent si peu que ce soit le système éprouvé.
Au risque de se perdre évidemment (ce qui est également détestable pour ceux qui l'aiment), il milite pour le miracle contre la magie.
Lundi 11 mai 2015
Cela fait une vingtaine d'années que je revisite mon passé, le redécouvre, ses parties perdues, refoulées, tout en m'imaginant qu'à la sortie tout m’apparaîtra comme une vaste blague, une bonne quoique un peu longue et lourde plaisanterie... tout est bien qui finit bien... que j'en sortirai intact.
Et bien non ! Aujourd'hui je me rends compte que je ne peux en émerger que transformé, très différent de l'idée fausse que je me faisais de moi-même, étrangement celle d'un surhomme ayant réussi à échapper à un massacre, d'une victime, d'une sorte d'ange.
Je n'ai été qu'un individu des plus concrets, tout à fait ordinaire, ce qui n'est pas plus mal.
Je me réveille d'un long songe que je fis faire moi-même à mon âme en la méprisant…
J'ai déjà connu des changements provoqués par des « points » de déclenchement correspondant à un souvenir retrouvé, une restauration inattendue, capables de générer parfois un ébranlement complet, comme un coup de marteau à tête pointue sur une tôle, mais c'est la première fois que je vois un pan entier de ce que je considérais comme mon moi s'abîmer d'un coup et disparaître pour être remplacé par son équivalent encore inconnu -changement à vue comme au théâtre- plutôt redoutable dans la mesure où il serait exactement le contraire de ce que j'ai voulu considérer.
Je devine heureusement, les années aidant, que j'en aurai aujourd'hui une autre, une meilleure, une acceptable (peut-être) vision.
Mardi 5 mai 2015
Les membres inférieurs doivent être traités comme les autres.
L'inexplicable et constant chagrin de ma mère était une plaie que j'avais au côté -une plaie saignante. J'étais déjà dans la paix de Dieu dans mon enfance mais occultée par ce qui apparaissait comme une souffrance héritée, congénitale -normale en somme, quoique invincible et mortelle.
Mardi 5 mai 2015
Elle lui demanda s'il voulait « mourir inconsolé ».
« Sûrement pas ! » répondit-il avec une vivacité qui la surprit. (Elle le croyait plus rassis qu'il n'était).
« Alors » dit-elle, parce qu'elle ne comprenait pas que pour lui ces deux objectifs n'en formaient qu'un seul, « laisse-toi aimer et être aimé, au lieu de continuer à poursuivre ton stupide rêve d'excellence ».
Romans
Dimanche 3 mai 2015
La résilience en tant que processus de restauration de la «personnalité » n'existe pas. C'est un concept fabriqué en n'observant que des aspects choisis d'une réalité infiniment plus complexe, une lecture partielle à travers une grille qui dissimule l'essentiel et ne rend absolument pas compte de ce qui se passe. D'ailleurs, selon la même règle, la « personnalité » n'existe pas davantage.
En comptant sur la résilience en tant que bénéficiaire, on perdrait son temps, on attendrait quelque chose qui ne peut pas se produire.
La vérité, me semble-t-il, c'est qu'il ne s'est jamais produit ce qui nous a abattu, à la fois parce que les événements tels qu'on s'imagine les avoir vécus n'ont pas existé, et que celui qui en a souffert était également une pure invention.
Plutôt que d'avancer vaille que vaille, de poursuivre obstinément sa route, ce qui signifie qu'on décide de commettre d'autres erreurs, il faut faire un pas de côté, changer d'orientation, changer de pensée.
En langage religieux, cela revient à dire, contre toutes les églises et tous les prêtres : « Je n'ai jamais péché ! », car ce qui nécessiterait de la résilience n'est en somme que de la culpabilité, et dans la Création immuable de Dieu, il faut bien finir un jour par le comprendre, je suis toujours et à jamais innocent.
Vendredi 1er mai 2015
Quel crève-cœur que ces innombrables pigeons aux pattes mutilées par les filets de capture qu'on tend aux abords des villes, entravés, boiteux, le fil de plastique incrustée dans la chair, qui ne marchent qu'avec difficultés, ne peuvent plus utiliser une branche comme perchoir, et dont la pauvre existence n'est qu'une torture dont l'homme est responsable.
Mercredi 15 avril 2015
Si ma mère était toujours de ce monde je lui téléphonerais pour lui dire qu' « aujourd'hui je vais bien à nouveau ». La parenthèse qui s'était ouverte en 1967 (!) s'est refermée.
C'est toujours à ma mère que je pense quand il s'agit de remplir mes obligations envers mes semblables, et « aller bien » m'a toujours paru être un devoir de première importance envers les autres, peut-être le principal, celui dont tout le monde n'a cure qu'il soit ou non rempli, je le sais bien, sinon par soi-même à son propre égard.
Mais moi non. Je me suis toujours figuré qu'il était plus important pour autrui que pour moi que j'aille bien.
Peu importe.
Ce qui est étonnant aussi, c'est que ma mère et moi n'avons jamais eu la moindre relation qui aurait permis que je lui fasse naturellement cette déclaration. Cependant, elle en eût été certainement heureuse.
Quoi qu'il en soit, judicieux ou pas, elle est toujours au fond de moi le premier auditeur à qui je m'adresse quand il s'agit de ma vérité.
Mardi 14 avril 2015
Quand, à l'évidence, la société elle-même se met à produire soi-disant de l'art -un comble, l'art étant par définition ce qui la nie, mais là ce qui en tient lieu vous réconcilie avec elle, vous l'aurez peut-être remarqué- par le truchement d'un « vendu » -c'est bien le cas de le dire- comme Jeff Koons, je dis, moi, que je ne suis pas assez rationnel, assez formaté, pour l'accepter. Dieu merci.
Lundi 13 avril 2015
Vous êtes le philosophe du 21e siècle
celui qui parle par énigmes comme il se doit
cela change des certitudes d'antan qui nous conduisaient à la mort.
< Certitude de l'ego
Moi aussi j'ai chevauché des ossements
Bu de l'essence en feu
Et envoyé promener le bonheur
A coups de pied dans les parties sensibles
Ni Dieu ni maître
Et pas peu fier.
J'ai été râpeux et solitaire
Prenant le suicide pour le salut
Et le salut pour le suicide
Quand les poils se hérissent il n'y a pas lieu de douter
On est sur la bonne voie ou sur la mauvaise
Cela est sûr.
« Viva la Muerte ! »
car j'avais peur.
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Mais quelque chose en moi aime Dieu plus que tout
La foi des boutiquiers est en l'argent
Et qu'est-ce que la politique aujourd'hui, svp ?
C'est une boutique.
Si vous calculez bien votre coup vous réussirez
A être comme eux.
Par bonheur ils sont minoritaires par rapport à la Vie
voilà ce que les masses doivent réaliser
Elles l'ignorent toujours bien que chacun parmi elles le sache
et puisse dire le cas échéant à tel président :
« Touche-moi pas, tu vas me salir ! »
Mardi 7 avril 2015
Qu'est-ce que la littérature ? Qu'est-ce que la poésie ?
On le sait : c'est la magie ultime, celle qui en essence rejoint le miracle*.
Comment faire partie du top ten ? Il faut boire le sang du dragon !
*Cela c'est ce que j'ai toujours imaginé. En réalité le lecteur complète la création et c'est donc très aléatoire.
Lundi 6 avril 2015
Quand on peut convoquer le souvenir de quelqu'un comme je le fais avec le tien : ton imperméable mastic et sa ceinture-ficelle, ton admirable majesté et ta bonté mêlées indistinctement, ta douceur... et le goûter longuement comme un bonbon fondant, sûr d'être bien seul, on se sent extrêmement puissant, invulnérable, et l'on se demande si on est dans le vrai...
(Le chef-d’œuvre qui brille...)
Vendredi 27 mars 2015
On a le sentiment aujourd'hui que seule une petite fraction du monde vit dans notre insaisissable présent tout en se projetant, comme nous le faisions tous il y a une quarantaine d'années, dans un avenir toujours plus riche et merveilleux -par exemple les artistes « contemporains », les gens très fortunés, les visiteurs de la fondation Vuitton qui aiment ce bâtiment particulièrement stupide, emblème de la faillite humaine et sociale de notre société, si ce n'est de notre civilisation tout entière- tandis que la fraction restante, par la force des choses fait du sur place, et parmi elle certains qui se demandent si ces « privilégiés » ignorent vraiment les problèmes cruciaux et inédits qui frappent notre planète.
L'art tel qu'on le concevait encore au XIXe siècle les préoccupe, eux qui ont bien compris que l'espoir de notoriété par ce moyen était devenu improbable, mais la perpétuation nécessaire, et même vitale, non seulement pour ceux qui lui sont fidèles, mais pour l'humanité dans son ensemble, dont c'est, somme toute, la dignité notoire (cf Baudelaire).
Ce souci ne leur paraît pas beaucoup différent de celui qui conduit par ailleurs à militer pour la meilleure conservation possible de la biosphère, et même pour sa restauration à un état antérieur, puisqu'il s'agit là encore de quelque chose que l'homme ne peut détruire sans risquer la mort.
Entre ces deux pôles, il est logique de s'en prendre au système pour rejeter tout ce qui, à l'évidence, a conduit au désastre actuel, un bon paquet de saloperies à nettoyer.
La révolution, violente ou pas, ne peut manquer d'advenir.
Mardi 24 mars 2015
Robert le Héros
J'ai aimé jadis, à douze ans, un mec qui s'appelait Robert. Il était grand, fort, blond, très beau. En particulier, outre l'important duvet doré qui ornait ses bras et ses jambes, il avait des genoux ciselés parfaits, des genoux d'athlète, de guerrier. Malgré ses quinze ans, sa haute taille, ses larges épaules, il portait encore des culottes courtes. Cela se passait à l'école, ou plutôt, pour être précis, au cours complémentaire que nous fréquentions tous les deux.
Je tombai amoureux de lui vraiment. Il paraît que c'est normal à cet âge-là. Et entièrement... C'est-à-dire que moi, plutôt indécis en matière de relations personnelles, et surtout peu loyal, n'aimant pas m'engager, je n’eus plus de cesse que de le séduire, de m'en faire aimer en retour, et je me mis à déployer des trésors de ruse, d'ingéniosité pour y parvenir, y consacrant tout mon temps disponible et toute mon énergie.
Dans la cour de l'école je commençai par l'observer pour le comprendre, m'en rapprochai peu à peu, trouvai le moyen de me faire remarquer, puis de le flatter en deux ou trois occasions, et parvins rapidement à mes fins, étonné moi-même de ma volonté et de cette étrange intelligence, féminine, que je déployais. J'essayais de produire un rayonnement, d'émettre des ondes, pour l'atteindre.
Il vint à ma rescousse dans une altercation que j'avais avec un élève, me prit officiellement sous sa protection, moi quand même plus jeune et plus petit que lui, et je compris que j'avais gagné.
Nous devînmes pratiquement inséparables, nous retrouvant à chaque récréation, mais je m'efforçais de le laisser libre, de ne pas lui peser. C'était un type impulsif, bouillonnant, qui, s'il ne terrorisait pas l'école, était quand même craint. Manifestement il était trop grand, mal à l'aise dans le rôle d'écolier qu'il était censé jouer, déjà adulte, ne sachant trop comment se comporter.
Au bout de quelques temps il m'invita un jeudi après-midi chez lui.
[Si j'écris cette histoire c'est sans doute pour y voir plus clair -à toutes fins utiles- mais la décision s'est imposée toute seule tôt ce matin, après une courte nuit, sans que j'y aie songé davantage. Peut-être vais-je découvrir quelque chose que j'ai oubliée et qu'il est indispensable que je me rappelle.]
A suivre...
Mardi 17 mars 2015
Ce n'est pas parce que très peu d'individus en Art ont réussi à approcher, voire pour certains plus rares encore, à atteindre le Sens, qu'il faut en abandonner la quête.
Je refais ma phrase :
C'est parce que très peu d'individus… etc., etc., que nous avons, en Art, abandonné la quête du Sens.
Ne proposez pas aux gens une accointance basée sur la recherche d'une amélioration, morale, personnelle ou professionnelle, basée sur un progrès de quelque ordre que ce soit dans le Bien. Ce sont toujours les vices qui scellent l'entente.
Quand j'étais un beau jeune homme qui s'imaginait avoir un avenir… C'est fou tout ce qu'on nous fait croire. On aurait dû me dire que je n'avais qu'un présent et rien d'autre et que l'investir en de fumeux projets, quels qu'ils soient, était du gâchis. Ainsi je ne fis guère que de rêver ma vie sans aucun résultat.
J'ai décidé dorénavant, en ce printemps nouveau, quand frémit la bidoche, de regarder ailleurs.
Vendredi 13 mars 2015
Les Japonais me paraissent avoir compris le mieux ce qu'est l'Art.
L'Art nous met en présence de la Grâce, une Grâce -je le précise pour ne pas induire d'idées fausses- qui n'a évidemment rien de « gracieux ».
Nous, les hommes, pouvons être sous son emprise, c'est-à-dire conduits par Dieu, et cela se voit dans certaines de nos œuvres qu'on appelle les « chefs-d’œuvre de l'Art ».
En Occident, on a élevé ce concept au sommet d'une pyramide illusoire, comme couronnement ultime d'une réflexion et d'une technique exceptionnelles, en oubliant un peu qu'il s'agit plutôt de foi, de quelque chose qui vient de l'âme, et le résultat c'est que nous n'y comprenons plus grand-chose, mais les Japonais, eux, savent que toute action, même banale, peut être de l'Art, quand elle est « inspirée », avec, pour corollaire, l'idée que les objets «ordinaires» peuvent constituer un trésor…
C'est le fondement d'une culture particulièrement raffinée où des gestes du quotidien peuvent prendre une dimension rituelle et qui tend ainsi à produire constamment de la Beauté.
Mardi 10 mars 2015
Comme si un énorme malheur était imminent
Toujours et sans cesse (comme aurait dit peut-être Marc « en clair et sans décodeur » Toesca)
Sans cesse et toujours pour moi
Eclopé couvert de bandages
Meurtri inquiet crédule
Une jambe dans le plâtre l'autre en moins
Sparadrap un peu partout
Couché sur un lit d’hôpital…
...Et puis cela s'en va
Il est légitime d'avoir (eu) une vie sexuelle
Je ne suis pas un dévoyé
Comme je l'ai cru toutes ces années après des débuts trop précoces et un peu déviants
Et la crainte que je découvris fortuitement que cela inspirait à ma mère…
Quel soulagement !
Vendredi 6 mars 2015
Le soleil d'aujourd'hui venait du sud, de l'Espagne et du Midi, où il avait éclairé dans les villes de beaux murs blancs, mais aussi des graffitis, des tags, et des fruits verts dans les vergers, et aussi de l'humanité qu'on appelle aussi de la sorte, jeune et rebelle, et il m'en barbouillait, m'en peignait, m'en colorait tout-à-l'heure sur ma terrasse... ce soleil vif jaune citron, plein de promesses d'un frais bonheur.
Mercredi 4 mars 2015
J'ai tendance à me croire plus intelligent quand je doute, dit-il en souriant. C'est un défaut, probablement un reste de cartésianisme... »
« Non pas que le cartésianisme promeuve vraiment le doute, continua-t-il, mais il en découle, il découle de ce doute existentiel, d'origine affective, qu'on éprouve tous plus ou moins dans l'enfance -personnellement cela m'est arrivé très tôt, et très fortement, et je me souviens très bien des circonstances particulières, raison, évidemment, pour laquelle je suis anti-cartésien...
Ce jour-là, tout avait douloureusement paru s'écrouler de ce que je croyais assuré, et aussi, presque plus important, de ce que j'attendais, de ce que j'espérais, de mon entourage et de l'avenir, l'ensemble associé à l'idée de moi-même, et j'en vins extraordinairement à douter d'être ce que je croyais, à douter d'exister !
« Faire table rase », à cet instant, n'est pas un choix philosophique, c'est une réalité, la sensation d'une perte capitale, et l'on a peur, on est désespéré !
Revenu à soi, le moment d'après -pas, comme pour Descartes, des années plus tard, à l'âge adulte d'une étrange revanche- on se dépêche d'oublier, de rebâtir quelque chose d'essentiel qui, malheureusement, vient d'être irrémédiablement fêlé, abîmé, mais, si l'on raisonnait, on se rendrait compte aussitôt que la vérité ne peut pas se trouver en aval de ce malaise, qu'elle est forcément en amont, avant ce qui a été plus ou moins pathologique, un grave déséquilibre psychologique provoqué par un sentiment.
« Je pense, donc je suis », comme pour se rattraper aux branches, et bien que j'en aie eu moi-même l'idée, je dois l'avouer, au moment crucial de mon enfance que je viens d'évoquer, c'est, strictement parlant, du délire !… »
Dimanche 1er mars 2015
Tu prétends à, tu revendiques, un certain « sérieux », mais comme un enfant, en commettant ainsi une double erreur, car le sérieux n'a jamais conduit où que ce soit qui en vaille la peine.
Les gens vraiment « sérieux », tu ne les vois pas autour de toi, tandis qu'eux te regardent plutôt d'un mauvais œil. Ils sont âpres au gain, pas très tendres, égoïstes et critiques, bref tout ton contraire.
Tu aimes ce qui te fait du mal, et tu as peur de ce qui serait bon pour toi.
Vendredi 27 février 2015
«
Le beau est toujours bizarre ». Rien n'est plus vrai. Baudelaire a raison.
Mais de là à s'imaginer, puis à croire, comme beaucoup le font depuis un certain temps que le bizarre est toujours beau¹ , il y a un pas que je ne veux pas franchir.
D'ailleurs pour peu qu'on se donne la peine -ce qui, dans ce cas, n'est pas un vain mot- de l'étudier, le laid est encore plus bizarre que le beau² !
Il ne peut paraître banal, ordinaire, que par manque de l'attention indispensable sans laquelle le beau lui-même, sans cesser d'être ce qu'il est, c'est-à-dire une illusoire évidence fondée sur des comparaisons, des références, demeurerait cependant non bizarre, ce que Baudelaire a bien souligné.
Ainsi donc, tout bien considéré, tout est toujours «bizarre» !..
1 Voyez la fondation Vuitton, par exemple.
2 Idem
Mardi 24 février 2015
J'ai malheureusement longtemps confondu « amour des autres » avec « haine de soi ».
Lundi 23 février 2015
Ce n'est pas parce que la prise en compte de nos sentiments et de notre âme dans notre perception du réel a conduit historiquement à toutes les dérives que la soi-disant objectivité obtenue en les refusant est plus juste. En fait elle est tout aussi stupide, n'en déplaise à Descartes et à ses adeptes, et manque par-dessus le marché de l'authenticité -et donc de l'humanité et de la bonté qui en fait partie- dont fait preuve la mentalité que je vais appeler génériquement « sentimentale », pensée « primitive », pensée « magique ».
Des gens individués comme les a reconnus Jung, c'est-à-dire fonctionnant de la manière la plus consciente connue, proposeraient sans doute la meilleure image possible du monde, s'ils pouvaient se concerter et être écoutés, à moins qu'il y ait encore quelque part une ultime vision, enfin exacte, ce que je crois, du genre de celle de Bouddha et de Jésus.
Mercredi 18 février 2015
J'ai tendance à considérer la famille comme une assemblée de hasard, les autres occupants du compartiment de chemin de fer dans lequel on se trouve mais dont on ignore la destination particulière, s'ils présentent ou non un intérêt, si l'on doit ou pas leur faire confiance. Certains descendent, d'autres montent, tandis que l'on n'a pas encore soi-même rejoint le terme du voyage. Je n'ai jamais pensé qu'ils puissent venir là par une espèce de prédestination, encore moins que des liens supplémentaires, mystérieux, venant du sang (!), puissent exister entre eux et moi. Pas plus, en tous cas, qu'avec quiconque dans l'humanité !
[Et en même temps, puisque ainsi fait, contradictoire, je suis, j'ai toujours vu ma mère éclairée d'une lumière exceptionnelle, rejaillissant au moins sur l'une de mes sœurs.
Si cela était également vrai pour moi -une supposition- et qu'il faille l'imputer à l'hérédité, j'y verrais quelque chose d'un peu malsain, comme une espèce d'inceste.]
Lundi 9 février 2015
Nous arrivions d'un très très lointain CM2 -plutôt rances que frais émoulus- mais qui avait laissé des traces, et donc, ils nous expliquèrent que « comprendre était démodé »…
Il fallait s'embarquer avec enthousiasme dans l'aventure collective dont on savait qu'elle allait probablement conduire à la catastrophe, à la mort, mais, soulignèrent-ils, « en l'absence incontestable de certitude à cet égard, on pouvait toujours espérer le contraire » !
Par bonheur, dirent-ils, « la loi du marché » nous encordait comme des alpinistes et il ne fallait surtout pas la lâcher… Il n'y avait rien de plus sûr. C'était très sécurisant. .............
Comme les moutons de Panurge, comme des lemmings courant à la falaise, l'humanité allait ainsi pratiquement en connaissance de cause à sa perte, une façon peut-être, « mais pas la plus intelligente » (là, c'est moi qui parle, pas eux), de reconnaître l'existence de Dieu et de compter sur Lui.
Jeudi 5 février 2015
Avant-goût
Tout ce dont je peux témoigner aujourd'hui sous serment devant le tribunal du monde -sans en être autrement fier- c'est toujours de ne rien comprendre tout en étant capable d'embrasser à peu près tout le problème depuis ma naissance ou presque, ce qui n'est déjà pas si mal, merci, j'en suis conscient.
Tous les événements -ou presque-, les tenants et les aboutissants -ou presque-, un panorama si complet et si bien élucidé, en dépit du désespoir qu'il a recelé, qu'il donnerait presque le vertige, un peu comme une valse sans fin seul dans une immense salle de bal déserte. Tout y était sans doute « imaginaire » -on va dire comme ça-, l'orchestre invisible, les dorures invoquées, les supposés miroirs qui n'ont rien reflété, et donc aussi moi-même, on peut logiquement le supposer.
J'approche probablement du but qui doit, j'imagine, ressembler à une implosion, tout devant se résoudre en une disparition, expérience inconnue que je me sens de plus en plus capable de supporter sans trop de terreur.
Qu'on ne se méprenne pas, je ne parle pas de la mort, je parle de la fin du rêve, la fin de l'image. Finie, comme un papier qu'on froisse en boule et qui, en même temps, se vaporise, s'évapore...
Mais, à vrai dire, comme je ne comprends rien je ne peux pas en être sûr.
Lundi 2 février 2015
Ma psychanalyse, psychothérapie, cure psychiatrique, whatever it was (il faudra que j'explique que j'avais une psychiatre atypique tout comme je suis moi-même un écrivain un peu spécial) fut une époque merveilleuse qui établit avec certitude quoique temporairement ce que je n'avais fait jusque-là que pressentir (ma jeunesse n'ayant été rien d'autre que l'effort de conquête de cette perception) : la grandeur d'autrui -sa grandeur indéfectible- instaurant de la sorte la mienne propre, cela étant sans doute le but véritable et la chose au monde la plus difficile à accepter pour moi.
La grandeur d'autrui -que sa principale occupation¹ semble être constamment de faire disparaître à coup de mépris de lui-même et de bassesse inculquée qu'il croit obligatoire- lui était rendue par le regard que je savais que ma psy avait sur lui et par ricochet en la regardant faire, agir.
Tout simplement elle comprenait.
Intelligence et compassion, j'assistais au spectacle, j'étais emporté.
Ce n'était pas une attitude professionnelle, tout comme je ne fais pas des phrases toute la journée dans ma tête parce que je suis écrivain mais plutôt le contraire.
Elle était psychiatre par vocation...
¹ A mes yeux, mais on dirait que c'est le moment d'envisager que je puisse me tromper... (Après relecture).
Samedi 31 janvier 2015
Etant allé, comme cela heureusement parfois m'arrive, aux substantielles profondeurs, je vis mon âme pour la première fois, là, en train de me parler... C'était une entité rouge sombre trônant au milieu de hautes colonnades, une souveraine altière dans un palais rouge sombre parcouru de lueurs. Et d'un seul coup je le compris formidablement : mon âme c'est mon sang !
Jeudi 29 janvier 2015
Nous essayons de nous souvenir de ce que nous pensions avant d'être influencé par ce que pensent les autres, facteurs, charcutiers, mouches drosophiles, brosses à reluire, étudiants, princesses, mamans, vitrines de librairies et consorts...
Les facteurs qui lisent le courrier, les charcutiers qui pétrissent la chair à saucisse la bouche pleine, les brosses à reluire de la politique, les étudiants qui croient et absorbent tout comme des éponges, les princesses pernicieuses, les mamans à maudire, les vitrines de librairies où volent néanmoins des mouches, et consorts diktats de la société...
Enfer et capharnaüm, coupures de journaux, coupures au front, coiffeurs (et non des moindres ceux-là qui parlent pour ne rien dire), têtes diverses de lard... C'était dur d'être un enfant dans ces conditions.
Ils se trompent et nous trompent, ils mentent tous !
Lundi 26 janvier 2015
Souffrir d'une malédiction (une vraie... divine !), c'est se voir frappé régulièrement de terribles malheurs sans pouvoir s'y soustraire, impuissant et soumis par une frayeur hypnotique qui constitue le châtiment principal.
Tandis que tout se brise en vous et dans vos alentours, vous vous considérez à la fois objet et cause d'un désastre que votre simple survie ne fait qu'accroître et vivre devient vite une faute, sinon un péché.
Mercredi 21 janvier 2015
En plus d'être seul, je ne suis même pas sûr d'être dans mon tort… j'espère que vous percevez la cruauté de la situation.
Mon exigence de vérité, ils appellent cela, le plus souvent, être « dur » ! Ils préfèrent regarder ailleurs, ou autrement... Et ils finissent par me laisser dans mon coin.
S'ils savaient comment je me traite moi-même, les pauvres, ils mesureraient mon immense indulgence à leur égard et ma tendresse, et peut-être qu'ils se montreraient plus amicaux. Mais il faudrait que je les laisse regarder à l'intérieur et j'ai ma pudeur...
Vaille que vaille et va-comme-je-te-pousse, c'est mon destin.
Je ne suis pas tout à fait seul quand même, il y a Jean-Jacques Rousseau… lui aussi considérait, si je ne m'abuse, que c'est Philinte et non Alceste le monstre.
Mardi 20 janvier 2015
11 janvier :
« S'il te plaît... égorge-moi un mouton ».
Jeudi 8 janvier 2015
Si j'avais un beau manteau en poil de chameau
Si je me baladais boulevard de Courcelles
Avec mes creepers rock and roll à triple semelle
Les poches bourrées de galette
(Comme j'ai souvent envie de le faire)
Serais-je tellement plus heureux que je le suis actuellement
Chez moi -HLM- en caleçon long kaki de surplus militaire
A besogner sur ce ridicule machin ce poème
Sûrement non tonton tontaine
Sûrement non.
Plus prolixe en désirs fantasmes et illusions que moi tu meurs
J'ai toujours fait dépendre ma félicité de conditions incertaines ou impossibles
J'ai souffert de ne pas accomplir le destin que je m'étais choisi
Tandis que dans mes chaussettes entre mes orteils
On ne peut plus faciles à cueillir et proches de moi
Poussent les fleurs des champs pensées et lys de la paix
Fleurs admirables et pures et qui embaument
C'est le cas de tout le monde j'en suis sûr
Tout est toujours là il n'y a pas à bouger
Il n'y a qu'à tendre la main.
Mardi 6 janvier 2015
Toutes les facettes de la Vérité sont disséminées parmi nous, dans la culture, comme les éléments de puzzles morcelés qui semblent tous différents mais ne sont en réalité qu'un seul. Ce conte de fée pour croire à tel espoir impossible ; ce concept philosophique confirmant l'hypothèse spirituelle qu'on néglige ; telle équation mathématique qui rend concordants plusieurs éléments identifiés ; etc., etc.
Il peut s'agir de n'importe quoi : une couleur dotée d'une signification particulière, une recette de cuisine, un vêtement, un graphe d'une quelconque langue.
Il suffit de les reconnaître tous, de les uniformiser, puis de les relier, pour contempler dans son ensemble la Révélation.
C'est comme de pousser la porte d'un hangar secret qui abrite le vaisseau spatial flambant neuf prêt à conduire l'esprit unique que nous sommes droit vers le trône du Ciel qui l'attend.
Lundi 5 janvier 2015
Le chariot de la Haine plein de pierres, un haut et lourd chariot aux roues énormes, disques tournant comme le destin, de construction immémoriale, cahote, brinquebale, dans son ornière, tiré non par une centaine de formidables chevaux ou par un attelage d'éléphants, mais par une troupe de fragiles êtres humains à peine identifiables, vils, terreux et grimaçants, sous un ciel moutonnant de sombres nuées.
Pour le représenter il faudrait un peintre académique du XIXe ne craignant pas l'emphase ni le théâtral, ou mieux encore Gustave Doré travaillant à pleine pâte, presque comme un sculpteur, un Puget.
Quelle extraordinaire puissance dans ce tableau, quel morceau de bravoure, mais où va donc ce chariot ?
Nulle part, il tourne en rond, sous l'orage menaçant qui jamais ne se déclare.
Car la mortelle haine vécue comme telle ne tue heureusement jamais personne, à peine celui qui l'éprouve.
Elle n'a de sens qu'adressée au Mal lui-même et non à ceux qui le produisent et qui ne peuvent valoir cette dépense, et elle n'est pas un péché.
Dimanche 4 janvier 2015
La peinture d'Yves Tanguy
« Si tous sont aussi seuls que moi... » (et ce disant, naturellement, il cesse de l'être) « le peintre ne sachant pas en quoi il est différent, comme l'écrivain, le poète, mais plus encore celui qui n'est « rien » ou plutôt s'imagine, avec le regard de la société sur lui, être tel, et voudrait rageusement prouver qu'il existe, en s'emparant, en enviant, en détruisant... »
Les forces du chaos ne nuisent pas à l'harmonie.
Nous ne savons pas ce que nous faisons.
Vendredi 2 janvier 2015
Le bonheur que je connais avec mes chats est une merveilleuse gloriette, un sublime pavillon d'or.
C'est vrai que Giono a le défaut d'être didactique. Mais, par ailleurs, quand on regarde ce qu'il met dans l'assiette… !
Il y a dans tout son œuvre, tantôt léger, tantôt puissant, gai, grave, changeant ou continu, toujours mélodieux, le souffle de la grandeur impalpable que tout homme, désarroi vaincu, perçoit quand il se retrouve.
Mardi 30 décembre 2014
De là où tu te trouves désormais (usons de cette idée stupide…) est-ce que tu me regardes ?
De ce carreau noir au contour irrégulier surgi sur le mur à hauteur d'homme, de cette espèce de trou obscur qui a des reflets, est-ce que tu me vois ?
(Je ne t'imagine pas sous un rectangle de gazon orné de pâquerettes, les doigts de pieds en éventail, en train de penser à moi).
Tu m'as fait souffrir en toute inconscience, presque détruit, mais je te pardonne.
Je t'ai aimée comme si tu avais été une pieuvre géante remontée des abysses, un de ces monstres nonchalants aux allures caressantes qui nagent doucement sous les océans près du noyau brûlant de la Terre, souverains inconnus du monde, gigantesques et aveugles, dont les hommes ne connaissent que la légende.
A tout moment, sous l'emprise d'un sortilège inexplicable, je me serais attendu à être avalé par toi d'un seul coup, et peut-être même le souhaitais-je...
C'est ainsi que je te revois dans mon souvenir, assise dans cette arrière-salle de café près de la place des Ternes -je te contemple bizarrement d'en haut, tes longs tentacules ondoyant devant toi dans l'eau de mer qui remplit l'espace-, ton image multipliée en carrousel par les miroirs, et tu te restaures frugalement avant de reprendre tes consultations, d'un croque-monsieur...
Lundi 29 décembre 2014
Le seul pouvoir dont un homme puisse s'enorgueillir -ou plutôt être « fier », ce qui signifie proprement qu'il ne peut ni le brader ou le vendre ni le pervertir ou le diminuer- est celui de l'Esprit qu'il obtient dans la défense de la vérité et de la justice.
C'est aussi le seul qui existe.
Samedi 27 décembre 2014
La mort semble logique touchant le corps mais c'est tout le contraire dès que l'on regarde du côté de l'esprit. En l'acceptant comme sanction inéluctable de la vie humaine, ainsi que nous le faisons tous, parce que nous constatons son apparente toute-puissance, nous nous réduisons à n'être que notre corps, ce qui n'est pas conforme à la réalité.
Alors est-ce vraiment de la folie que de parier (néanmoins j'ai toujours trouvé un peu ridicule le pari pascalien) sur la vitalité immuable de l'esprit et une non-mort, sur une possible immortalité ?
Mercredi 24 décembre 2014
On ne peut pas en vouloir aux autres, comme, pourtant, je réalise que j'ai tendance à le faire (elle est là ma rancœur !), de chercher -tous sans exception- à tirer leur épingle du jeu sans y parvenir, chacun à sa manière.
Celui-ci en se voulant heureux en famille, cet autre en faisant seulement semblant et en vantant sa traîtrise, celui-là célibataire qui voyage pour son travail, un quatrième, un cinquième, qui alternent les rôles, les casquettes, les sexes, etc.... le panorama est infiniment varié des échecs, des ratages, que l'on s'emploie à déguiser en feignant de se contenter de son sort.
L'enjeu, que personne n'ignore, en dépit de ces résultats ce qui est étrange, est énorme. Ce n'est rien de moins que la vie ou la mort, et bien qu'on ne l'avoue pas, qu'on ne puisse, semble-t-il, jamais l'avouer, c'est en pleine connaissance de cause depuis toujours que tous s'obstinent.
Se sauver soi-même et sauver le monde, nous en sommes tous capables, et c'est le seul rôle dévolu à chacun.
Nous le savons. Nous ne le faisons pas.
Mardi 23 décembre 2014
Le seul tort que j'ai eu envers les gens, ainsi qu'il m'apparaît aujourd'hui, un tort, je dois le reconnaître, constant et général, c'était -car j'ose dès à présent espérer que c'est du passé- de vouloir toujours être mieux et, ce faisant, tout comme dit Pascal de « vouloir faire l'ange et de faire la bête », d'être pire !
Je n'ai jamais été si bien que lorsque je me croyais mauvais, et remarquable que lorsque je me croyais quelconque. Mon malheur permanent était de me croire rejeté par Dieu alors que je ne l'étais que par un substitut que je m'étais choisi dès les premiers instants de ma vie, en fait ma mère telle que je l'imaginais, c'est-à-dire moi-même !
(La plus parfaite illustration en est d'ailleurs ce genre de considération qui n'intéresse pratiquement personne, mais que je croyais encore en la commençant susceptible de me gagner l'admiration du monde entier !)
Lundi 22 décembre 2014
Mon petit Olivier le bonheur est possible
Le bonheur sans béquille sans surchauffe
Le bonheur tout nu comme la vérité sortant du puits
Tout juste sur le parvis de la basilique
En habit de lumière comme un beau vitrail
Le bonheur tant attendu qu'on croyait mort
Je m'étais enfermé moi-même dans ma prison
Je pleurais jour et nuit en maudissant le geôlier
Sur le bûcher des vanités je rôtissais sans le savoir
C'était moi moi moi mon propre assassin
Je t'apporterai samedi les chaussettes que je t'ai tricotées
Tu me rendras je te prie le traîneau du Père Noël
La barbe postiche je n'en ai nul besoin
Le jour du Seigneur appartient à tout le monde
Aussi nous possédons tout ce qu'il nous faut
Ainsi soit-il !
Vendredi 19 décembre 2014
Le sentiment de ne pas pouvoir surmonter un traumatisme, d'être frappé au plus profond, marqué d'une manière indélébile, malheureuse victime à jamais... aussi sincère qu'on soit et aussi intensément qu'on souffre, flatte l'ego.
Jeudi 18 décembre 2014
La beauté de la poésie me donne envie de hurler ma solitude
Avec l'espoir qu'elle disparaisse
De la hurler à ceux que j'aime et qui ne sont jamais là comme il faudrait
Ils ne devraient être jamais loin de mes cris
Pour ne faire qu'un avec moi en s'en emplissant les oreilles
Nous nous envolerions dans un lent tourbillon qui capturerait la Terre
Elevant doucement dans les airs les arbres danseuses languides
Soulevant toute la poussière grise des gens, des maisons, des choses
Le grand tourbillon de l'amour qui est toujours en voyage
Et que personne ne peut arrêter.
En pensant à «La Chanson du Mal-Aimé» de Guillaume Apollinaire
Lundi 15 décembre 2014
Elle jouissait d'une paix que je n'ai jamais eue
Le monde entier semblait avoir une paix que je n'ai jamais eue
Même avec les guerres partout et sans cesse
Hécatombes folies qui sont une offense au beau temps au soleil
J'ai toujours été trop sensible aux heurts dissimulés entre les gens aux animosités aux mauvaises humeurs aux efforts faits pour les cacher
Enfant je ne voyais que cela
Et puis j'ai connu cette personne qui faisait figure de sainte
Que tous ne pouvaient quitter qu'avec gratitude rassérénés et nourris jusqu'à la fois suivante
Une personne qui payait de sa personne
Et cela m'a convaincu d'en faire autant
Mais comment ?
………………………
Toutes les tricheries n'aboutissent qu'à révéler nos pertes
Se dire persécuté ou homme de génie c'est la même chose
« C'est à vous dégoûter de fréquenter vos semblables ! »
Samedi 13 décembre 2014
Plongeon express, depuis l'espace, en frôlant une comète, un météorite, sur la planète bleue, terres émergées, l'Europe, la France, région parisienne, Saint-Denis, place du Caquet (c'est bien, pour un écrivain...), n°X rue XXXXXXX, mézigue, ses déboires momentanés avec sa voisine… Comme tout paraît petit de là-haut !
Vendredi 12 décembre 2014
Comme un avare, je ne m'étais jamais, jusqu'à présent, reconnu comme riche, je me figurais sincèrement être pauvre, non parce que je voulais garder mon trésor, mais parce que je n'osais pas le regarder, parce qu'il me faisait peur… ce trésor immense que j'ai découvert peu à peu, de sensations extraordinaires, d'expériences hors norme, de souvenirs incroyables, et plus encore comme je l'aperçois absolument ce matin, arrondi et verdoyant, peuplé d'innombrables créatures vivantes, semblable au monde, et constituant de facto le savoir réprouvé, la vérité d'élite, avec la possibilité d'avoir prise sur autrui... d'être le plus fort !
Dans mon déni de naguère, dans le véritable délire de ma misère, je ne comprenais pas pourquoi la vie était si difficile. En effet, moi qui connaissais le but avec précision, qui ne voyais aucun obstacle entre lui et moi, je le savais aussi impossible à atteindre !
C'était normal, n'ayant jamais pu faire, en l'absence de conscience complète, réellement mon choix. Le mien, quoique longtemps réfléchi, débattu, parfaitement clair et irrévocable, n'était en réalité qu'anticipé. Il fallait d'abord que j'existe complètement, si j'ose dire, pour accéder à ce à quoi je me savais voué, et même élu (car je n'ai pas peur des mots, poésie oblige) depuis toujours.
Plonger enfin, comme Picsou, dans la piscine de lingots, d'écus, de billets de banque, pour en asperger les autres, puis partager, comme je suis en train de commencer à le faire, enfin distribuer tout pour s'en aller ensuite, débarrassé, sur le chemin obligatoire, alors là, quel pied !
Mercredi 10 décembre 2014
A mes yeux l'esprit cartésien a le tort extrême de rendre la liberté terrifiante en n'étant pas capable de la distinguer de la folie... D'autant plus que la peur d'être fou a été antérieure chez moi à n'importe quelle influence philosophique... Disons que ce fâcheux Cartèse renforçait une angoisse née avant tout précepte de conduite, qui m'empêchait d'être « moi ».
Si on imagine Dieu comme un super ego identique au sien propre mais doté de super pouvoirs, en somme un rival qui serait à l'Origine et dominerait la Création, on ne peut manquer de se déclarer athée et c'est ce que font la plupart de ceux qui se disent tels.
La première des choses en cette matière -la spiritualité, la religion- consiste à donner aux mots et aux expressions leur vrai sens, en l’occurrence ici « croire en Dieu », une démarche qui n'est en rien offensive mais consiste en une «re-connaissance», car la sensation, l'impression, le sentiment sont censés préexister, et j'ai simplement à admettre qu'on les exprime ainsi.
Je pars de mon ressenti, pour peu que j'y sois attentif, et j'intègre le vocabulaire adéquat, qu'il soit prestigieux ou non, que cela me fasse passer aux yeux des autres (ainsi qu'aux miens parce que je suis trop influençable) pour un imbécile ou un génie, selon l'époque et le lieu.
Je ne cherche pas abstraitement à m'expliquer une culture a priori étrangère et indifférente mais je l'identifie en moi.
Le plus ridicule n'est-il pas de renoncer à cet éclaircissement parce que la culture en question est estampillée « stupide » par la société dans laquelle je vis ?
J'ai toujours conçu la société comme un liquide dans un bol, agité de mouvements browniens, et les individus comme des particules en suspension dans celui-ci, libres d'aller et venir à leur guise.
Ce n'est que très récemment, sans beaucoup de conviction, que j'ai commencé à me représenter, non sans effort, le mille-feuilles, les strates horizontales pesant de tout leur poids les unes sur les autres, et surtout l'emprisonnement définitif de chacun dans sa classe, une situation qui devrait être aussi intolérable, à mon sens, aux nantis, aux privilégiés, qu'aux plus démunis...
La manière dont je voyais les choses (sans soupçonner le moins du monde qu'il puisse en être autrement, malgré les descriptions connues -entendues, lues- la célèbre « lutte des classes » de Marx, etc.,) s'explique par le fait que j'appartiens plutôt à la catégorie « artiste » mâtiné de « mystique » et que ce que je voyais, et continuerai toujours, je l'espère, à avoir la capacité de voir, était moi tout simplement.
Farfelu, électron libre, sans doute aussi coupable que quiconque, mais persuadé d'être « repêchable », comment aurais-je pu imaginer que des sociologues écriraient un jour -en 2014-, à propos des parois étanches de l'édifice de cauchemar, qu'elles sont percées parfois par un transfuge, un traître au système, que réprouvent ceux qui l'accueillent comme ceux qu'il a quittés...
S'il en était vraiment ainsi, alors honte à vous, les gens !
Mais je ne le pense pas.
C'est fou comme on croit aujourd'hui aux apparences et à l'absence d'un sens qui puisse être distinct, différent d'elles, et même différent des déclarations volontaires, des témoignages, comme s'il n'y avait pas le non-dit, l'inconscient, et le mensonge. En fait on ne croit pas à l'existence de ce qui doit être nécessairement, ne peut manquer d'être (sans quoi tout s'écroulerait), visible ou non, manifesté ou caché, le pivot secret, indispensable, intangible, allez, je lâche le mot : le sacré !
Croyez-vous possible, qu'après avoir comparé les salaires, opposé les classes d'âge, représenté sur des graphiques le rapport entre les études accomplies et les professions exercées, l'évolution des patrimoines, des investissements, empilé les catégories socio-professionnelles, et que sais-je encore, un de ces ingénieurs en société, sociologue, psycho-philosophe du prétendu réel, annonce tout-à-coup au moment d'apporter ses conclusions, qu'il y a aussi l'amour !...
Qu'en pensez-vous ? Cela ne ferait pas sérieux, n'est-ce pas ?...
Qu'il nous explique, ce monsieur ou cette dame, qu'il y a aussi, en filigrane, dans toute organisation humaine, toute société, un autre projet plus ou moins conscient qui nous aimante (le dessein de Dieu, qui sait ?), une sorte de modèle flottant, plus ou moins révélé selon l'heure, l'endroit, l'image mentale de l'équilibre idéal de nos relations, correspondant à ce que serait la nature de chacun au mieux d'elle-même, dont nous nous éloignons et rapprochons indéfiniment sans jamais l'atteindre, et que de minimiser, d'oublier ce facteur, scientifiquement, frôle la débilité.
Que le tableau qu'il nous a peint, parce qu'il est superficiel même si exhaustif, est faux !
Qu'il y aussi, tout aussi important, le possible !
…
Et bien, personnellement, c'est tout ce qui m'intéresse.
Vendredi 5 décembre 2014
Blue writer yellow dog
Parce qu'il n'est pas fait pour vivre seul et qu'il erre sur ce qui a été, est, ou sera un champ de bataille, le chien de batterie est un animal qu'on a envie de protéger.
Petit, le poil court, un peu clairsemé et hérissé, de couleur jaunâtre, il est vif, actif, à l'évidence plein de bonne volonté et paraît jeune quel que soit son âge.
Il n'est vraiment visible que pour les êtres humains qui lui ressemblent, caractéristiques physiques mises à part, c'est-à-dire les gens aimables et qui sont seuls, dans un paysage de guerre qu'ils aimeraient voir remplacé par une campagne paisible et heureuse de toute éternité, à l'image de ce qu'ils savent être leur destin.
Jeudi 4 décembre 2014
Etre libre, entre autres, c'est ne pas mettre « ce à quoi » nous avons affaire -qu'il s'agisse des gens aussi bien que des animaux et des choses, et de soi-même- dans des rôles, des cases, prédéterminés par nos fantasmes, nos projections... en somme voir clair, comprendre vraiment, être ainsi en quelque sorte contraints à l'indulgence, et, en progressant, à la compassion, en reconnaissant de mieux en mieux en face de soi l'absence de liberté qu'on a pu connaître et ce qui en découle : la souffrance.
Mercredi 3 décembre 2014
Dans la vie, quand on entend quelqu'un dire : « Il faut s'accepter », on aurait tort de penser qu'il s'agit d'un adepte de la facilité. Celui qui s'exprime ainsi, en général, ne sait être pour lui-même qu'un cruel bourreau, et il rêve d'être délivré. La meilleure preuve, d'ailleurs, c'est que j'étais déjà comme cela moi-même, au lycée, à dix-sept ans (je me souviens d'une discussion véhémente à ce sujet), et sans doute même bien avant, et que je le suis resté jusqu'à aujourd'hui, ajoutant à mes nombreux tourments celui, non négligeable, de croire que je dispose également du pouvoir de les interrompre.
S'accepter, pour l'essentiel, c'est se pardonner et qui, a priori et seul, en est capable ?
Mardi 2 décembre 2014
« Quelle horreur, il est vraiment hydreux ! » s'exclama Diane de Fregoli¹.
Effectivement, le gros tas gris méconnaissable dégoulinait de petites hydres, grises elles-aussi, qui sans doute devaient prendre vie à l’intérieur puis surgissaient à la surface sans discontinuer et s'écoulaient comme un liquide, une eau sale qui grossissait la flaque dans laquelle cette chose -qui avait été le roi... !- était assise.
On ne l'eût jamais reconnu, si Diane ne l'avait ainsi, par sa surprise et son dégoût, signalé à l'attention de tous.
Il n'avait plus rien d'humain dans l'air froid et rose qui l'entourait et n'était ni superbe, évidemment, ni même menaçant. On eût dit plutôt un être marin mi-animal mi-végétal, tout au plus une méduse tombant de sommeil ou encore un polype capturant sans bouger sa nourriture en laissant remuer ses palpes.
Quel destin, quand même !
¹ un autre de mes innombrables alias...
Samedi 29 novembre 2014
Fantaisie du matin
« Quelle horreur, il est vraiment hydreux¹ ! » s'exclama Diane de Fregoli².
¹ dégoulinant de petites hydres
² un autre de mes innombrables alias...
Vendredi 28 novembre 2014
Si je ne m'abuse, le suicide consiste à laisser échapper malencontreusement le goupillon en envoyant l'eau bénite et à s'exclamer pieusement : « Ainsi soit-il »¹…
Il vaut mieux louer Dieu bien en amont quand on est encore celui qui, agenouillé, reçoit la bénédiction (et le goupillon sur la g...), et rester à cette place.
¹ J'avais écrit en premier : « Inch Allah ». Quel syncrétisme !
Mercredi 26 novembre 2014
Je continue à imaginer les grands artistes, les grands poètes, et les grands écrivains, comme de « grands hommes », de nobles coeurs comme on disait jadis, de beaux esprits -sans ironie-, des individus faisant preuve de qualités aussi bien humaines que « professionnelles » supérieures, sans parler du savoir général, de l'érudition, de l'intelligence -l'intellect- nécessairement exceptionnels eux-aussi.
Et franchement, avec ce critère, je me demande pourquoi tant et tant de sinistres personnages tiennent le haut du pavé aujourd'hui et parviennent à passer pour les successeurs des Léonard de Vinci, Rembrandt, Michel-Ange, Rabelais, Montaigne, d'autrefois.
En fait je crois que nous sommes plutôt dans l'attente permanente de la venue de ces « remplaçants » et que nous nous contentons superficiellement et temporairement d'ersatz, lesquels apparaissent, tourbillonnent, sont eux-mêmes remplacés rapidement, créés presque de toutes pièces par ceux qui disposent des moyens nécessaires mais ne comprennent ni ne maîtrisent réellement l'histoire de l'art tout en y jouant un rôle significatif : galeristes, marchands d'art, éditeurs, collectionneurs et mécènes institutionnels (corporate art collectors).
Petits, bien qu'ils tiennent le nerf de la guerre, sans importance.
Je me souviens d'un cours de littérature à l'université, brossant le tableau des contemporains de Molière, et de tous les noms d'écrivains importants à cette époque, honorant de leur présence les salons et nourrissant les conversations des cénacles, et aussi inconnus aujourd'hui que s'ils n'avaient jamais existé...
Parfois un événement, un petit fait, une remarque prononcée par quelqu'un, nous font entrevoir la vérité un instant, comme, par exemple, la déclaration de Francis Bacon réduisant le «dripping » à une « anecdote » et les tableaux de Pollock à la représentation de « vieille dentelle sale »... Jalousie de peintre, me direz-vous, peut-être, mais d'un peintre qui disait tout devoir à Picasso, ce qui, pour une fois, est enfin concevable et plausible !
Samedi 22 novembre 2014
La plupart de mes homologues en art et en littérature croient, à en juger par leurs déclarations et leurs travaux, qu'on peut unifier notre être tel que nous le ressentons, tel que nous croyons le connaître, et cela par nos propres moyens, sans l'intervention de l'Auteur -Qui n'est pas, faut-il le rappeler, l'homme. (Je ne me suis aucunement créé moi-même...)
Ils choisissent, il orientent, ils privilégient l'aspect qui leur paraît le plus important et ils tentent de lui subordonner le reste.
Il se persuadent qu'il y a une cohérence sur laquelle ils peuvent exercer un pouvoir. (Ils l'appellent la raison...)
Mais, à mon sens, il n'y a rien de plus normal que de faire état en même temps de deux choses apparemment opposées, par exemple posséder la foi, et ne concevoir comme possible que l'athéisme, sans se contredire. Il suffit simplement d'apercevoir que l'intellect dit juste à son niveau sans atteindre nécessairement à l'expérience réelle, à la vérité, que la foi, elle, connaît.
Nous sommes infiniment plus complexes et souvent étrangers à nous-mêmes que nous ne voulons l'admettre, parce que cela nous fait peur et nous soumet à des tensions qui révèlent que l’ego, avec lequel la plupart d'entre nous associent leur conscience, est strictement limité.
Je revendique mon inquiétude familière
Je revendique cette foule serrée et cette flotte de navires l'incarnant qui avancent toujours plus serrées et complexes
Piétinements pressants bâtiments pavillons agrès
Mes soucis pressants mes questions me harcelant me poussant
Dans ce crépuscule doré qui s'éclaire d'un coucher de soleil ou d'une aube triomphale
Ces trompettes ces fanfares invisibles d'un tableau de Le Lorrain
Elles font partie de moi tant que je crois encore exister sous cette forme
Les repousser les nier prolongerait l'agonie.
Mardi 18 novembre 2014
Il est temps à présent de laisser retomber le couvercle.
Certes il a été extraordinaire, exceptionnel, de redécouvrir le passé, tout le passé refoulé, grâce à l'impulsion provoquée sciemment par ma psy, et cela m'a pris des années, mais je commets l'erreur, depuis bien longtemps, de le traquer pour également le rédimer, ce qui le rend actif, offensif… ranime des pulsions anachroniques qui réveillent certains mauvais besoins et qui ne peuvent aboutir. Je continue à souffrir, quand il suffirait d'oublier.
Savoir, puis oublier. La seule voie de salut est le pardon et l'oubli, et pour personne de réel il n'y a de devoir de mémoire.
Rien ne se passe de réel que dans le présent.
Vendredi 14 novembre 2014
Bien qu'elle s’avançât le plus souvent auréolée d'une lumineuse candeur, son monde intérieur, son havre naturel -sa maison- était une partie de forêt ombreuse, inconnue, et, plutôt que de la stimuler, de l'exciter, comme j'avais tendance à le faire, croyant l'aider, j'aurais dû la rassurer, apaiser ses craintes, ses angoisses. Je ne voyais que sa figure superficielle, son impétuosité charmante, et je croyais que tout en elle était alerte et musical.
Mardi 11 novembre 2014
On pourrait lui reprocher de manquer de coeur, mais il faudrait d'abord qu'il eût un cerveau ! (Un homme politique qui déclare complaisamment sur Twitter que l'assistanat en France est trop important...)
Lundi 3 novembre 2014
Rebelote
Je voudrais que le monde soit comme je l'aimais
Mais il ne l'est plus
Ai-je appris ? Ai-je changé ?
A présent il se tient à bonne distance comme indifférent
Au lieu de faire tout ce que je voulais
En fait rien !
Parce que je me contentais de le regarder rouler et dérouler ses anneaux
Etendre ses bras et les refermer
Je regardais tranquillement le Grand Maelström
Comme si j'étais lui
Comme s'il était moi
Quelle qu'ait pu être la différence
Elle importait peu.
Dimanche 2 novembre 2014
Bien que je sois seul à le savoir aujourd'hui, il n'en est pas moins vrai, incontestable, que je devais être un grand, très grand artiste, dans la catégorie multiforme de Léonard de Vinci, apte à s'exprimer dans tous les genres, peintre, sculpteur, inventeur, écrivain et poète.
Mais le sort, comme on dit, en a voulu autrement, et la frustration, le regret, la honte, ont été immenses, à la mesure de mes dons inemployés, jusqu'à ce que je comprenne enfin que, de toute façon, jamais je n'aurais pu jouir de ce que je suis. J'aurais simplement souffert autrement, d'une manière que j'aurais peut-être mis moins de temps à découvrir, qui eût paru moins justifiée, dont le caractère obligatoire se fût révélé plus tôt. Car tant qu'un homme vit dans l’ego en rêvant d'absolu, quoi qu'il se passe, il souffre forcément.
Je pensais ce matin, par exemple, à la destinée de John Lennon qui, à juste titre me semble-t-il, et selon ses propres termes, décida un beau jour d'« abandonner la fréquentation des copains du club de foot » -les Beatles- « pour avoir enfin une relation normale avec la femme qu'il aimait ». La célébrité qu'il avait acquise, assez peu justifiée à ses yeux quoique sans doute au début grisante, continua de l'auréoler tandis qu'il cherchait à faire mieux, devenu plus ambitieux, tentant d'oublier en quelque sorte les « chansonnettes » qui avaient fait sa gloire. Évidemment, dans cette deuxième phase, volontaire, de sa carrière, il échoua, et souffrant de divers problèmes psychologiques, dût même recourir aux services d'un psy.
Quel bonheur d'être, ou d'avoir été, « le » Beatle, a-t-il connu ? Probablement aucun réellement, en tous cas pas plus que n'importe qui obtenant quelque succès auprès des copains ou des filles, décrochant un diplôme convoité ou accomplissant, à n'importe quelle échelle, un quelconque exploit, descente de rivière en kayak, victoire dans un match de ping-pong… le reste n'étant que souci, fébrilité, urgence, détails contingents et triviaux du monde matériel.
Ensuite, pas plus, moins encore peut-être, dans la deuxième partie, cette fois consciente et délibérée : d'abord se libérer, puis choisir son but, se tromper, recommencer, échouer à nouveau, poursuivi par la notoriété passée qui agissait probablement comme des sables mouvants, le retenant prisonnier et ne lui assurant rien d'autre que l'aisance financière, elle-même ambiguë et dangereuse...
Je ne dis pas que sa vie a été pire que celle d'un autre homme, bien sûr, mais elle n'a guère été meilleure, et, sans véritable solution, elle s'est achevée par un coup de revolver qui pourrait presque passer pour un coup de grâce, l'unique façon de transformer cet homme d'un certain génie en mythe durable, tandis que son ami, son partenaire et égal Paul McCartney, par une obstination et une surenchère de création dans la ligne continue des Beatles, choisissait de se diluer parmi le presque commun des mortels pour connaître un bonheur mesuré et atteignable, dont on ignore ce qu'il masque de doutes, de lâcheté, et d'angoisse.
Mardi 28 octobre 2014
Louise Bourgoin qui, à peine rencontrée, se met à la colle avec moi (à condition que je n'amène pas une mère !), et la petite présentatrice d'Arte, dans le rôle d'une organisatrice d'un concours que je viens de gagner, qui me déclare que le moindre coup de crayon que je donne, le plus petit dessin que je fais, sont bons, et qui, à ma question : « Comment pouvez-vous le savoir ? » me rassure de manière gentille mais péremptoire : « Dans mon milieu, ces choses-là on les sait ! », dans le même rêve, ça fait beaucoup !
Lorsque je perdis L., je crus avoir tout perdu. Non seulement sa personne, son être, mais en quelque sorte moi-même, qui lui était complètement lié. Bien plus qu'une simple idée, c'était une conviction absolue, un sentiment permanent, aussi à partir du moment où j'eus quitté Paris pour Saint-Denis, abandonnant cette fois mes habitudes et mes racines, il ne me resta vraiment plus rien, sinon le passé obsédant, le constat d'un immense échec réclamant d'être élucidé pour être oublié, avec lequel il était impossible de prendre la moindre distance.
J'étais tout sauf un homme neuf prenant un nouveau départ, j'étais un blessé frappé à mort, le corps arraché, saignant, priant pour guérir.
Samedi 25 octobre 2014
Tu as eu de la chance, Bernard* : une mère qui comprend... mieux encore : une mère qui sait !.. Normalement il a dû en découler pour toi la conviction que tout le monde peut comprendre, que tout le monde peut savoir, ce qui, sans aucun doute, t'a ouvert un chemin dans la vie plus facile que le mien.
Car voilà mon malheur : l'impossibilité encore aujourd'hui, alors que je touche à la Connaissance, d'imaginer que le partage est possible, comme jadis avec la mienne, dans mon enfance, quand j'essayais de lui faire admettre de simples évidences qu'elle refusait et combattait farouchement.
Rien n'y a fait, pas même le temps, et nous étions restés sur nos positions respectives, elle n'ayant jamais varié, et moi, le coeur brisé, sans coeur du tout même, ayant tout oublié, ne sachant pas à quelle providence confier mon destin.
* Le prénom a été changé.
Mardi 21 octobre 2014
Depuis mes années de psychanalyse, j'ai vécu avec l'obsession de faire mieux, d'être meilleur, comme si je n'avais pas entendu le préalable de toute la recherche : que j'étais déjà merveilleux, unique, extraordinaire, ou plutôt l'avais-je entendu mais pas retenu, n'y croyant pas parce que je ne voyais rien que m'avait rapporté ce que j'étais.
Je ne voyais pas que je m'étais extrait sans effort et durablement de mon milieu d'origine, que j'étais aimé et secouru par une femme exceptionnellement belle et intelligente, que tant de gens estimables me témoignaient de l'intérêt, de l'affection, et que, quoique sans richesse personnelle, j'en étais entouré et gratifié plus que nécessaire.
Tout cela, croyais-je, allait de soi et ne signifiait rien.
Depuis que j'ai tout fait pour le mériter tout a disparu.
Dimanche 19 octobre 2014
Ce qui m'aurait beaucoup fait ch…, en n'étant pas tout-à-fait fonctionnel, en étant désaxé, malade, eût été d’abîmer le monde par ma présence, de l'enlaidir, de menacer son harmonie. Mais je me rends compte à présent que ce que je redoutais est impossible : rien de ce qui est vraiment ne peut être abîmé ni détruit !
Toutes nos souffrances sont un rêve, un cauchemar.
Samedi 18 octobre 2014
Je trouve que les philosophes contemporains, depuis un certain temps, ne pensent qu'à enfoncer les portes ouvertes -je pense à Derrida- tout comme les peintres, et les artistes en général, suivis par-dessus le marché d'une catégorie d' autodidactes émanant de la banlieue et de l' « urbain », c'est la même chose - ville ancienne -cité- et nature curieusement constituant le binôme opposé-, travaillant d'abord pour eux-mêmes puis rapidement pour une intelligentsia qui se rabaisse volontairement pour se proclamer d'avant-garde.
Il s'agit de trouver du « nouveau » !
Tout ce qui allait de soi et restait secondaire pour Léonard de Vinci et ses homologues -en fait la majeure partie de l'art abstrait, sans parler des ratiocinations psychologiques personnelles diverses correspondant à la recherche d'originalité- devient le sujet essentiel pour des artistes de métier, myopes et républicains, passionnés d'inventaire.
On produit également une sous-musique de transe indispensable pour masquer la vacuité des événements festifs de masse où se retrouve la jeunesse et l'on se croit dans l'inouï.
C'est la démocratie qui veut cela et la contemporanéité excuse tout.
L' art est devenu une fin en soi, un mythe que personne ne comprend et ne songe surtout pas à s'expliquer.
La pensée religieuse qui traditionnellement l'a toujours accompagné n'est pas politiquement correcte et il faut s'en passer. C'est un peu comme si l'on devait respirer sans poumons.
L'art qui n'avait jamais été recherché en tant que tel auparavant, est désormais l'obsession, la monomanie culturelle du capitalisme.
Pure masturbation, quoique l'espoir touchant (et respectable) d'un véritable coït soit toujours présent.
………………………………
(Je n'aime que Dieu !)
Mardi 14 octobre 2014
Quand, dans une relation particulière, on interprète la déception de l'autre comme un rejet, un jugement négatif à son endroit, on commet forcément une erreur. Personne n'est capable, à chaud, de commuter ainsi du jour au lendemain son affection en mépris.
Le sentiment que cette personne éprouve est plutôt une sorte d'impuissance, d'incapacité à créer ce qu'elle voudrait, de nous transformer en ce qu'elle désire que nous soyons.
C'est elle-même, par ce recul, qu'elle condamne, qu'elle méjuge, et son amour pour nous non seulement est intact, mais, vraisemblablement, exacerbé.
A supposer qu'il y ait, à ce dépit que nous avons suscité, une cause précise, identifiable, exogène, il suffirait qu'elle fût dénoncée pour que tout se remît en ordre.
La grande difficulté était d'échanger le « bon, ça va » volontariste, outré, forcené, masquant un sentiment de soi négatif refoulé, contre le « bon, ça va » d'acceptation, signifiant simplement la tranquillité naturelle, l'équilibre normal.
C'est cela qui m'est arrivé.
Vous vous rendez compte pleinement, j'en suis sûr, de l'immense tragédie qui a été la mienne entre ces deux états, fragile esquif sur un océan déchaîné, des innombrables tortures et souffrances, des blessures répétées, du sang répandu, de la mort embrassée longtemps, contemplée de près, de très près..., mon calvaire.
Sauvé à la fin non par un être humain mais par un chat, un être de candeur, venu clore l'aventure par son amour idoine, lequel m'a permis d'entrevoir un instant que je n'étais peut-être pas coupable comme je le croyais. Juste un instant, le temps d'une supposition, mais assez pour apercevoir une aurore… tirer les conclusions, remettre les pièces du puzzle en place, et comprendre.
M'expliquer pourquoi la formidable thérapie commencée s'était retournée contre moi, quelle déception j'avais pu causer à mon mentor, mon psychiatre, aussi imperceptible qu'elle ait été, d'ailleurs inexplicable à ses propres yeux, et que j'avais prise pour un jugement à mon encontre, quand il n'en était rien.
On pourrait dire que j'ai eu des problèmes immenses, à la mesure de mes pouvoirs immenses.
Comme beaucoup d'entre nous, je dois le supposer, quand on doit aller vraiment au terme du voyage...
Lundi 13 octobre 2014
L'erreur consiste à croire que la connerie est guérissable :
Le présentateur télé annonce une nouvelle terrifiante : « La banquise est en train de fondre, en train de disparaître » en gardant un visage impassible, et même avec une expression très faiblement souriante comme il sied quand on est poli, alors qu'il devrait sortir de ses gonds, improviser un commentaire alarmiste, nous faire part de sa terreur...
A le voir si neutre, si indifférent, ceux qui se récurent le nez chez eux affalés dans le canapé, se disent qu'il n'y a pas lieu de s'en faire.
C'est facile il n'y a qu'à continuer et c'est ce qu'on aime : ne pas changer !
Ainsi la fin du monde viendra brusquement, si vite que nous n'auront même pas le temps d'être surpris.
Cool, man...
Mardi 7 octobre 2014
J'ai infiniment souffert toute ma vie, souffert sans limite, et surtout dans mon enfance. Je suis son instrument préféré, le Stradivarius de la souffrance, son Steinway, son Pleyel, et je connais par coeur toutes ses partitions.
Ce qui m'étonne un peu c'est que personne, jadis, ne semblait s'en apercevoir, et j'aurais tendance à penser que c'est parce qu'ils souffraient beaucoup eux-mêmes, ma mère, certes, c'est indiscutable, mais mon père aussi, quoique méchant, parce que méchant.
Tous les humains souffrent, à des degrés divers.
N'est-ce pas une chance que de souffrir tant que 1/ l'on en prend conscience et que 2/ l'on devient peu à peu capable de s'en dégager.
Sans se mentir à soi-même, sans s'aveugler, sans s'arracher le coeur...
Car il est vraiment un univers merveilleux du sentiment, comme il en est un de la pensée, et de la sensation, et de l'intuition...
Se recueillir en soi comme un soleil autour duquel gravitent ces planètes…
Tout comprendre, et tout aimer...
Car le malheur n'existe pas.
Samedi 4 octobre 2014
Quand on est quelqu'un de « bien », on a un devoir envers soi-même : celui de ne pas tomber plus bas...
(Celui, par exemple, de ne pas écrire d'aphorisme, piètre sagesse à l'emporte-pièce (et de deux!), rarement à l'épreuve de la réalité, et qui plus est de type paradoxal : c'est trop facile.)
Les Serbes, les Serbes, les Serbes… "Y'en a une belle brochette aux Francs-Moisins, et respectable, les hommes des durs, et les filles sont belles" disait-il, bon, d'accord, mais aussi les Croates, les Pygmées, les Lapons, les Chinois, les Qataris, les Perses, les Mongols, les Kurdes, les Inuits…
Si on pouvait nous lâcher la grappe avec ces désignations sans importance !
Tellement de choses sont sans importance.
Que tu te mettes le canon sur la tempe ou dans l'oreille, ou encore dans la bouche, on s'en fout, c'est la même chose.
Je n'aime vraiment que ceux qui savent que, quoi qu'il arrive, peu importe comment, méritants ou pas, ils vont être sauvés… (« N'aime vraiment » n'est pas exact car j'aime tout le monde, mais « vraiment » signifie que je ne me sens en phase qu'avec ceux-là, qui sentent venir la rédemption.)
Il me faut cette étincelle et elle est rare. Les autres, étrangement, regardent ailleurs.
Mercredi 1er octobre 2014
Au milieu du naufrage, on entendit le capitaine qui criait : « Mettez le hasard dans la chaloupe avec les vivres ! »
Incroyable. Stupéfiant.
Voulait-il affirmer que la vie est un hasard, ou que le hasard fait vivre, ou encore que le hasard et la chance sont une seule et même chose ? Espérait-il ainsi nous protéger ? Ou bien mystifiés par les hurlements de la tempête, hallucinés par la peur, avons-nous entendu quelque chose qu'il n'a pas dit ?
Les paquets de mer glacés déferlaient sur le pont tandis que les embardées de la coque secouée par les lames nous faisaient perdre l’équilibre.
« Mettez le hasard dans la chaloupe avec les vivres ! »
On y voyait à peine, éclairé par la lune.
J'ai pensé : Jamais nous ne nous en sortirons. Puis j'ai été emporté et je suis passé par-dessus bord.
Et ainsi, Mesdames et Messieurs, tout aussi extraordinaire, aujourd'hui je suis ici.
Mardi 23 septembre 2014
...
« De grâce, cher professeur, laissez-moi piloter mon char à bia comme je l'entends ! »
...
Lundi 22 septembre 2014
Quel écrivain, quel poète, ne rêve pas désespérément, n'essaie pas obstinément, de façon permanente (c'est mon cas), de créer des formules magiques ? De produire des phrases ayant des pouvoirs réels, matériels ou spirituels : abracadrabras, incantations, litanies, psalmodies, prières, quels qu'ils soient, païens ou sacrés, athées ou religieux ?
Ecrire ne servirait à rien si ce n'était que pour rester à la surface de la vie sans la pénétrer, la connaître vraiment, et faire naître de la nouveauté.
(C'est une métaphore sexuelle, et alors ?)
Ecrire est surtout une gageure, mais la plus nécessaire, qui nous rappelle que nous sommes à l'image du Créateur, ne demandant nous-mêmes qu'à créer.
Dimanche 21 septembre 2014
Le problème du Bien et du Mal est à la source de tous les rêves.
Vendredi 19 septembre 2014
Le fait qu'on réchappe toujours à un mauvais gouvernement, à son incompétence et son autoritarisme, paraît, dans un premier temps, le justifier. On se dit que les pénibles mesures qu'il a prises servaient sans doute à quelque chose. Ensuite, avec l'Histoire, on se rend compte qu'elles ont surtout fait perdre son temps au pays, freiné ou bloqué l'évolution qui devait se produire, laquelle, retardée, ne sera jamais aussi facile et heureuse qu'elle aurait pu l'être.
Et, se dit-on, ainsi de suite, les scories s'accumulant, jusqu'au sursaut populaire salutaire.
Vers la compassion
Avant de pouvoir me comporter de façon à m'en sortir, il eût fallu que je comprisse comment fonctionnait la société. Croyez-vous que quelqu'un qui, aujourd'hui, est à même d'utiliser naturellement -oui, sans effort, je vous assure- l'imparfait du subjonctif, possède cette aptitude ? Peut-être… mais il lui faudrait probablement un certain temps pour y parvenir. Personnellement, si les conclusions auxquelles je suis parvenu ce matin sont justes, il m'aura fallu soixante-dix ans !
La trivialité des mécanismes, la tristesse qu'on ne peut manquer d'éprouver en les utilisant, étaient l'obstacle que je ne pouvais franchir tant que je continuais à croire en la langue française, en sa beauté et en sa séduction, continuais à espérer en l'art, en la joie et en la fantaisie, en l'imagination, en la foi au bonheur à l'exclusion de tout autre chose, en résumé en tout ce à quoi j'ai cru depuis l'enfance, conforté par l'école, par le jugement à mon endroit des maîtres et des professeurs, ces arbitres qui, malheureusement, font défaut dans la suite de l'existence.
J'ai eu le sort infortuné des premiers de la classe non dépourvus d'initiative, de libre-arbitre, non conformistes, qui peuvent s'imaginer qu'ils seront toujours récompensés pour leur originalité, leur différence, leur critique implicite de ce qui les entoure, de leur vivant, et non comme il en va parfois dans ce cas avec de la chance, après leur mort !
Quoique…, ayant désormais compris, je peux utiliser le temps qui me reste à établir le début d'une reconnaissance « normale », achetée d'une façon ou d'une autre, qui servira de socle à l'autre, la gratuite, la posthume.
Le fait est que le monde « normal » -le monde des hommes- n'est pas gai, même si on s'habitue très vite (c'est déjà fait pour moi depuis que j'ai commencé à rédiger ce texte) à sa banalité et sa platitude sans surprise, à l'ennui qui en émane, à la stupidité des relations, à la médiocrité acceptée partout, à laquelle on rend un culte : cultivée !
Et les ronds-de-jambe... les mamours... les petites tapes dans le dos... sur le ventre... assortis de mensonges, de traîtrises, de vilenies diverses... les baisers... les caresses... les préparatifs plus ou moins sexuels... les machinaux préliminaires... qui parfois aboutissent tout aussi machinalement : bonnes manières, sans plus, pas de quoi s'inquiéter : politesses !
Je me souviens de ma mère qui souffrait horriblement de cela mais n'en faisait pas moins pareil à mes yeux en acceptant, épisode après épisode, les fausses démonstrations d'affection de sa sœur.
Il eût fallu (je remets ça) qu'elle fût au-dessus du problème, qu'elle le comprît -se comprît elle-même- pour éprouver de la compassion, de l'indulgence, à la place de cette fraternité théorique, bornée, qui ne lui apportait que des souffrances.
Mercredi 17 septembre 2014
A la fin de sa vie, mérite-t-on ce qui nous arrive ? Moi, par exemple, aujourd'hui je suis seul, pauvre, et seul. Et pauvre.
Je me réjouis seulement de ne pas ressembler aux hommes de mon âge, importants et célèbres, bien habillés, qui, quoique de corpulence à peu près normale, paraissent sur le point d'exploser comme s'ils étaient trop gavés de bonnes choses : nourritures, expériences, projets, souvenirs… Ils sont trop remplis, trop pesants, trop engoncés, trop parfaits.
Ils ont quelque chose d'inquiétant, comme s'ils n'étaient pas tout-à-fait humains, des mannequins, des marionnettes, artificiels, manipulés.
Ils n'ont pas vécu la même vie de douleurs que moi, ou bien ils le cachent, ils se retiennent pour ne pas éclater en sanglots, et là, devant tous, se vider peu à peu, s'affaisser sur la scène, éponges pressées et vides.
Tandis que moi, qui vais vers la maigreur paisiblement -il me faudra quelques années- j'ai l'air de grandir, de flotter légèrement comme un drapeau qui se déploie avec lenteur, aux couleurs passées, une bannière effacée qui a dû être magnifique, brodée de fil d'or, figurant un blason de légende.
En vendant, contraint et forcé, pour des raisons d'économie, ma vieille Peugeot de 1987 -que je ne détenais que depuis 2007, n'exagérons pas trop quand même- c'est aussi une certaine image de moi-même qui fout le camp et me laisse un peu démuni.
L'idée que je suis en train de faire le vide, comme pour un déménagement, avec la perspective de devoir ensuite rendre la clef au concierge... n'est pas, malgré mon optimisme et mon courage, sans m'effleurer un peu.
Combien il me reste, hein ?
Dans quelques jours, je suppose, j'aurai retrouvé mes marques d'une autre manière et j'oublierai ces instants.
Lundi 15 septembre 2014
Il ne faut pas juger
Mon idée était de devenir une sorte de Jésus triomphant, Se laissant admirer, jouissant de Lui-même.
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Mais qu'est donc la Vie ?
Je réponds spontanément : transformations !
En somme, si je réfléchis bien : la mort !
Et pourtant je sais sans le moindre doute que le présent est éternité, ce qui signifie que la Vie est permanence ! Transformation et permanence comme une seule et même chose !
Jeudi 11 septembre 2014
Le mien ne me dérange pas, mais j'ai du mal à supporter le manque de lucidité des autres sur eux-mêmes. S'il s'agit d'amis qu'il faut épargner, on se retrouve rapidement en position de flatteur !
Je suis en train de me dé-crucifier.
Le système capitaliste a eu son heure et son utilité pour nous amener à réfléchir sur la finalité de la vie collective. Aujourd'hui nous pouvons nous demander à quoi sert de changer de téléphone tous les six mois étant donné le prix que paient à la fois la société et la planète pour le supporter. Est-ce vraiment nécessaire, n'est-ce pas en somme de la folie ?
Jusqu'à présent la question ne se posait pas. Les fabricants voulaient gagner de l'argent. Les consommateurs suivaient la mode. Les conséquences restaient obscures, sans intérêt, personne n'y songeait vraiment.
A présent c'est différent. Il apparaît clairement que nos habitudes nous conduisent directement au chaos. Tant écologiquement qu'économiquement et socialement. Les plus grands troubles se préparent, s'annoncent, commencent à apparaître.
Il faut donc changer. Sans tarder trop.
D'abord virer les politiques qui ne sont pas capable de rompre la tradition, qui continuent à miser sur la croissance, laquelle est quasi impossible et n'apporte que la destruction.
Ensuite se retrousser les manches et inventer les nouvelles formes de vie requises.
Il faut comprendre sa vie de manière désintéressée, non pas pour se sauver ou pour toute autre raison. Et si quelque chose vous pousse à vous perdre il ne faut pas chercher à y échapper mais juste découvrir pourquoi.
Dimanche 7 septembre 2014
La société a une main pour vous gifler, vous obliger à changer et à lui obéir, et une autre pour vous caresser lorsque vous avez réussi à résister, à rester « nature ».
Samedi 6 septembre 2014
Hier, de Vavin à Saint-Germain-Des-Prés en passant par la rue de Rennes... La terrasse de la Coupole où j'ai passé tant d'heures jadis, est devenue un grand aquarium rébarbatif et presque opaque. Dans le petit square, à côté du monument à Apollinaire par Picasso, j'écris ceci :
« Paris, une ville de bobos et leurs descendants, que l'on devine, par rapport au reste du monde, rattrapée et dépassée par l'Histoire.
Une ville-musée mais sans l'authenticité et le naturel, le charme des villes italiennes comparables à cet égard.
Une ville-fric, quoiqu'on y bute sur un mendiant tous les vingt mètres.
Ma mentalité de parisien d'hier doit probablement correspondre à celle de provincial d'aujourd'hui, et encore...
Pour faire pendant à cet univers frelaté trop bon chic bon genre, Saint-Denis s'avère nécessaire, voire indispensable et par là justifiée. »
Puis je reprends ma marche : rue Bonaparte (où je croise inopinément Beigbeder, ce fils de p(ub), qui, évidemment, ne m'accorde pas un regard), le pont des Arts, superbement orfévré de cadenas, la cour carrée du Louvre, la place des Victoires (une pensée pour Léonor Fini), jusqu'au métro Sentier.
J'ai oublié ce que j'ai écrit, ayant vu beaucoup d'employés sortis sur le pas des portes pour fumer, l'ambiance n'était plus la même.
J'ai à la main mon petit rouleau de trois affiches pour le festival pour les Ecrivains de l'Inde, avec Bani Thani, l'extraordinaire Joconde de Gopal Swami Khetanchi...
Lundi 1er septembre 2014
«(...) Syrie. Collège International de Magie. Magie noire. La blanche ne mérite pas qu'on en parle.
Ils travaillent avec des morts, une main-d’œuvre qui a l'avantage de ne rien coûter. Les morts sont si heureux qu'on les prenne pour des vivants ! Ils acceptent de faire n'importe quoi...»
« Le chemin vers Dieu est une intériorisation ». Et l'on se dit aussitôt -pour ainsi dire en même temps- : « Mais ce mot a-t-il un sens ? Quel sens réel d'ailleurs pourrait-il avoir si ce que je dis est exact ? »
Dimanche 31 août 2014
La Tête d'Obsidienne. Tout le pathos déclamatoire de Malraux ne dit qu'une chose : « Je ne comprends pas que l'homme est Un, quels que soient l'endroit et le moment, et que ce Un est Fils de Dieu ».
En se regardant lui et le monde, le philosophe élabore des axiomes (Castoriadis), puis à un moment il ne considère plus que ceux-ci et oublie de se regarder lui et le monde. Cet instant est celui de son erreur. Les axiomes étaient justes et le raisonnement exact mais il aurait fallu continuer à confronter les fruits de la réflexion à la réalité (l'obstacle) du monde perçu. Ce qu'il oublie de faire
Mardi 26 août 2014
Je ne m'attendais pas, tant d'années après, à pleurer A.I., puisque c'est de cela, étonnamment, qu'il s'agit, et si intensément (j'hésite à dire « douloureusement » avec ma crainte habituelle des faiblesses)... Je fais le même rêve récurrent dans lequel je me retrouve, par un inespéré privilège, dans la partie privée aux grandes portes de chêne clair de son appartement, magnifiquement agencée, insonorisée, à l'abri de toute atteinte extérieure désagréable.
Mon Dieu, quel passif je traîne depuis si longtemps... Je me sens comme une de ces anciennes propriétés de notable de province transformée en repaire de ferrailleur, refuge de carcasses d'autos et d'épaves diverses rouillées, accumulées au milieu des allées et des parterres détruits, méconnaissables...
Dimanche 24 août 2014
Ceux qui n'ignorent pas que j'ai fêté en mars dernier, quoique seul et sans la moindre cérémonie, mes soixante-dix ans, seront sans doute étonnés d'apprendre qu'aujourd'hui, à exactement 9h18, j'ai 44 ans.
C'est ainsi et c'est absolument certain. Cela m'arrive régulièrement : je suis en train de penser, de réfléchir à une chose ou une autre, de rêvasser, et alors que les idées surgissent, se déploient puis s'évanouissent, suivies par d'autres, puis d'autres encore, dessinant implicitement peu à peu l'horizon du moment et le monde intérieurs, j'entends tout-à-coup inopinément une voix qui me signale avec autorité et une simplicité objectives que j'ai tel ou tel âge, comme s'il était utile peut-être que je sache à quel stade de mon évolution je me trouve !
Parfois j'en retire l'impression que j'ai progressé, que je suis plus avancé en discernement, en sagesse, mais je suis immanquablement plus jeune que je ne le crois, ce qui me déçoit d'une certaine manière tout en me réconfortant aussi d'une autre. Il y a une marge non comblée entre l'âge de mon esprit et celui de mon corps, entre l'âge qui m'est signalé et mon âge physique.
Naturellement, comme quelqu'un l'a justement affirmé : « la personne âgée n'existe pas », mais cela ne signifie pas, à mon avis, qu'il faille devenir idiot et infantile -devoir rester jeune, comme ils disent...- pour bien vieillir.
Je pense plutôt que ce doit être une horreur que de se voir mourir sans maturité réelle, de mourir en somme en n'ayant pas rempli, c'est-à-dire compris, sa propre vie¹...
Je ne voudrais pas que cela m'arrive !
¹ Quoiqu'il n'y ait probablement au sens strict rien à comprendre, je le pressens, ce qui est encore une autre histoire.
Vendredi 22 août 2014
On peut dire sans exagérer que la Culture dont tout le monde parle sans savoir ce que c'est, la fameuse Culture à laquelle un ministère est consacré, n'est plus d'ors et déjà qu'une promesse, le rêve d'un avenir incertain, presque une utopie, par rapport à la Culture de naguère oubliée, tandis que ne subsistent que des lambeaux d'une Culture d'apparat péniblement et de moins en moins subventionnée et que s'annoncerait soi-disant celle d'un présent douteux, à travers je ne sais quel hip-hop, quel rap, quel steet art...
En vérité, nous ne recueillons que le produit de notre culte de la démocratie, c'est-à-dire l'ignorance généralisée, la grossièreté, la vulgarité portées aux nues, une espèce de « naturel » qui n'est que du laisser-aller, c'est-à-dire l'inculture.
Sauf à considérer la télévision comme un instrument « culturel » et à accepter sans discussion la mentalité qu'elle instaure, nous perdons tout ce que la culture est censée procurer : raffinement, conscience, sensibilité. Nous sommes des culs-terreux comme il n'en y eut jamais auparavant, car les malheureux paysans que dépeint La Bruyère, plus semblables à des tas de boue qu'à des hommes, avaient l'excuse d'être totalement asservis matériellement par la force, tandis que nous le sommes spirituellement par notre propre paresse et imbécillité, victimes de la flatterie.
Et si vous trouvez que j'exagère, regardez où en est l'orthographe...
Nous n'avons retenu du Romantisme que l'importance accordée au sentiment, en mettant de côté le versant moins ensoleillé de ce mouvement littéraire : l'attrait morbide de la souffrance affective et de la mort, de sorte qu'aujourd'hui « romantique » ne signifie pas grand-chose par rapport à la définition historique, tout au plus « romanesque » ou « sentimental », ce qui, d'ailleurs, ne laisse pas de m'agacer...
Mais la grande ambition des romantiques du XIXe siècle était surtout de périr de phtisie galopante, au point de s'asperger d'eau froide, pour certains, avant de s'installer à peine vêtus sur leur balcon, le soir, en plein hiver.
Jeudi 14 août 2014
Tu te demandais où je puisais mon indépendance et ma force d'âme... C'est simple : je ne m'attends pas à ce que quelqu'un comprenne ce que je ne comprends pas moi-même : qui je suis ou devrais être, champion du monde de lever d'haltères ou vendeur de pastramis, brillant esthète et/ou héraut de la révolution, saint, soldat, poète, mercenaire... my inner feeling of mézigos !
Lundi 4 août 2014
« Il y a deux sortes de naïveté » dit-il « un, la naïveté morale et deux, la naïveté intellectuelle...
La première, dont je ne suis pas démuni, malheureusement, vous permet d'être piégé dans toutes les circonstances où l'on veut abuser de vous, au propre comme au figuré, et je vous fais grâce des nombreux exemples que je pourrais vous exposer tirés de ma propre expérience...
Mais la seconde, pourtant bien différente, semble curieusement l'apanage de ceux qui devraient en être le plus nécessairement dépourvus et qui tiennent le haut du pavé de nos jours dans notre société : les scientifiques, les savants !
On peut certes imaginer qu'elle leur a été utile au cours de leurs études pour faire figure de bons élèves, suffisamment dépourvus d'esprit critique et capables d'ingurgiter les plus ennuyeuses des théories, de manière à paraître sinon très intelligents du moins méritants aux yeux de leurs professeurs. Mais leur diplôme en poche, pour ceux que la recherche accapare ensuite, par hasard ou par choix, ils devraient pouvoir enfin s'en débarrasser !
Hé bien non ! Et ce que l'on constate facilement quand on étudie l'histoire des sciences au XIXe siècle, l'imbécillité, l'idiotie généralement respectées, c'est-à-dire la naïveté intellectuelle acceptée, reconnue, a toujours cours à notre époque, masquée évidemment par les formes familières auxquelles nous sommes habitués, les idées du moment, la grammaire, le vocabulaire en usage, la mentalité commune, qui empêchent le recul salutaire qui la révélerait...
Et ainsi le fléau se perpétue, l'exploration incrédule du mystère se poursuit sans résultat utile mais non sans dommages prévisibles, on poursuit tant bien que mal la course sans fin, on mise tout sur la fuite en avant !»
Vendredi 1er août 2014
Je surfe sur une crête qui est la Vérité, mais la vague en-dessous n'est qu'inconscience sans cesse détruite et restaurée, affliction, tourments, et volonté !
Depuis la prime enfance je vis avec l'impression d'être un naufragé sur une île déserte entourée d'un océan furieux de mensonge, d'injustice, d'idiotie, de colère, et de douleur
Effrayé, incrédule, sans quelqu'un à qui parler...
Et les cris de la tempête répètent à l'envi que je suis maudit...
…Eh bien, si ce n'est que cela ce n'est pas grave ! Cela fait du bien d'en prendre conscience quoique très tardivement...
C'est moins pénible que de n'y rien comprendre... à cette vie-là !
En France on meurt de la raison cartésienne.
Dimanche 20 juillet 2014
Quiconque « avance » dans la Connaissance, si la notion d'avancer dans ce domaine peut être recevable, se doit de rectifier ce qu'il a cru vrai auparavant et changer d'opinion. Personnellement je dois modifier l'idée que je me faisais de l'enfance.
Dans l'enfance, on possède, intact, épars et sans conscience, tout ce qui permettrait de se réaliser, mais, malheureusement, la première pensée digne de ce nom qui survient et qui pourrait nous ramener à Dieu est une erreur, et nous En éloigne.
Il n'y a donc rien à regretter de cet âge, comme, au fond, je l'ai toujours fait en me rappelant la pureté extraordinaire qui était la mienne et en voulant la retrouver, rien dont le souvenir me sauverait, c'est mon présent, mon être même, on pourrait dire «l'essence » de l'humanité, qui va me sauver, qui me sauve !
Mardi 15 juillet 2014
Depuis bon nombre d'années, conséquence de mon passage par la psychiatrie (j'aime bien ce mot qui fait peur), je n'ai rien attendu d'autre, de la part des gens que je trouvais intéressants, qu'ils me rejoignent dans l'Olympe escarpé et désert que je m'étais découvert.
Je croyais leur faire un cadeau, que certains n'ont probablement même jamais vu, et que les autres n'ont jamais apprécié à sa juste valeur, ont même toujours méprisé (si bien que j'étais toujours seul !), à tort peut-être mais plus certainement à raison...
De mon côté j'étais très déçu de constater qu'ils préféraient à l'évidence, quoique j'eusse beaucoup de difficulté à me l'expliquer, leurs petits arrangements, leurs petits calculs, leurs petits bénéfices, à la position et au statut de dieu que je leur proposais.
Je n'écris cela que pour tenter de comprendre, pour la énième fois, si, ou plutôt comment, je commets le péché d'orgueil, dans la vision des choses que je viens d'évoquer.
Il est vraiment difficile de faire le tri, entre le bon et le mauvais dans nos états d'âme, de ne jeter que l'infondé, l'inutile, ce que j'essaie donc, là encore, de faire.
Car, si délire il y avait... il y a encore, il est fondé néanmoins sur une vérité, laquelle, quoique mon souvenir soit flou, m'avait été signalée comme dangereuse (« Surtout ne prend pas la grosse tête ! ») par ma psy, mais je ne m'en souviens pas précisément...
Ma réflexion d'aujourd'hui me permet cependant de faire une avancée en réalisant que le problème vient de ce que nous nous croyons toujours responsable de ce que nous sommes comme si nous étions notre propre créateur -une audacieuse usurpation d'identité !- et portés fatalement à nous enorgueillir de nos qualités quand elles paraissent exceptionnelles...
Lundi 14 juillet 2014
M'adressant à un ami, hier, je disais :
- « Ce qui m'irrite par-dessus tout c'est la disposition répandue partout, unanime, imbécile, cause à mon sens de tous les malheurs, à vouloir sauver les « autres », frères, sœurs, parents, famille, amis, relations, etc., bref le monde entier, avant de se sauver soi-même, comme si l'on était le seul sur terre à comprendre quelque chose, à être un tant soit peu compétent, le seul être parfait, irréprochable ! Bla bla bla… bla bla bla. »
J'étais dans une colère aussi sainte, m'imaginais-je, que la vérité que je défendais et j'eus un peu de difficulté à me calmer.
Je ne le fis d'ailleurs, pour être exact, que parce que l'ami en question semblait, lui, totalement vulnérable, et ne montrait pas le moindre signe de résistance, de rébellion...
… Je repense à cet événement ce matin au réveil, et tout-à-coup je saisis la cause du doute en moi que je voulais ignorer (d'où la colère)...
Certes, il y a une tendance générale, je ne me trompais pas complètement, mais c'est, au contraire, en dépit de nos intentions, pour organiser la perdition du monde, non pour le sauver, comme si la nôtre propre, notre déchéance personnelle, ne nous suffisait pas ! Car, de quoi au fond sommes-nous le plus capables, avec nos convictions, nos certitudes, sinon de nous égarer ? Lorsque nous agissons de manière volontaire, appliquée, que faisons-nous d'autre sinon de rendre inéluctable notre perte ?
Nous progressons par nous-mêmes uniquement dans la perdition...
Et je commence ainsi à comprendre que le salut n'est pas de mon ressort mais de Celui de Dieu qui l'accomplit pour nous à condition que nous l'acceptions, que nous le voulions bien.
Oui, mes chers frères, mes chers parents, mes chers amis, Madame, Monsieur, pardonnez-moi le mot mais c'est tout con, ce n'est pas plus compliqué. Consentir, accepter ce qui est, voilà ce qui permet d'être sauvé.
Dimanche 6 juillet 2014
Nulle part
Je suis d'un tempérament très casanier lorsque je suis chez moi (je n'arrive pratiquement pas à sortir) mais si je voyage c'est le contraire. Je n'ai alors aucun besoin de repère, je m'installe dans le transitoire avec un formidable sentiment de sécurité, et ce que j'adore par-dessus tout c'est de me retrouver nulle part.
J'ai toujours aimé cela et d'une certaine manière, surtout hors la géographie, je suis assez doué à cet égard.
Vers quatorze ans, durant les grandes vacances que nous passions non loin de Chinon, j'avais découvert que la petite route qui passait derrière la maison et montait en tournant, débouchait finalement sur ce qui paraissait être un vaste plateau flottant juste au-dessous des nuages (en était-ce ou n'en était-ce pas un en réalité, peu importe, mais c'en donnait idéalement l'impression).
Souvent j'abandonnais la route et m'aventurais dans un champ moissonné pour atteindre le centre approximatif, m'allongeais sur le dos les mains derrière la tête, contemplais les nuages blancs dans le ciel bleu, et, envahi d'une profonde sérénité, moi qui pourtant n'était pas à cette époque un adepte de la sieste, au bout de quelques minutes m'endormais.
La paix la plus intense que j'ai éprouvée de toute ma vie et la plus joyeuse est survenue alors que j'étais seul sur une petite route déserte et que tout commençait à disparaître dans la nuit, nulle part entre Istanbul et la frontière grecque. Je n'avais pratiquement pas de bagage ni d'argent, pas de carte (j'ignorais totalement où j'étais*), et non seulement je n'étais pas inquiet mais je jubilais.
Entre les mains de Dieu et de Lui seul.
Sous le ciel infini peu à peu bruissant d'étoiles. ...
*Évidemment cela ne correspond en rien à la réalité puisqu'il suffit tout simplement de regarder autour de soi pour constater où l'on est !
Lundi 30 juin 2014
Moi qui aurais tant voulu, toute ma vie, exprimer mes intuitions de poète de la manière la plus péremptoire, la moins contestable qui soit, comme les vérités scientifiques qu'elles sont indubitablement puisqu'elles proviennent directement de la source la plus fiable ici-bas à l'écoute de Laquelle je suis : l'Esprit… Qui ne m'appartient pas personnellement et s'adresse à nous tous, vérités infiniment plus utiles que les concepts fabriqués laborieusement à partir d'expériences imaginées et subjectivement perçues par les cerveaux toujours partiaux des savants...
et ce faisant, remettre mine de rien Dieu à la mode, et par la même occasion notre grandeur d'individu perdue…
car -je m'adresse en particulier aux catholiques, aux chrétiens de France- reconnaissons qu'il n'est pas facile de nos jours de parler de Dieu sans être soupçonné un peu de fantaisie...
(Mais exprimer sa foi à l'abri du style, de l'art, durablement, sans accepter de la définir précisément, n'est pas possible.
C'est aussi ce que fait Paddy McAloon dans « Earth Story So Far » en disant :
« There was a baby in a stable,
some say it was the Lord.
Singing 'save me', 'save me'
Why if it's no more than a fable
should it strike so deep a chord?
... »
… une splendide chanson).
.. il me faut l'avouer simplement : je crois en Dieu et je crois en Jésus-Christ.
Earth: The Story So Far
Welcome to Earth, the story so far,
the story so far
At first there was a vaccum
where creation came to be
singing 'save me'
'save me'
Were we abandoned in the ether
or did someone set us free?
Love me, love me.
Earth, Earth, the story so far
Welcome to Earth, the story so far,
the story so far
There was a baby in a stable,
some say it was the Lord.
Singing 'save me', 'save me'
Why if it's no more than a fable
should it strike so deep a chord?
Love me, love me.
Earth, Earth, the story so far
Welcome to Earth
Science broke the news
the only absolute is light.
Save me, save me.
Wasn't that the message
of the star on Christmas night?
Love me, love me.
Earth, Earth, the story so far
Welcome to Earth
Vendredi 27 juin 2014
Bien que la contestation soit généralement indispensable à tout progrès, on ne peut pas rejeter en bloc ce qui a cours ici et maintenant au nom de ce que l'on a connu -ou qui est encore- ailleurs…
Réfractaire à l'un mais incapable de (res)susciter l'autre, mieux vaut s'intégrer malgré les raisons qu'on a de critiquer, surtout quand ces critiques pourraient survenir de façon analogue à propos de quoi l'on se réfère.
Supposez que quelqu'un pétri de bonté se retrouve incapable de progresser parce qu'il ne peut s'empêcher de prendre en compte vos revendications irréalistes… supposez que vous paralysiez en quelque sorte toute évolution de ce système que vous n'aimez pas dans lequel vous vous trouvez, qu'ainsi vous le pérennisiez..., et vous aurez une raison de plus pour participer enfin avec bonne volonté, en commençant seulement par accepter de recevoir (ce qui n'a rien de déshonorant) et pas seulement de prendre.
D'accord, chez moi c'est une grotte, mais c'est une grotte aérienne…
Certes, elle est encombrée d'objets inutiles, choisis pour leur étrangeté, leur poésie, leur inutilité même, reflet peut-être, sans doute, de la mienne, et par un mobilier disparate, souvent récupéré dans la rue, ou chiné, trié et restauré au fil du temps, dans lequel je m'incruste, macère, réfléchis trop et médite parfois avec bonheur, reçois parfois l'inspiration... Je ressemble à un bernard-l’hermite craintif (et pour cause) réfugié dans sa providentielle coquille…
… mais aérienne, portée à la lumière de l'été sur les colonnes de béton du colossal édifice dont un des multiples pignons se trouve être précisément ma terrasse, mon gaillard d'avant, mon observatoire particulier d'où je surplombe le grouillement général inférieur et son vacarme continu, hérissé de cris et de hurlements, la folie humaine rémanente, pareille aux flots d'un océan furieux.
Alors qu'au contraire, en levant mon regard vers le ciel, je ne vois que la majesté et la paix.
Il semblerait que je vive pour le moment entre ces deux mondes.
Mardi 17 juin 2014
J'étais à deux doigts de Dieu dans mon enfance
Mais cela ne me donnait pas l'air sérieux
« Aie donc l'air un peu plus sérieux » disait ma mère
En effet je m'amusais de tout comme si je n'avais peur de rien
Je me sentais capable des plus grandes choses
Car partout je voyais non pas ce qu'elle voyait elle : l'Illusion
Non, partout je devinais la Réalité et Elle seule.
Vendredi 13 juin 2014
Si les hommes comprenaient que le progrès matériel ne consiste en réalité qu'en des changements et jamais en un mieux moral : une meilleure satisfaction, un plus grand bonheur, il serait facile de ne plus considérer l'impératif catégorique du capitalisme économique : l'obligatoire « Croissance », que comme une véritable malédiction, a curse, un sort jeté sur l'humanité par le Grand-Satan-Nous-Mêmes, et de nous en libérer.
Ce que j'aime le plus dans la légende de Bouddha (je dis « légende » pour ne pas m'aliéner trop tôt nos amis cartésiens et/ou les esprits forts qui considèrent l'adoration banalisée du veau d'or comme la croyance normale opposée aux autres de type religieux), ce que j'aime le plus disais-je, c'est qu'il est dit que Siddhartha est observé par les dieux durant sa méditation ultime, et que ceux-ci ne souhaitent rien tant que de le voir réussir. A demi-dissimulés là-haut dans les nuées et l'observant sans intervenir en retenant leur souffle, tout dieux qu'ils sont, ils ont besoin qu'il parvienne à l'illumination, ils en ont presque autant besoin que lui. S'agissant de dieux au pluriel, je suis presque tenté de dire qu'ils paraissent n'exister en somme que pour cela.
Et cette idée devrait être très facile à comprendre.
Mardi 10 juin 2014
Il semble hésiter un long moment, faseyant, puis il s'affale d'un seul coup contre moi dans un total abandon, comme une grande voile opulente de soie. (Le chat)
Lundi 9 juin 2014
Dans le demi-éveil du matin je fomente des plans secrets pour sauver l'humanité, je crée des sentiments nouveaux en reconnaissant des perceptions que je refoulais jusque-là, je pérennise, j'institue, le champ du possible agrandi par mes rêves.
Je me suis imaginé beaucoup de choses improbables sur moi-même durant toute ma vie, aussi finir par découvrir que je ne faisais en somme que chercher quelque chose que je ne pouvais pas trouver : la vérité qui m'avait été cachée dans mon enfance -Je ne suis donc pas un criminel !- et que ma sœur née immédiatement après moi et n'ayant vécu que quelques mois comptait plus que tout, n'a de cesse à présent, sous différents aspects, de me surprendre et de m'étonner.
Mercredi 4 juin 2014
- « Au lieu de me contredire péniblement, pour complaire à l'Ego Universel, cherche plutôt à me comprendre. »
- « Mon colonel, vous êtes une brute et un imbécile ! »
- « Je suis un soldat ! »
- « C'est bien ce que je disais ! »
D'après « Stargate SG1 »
Jeudi 29 mai 2014
-« Cher professeur, moi je suis un mystique, un homme d'une autre science... »
Vendredi 23 mai 2014
La poésie...
Moi qui suis né dans la « canaille », j'ai toujours trouvé l'aisance matérielle et le raffinement du goût plus intéressants que la misère et la grossièreté.
Les deux catégories sociales qui correspondent à ces états opposés ont en commun en général un esprit de caste que je trouve insupportable.
A dire vrai je hais l'obligation qui m'est faite, en raison des mes choix moraux et politiques, et plus encore d'une naïveté forcenée qui m'identifie à un imbécile social, de vivre dans les bas-quartiers en compagnie de la plèbe et d'une certaine espèce d'artistes pauvres que leur talent présumé -qui leur sert d'excuse- ne risque jamais d'enrichir. Je ne suis certainement pas de leur bord, pas plus que de l'autre.
Souffrant de la solitude, je pourrais imaginer que j'aspire à une fraternité spirituelle qui n'existe pas et essayer de m'adapter comme je le faisais jadis avec une certaine réussite en utilisant avec candeur le marchepied féminin pour sortir de mon bas-fond, mais, grâce à Dieu et surtout à B., j'ai rencontré une fois dans ma vie un frère et je sais qu'il existe, ou a existé..., au moins un individu comme moi de par le monde et que je ne rêve pas.
Je fais un peu comme Baudelaire qui vivait dans la compagnie imaginaire d'Edgar Poë et lui adressait des prières comme à un saint, et je passe mon temps à me projeter dans une réalité idéale indépendante de la société, où l'on parviendrait à exister sans se référer à de stupides valeurs relatives toujours éphémères.
Seules comptent la sensibilité personnelle et l'intelligence, et, pour citer quelque chose qui n'est pas de moi et qui résume tout à mon entière satisfaction, le motto absolu de toute ma vie :
« Nous ne nous soucions pas de prouesses intellectuelles ni de jeux de logique. Nous nous occupons seulement de ce qui est l'évidence même... » !
Jeudi 15 mai 2014
Je suis peut-être en mesure à présent d'attaquer le statut d'infaillibilité de B. sans pour autant éprouver l'impression de la trahir, de la perdre. En effet, rien ne dit qu'elle n'aurait pas fini par comprendre, si la situation l'avait permis.
A la fin, elle qualifia mon besoin d'acharnement thérapeutique de « recherche de l'absolu » ne devinant pas la cause particulière et donc la nature exacte de mon obstination. Il ne s'agissait pas de ce qu'elle croyait mais seulement de la nécessité pour moi d'éclaircir le mystère préoccupant engendré par le mensonge maternel que j'avais inconsciemment deviné dans mon enfance, mystère dont je croyais être l'origine, le dépositaire.
Qu'avais-je pu faire, qui étais-je, pour buter constamment sur ce point d'interrogation géant maléfique, lourd comme la pierre, qui fermait tous les passages ?
Je ne pouvais pas me croire guéri. Je ne pouvais que continuer à m'interroger, à l'interroger elle, mon psychiatre, au risque (qui s'est bien produit) de détruire tout ce que nous avions accompli jusque-là, au risque de tout perdre, de voir L. s'en aller, et de me perdre moi-même (ce qui est presque arrivé).
Mercredi 14 mai 2014
The way we were
Je vois à présent les vies de celles et ceux que j'ai connus avec tout ce qu'elles avaient d'improbable, d'accidentel, de hasardeux, comme des brouillons d'existence, de simples hypothèses, des projets jamais définitifs, des schémas de travail toujours en question, et aucun d'eux (presque tous...) alors ne semble s'en être rendu compte : ils me sourient toujours niaisement dans mon souvenir comme si j'avais été le peintre ou le photographe chargé d'immortaliser le moment que nous partagions.
Si je pense que ma vie est un destin je dois trouver dans l'avenir ma propre trace et il n'y a aucune place pour la fantaisie, pour le hasard.
Quoique l'invention du livre ait pu apporter de précieux, la symbolique qui en découle n'est pas toujours bonne. Par exemple, il ne faut pas dans la vie « tourner la page » ou « changer de chapitre », ce qui revient à faire des nœuds avec la durée, à s'étrangler soi-même.
L'existence est plutôt un rouleau de parchemin sans interruption, qui se dévide peu à peu, voire se rembobine, et dont les passages divers peuvent se superposer, correspondre directement de façon physique, tout en étant séparés chronologiquement.
Circule là-dedans mon esprit, du moins une étincelle qui en émane, grain de poudre de perlimpinpin qui traverse à volonté les couches du rouleau pour élucider tel ou tel instant, telle période, puis revenir au présent avec une nouvelle lumière, se balade à sa convenance, irradie peu à peu le sens...
Je suis certes un inconnu, mais vaste, un vaste inconnu...
Mercredi 7 mai 2014
A Arnaud Descat
¿Qué tal ?
Cornichon entre les cornichons, j'ai été capturé jadis par le lasso glorieux de Gloria Lasso, sa voix à faire b... un mort, et mort je ne risquais pas de l'être de sitôt : je n'avais que six ans.
Cette femme-là, cette chanteuse de la séduisante catégorie latino-américaine à la mode alors, fit pousser sur l'amour que j'avais pour ma mère le rêve enchanté du bonheur charnel, inspiré, évoqué par sa voix caressante et torride, sa voix de pampa argentine imaginaire où souffle chaque jour le vent du tango et de la passion amoureuse.
Amour et mort, vent et folie, quel enivrant cocktail à boire en voyage, à bord d'un luxueux paquebot traversant l'océan, debout au bar en écoutant jouer un brillant orchestre et en regardant les danseurs !
Et puis tomber amoureux en l'apercevant... elle, la farouche gardienne de l'âme !
Elle est vêtue d'une merveilleuse robe qui épouse tous ses mouvements et elle valse dans les bras d'un quelconque imbécile... on apprendra bientôt heureusement que ce n'est que son cousin.
La traversée n'est pas prévue pour jamais s'interrompre, du moins inopinément comme cela a été mon cas.
Car voilà, la danseuse est remontée au paradis d'où elle était venue.
Il n'y a plus de barman derrière le comptoir carbonisé... Tout est en ruine... Les musiciens forment un tas de squelettes qui ont laissé échapper leurs instruments à présent muets...
Le paquebot continue sur sa lancée...
Je n'ai pas perdu la foi !
Le rempart d'amertume, d'aigreur, d'affliction, quand ce n'est pas de suffisance, de vanité et d'orgueil, qu'il y a à franchir d'abord pour entrer dans cette ville fortifiée, dans leur cité interdite si secrète parfois qu'on dirait qu'ils ne la connaissent pas eux-mêmes, est par trop décourageant, me relègue heureusement à bonne distance et en pleine nature, loin de leur monde trop exclusif et de ce qu'ils semblent aimer par-dessus tout : le malheur !
Et si l'art n'était qu'un souvenir personnel de la beauté de Dieu... ?
Vous me manquez, gens que j'ai aimés
Ami(e)s, frères et sœurs, épouse, maîtresses, et toi surtout
Le mentor féminin, la prêtresse, la pythie, la clairvoyante, l'oracle ...
Vous n'êtes plus, ni d'ici et de maintenant, ni d'ailleurs et de demain
J'attends à chaque battement de mon cœur celles et ceux qui auraient dû prendre la relève pour le pire, ou alors...
S'il ne devait pas en être autrement que pour le meilleur
L'Unique, Celui dont j'ai depuis toujours la nostalgie !
Dimanche 4 mai 2014
Facebook, prison dans l'Internet libre
Tout ce qui est humano-humain est à chier. En même temps, c'est le meilleur moyen de « réussir » socialement. Prenez Facebook, par exemple, son développement monstrueux, son gigantisme, à partir d'une simple exploitation de la vanité humaine, du nombrilisme adolescent des étudiants d'une quelconque fac américaine, puis du narcissisme général. Si l'on peut envier la richesse acquise, on n'imagine que les doutes, les soucis, la souffrance de son créateur, la vacuité terrifiante de son existence. En fait il s'est fait le champion, le vassal de la connerie, et il déploie probablement d'immenses efforts pour refuser de s'en apercevoir vraiment, le seul point positif étant d'avoir favorisé le besoin naturel de communication de ses semblables.
Normalement chacun ne doit-il pas se démerder tout seul pour résoudre ses besoins ?
Je veux communiquer, je veux m'exprimer ? Je crée un site perso, ou à la rigueur un blog grâce à l'aide relative, mesurée, de ceux qui en offrent la possibilité.
Là on est dans l'humano-divin, le rêve initial qu'offrait Internet de permettre toutes les tribulations possibles individuelles dans un état des choses décidée hypothétiquement encore par Dieu, pas par Mark Zuckerberg !
Vendredi 2 mai 2014
J'ai longtemps lutté contre les « esprits forts », ceux qui savent tout, ont toujours raison, et veulent dicter aux autres leur conduite, jusqu'à finir par croire, aidé par la solitude, n'être moi-même qu'un esprit chancelant, inquiet, et doutant toujours.
C'est peut-être ce dont j'ai l'air parfois en effet mais il n'en est rien. C'est moi le fort en esprit, toujours rassis quelle que soit la situation et jamais en dessous de la ceinture, capable de se jouer de toutes les contradictions, de percer les apparences, de composer avec l'irrationnel et d'assumer la dualité, de changer de logique quand il le faut comme de chemise, de comprendre l'inouï.
Je vais presque où je veux sans jamais perdre la boussole, et surtout, quand je rencontre la vérité, aussi inattendue et paradoxale qu'elle paraisse au premier abord, aussi impitoyable et dérangeante, mais toujours la plus réconfortante, la plus belle à mes yeux, je sais la reconnaître et l'accepter.
Lundi 28 avril 2014
C'est ma propre histoire. Avant de vous la raconter je ne le savais pas. Et puis, peu à peu, bien que les protagonistes, le héros¹, n'aient apparemment rien à voir avec moi, j'ai commencé vaguement à entrevoir une ressemblance, et, aujourd'hui, ayant depuis pas mal de temps écrit le mot « fin », je me rends compte tout-à-coup stupéfait qu'il s'agit non seulement de moi exclusivement mais surtout d'une vérité à mon endroit que je n'aurais jamais voulu apprendre.
Il fallait que je me l'explique à moi-même, la justifie avec cet artifice, sous couvert d'invention, assumée par d'autres, pour pouvoir enfin l'accepter.
1 (qui, d'ailleurs, encore plus étrangement, est une héroïne !)
Mercredi 23 avril 2014
Ne pas être un tant soit peu créatif, artiste, c'est être incomplet. Et ceux-là, les incomplets, ... considèrent en général ceux qui ont ce qui leur manque comme des "farfelus"!
Samedi 19 avril 2014
Squelette de fleur d'hortensia
Uncut flower
L'ombilic du monde se trouve exactement ici, au milieu de la forêt, dans cette clairière d'herbe verte de forme vague, simple, modeste, et pourtant solennelle comme le parvis d'une cathédrale, devant l'édifice secret et sacré.
Il y a, discrets et comme invisibles, les animaux que l'on aime, lapin, biche, chouette commune, grenouille et lézard, couleuvre, scarabée, etc., etc., etc.
Ici règne la paix, la paix de l'âme, la paix véritable, dont on sait qu'elle rayonne au loin comme une onde concentrique sans fin.
Je veux penser que c'est chez moi et d'ailleurs ça l'est, comme pour tout homme qui peut l'imaginer.
Il y a aussi, indispensable, le silence naturel, intense et fertile, mais qui n'est cependant jamais exempt de variations, d'inoffensives atteintes qui le mettent en valeur, comme les frôlements, les soupirs des bestioles, les trilles brefs d'un oiseau, le craquement d'une branche.
C'est un jour de cristal, un air pur, un instant éternel.
Et la solitude est enfin Partage.
Vendredi 18 avril 2014
Avant, jadis, j'avais l'intelligence en quelque sorte « endimanchée ». Je pensais avec des formes, avec des scrupules. Je voulais mettre l'esprit dans ma pensée.
Le vrai patron c'est moi, le boss, le cador, mais peu de gens le savent. J'incline trop à la douceur et à la bonté.
Les grandes œuvres nous sont adressées directement, il n'y a pas de décryptage à effectuer. Le public n'est pas chargé, à 50 %, d'en constituer l'intérêt et la valeur. Nous sommes conduits, pris par la main, il n'y a qu'à se laisser aller en confiance.
Pas de second degré, de clin d’œil, de signes d'intelligence, c'est un don à sens unique suscitant la gratitude et rien d'autre.
Jeudi 10 avril 2014
Certains crimes connus de tous demeurent pourtant à jamais impunis. Si vous ne me croyez pas, venez visiter mon appartement : que je sache, l'architecte n'a jamais été poursuivi.
Passée l'entrée qui mesure environ 1,5 m² (!), il y a un couloir long de 2m50 qui file obliquement vers la gauche délimitant de ce même côté un coin cuisine américaine triangulaire de 6,5 m² pour déboucher dans la pièce principale d'environ 15 m² à peu de chose près triangulaire aussi.
Dans son prolongement en quelque sorte « naturel » mais amputé de ses deux coins se trouve le pentagone, j'ai bien dit, de 10 m² de la chambre.
Il y a également sur le côté gauche de la pièce à vivre une salle de bain-wc, relativement grande (6,5m²), et enfin carrée (sauf l'angle qui abrite la colonne technique), afin sans doute de ne pas désespérer davantage l'habitant qui aime la simplicité, et, enfin, un peu comme une demande d'indulgence, de pardon, une généreuse mais là encore triangulaire terrasse de 35 m², que rien, sauf ce supposé sentiment de culpabilité de l'architecte, ce repentir, ne permet d'expliquer.
Je ne suis pas trop malheureux quand il fait beau, comme aujourd'hui, et que j'émerge alors à l'air libre, quoique cet avantage soit surtout une promesse non tenue en raison de la situation à la fois architecturale (nombreux et surplombants vis-à-vis) et géographique (Saint-Denis 93), mais vivre trop reclus dans un appartement bizarre au plan étrange finit par donner l'impression d'être soi-même biscornu.
Mercredi 9 avril 2014
Ami, reste chez toi. Les nouvelles pratiques créatives : installations, performances, voire même les ambitieuses «installations performatives» (!), l' «art» vidéo, etc., n'atteignent pas leur but, plus ou moins bien conscient, défini, revendiqué, qui est en somme « de faire de l'art ».
Il faudrait que les nouvelles générations d'artistes s'interrogent davantage sur ce que sont spécifiquement ces deux choses très différentes : la création et l'art, et qu'ils cessent de les confondre.
L'outrageusement nommé «art contemporain» ou plus justement «art comptant pour rien» ou encore «art content pour rien» est certainement très intéressant mais il n'a aucun sens, et ne remplit pas de réelle fonction.
Le populo qui n'a plus les tableaux d'églises à contempler, les reliefs, les sculptures, les statues, des monuments, se rabat sur la cuisine et la déco !
Dimanche 30 mars 2014
Dans un dialogue imaginaire avec ma psy, d'autant plus imaginaire qu'elle est morte (on ne peut pas dire, s'agissant d'elle : « la pauvre... »), je me reproche de ne pas l'avoir mieux écoutée.
Je l'entends avec surprise dans ma tête me répondre :
« Je voulais t'emmener en Grande Garabagne ! » .....
Vendredi 21 mars 2014
Dans ma vie, dans ma mémoire (c'est la même chose, vous l'aurez remarqué, rien en somme...) la femme que j'ai aimée, aimée presque à en mourir puis succombé ensuite sous le fardeau des souvenirs, est un ballot de thé. Oui, un grand parallélépipède rectangle soigneusement ficelé dans une épaisse toile blanchâtre qu'un bateau anglais en provenance d'Orient vient de décharger ce soir sur un quai.
Du rêve autant que des parfums s'en échappent, troublants, enivrants, mais il ne faudra pas moins de deux dockers aguerris et armés de crochets pour le transporter tout à l'heure jusqu'au véhicule qui doit l'emporter vers la manufacture finale.
En attendant il est là et la nuit est loin d'être terminée. Des lueurs dans l'eau du port, des reflets parce qu'il a plu, tournoient partout et, tour à tour, se posent un instant sur lui. Hommes et animaux, chiens, rats, cafards, etc., visibles et invisibles, circulent, attentifs ou indifférents, bruyants ou silencieux, comme un immense tourbillon sans limite autour de lui, un ballet universel qui compose avec tous les équilibres et tous les faux-pas et qui est sans fin.
Et il gît devant moi, dense d'un devenir impossible à imaginer et totalement inerte.
Pensons à la feuille de thé sèche, ratatinée, prisonnière au milieu, écrasée, qui se dépliera un jour proche dans une théière miséricordieuse et retrouvera un instant sa texture, sa souplesse en exhalant son goût et son parfum... Mais passons...
Pour le moment j'admire les étiquettes, les tampons, les inscriptions étrangères, exotiques, qui figurent sur la toile, et qui stimulent mon imagination. L'imagination est presque toujours ce qui fait la valeur d'une chose.
Ne le boirions-nous jamais que nous aimerions quand même le thé qui est là, dont nous ne sommes même pas sûrs pourtant qu'il existe vraiment.
Et bien voilà, cette présence, cette absence, ce désir poignant, cette exquise promesse, c'est elle, à peu de chose près, c'est la femme que j'ai aimée !
Ivre, Rabelais lui avait appris à compter en contrepétant : un, deux, traître, quos, cinq, sexe, sipt, oeuf, nuit, dix.
Mardi 18 mars 2014
J'ai été cousu dans une peau qui n'est pas la mienne, comme de la chair à saucisse dans un boyau qui l'emprisonne, lui concède sa forme, l'empêche de gagner en importance, et cette peau est mon enfance, la (dé)formation implicite, involontaire, que j'ai reçue, bien trop étroite pour moi, étouffante, si bien qu'aujourd'hui elle craque aux entournures, elle se déchire de partout comme un vêtement usé jusqu'à la trame et trop petit et Dieu seul sait à quoi cela va aboutir.
J'aurais du être éduqué autrement et recevoir beaucoup plus d'explications, être informé des exemples les plus extraordinaires, les plus improbables, encore que, si je regarde bien, j'aperçois aujourd'hui des richesses que j'ai côtoyées, aperçues sans les comprendre, et qui se révèlent désormais.
J'ai déjà parlé de l'Orient absolu, antique et éternel que j'avais sous les pieds, celé par l'inconscience de mon entourage, mais il y a eu bien plus, comme par exemple, les personnalités inconnues de ceux-là même qui en étaient dépositaires, ou bien leurs travers, les déviations dissimulées, le grand trésor informe et veule, potentiel, que l'hypocrisie générale, le conformisme et le mensonge nous empêchent de considérer.
Talons aiguilles
Les talons aiguilles servent à marcher sur des tapis de petits tracas comme il en existe immanquablement dans les forêts de problèmes psychologiques et sexuels aux hautes ramures grises, floues et claires-obscures, profondes à perte de vue, et leurs aiguilles ne sont d'aucune utilité ni aux couturières laborieuses ni aux tricoteuses sur le métier. (Si les talons aiguilles pouvaient servir à repriser les propos décousus que je tiens, cela se saurait !)
Ils procurent la démarche précautionneuse et instable des échassiers d'espèces menacées, semblable à celle des tirailleurs isolés contraints par les aléas du combat à se déplacer à découvert en territoire ennemi et qui, malgré un brouillard propice, sursautent au moindre bruit.
De grâce, mesdames, ne pointez pas votre escopette sur votre voisin innocent et ne l’abattez pas sans l'avoir voulu, par simple nervosité !
C'est tout ce que l'on vous demande, insensées femmes fatales !
*
Tant qu'elle ne tombe pas, la femme qui marche sur des talons aiguilles est seule.
Elle a beau être entourée de mille chevaliers servants qui l'escortent, avoir sa cour comme une reine, un chef d'état, elle est seule.
Seule et d'un autre monde, d'une autre nature, jusqu'où elle est parvenue, cela se devine sans qu'elle le dise, au prix d'horribles souffrances.
On se doute qu'elle a des cors aux pieds, des oeils-de-perdrix qui ne lui laissent aucun repos, mais les autres souffrances, celles qu'elle a connues avant, pour en être enfin là, ont été sans commune mesure.
D'ailleurs avoir mal aux pieds aujourd'hui est un plaisir, un véritable bonheur pour elle !
Elle sourit à la cantonade, avec ses belles lèvres rouges découvrant des dents magnifiques, comme si elle voulait dire sans émettre un son : « J'ai gagné, j'ai gagné ! » et ceux qui l'entendent se demandent avec perplexité : « Mais quoi, sapristi¹ ? » sans trouver la réponse.
Et c'est dans ce mystère extraordinaire -personne, je l'espère, ne me contredira- que réside le charme qui, hommes et femmes, nous captive tous.
1 Je sais que c'est du vocabulaire passé de mode et ça m'est égal.
Mardi 11 mars 2014
N'est-il pas normal qu'après avoir été un véritable traître à l'espèce humaine (ou, en tout cas, m'être cru tel) puis avoir fait tellement d'efforts pour revenir et n'y recevoir qu'un accueil à peine tiède -froid serait plus juste- de sorte que j'ai eu l'occasion de me forger peu à peu les raisons qui me manquaient jadis pour partir, je n'éprouve à présent qu'une seule envie, un seul besoin : abandonner toute prétention et laisser Dieu décider à ma place !
J'ai vécu une trentaine d'années comme si j'étais toujours dans le cabinet de ma psy, entouré de patients comme moi, pleins de gratitude à son égard et décidés à prolonger autour d'eux sa paix et sa bonté. Cela faisait de moi quelqu'un d'un peu infantile et aux bonnes intentions, à la bonne foi, tellement visibles (je suppose), que je n'ai pas à le regretter aujourd'hui, comme cela aurait pu malheureusement arriver.
Une seule fois j'ai été rembarré par un imbécile, un intellectuel, un prof, qui a voulu me rappeler sans ménagement (déformation professionnelle probablement) les règles du jeu que manifestement j'ignorais. « Tous ennemis », c'est vrai, est plutôt le credo en société que « peace and love ». Mais comme je lui pardonnai rapidement tout ce qu'il avait dit et fait de blessant et d'humiliant je m'en sortis en quelque sorte en (crétin) vainqueur.
En somme, un martien dont l'apparence ne serait pas différente de la nôtre pourrait survivre dans ce monde -à condition de garder son pistolet-laser dans sa poche- malgré une pensée, des sentiments, d'une autre planète, sans se faire particulièrement remarquer.
Dimanche 9 mars 2014
A d'autres époques «faire son salut» est un but avouable, voire conseillé, enviable même lorsqu'il n'est pas partagé. Mais la nôtre, d'époque, plongeait dans la perplexité l'enfant et l'adolescent que je fus, qui ne voyait pas d'autre chemin à prendre, de «métier» à choisir, de vocation plus pressante, tout en étant incapable de le conceptualiser et de l'exprimer. Le moins qu'on puisse dire est que le contexte historico-socio-culturel n'était pas favorable, et quoique le plus normal des hommes, et, pour parodier Rousseau, aventurier du même acabit, «le plus sociable et le plus aimant», je faisais figure de phénomène, de farfelu, même et surtout à mes propres yeux, ce qui est loin d'être confortable.
Inconfort dit troubles, troubles dit déséquilibre, et déséquilibre signifie que la lucidité s'éloigne.
Heureusement des savants comme Jung nous rassurent en établissant la nécessité d'une évolution spirituelle, d'une croissance naturelle de l'âme, et il n'est que de voir les tourments et les affres de ceux qui, confrontés à la difficulté de l'assumer, recourent à la psychanalyse et à la psychiatrie, pour comprendre que notre sort sur Terre ne consiste pas seulement à exercer une profession, faire des enfants, et payer ses impôts, même si c'est compatible, justifié et honorable. Le principal est plus, et, tant que l'Histoire humaine n'en fera pas son sujet central et des autres événements des épiphénomènes, ne vous attendez pas à autre chose que des souffrances et des guerres.
Jeudi 6 mars 2014
Pas plus que la carte n'est le territoire, le concept (idée + vocable) n'est la chose. Korzybski le savait déjà.
Ainsi la réalité n'est pas dans l'intellect et la connaître passe par un autre chemin, met en œuvre un autre aspect de l'esprit.
Et c'est là, évidemment, messieurs les décideurs de la vie des autres, patrons, politiques, chercheurs scientifiques, soi-disants créateurs de tous poils, penseurs volontaires, qui vous croyez tout-puissants, que notre existence sans vous commence à être intéressante.
Certains se demandaient s'il avait toute sa tête. Comme le jour où il avait dit : « Pourquoi torturer des êtres humains ? Il y a suffisamment de tortues de par le monde sans avoir à augmenter leur nombre de manière forcée ! »
Lundi 3 mars 2014
Il est normal que ce soit un peu long à vous parvenir, je vous écris du 93, de Terre-A-Délit...
Ca y est, j'arrive au cap, j'atteins à l'Age ! Le sept ressemble à une hache, une grande cognée, et le zéro derrière, selon les goûts, à une tête dans un panier ou à un corps décapité : 70 ans !
Mais non, je blague ! Je n'en ai cure ! D'ailleurs, vous le savez bien, j'épouse votre fille...
Samedi 1er mars 2014
C'était délirant, je vous l'accorde, et d'autant plus que cela restait informulé, inconscient, mais, pour moi, il y avait « ceux de la bande à Balda » et les autres. Attention, pas tous ses patients, seulement un petit noyau, quelques-uns qu'elle m'avait désignés elle-même, un jour, alors que nous attendions dans la voiture garée sur l'arc-de-cercle de la place Winston Churchill à Neuilly, en m'expliquant que ceux-là, tels qu'ils étaient, avec leur droiture, lui apportaient le réconfort dont elle avait besoin par rapport à tout ce qu'elle était obligée de voir, de regarder. Et « ceux de la bande à Balda », dont au premier chef je faisais partie -n'étais-je pas le disciple qu'elle aimait ?- avaient, croyais-je, une mission à accomplir : honorer sa mémoire plus ou moins collectivement (lui rendre un culte en somme...; où étais-je allé chercher cette idée ?) et promouvoir le bien !
C'est peu dire que je me mettais le doigt dans l'oeil, vous vous en doutez !
La bande a essaimé. Ils sont tous partis, chacun de son côté. Pas de mission pour eux, pas de devoir à remplir. D'ailleurs qui consulte chez le psy pour se charger de nouvelles obligations ? A part moi, personne !
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Mercredi 26 février 2014
Comment un être humain avec un cœur battant normalement, foncièrement bon, peut-il causer tant de mal ?
La réponse est : Inconscience !
On ne peut pas mordre dans Dieu ! J'ai essayé, par déformation "existentielle", "manie" acquise dans la prime enfance, trait de caractère si l'on veut, et d'ailleurs cet outil d'attaque (que Laurent avait bien vu ¹) -les dents- est précisément en toute justice ce qui est le plus délabré chez moi aujourd'hui, mais évidemment mordre dans Dieu est impossible !
¹ Il m'avait dit, âgé, quoi, de quinze ans, à moi adulte, à l'une de nos premières rencontres : "Vous, vous mordez !"
Si les sentiments ne sont que des épiphénomènes de la physiologie, je ne vois pas l'intérêt de continuer dans la culture du « romanesque », que vous appelez improprement « romantisme », bande de vulgaires !
Personnellement, et c'est d'ailleurs ce qui m'a inspiré la pensée précédente, je ne parviens pas à imaginer L., après qu'elle m'ait largué, en train de baiser avec mon successeur. Pourtant son argument était bien: « J'ai besoin d'avoir des rapports sexuels ! » Etrange, très surprenant, de la part de quelqu'un qui ne pouvait plus le faire avec moi uniquement parce que j'étais devenu muet. Pourtant, étant donnée la succession de dommages que je subissais depuis longtemps du fait de ma dépression et de ma psychothérapie foirée, je parviens tout de même à le comprendre.
Ah, mais c'est vrai ! J'oublie le lent travail de sape de sa famille, de ses sœurs, pour nous séparer.
Envieuses. Envieuses de sa lumière, et dans une moindre part jalouses !
[Quand on fait trop preuve d'amour, d'abnégation, de générosité, c'est-à-dire de grandeur, il se trouve toujours non loin quelqu'un de petit, qui, ne pouvant souffrir la comparaison, s'emploie à vous en empêcher, sous prétexte d'assurer votre protection !]
Mardi 25 février 2014
Il n'était pas dans le plan que tu meures !
Ce n'était pas prévu au programme
Tu devais m'attendre jusqu'à ce que j'en aie fini avec ce qui m'empêchait d'être heureux avec toi
Comme un animal attaché à son piquet par une longue chaîne je ne pouvais pas disparaître complètement je ne pouvais que revenir !
Et qui plus est en vainqueur !
Suivi par des milliers de prisonniers portant les coffres remplis du butin acquis dans les combats
Bijoux étincelants vaisselle d'or pierres précieuses étoffes somptueuses statues
Et aussi les jongleurs les danseuses les musiciens les animaux exotiques...
Et toi majesté constante et sûre à la place d'honneur sous le dais de pourpre Impératrice aimée et applaudie par le peuple en liesse
Tu devais assister à mon triomphe et m'accueillir.
Dimanche 23 février 2014
L'argent est une pathologie qui peut affecter l'humanité, la modifier et la détruire, et qui présente des symptômes spécifiques faciles à reconnaître. Il circule dans des milieux qui, en principe, ne devraient pas en être affectés, comme la politique, et depuis si longtemps, qu'il est devenu chronique et difficile à soigner. L'éradiquer est une utopie récurrente.
Là où il se trouve l'égoïsme devient volontariste et passe pour justifié. La vulgarité, la grossièreté, et la méchanceté nécessaires, avec une intensité de bon aloi, ne sont plus des défauts. Les sourires plus nombreux qu'ailleurs, dont on ne sait s'ils sont de pur cynisme ou dissimulent une horreur spéciale, fleurissent.
La catégorie d'individus frappés peut rassembler des morphologies très différentes, toucher tous les types humains possibles, mais une ressemblance se dégage qui les rend tout-à-fait reconnaissables, pour les autres comme pour eux-mêmes.
Vénaux, certes, et par conséquent fourbes et hypocrites, souvent vicieux et impitoyables s'agissant des plus nantis, ils se considèrent comme « réalistes », « pragmatiques », et se prétendent même parfois des « hommes d'action » (on a envie de dire -humour impénitent- : « …en Bourse, monsieur le président ? »).
Comme si agir consistait à endosser des chèques et à échanger des enveloppes sous une table !
On ne fera pas grief à ces hommes d'action de posséder, en général, ces mains affaiblies et cireuses à quoi se reconnaît leur dégénérescence, surtout morale, car ils tentent de remédier à leur inactivité physique en fréquentant les salles de sport, en faisant du jogging et du vélo, préoccupés sans doute par l'odeur de mort qui flotte autour d'eux, plus perceptible et plus angoissante que partout.
Ils doivent tout à leurs tailleurs qui les sculptent dans des tissus admirables d'une coupe irréprochable et flatteuse, en oblitérant le caractère fragile, éphémère, et un peu répugnant de leur chair.
Ce sont des démons, des diables sans grande valeur, remplaçables au pied levé, et il vaut mieux pour eux que cela ne se sache pas (trop).
Vendredi 21 février 2014
Non seulement j'ai pu récemment parler, décrire et publier un épisode traumatisant et capital de ma vie, mais par-dessus le marché en acceptant librement une épreuve actuelle sans commune mesure mais qui paraissait receler une meurtrissure potentielle, découvrir soudain que je regrettais intensément la période du traumatisme passé, et que, comme tout le reste finalement, je l'avais aimée, et deviner enfin, pour la première fois, que la vie est Soi, qu'il ne nous arrive jamais rien d'étranger mais que nous sommes indiscernables de ce qui nous arrive.
Nous sommes la Vie, elle n'est pas extérieure à nous, et aucune peur n'est justifiée !
Jeudi 20 février 2014
Comment, entre autres, pouvais-je me sentir « normal » -aurais-je jamais pu me sentir « normal »- dans une société qui nous fait une obligation d'avoir un âge et d'évoluer avec le temps, alors que le sentiment intérieur que j'ai de moi, l'état de mon esprit, n'a jamais changé, est toujours le même depuis ma naissance ?
Constant, égal, intact en permanence, vieux, voire « ancestral » en comparaison avec les autres quand j'étais enfant, éternel et de fait incomparable, vers trente-cinq, quarante ans, quand, apeuré, malade, je ne mettais pas le nez dehors, et aujourd'hui, jeune, et même enfantin, alors que j'entre, au calendrier, dans la vieillesse, comment pourrais-je reconnaître appartenir à quoi que ce soit estampillé généralement « conforme » ?
Mardi 18 février 2014
Tenir en rêve des propos parfaitement cohérents et si réalistes qu'en s'éveillant on n'est pas certain de faire la différence, c'est mon aventure de cette nuit. J'expliquais à quelqu'un, en marchant dans une rue, que la politique est comme la vidange, à la différence près qu'aucun vidangeur n'a jamais paradé parce qu'il travaillait dans la merde, sentait la merde, et se retrouvait parfois couvert de merde, ce qui, on ne peut le contester, est le cas des hommes politiques qui, par-dessus le marché, mangent de la merde, vendent de la merde, et font l'apologie de la merde.
Bien sûr, dans le rêve le discours était infiniment mieux construit, plus développé, et l'éloquence plus grande. Je n'essaie nullement de le reproduire ici, je n'en fournis, si j'ose dire, que la substance...
Le XIXe gonflé, un peu débordant sur le XXe, est, en France, ze siècle de la Littérature. Bien sûr, il y encore après des écrivains majeurs ici et là, mais isolés et exceptionnels, alors qu'auparavant tout le monde, jusqu'aux journalistes et aux épistoliers amateurs, pouvait prétendre être un écrivain et que les plus grands ne se distinguent pratiquement pas, au niveau de la façon, des petits.
Eh oui, on faisait de la rhétorique à cette époque, et le moindre bachelier, après avoir étudié utilement le grec et le latin, était instruit des arcanes de l'expression verbale.
Si vous ne me croyez pas, procurez-vous un Bouquin de chez Laffont qui présente une compilation d'articles de journaux sur l'Orient. Comme moi vous serez étonné de constater que Baudelaire n'écrit pas différemment de ces journalistes oubliés.
Le regard lavé par les douleurs de toute une vie, n'ayant rien acquis qui n'ait été également perdu, considérant à nouveau la lumière du jour comme celle, simple et pure, de son enfance, il est pourtant impossible de se contenter d'avoir survécu. Il y a forcément quelque chose de mieux à trouver !
Dimanche 16 février 2014
Spirituellement, je suis un cuistre. Tellement, d'ailleurs, que j'ai envie d'ajouter : « C'est déjà pas mal, dans ce domaine ! »
J'abandonne la lutte, j'espère. Je ne sais pas si ça me reprendra mais là je n'en peux plus. Depuis des années je n'ai pas cessé de vouloir être mieux, être meilleur, pour complaire à quelqu'un dont le jugement comptait pour moi plus que tout, quelqu'un qui, à l'en croire, me trouvait déjà quasi parfait.
Mais, j'avais suscité des nuances, de petites remarques, des restrictions, en voulant à toute force continuer à progresser avec son aide, à savoir.
Parce que j'ai grandi dans un mensonge de famille insupportable et que le questionnement en moi, qui aurait dû cesser, ne s'arrêtait pas. (Les mensonges creusent des trous dans l'âme qui ne se referment pas. Ils réclament d'être comblés avec la vérité. Parfois même, dans le cas de petits mensonges, celle-ci surgit toute seule, elle est appelée... et l'on sait !)
Mais, dans mon cas, la réponse était ailleurs, ainsi que la question particulière elle-même, étrangères toutes les deux, impossibles à deviner.
Et ainsi je suis allé trop loin.
Alors, ne l'ignorant pas, la personne dont le jugement comptait pour moi plus que tout m'a fourni un renseignement, une clef qui devait ouvrir la porte ou de mon salut ou de ma mort.
Longtemps je l'ai tenue à bout de bras malgré son poids sans m'en servir parce que j'avais peur. Puis, un jour, en un geste rapide, naturel, la serrure a tourné, la porte s'est ouverte, et le chemin de la liberté s'est présenté devant moi.
Long, ardu, fait de millions de petits pas, et même parfois presque de retours en arrière, d'arrêts interminables, de doutes.
Je me détendais, j'avais de moins en moins peur, mais la lumière ne venait pas.
J'aurais voulu parler aux morts et en finir une bonne fois avec le passé mais c'était impossible.
Quant au présent, s'agissant des conditions matérielles, je trouvais que, par rapport à avant, il laissait à désirer.
C'est toujours le cas.
A présent de tous côtés l'aide spirituelle m'arrive, un véritable ouragan, qui, probablement, rapproche l'échéance, qu'elle soit bonne ou mauvaise, et augmente les risques que me fait courir la tentation.
Tentation à laquelle j'ai encore cédé et qui vient de me démontrer la grandeur de ma présomption et ma banale humanité.
Je croyais aller où je voulais...
Encore une foutue erreur !
Samedi 15 février 2014
En tant que poète honnête -et non « honnête poète »- je ne me suis jamais donné le mal d'améliorer à part le langage d'une pensée qui manquait de sens. Pour moi le fond compte plus que la forme, et même il est seul à compter -comme méthode d'écriture c'est bien suffisant !
Venant après Rimbaud c'est aussi refuser l'évolution et laisser le champ libre à la concurrence. Et ils sont nombreux à essayer de sculpter, d'orfévrer, du néant ! Mais en cas de réussite de la gageure que j'ai choisie, je suis certain de les surpasser tous, et même leur modèle !
Vendredi 14 février 2014
Maintenant que tu es partie, les conversations, les échanges intellectuels que nous n'avons, toi et moi, jamais réussi à avoir, me manquent. Je les ai tellement attendus, voulus, imaginés, qu'ils paraissent avoir été réels quand je pense à toi, plus que tout le reste qui, avec le temps, s'est presque effacé, a presque disparu.
Jeudi 13 février 2014
Un grain de riz figure la multitude.
Mardi 11 février 2014
« A neuf ans il a assassiné son père en le poussant dans l'escalier de la cave, un escalier de pierre d'une vingtaine de marches, abrupt, rectiligne, pourvu d'une simple rambarde sur un côté. La chute dans le vide était inévitable et elle fut fatale comme il l'espérait. »
Voilà ce que l'on pourrait presque raconter de moi, tant la représentation fut soudaine et claire dans mon esprit alors que je regardais d'en bas mon père escalader les marches, une sorte d'hallucination ultime qui me secoua comme un événement réel.
C'était exactement comme si j'étais monté rapidement derrière lui, l'avais rejoint et précipité en bas sans hésiter. J'étais tout entier dans le désir de le voir tomber lourdement, sa personne exécrée, et mourir sur le coup !
Quelle haine formidable et pourtant combattue chaque jour, refoulée, devais-je alors éprouver à son encontre !
...
Ce souvenir explique, je pense, la bizarre assertion sur laquelle je butais depuis quelques temps au cours de mes introspections profondes sur le canapé, dans une demi-somnolence, entouré de mes chats pensifs qui m'escortent : « Tu es un assassin ! »...
Certes, je l'ai été vraiment en esprit et je l'avais oublié, la cause, à ce qu'il paraissait, de l'arrêt de mes progrès intérieurs...
Samedi 8 février 2014
Les marais salants de l'île de Ré où nous nous promenions seuls par un jour gris, l'océan sauvage omniprésent dans un paysage de préhistoire, les épaisses nuées de moustiques arrondies comme des buissons entre lesquels nous passions, c'était assez pour que je t'aie regardée et vue alors Eve immortelle et t'aime à jamais.
... ( Mais, pour être exact, je n'avais pas attendu l’île de Ré pour t'ériger un monument. Les érections, comme tu le sais, ça me connaît. De stèles, de totems, d’emblèmes, d'autels de campagne, etc., et la dévotion sentimentale qui va avec. Le boulot de création, quoi ! ... Mais en compensation mes sentiments n’appartiennent qu'à moi. J'en fais ce que je veux. Ils ne sont pas à ceux qui les déclenchent. )
Vendredi 7 février 2014
Il est plutôt étonnant d'apercevoir à Saint-Denis, cette ville de jamais et de nulle part, ou, si l'on veut être positif, de toujours et de partout, ce qui revient presque au même, des personnages balzaciens, c'est-à-dire d'une époque et d'une culture bien précises, qu'on aurait parié avoir disparus.
C'est le soir, tard, au moment des courses de dernière minute, au sortir de chez-moi : un notaire sénile, échalas voûté, chancelant, tout vêtu de noir, ressemblant à la Mort sans sa faux, et dépositaire à l'évidence d'horribles secrets, passe là, filtre un mauvais regard dans ma direction, puis disparaît comme il est venu.
Jeudi 6 février 2014
« Dépêchons ! dit-il, j'ai à faire.
Je dois recevoir une femme de meurtre et élucider un ménage ! »
Henri Brulard et Blaise Cendrars cherchent le pyromane.
Mes déboires conscients ont commencé le jour où j'ai refusé la venue du Christ.
J'avais à l'époque 22-23 ans et je séjournais depuis plusieurs mois à La Barbade, lieu de naissance de ma femme. Nous y avions abouti après nous être rencontrés en Grèce et avoir plus ou moins erré en France et en Angleterre, diverses péripéties que je raconterai peut-être à un autre moment.
Pierre, un ami de longue date, qui habitait au Colorado avec sa jeune épouse, m'avait rendu visite, apportant dans ses bagages une bouteille de vodka contenant quelques doses de L.S.D. Nous en prîmes un soir, dans la petite maison sur pilotis de Bathsheba devant l'océan et, lorsque je sus tout-à-coup sans le moindre doute qu'IL allait apparaître devant moi, éblouissant de lumière, je mis mentalement un genou à terre, baissai la tête, et déclarai que je n'en étais pas digne.
Je ne saurais dire combien de temps il me fallut ensuite pour reprendre conscience, debout sous l'auvent de la varangue dans la nuit noire tropicale intense, tandis que Pierre répétait mon nom, comme de très loin d'abord puis de plus en plus rapproché, jusqu'à ce que je comprenne enfin le sens des mots qu'il prononçait. Bouleversé, je n'avais aucune idée de ce qui s'était passé. Mes joues, à ce qu'il m'en souvient, ruisselaient de larmes.
Mardi 4 février 2014
A F.H
O Grand Dindonneau,
Depuis que tu diriges la basse-cour -j'allais dire : « présides aux destinées du pays »- j'apprends, passablement étonné, qu'il existe une catégorie de volaille d'une lâcheté si remarquable que la notion même en est dépassée et abolie, ne songeant qu'à tourner ses plumes afin de n'offrir aucune prise au vent et obtenir pour elle-même baumes et délices sans se soucier des conséquences pour les autres et que le statu quo ne change jamais, toutes apparences gardées, quitte à fusiller en sous-main Saint-Vincent de Paul, l'abbé Pierre, Soeur Sourire et Mère Térésa, tous les coqs chevaleresques, les poules compatissantes, qui rêvent de grain pour tout le monde et de bonheur généralisé.
Mais il y a plus étonnant que ton absence d'état d'âme, ou d'âme tout court, ton absence d'idées, de volonté, qu'on ne peut imaginer, étant « normal », qu'assortie d'efforts ingrats, de pénibles sacrifices, c'est la poursuite simultanée et comme innocente de tes passions privées, ce sont tes sorties incognito dans le poulailler en quête de pintades à suborner, autrement dit ton absence de conscience professionnelle et de scrupules, ton extraordinaire et scandaleuse impudence de Grand Chef Dindonneau !
Lundi 3 février 2014
Beauté des chats. Je les observe, immobiles près de moi, éclairés par un hivernal rayon de soleil, leur perfection... Ils sont sculptés.
Jeudi 30 janvier 2014
Quand quelqu'un comme Emmanuel Valls, ministre de l'Intérieur, ayant semble-t-il à sa disposition tout l'appareil d’État, entouré d'un parti, et de tous ses militants, parle de « combattre » (ce sont ses propres termes) un unique individu comme Dieudonné, simple humoriste, ne faisant pas état, que je sache, d'une quelconque appartenance politique et ne tenant que des discours souvent drôles et, quels que soient les sous-entendus qu'on puisse avec bonne ou mauvaise foi lui prêter, toujours savamment évasifs, n'y a-t-il pas quelque chose d'étrange, de disproportionné ?
Quelque chose de dérangeant et même d'inquiétant ?
Et lorsque ce même ministre de l'Intérieur, qui, par ailleurs, s'est distingué par son action concrète, violente, contre les résistants de Notre-Dame des Landes et contre les Roms, se trouve être par-dessus le marché un petit bonhomme bien peu séduisant, à l'expression haineuse et à la diction pénible, « homme de pouvoir » n'en détenant à l'évidence pas beaucoup sur le plan humain, comme dans le discours filmé où on le voit parmi ses pairs parler sur l'estrade du P.S. de « combattre ce Dieudonné », il est difficile de ne pas se sentir plutôt du côté de son adversaire.
J'ai horreur de prendre parti, mais ayant depuis toujours choisi de défendre les Indiens contre les cow-boys, j'ai envie de dire, qu'à choisir, je préfère, quel qu'il soit, et même j'aime Dieudonné !
Dimanche 26 janvier 2014
Les surdoués sont des gens qui sont un tout petit peu moins tombés de l'étoile, tombés en se faisant moins de mal, moins abîmés..., et le «génie» un peu du souvenir de la Connaissance.
Mercredi 21 janvier 2014
Prière pour entendre le Nil...
(je ne sais pas pourquoi je dis « entendre » et non pas « voir ». Peut-être à cause du bruit du radiateur près de moi ? Tout ce que j'écris là a surgi au réveil, les yeux à peine ouverts, sans que j'y aie jamais songé consciemment la veille ou les jours précédents. Très étrange.)
L'Egypte : quelle est l'identité sensible de ce pays, avec son extraordinaire et si particulière histoire ? Seulement celle d'un pays arabe, «contemporain», comme définie dans les médias, les journaux ?
Ici, où l'on vit dans le froid avec des meubles de fer et seul, on (je) n'en sait rien, on ne peut pas le savoir.
Je réalise que, dans mon enfance, à Paris 19e, à la fois l'Orient et le Sud, le Désert, les visages de Guerriers, se trouvaient littéralement sous mes pieds, dans le café «arabe» du rez-de-chaussée, proximité si inattendue qu'il ne venait à l'idée de personne autour de moi d'en prendre conscience de cette façon, encore moins d'en être heureux. Il était plus facile de tenter de la rejeter, de la mépriser, ce qui d'ailleurs était impossible, et ce pourquoi elle était souvent haïe (le problème de la plupart des hommes est de consentir à la richesse et à la puissance de l'Esprit, beaucoup trop grand pour eux).
Et ainsi, méconnue, l'immense et irréductible Réalité se montrait pressante, et moi, pris comme dans un tourbillon constant entre Elle et le conformisme médiocre du quartier, j'avais tendance à ne recueillir de moi-même, en contraste avec l'inertie officielle obligatoire, que l'image d'un agité. Inquiétude.
J'avais raison, il n'y a pas de vie ou de destin quelconque, et cela strictement, tout se passe ici et maintenant... ici, sur les rives du Nil.
Mercredi 21 janvier 2014
En exagérant à peine je dirais que le caractère illusoire du monde (avec le malaise insupportable qui s'y associe) m'a toujours sauté aux yeux.
Un enfant ne peut manquer d'en prendre conscience en observant le différend larvé qui existe inévitablement entre ses parents et qu'on y appelle l'amour.
L'Amour, se dit-il (car il y met une majuscule), consisterait-il en cette danse maladroite et circonspecte qu'ils exécutent le plus souvent pour éviter le conflit, ou bien ne serait-ce pas plutôt, idée qui surgit bizarrement dans mon et leurs esprits lorsqu'ils finissent par s'empoigner enfin férocement, s'insulter, se blesser comme pour se donner la mort, l'image de l'Amour véritable régnant ailleurs, dans un autre monde, un monde de paix où il n'y a pas de différence, et où leur rage et leur désespoir montrent à l'évidence qu'ils voudraient être, où ils essaient en se griffant, en s'étranglant, d'aller ?
Lundi 20 janvier 2014
Moi-même je me fous de ce que j'écris, c'est vrai, je m'en fous complètement. Alors, si vous vous en foutez, soyez certains que ça m'est égal.
Mais d'être aimé ou pas, non. Je n'écris que pour cela. Etre aimé de maman, d'abord, qui ne m'a jamais compris, tout lui expliquer. Puis ensuite, et désormais, de vous tous. Regardez, regardez-moi, constatez que je suis vraiment magnifique et irréprochable.
Mais le suis-je vraiment toujours, et complètement ? D'ailleurs, le serais-je que vous vous en foutriez, tout comme elle, vous êtes pareils. Nous sommes pareils!
La seule solution est de se retrousser les manches. Si je ne suis pas celui qui est aimé, je serai celui qui aime, c'est moi qui commence.
Etre aimé est secondaire.
Mardi 14 janvier 2014
On nous parle beaucoup en ce moment de « vie privée¹», de « respect de la vie privée », au sujet du président de la République, et l'unisson à ce sujet dans la classe politique pourrait être attendrissant s'il n'était pas indécent et vil, mais il me semble que le véritable problème consiste plutôt à déterminer s'il est acceptable par la nation que la vie privée d'un homme de soixante ans censé exercer les plus hautes responsabilités ressemble à celle d'un adolescent...
Cela mériterait d'être approfondi mais j'ai l'impression que le président de la République est un potache qui n'a jamais vraiment quitté l'ENA, une école qui, par ailleurs, ne mérite pas vraiment sa réputation...
1 Le respect de la vie privée consiste à ne pas regarder par le trou de la serrure, afin surtout d'éviter de voir des choses déjà peu intéressantes à contempler en elles-mêmes.
Mais de là à baisser pudiquement les yeux sur les dérives morales des grands de ce monde, à ignorer volontairement ce que, au sens «ancien», il est adéquat d'appeler leur «imbécillité», il y a un abîme !
Pour être horrible, il faut avoir fréquenté l'horreur personnellement. (C'est d'ailleurs pour cela que les méchants sont au sens strict pitoyables). Nicolas Bedos peut aller très loin dans l'inconséquence, qu'il va chercher évidemment dans l'héritage de son père, et être étonnant dans l'excès, mais il reste un bourgeois qui n'a jamais morflé. Une chose qu'il n'a pas comprise : la quenelle n'est pas faite pour se salir soi-même. La sienne, ridicule, a consisté à plonger son bras dans la merde, et là il rate son coup.
Lundi 13 janvier 2014
Je commence à apercevoir que, quelque forme que ma vie aurait pu prendre, je n'en serais pas plus satisfait aujourd'hui que de celle, ratée à l'évidence (cet échec perdant heureusement à mes yeux de plus en plus d'importance), qu'elle a prise. Parce que ce ne sont pas tout-à-fait les moyens d'existence, confortable ou pénible, ici ou là, qui comptent réellement pour moi, mais ce que je suis devenu intrinsèquement, ce que je devrais « être ». D'ailleurs, à aucun moment, surtout quand j'étais enfant, je ne pensais aux aspects que ma vie revêtirait, mais plutôt à sa substance, au degré d'excellence que je devais atteindre, à mon mérite futur, accompagné, je dois l'avouer, des honneurs que je ne pourrais pas manquer de recevoir, comme si, bien que j'aie été presque toujours certain de réussir, j'avais quelque chose à faire absoudre, à me faire pardonner ...
Mais quoi ? Cela a été longtemps l'unique question.
Dimanche 12 janvier 2014
-« La vie que tu as ne me convient pas, j'en cherche une autre ! »
-« ?… »
-« D'ailleurs, elle ne te convient pas non plus, n'est-ce pas ? Sinon
A boirais-tu comme un trou ?
B Fumerais-tu comme un sapeur ?
C Conduirais-tu comme un fou ? Trop vite. Trop lentement.
D Frauderais-tu le fisc ?
E Divorcerais-tu ?...
F Te remarierais-tu ?
...
Z Et enfin mourrais ? »
Mardi 7 janvier 2014
Réfléchir à et sur ma réflexion tout en me la récitant, en me l'épelant intérieurement, persuadé que la simple pensée éclose spontanément et pure (et plus juste évidemment) ne pouvait suffire dans le cas d'un égaré comme moi, était le minimum que je m'imposais, un travail insensé et criminel comparable à celui de ces africaines qui s'étirent le cou en hauteur avec des anneaux, le mien -de cou- étant, par-dessus le marché, vrillé, tourné sur lui-même, torsadé.
Si déglutir était impossible, le temps lui-même, devenu objet d'expériences, ne passait plus, il n'était d'emblée que macération.
J'ai perdu ainsi de belles années qui auraient pu sans doute être meilleures, mais dont il m'arrive heureusement en me détortillant de récupérer la charge vitale en partie intacte, réparatrice, inespérée et précieuse, et d'espérer à nouveau, avec la grâce et l'amour de Dieu !
Samedi 4 janvier 2014
J'ai été aimé de la déesse Parvati, à la peau blanche et à la beauté légendaire, la Montagnarde, appelée aussi Umâ la Lumière, et nous avons été heureux. J'étais un prince indien, moi-même d'une grande beauté, vêtu d'un pagne et d'un turban d'argent, une grande lame courbe à la ceinture...
Que cela soit vrai ou faux n'a aucune importance. C'est le rêve que je faisais sans le savoir et que j'aurais voulu voir devenir concret. Je ne sais comment l'expliquer, mais quoi qu'il se soit passé effectivement, blessures, douleur, angoisses, désespoir, je comprends à présent qu'il n'y a pas eu d'échec, j'ai eu ce que je désirais.
Avoir des regrets serait continuer à rêver...
Mercredi 1er janvier 2014
L'influence américaine s'exerce insidieusement partout jusque sur notre image de la société, que nous pouvons imaginer de mieux en mieux, souvent inconsciemment, devenir ici en France identique à la leur, c'est-à-dire malheureusement un grand n'importe quoi dominé par l'argent (un simple consensus, un statu quo sans structure, sans but¹, en attendant mieux) ! Tous les ingrédients sont là (Beaucoup de gens déracinés qui ont peu d'exigences particulières, presque toujours irréalistes, et ceux pour les exploiter qui n'ont pas de scrupules...) ! Et ce que l'esprit admet finit par arriver !
¹ Avant il semblait qu'il y en avait un, de but. Un but résultant d'une histoire qui paraissait (à tort) humaine et cohérente, celle du progrès, non pas matériel mais moral de l'humanité, un but qui est censé avoir été atteint par la démocratie et ses divers appendices, ONU, OMS, ONGs, etc., etc., etc., dans tous les discours vains prononcés chaque jour sur des monceaux de cadavres frais...
Samedi 28 décembre 2013
Quand quelqu'un me dit comme c'est arrivé dernièrement : « Je suis agnostique », j'affecte de ne pas avoir entendu, je fais de mon mieux pour ignorer la remarque, et, à chaque fois (heureusement ce n'est pas tous les jours) je réussis parce que ma réaction est naturelle, c'est-à-dire spontanée, pour au moins deux raisons.
La première est que je ne comprends pas le mot, il est trop savant pour moi.
La deuxième, plus importante, est que je connais aussitôt, avec la plus brûlante intensité, qu'il est impossible sans se tromper de se définir ainsi soi-même, de s'affubler d'un vocable aussi disgracieux, prétentieux, et totalement dénué de sens.
Car, pour se dire « agnostique », ne faut-il pas se représenter son contraire d'une manière ou d'une autre, évoquer hypothétiquement l'absolu qu'on récuse, le concevoir avec plus ou moins de précision, et, en quelque sorte, l'atteindre au moins un instant ?
Et ensuite on ferait un choix comme pour un parti politique ?
Mais croire exister n'est pas une affaire de volonté.
...
(Donc, mon cher X., arrête de dire ça, à moins que tu puisses ajouter logiquement derrière : « ... J'ai des actions en Bourse et je vis de mes rentes. »)
Mercredi 25 décembre 2013
Croyez-le ou non, la pureté héroïque a été ma voie dans mon enfance. C'est un peu claironnant comme affirmation, je le concède, mais c'est vrai. Songez, ce n'est pas rare, à tous les enfants farouches, les poings serrés, qui s'embarquent dans la même aventure...
Par bonheur, je me déprends aujourd'hui des erreurs qu'elle m'avait fait commettre, je reviens doucement du repaire escarpé où elle m'avait conduit.
Mardi 24 décembre 2013
Tout jeune, mais doté d'une certaine intuition, j'avais deviné que la vie de tout le monde, une vie ayant pour unique boussole le hasard, une vie sans justification, allait s'accompagner inévitablement de profondes souffrances, aussi je m'empressai de m'inventer une vocation !
Celle d'artiste, de poète, présentait l'avantage que les dites souffrances, si je devais quand même en rencontrer, serviraient peut-être à enluminer l’œuvre, et à faire briller d'un lustre particulier l'aura de l'auteur.
J'avais raison sur deux points : 1/ la fatalité de la souffrance, 2/ son inutilité.
Aujourd'hui je sais que la Vérité avait bien murmuré à mon oreille, car nous sommes tous, à n'en pas douter, les dépositaires d'une vocation qui réclame de s'extraire de la souffrance, de s'en libérer, et ce que nous appelons la « foi » consiste entre autres choses à le croire réellement possible.
Dimanche 22 décembre 2013
L'Homme est un être de lumière, magnifique, fastueux, capable de se rendre lui-même misérable, par exemple en aimant sa moquette autant sinon plus que son chat, ce qui en cas de conflit entre l'une et l'autre le met en général dans une grande colère.
Le chat ne comprendra jamais le message que véhicule la colère. Il est tout bonnement terrorisé, et si cela se renouvelle se recroquevillera à l'intérieur et deviendra laid et pitoyable, augmentant ainsi involontairement la propension de l'être de lumière à se sentir misérable, un cercle vicieux qui peut conduire au spectacle navrant que nous offre la vie quotidienne de la plupart des êtres humains (qui ont oublié qu'ils sont des êtres de lumière).
Donc renoncez, ou à la moquette, ou au chat, ou encore, si vous voulez conserver les deux, apprenez à exprimer vos sentiments de manière candide et spontanée en vous exclamant simplement en cas de dégât sur la moquette : « Pauvre, pauvre de moi ! » et en versant une larme, ce que le chat, s'il en est témoin, comprendra très bien et qu'il s'efforcera de vous éviter de son mieux à l'avenir.
Je ne plaisante pas. Je l'ai expérimenté un certain nombre de fois. Les chats nous aiment et ne veulent pas nous faire de la peine.
Bien sûr, se retrouver dans cette position d'infériorité, ou au mieux d'égalité, face à son chat, n'est pas flatteur. L'être de lumière que je suis, que vous êtes, aura plutôt à cœur de mépriser la moquette quoi qu'il arrive et de combler d'amour le vivant !
Samedi 21 décembre 2013
Il est idiot, comme je le fais, de diversifier sa propre image, de la compliquer au point que le lecteur n'arrive plus à s'y reconnaître, se sent bousculé, pris constamment à contre-pied, et s'en lasse. En même temps, comme l'avait très bien compris Céline, il n'existe pas de grand écrivain, au regard du public et de la postérité, sans quelque chose d'incompréhensible, d'irréductible, voire d'inquiétant, de tragique.
La recette, qu'il accuse Jean-Paul Sartre, « l'agité du bocal », d'avoir utilisée sciemment, lui était personnellement indispensable. Sans l'ombre des pamphlets, sans la caricature de l'auteur dans leur maléfique miroir, que resterait-il du reste de l'oeuvre unanimement reçue et applaudie dès sa parution, plus divertissante que cruelle, plus sympathique que dérangeante, un accueil auquel probablement il ne s'attendait pas et qui l'avait dépité.
Dans l'extraordinaire, l'admirable Saint Jean L'Evangéliste du Gréco, l'un de mes trois ou quatre peintres préférés, et cela ne me fera toujours pas changer d'avis, les doigts de la main qui tient le fantastique calice ressemblent à des anchois !
A la fin la bête du Gévaudan finit quand même par perdre les siennes.
Samedi 7 décembre 2013
Le Malheur et sa cause secrète
Est une douteuse splendeur
Dont beaucoup se parent
Qui feraient mieux d'en revenir
Sinon la fin prévisible
Est la Mort.
Mercredi 4 décembre 2013
Ici, la culture nous fait un devoir d'exister indépendamment de tout et de tous, avec notre fameux libre-arbitre, notre raison cartésienne, nos droits de l'homme, notre indépendance d'esprit, notre liberté, etc., bref d'être autiste, tandis qu'en réalité la plupart des gens, agglutinés les uns aux autres, organisés en bancs comme des petits poissons, en escadrilles comme des petits oiseaux, en troupeaux comme des moutons, en armées comme des soldats, en gouttes d'eau dans un lac, une mer ou un océan, ne cessent d'aller et de venir en masse, de suivre en foule des courants inexplicables qui les conduisent où ils ne voudraient pas se rendre, constamment influencés, dirigés, obéissants et inconscients !
Et ma pomme, je comprends enfin aujourd'hui pourquoi j'ai toujours «eu peur de tout», quoique sans accepter de le reconnaître sauf parfois depuis le diagnostic de ma psy, un constat énoncé d'ailleurs pratiquement d'emblée, je me le rappelle, mais plutôt pour me consoler, avec une légère touche de compassion, en fait une elliptique et rassurante explication...
Car, pouvait-il en être autrement d'un individu qui n'avait jamais choisi de camp ! Qui ne pouvait pas adhérer à ce qu'il voyait à l'extérieur et qui continuait à croire possible d'être indépendant, de trouver son chemin tout seul !
Que de pièges, que de sortilèges, dehors comme dedans ! Je devais me méfier de tout ! Je me croyais menacé de partout ! Et plus le temps passait plus c'était difficile. Les anciens recours devenaient à leur tour des menaces.
…...............
Dimanche 1er décembre 2013
Il est assez difficile de comprendre qu'on a aimé quelqu'un d'un amour intense, attentif, constant, complet et fidèle, sans que cela intervienne en quelque façon dans son existence, le console, le soutienne, lui devienne sinon indispensable du moins un peu précieux, un peu cher.
Et bien, voilà, c'est mon destin, c'est ce que je connais depuis toujours, depuis ma mère, et qui s'est reproduit avec toutes les femmes que j'ai aimées.
Je me réveille à l'instant d'un rêve, je parle d'un vrai rêve que l'on fait en dormant, dans lequel je revivais cette souffrance avec le dernier de mes bourreaux, une exquise créature pacifique et charmante, qui, pas plus que les autres, ne semble avoir gardé la moindre trace de mon passage, le plus petit souvenir, la moindre émotion, alors que je ne rêvais que d'elle, la sublimais, l'encensais, l'entourais de mes attentions, la vénérais, la chérissais, lui rendais un vrai culte avoué, comme à un dieu véritable.
Je n'évoque pas là un amour platonique, des fantasmes, des imaginations, mais bien la vie réelle, la promiscuité physique permanente, d'innombrables moments d'aveux, de confidences, et des étreintes, la passion, les sentiments appliqués.
A ce stade, j'en suis sûr, vous m'imaginez comme un parfait imbécile et vous supposez logiquement que j'ai mérité, à cause de ma bêtise, ce qui m'arrive.
Mais vous vous trompez.
Je suis sentimental, certes, mais je ne suis pas un con ! Je n'ai jamais bavé, la larme à l’œil, en regardant avec des yeux de veau, celle que j'aimais !
Enfin, quoique... parce que J. m'a bien dit une fois que j'étais «gnangnan». Je ne l'ai pas oublié bien qu'elle m'ait plus souvent traité de salaud. Mais durant dix ans il peut arriver bien des choses. Difficile ensuite de savoir.
N., la petite dernière, que j'évoquai à l'instant plus haut, me disait que j'étais dur. Bah oui. Je crois que cela veut dire exact, scrupuleux, aimant la vérité, peut-être aussi un peu inquiet et malheureux.
En tout cas pas le crétin de service, l'amoureux transi, le benêt, le cocu !
Il n'empêche pourtant que l'histoire finie, la page pour elles se tourne, et ne veut jamais être relue.
Tandis que moi, si je ne peux pas en remettre un coup, je ne suis jamais loin de jeter, et moi avec, tout le livre !
Vendredi 22 novembre 2013
Je croyais que j'avais un ego démesuré -nul doute que vous ne puissiez me suivre jusque-là- mais du genre qui s'avoue rarement : « Je suis Dieu ! », et ce depuis l'enfance, depuis un âge à un seul tout petit chiffre où l'on ne risque pas d'être accusé d'y trouver un intérêt quelconque, ou d'y mettre de la perversité, l'âge de l'innocence, et c'est surtout cette pureté dans ma conviction qui était perturbante lorsque j'y réfléchissais ; son naturel, son authenticité n'en étaient pas contestables. Je me souviens de la lutte constante, une lutte douloureuse et poignante, jadis dans ma famille, pour imposer qu'on me respectât suffisamment, pour ne pas brader ma dignité, pour garder ce qui était inséparable de mon sentiment d'exister.
Je l'ai déjà écrit quelque part : je suis resté assez froid, plutôt distant, en regardant le film « Le Cercle des Poètes Disparus », une histoire qui ne signifie rien pour moi, car je n'ai jamais rien sacrifié, rien perdu d'essentiel.
Mais que d'étirements, de nœuds, de complications, qui m'ont handicapé, rendu inquiet, précaire, secret, jusqu'à maintenant où il m'est rappelé opportunément que, créés à l'image de Dieu, c'est-à-dire émanant de Son Esprit, il n'y a que Son Antériorité et ce qu'Elle implique qui est différent mais que notre vérité, notre réalité, est La Sienne dans la Filiation tout entière assumée.
Jeudi 21 novembre 2013
Je suis quelqu'un de tranchant, d'expéditif, et même parfois d'absolu, et j'ai beaucoup de mal à comprendre la complexité humaine, l'aspect systématiquement contradictoire des personnalités. En particulier je m'étonne toujours, étant donné l'idiotie et la perversité générales, que mes semblables arrivent à former des phrases, s'expriment autrement que par des borborygmes, des grognements, des onomatopées, au point que j'en arrive parfois à me demander si le langage, au lieu d'être comme une œuvre d'art un moyen de révéler son âme, n'est pas au contraire un masque, un écran, une duperie.
Evidemment une étude simple permet de déceler le manque d'authenticité, la tentative d'escroquerie, le plagiat, le faux. Mais où vont-ils chercher toute cette science, cette rouerie, et au prix de quels efforts ? Avec moitié moins d'énergie ils auraient pu prendre le raccourci de la franchise, du courage moral, et se payer un vrai visage, dont la vérité est le premier attrait, ce que manifestement ils ignorent.
Mercredi 13 novembre 2013
Il faut bien finir par convenir qu'il existe un autre ordre de grandeur, une autre réalité, que celle dans laquelle la personne que j'aimais le plus au monde, intelligente, bonne et sage, admirait sans restriction quelqu'un qui, à mes yeux, en était l'exact opposé ou presque, opinion que quantité de gens partageaient sans discuter mais que, sans que pourtant elle s'en offusquât, je ne parvenais pas à lui faire admettre.
En l’occurrence, c'est parce que dans le Royaume de Lumière, dans cette somptueuse Voie Lactée où chaque individu vivant est une étoile, les contradictions n'existent pas, ma prétendue lucidité est inutile, et que mon amour innocent voit mieux que moi.
Jeudi 7 novembre 2013
Les chats sont des êtres qu'on a envie de classer dans une catégorie imaginaire, comme les elfes, les kobolds, les fées, les petits dieux de la nature, nymphes, satyres, esprits, parce qu'ils ont une personnalité dont la composante spirituelle est indéniable. Voyez leurs sentiments, la tendresse, la délicatesse, les scrupules, dont ils peuvent faire preuve, d'autant plus révélés que le sont les nôtres envers eux, et l'amour dont ils peuvent, quand nous le partageons, nous récompenser.
Au fond c'est notre idée de l'animal qui est en cause, idée fausse héritée peut-être d'un cartésianisme inconscient, ou tout simplement de cette prétention imbécile et égoïste de l'homme à être autre chose qu'une simple "bête" et qui lui fait mépriser les espèces « inférieures » tout en se rabaissant ainsi lui-même sans le savoir.
Si nous nous considérions comme des enfants de Dieu pétris plus de lumière que de boue, nous ne saurions passer à côté de cette évidence : que tous les êtres vivants, à cet égard, et logiquement, nous ressemblent.
Dimanche 3 novembre 2013
Celui qui «se foutait de tout»
Souvenez-vous de moi jadis quand «je me foutais de tout» et que je croyais, sans doute un peu à tort, que cela horripilait le monde. Je me foutais de tout parce que je n'aime que la grandeur, pas la médiocrité, et que la grandeur on ne la rencontre pour ainsi dire jamais.
Puis j'ai fini par trouver quelqu'un qui me paraissait l'incarner et j'ai commencé à croire que moi, qui me foutais de tout, je t'horripilais toi, qui ne te foutais de rien.
Je me crus obligé de me sentir coupable de mes erreurs à ton égard, ce qui me persuada peu à peu que j'avais tort de me foutre de tout.
Et pour y pallier, croyant bien faire, j'ouvris ainsi ma porte à la médiocrité, qui, Dieu merci, n'entra pas beaucoup, pas longtemps, tout simplement parce que je ne l'aime pas. Je suis seulement tombé malade, c'est-à-dire doublement, puisque j'étais déjà censé l'être...
Aujourd'hui, toutes erreurs confondues, je me sens redevenir un peu celui qui se fout de tout, ce qui me paraît de bon augure. Et je devine qu'il faut probablement (puisque aussi Il me le dit) aller plus loin, pardonner tout et aimer tout...
Lundi 28 octobre 2013
Jusqu'à ce que j’atterrisse en banlieue, en 1990, je me croyais « de Paris », parisien, parigot, comme dans l'Antiquité on était d'Athènes, la capitale des arts et de la culture, de l'intelligence et du goût, et plus encore que d'y appartenir n'y étais-je pas né, en quelque sorte un héritier de droit divin en raison de ma grande valeur ?...
-« Parisien tête de chien, parigot tête de veau ! »- avait été encore, malgré les apparences, un hommage déguisé, pudique, que j'avais su accepter dans les formes requises, plus ou moins courageusement, loyalement, en me colletant comme un chiffonnier, à une certaine époque de mon enfance, avec ceux qui me l'avaient adressé.
Mais la dépression, dont l'aboutissement involontaire fut l'exil jusqu'à aujourd'hui en la Zone de Sécurité Prioritaire que j'évoquai plus haut, mit lentement à bas ma superbe, et je me sentis obligé de réfléchir au bien-fondé de ma conviction, blessé par la vulgarité générale, humilié par ma déchéance, en constatant qu'autour de moi personne ne paraissait souffrir comme je le faisais, privé des richesses intellectuelles que Paris offre à tous les coins de rue...
Vendredi 25 octobre 2013
Si les Dieux (qui, heureusement, n'existent pas) voulait faire souffrir un humain au-delà de toute mesure, ils lui octroieraient la sagesse assortie de l'incapacité d'en avoir conscience, de s'en rendre compte, et le pauvre malheureux accablé de doutes et de scrupules finirait par se croire aussi fou que ses semblables pourtant beaucoup plus fous que lui et tout aussi malheureux, mais convaincus, eux, d'avoir raison.
Mercredi 23 octobre 2013
Dans les métiers créatifs on vous qualifie, dans la majorité des cas, ouvertement de « professionnel » (censé être un compliment) quand vous vous efforcez obstinément d'acquérir du talent sans y parvenir, et, dans votre dos, de « dilettante » (une insulte) si vous en déployez remarquablement sans verser de sueur.
Lundi 21 octobre 2013
Si je dis que j'ai péché contre l'Amour, à deux ans, en refoulant avec violence celui que je portais à ma mère et, à travers elle, à la Vie elle-même, qui devint dès lors l'Ennemie, pour des raisons tenant sans doute à la « nature » humaine et qui ne sont pas si condamnables, l'incompréhension, le dépit, la peur, le désespoir, mais des raisons assurément déplorables, seuls quelques connaisseurs comprendront de quelle épouvantable tragédie il a pu s'agir et quelles souffrances non seulement personnelles mais étendues à l'entourage furent ainsi engendrées, tandis que les autres préféreront un récit plus intéressant comme celui -pure allégorie, bien sûr- de ma chute pratiquement inévitable dans le hachoir industriel d'une usine d'aliments pour animaux et le triste résultat, l'alarme et la coupure de sécurité s'étant par bonheur déclenchées, d'une existence ultérieure d'homme-tronc hideux, couvert de cicatrices, pleine d'amertume et de rancoeur.
Élucidés, les événements les plus importants d'une existence manquent de pittoresque en eux-mêmes, même s'ils en furent entourés, comme c'est souvent le cas car le comportement des adultes est stupide, incontrôlé, démentiel, et pour cause, et offre du romanesque, mais le massacre et le malheur des enfants sont simples et passent inaperçus.
Lundi 14 octobre 2013
2 (Le bacille de Lecoq)
Dans l'univers de Lecoq, pour résumer « on ne rigolait pas », au sens propre comme au figuré. On y jouait son rôle pour de vrai, si j'ose dire, on ne faisait pas semblant, et la phtisie forcément galopait, et Zola gardait la forme.
Je me souviens d'un immeuble de la rue de Meaux, entre Armand Carrel et Secrétan, une « cité » avant l'heure quoique sans conscience, qui ressemblait à une montagne de troglodytes, un ténébreux madrépore, une grosse roue de fromage dévorée par les asticots, un univers creusé d'innombrables cellules, une espèce d'organe géant bien spongieux comme un tas de poumons alvéolés sur une table de dissection ayant cessé depuis longtemps de respirer.
C'est là que la famille Lecoq était terrée, je dis bien, sur des paillasses au ras du sol, incapables de se relever, la promiscuité les forçant à ramper. D'ailleurs on ne pénétrait pas chez eux normalement, on arrivait en s'échouant, guidé par le petit poisson pilote, et d'emblée, à hauteur d'homme, on ne pouvait pas les voir, c'était sombre aussi, on les découvrait par terre.
Si vous vous rappelez que j'étais encore un enfant vous vous représenterez bien qu'ils devaient être assez bas pour me fournir cette impression, moi qui devait mesurer autour d'un mètre trente.
Ils étaient amoncelés sur des nattes, moitié joviaux moitié méfiants, presque innombrables en apparence, soudés les uns aux autres, presque confondus, organisés en grappe, en colonie, en grouillement symbiotique.
Quand je le rencontrai pour la première fois le padre tenait une place centrale, adossé au mur, accoté à des formes féminines, épouses, filles, maîtresses, sans qu'on sache, et me hélant un bras levé, mais pas toute sa personne, l'autre fiché obliquement dans le sol comme appui.
J'eus un peu peur je dois le confesser.
Sorti de là sain et sauf et ayant retrouvé l'espace de la rue je compris rapidement l'excuse que pourrait présenter, si besoin était, le petit Lecoq au Jugement Dernier. Qui, du tribunal de la multitude, si tribunal il y avait, oserait en effet, ce jour-là, faire grief à cet enfant de ses vindicatifs crachats ?
Et je compris aussi que si multitude il y avait, alors elle était aussi également sa famille, c'est-à-dire comme lui à la fois la cause et la victime de son péché. Ce n'était donc en rien pour lui un problème, et encore moins pour moi qui m'était déjà détaché, je m'en rendais bien compte, là dans la rue, avec la belle lumière de ce début de soir d'été... moi qui déjà depuis bien longtemps, si tant est que j'y eusse jamais appartenu, n'en faisait plus partie.
Mardi 8 octobre 2013
1 Obscur et sans grade
Ce n’est pas contrevenir à la véracité des faits que de déclarer pompeusement que Lecoq fut un de mes « condisciples », quoique cela se passait à l’âge des culottes courtes, quand des termes comme celui-là ne revêtaient pas le moindre sens, je devais avoir huit ou neuf ans…
Lecoq fut mon expérience du monde de la crapulerie, des voyous, des marginaux (qui sont la majorité), des (vrais) laissés-pour-compte, avec lesquels je n’ai jamais eu beaucoup d’affinités, mais je devrais peut-être dire simplement « les hommes », les humains, ceux qui n’ont pas la moindre étincelle dans leur conscience leur indiquant qu’ils sont les enfants de Dieu.
A huit ou neuf ans j’étais à la fois plein de curiosité et d’amour et c’est ce qui m’amena à me rapprocher de ce condisciple bien obscur, peu attirant, qui subsistait en queue de peloton, farouchement campé sur ses positions et ne demandant rien à personne. En apparence il n’était guère sociable et pourtant nous devînmes immédiatement copains, sans restriction, sans hypocrisie.
En fait, comme je le découvris par la suite, il n’avait aucun lien avec quiconque en dehors de sa famille et il ne demandait que cela.
Le rapprochement se produisit à la cantine de l’école un jour où je me portai volontaire pour l’aider, lui qui avait été chargé –à titre de punition- de faire le service, ou plutôt le transport des plats, de la cuisine aux tables, et des tables aux cuisines, en l’absence de la personne chargée de ce travail habituellement. Je partis avec lui, nous empoignâmes chacun une anse d’une grande gamelle, et, dans le couloir, Lecoq me demanda de m’arrêter pour poser notre charge par terre –j’étais en train de supposer qu’il voulait changer de prise mais il se racla la gorge et cracha dans le plat consciencieusement !
Quelqu’un d’autre se fût peut-être indigné, ou serait devenu immédiatement complice, mais, passé la surprise, ma seule réaction fut de me demander avec une grande intensité « pourquoi ? » Je restai donc muet, nous reprîmes chacun notre anse, et, après avoir passé la porte du réfectoire, nous déposâmes le plat sur une table.
Deuxième transport, même scénario, et je ne réagis pas davantage. Enfin je posai ma question qui aurait dû être : « Pourquoi craches-tu dans les plats que vont manger des gens qui ne t’ont rien fait ? » mais je me contentai de dire : « Pourquoi tu craches ? »
Et, comme je l’avais déjà un peu deviné mais sans en pénétrer le mystère, il m’expliqua tout simplement qu’il se vengeait d’avoir été puni.
Ce n’est que soixante ans après ces événements que cette réponse me satisfait enfin. En effet, depuis, j’ai eu largement le temps de constater que la folie et non la raison prévaut dans l’âme de mes semblables et je ne suis plus étonné.
Comme Lecoq, un nombre incalculable d’individus commet le mal, ou, en tous cas, des actes qu’ils souhaitent préjudiciables aux autres, afin de calmer leur haine et leur rancœur, sans se soucier de la moindre logique pourvu qu’ils se sentent assouvis. Cela devient machinal, comme une sorte de réflexe, une habitude qu’eux-mêmes seraient bien en peine de justifier. Et je pense aussi que ce principe peut s’appliquer à d’autres agissements moins caractéristiques qui, comme ce qu’avait fait jadis Lecoq, sont parfois très surprenants.
Si l’on dit que « les desseins de Dieu sont impénétrables » c’est sans doute beaucoup à cause de cet écran de fumée, que dis-je, de ce mur opaque, gigantesque, que nous, les hommes, produisons devant la réalité, et c’est notre propre dérèglement qui nous empêche de voir la simple évidence, la beauté et la grandeur, de la Création.
Mercredi 2 octobre 2013
En apparence je suis à Saint-Denis depuis 1990, après avoir quitté Montmartre, le XVIIIe arrondissement, rien que de normal après tout, mais, si je me fie à mes impressions, je n’ai pas cessé en réalité de parcourir des souterrains de plus en plus obscurs et rétrécis, de monter et de descendre des escaliers comme des écluses pour passer de l’un à l’autre, un long parcours pénible, accompli modestement, le dos voûté, qui se termine à présent au terme d'une banale promenade, soit vingt-trois ans plus tard, dans l'appartement que je loue, où, redressé enfin, tout ce que je regarde me paraît presque inconnu, étranger...
Réveil.
Ce n’est qu’une impression, certes, mais quand même…
Bon, l’essentiel était d’en sortir.
Lundi 30 septembre 2013
Le chat est un chasseur crépusculaire, et le moment qu’on a baptisé de si belle façon « entre chien et loup » est tout bonnement celui du chat, lui appartient : le crépuscule.
Au nombre de deux, celui du matin et celui du soir, c’est la zone tampon, le corridor désert, la couronne ôtée et remise.
Passation des pouvoirs, expiration et nouveau sacre, l’entrechat du chat.
Dimanche 29 septembre 2013
Je me faisais une idée assez précise du monde : il consistait en un immense labyrinthe plutôt ignoble, encombré d’imbéciles et malaisé, hérissé çà et là de mâts de cocagne impossibles à escalader (de métal aux aspérités coupantes et empoisonnées) qui n’étaient évidemment que des leurres procurant toutefois l’occasion de penser à « autre chose »…
Etait-ce de la folie que d’espérer pouvoir en sortir ? Là était toute la question, qui me turlupinait depuis toujours.
En même temps j’imaginais qu’une espèce de panthropie –simple retour à la normale indispensable en pareille situation- pouvait déboucher, comme dans une nouvelle de Clifford D. Simak*, sur la découverte inattendue, derrière l’enfer qui s’offrait à ma vue, d’un paradis ésotérique réservé aux plus audacieux, aux gens de foi prêts à tout.
L’illumination logique, naturelle, des boddhisatvas, de Bouddha ? Le tant désiré royaume de Dieu du Christ ?
* « Les Déserteurs » (« Demain les Chiens »).
Mercredi 25 septembre 2013
Je crois me souvenir d’une sorte d’adieu tragique que j’ai adressé jadis à la Grèce, à ce que j’avais découvert pouvoir être en Crète, à ce que j’avais été, un de ces sentiments ambivalents comme ce que l’on éprouve en pleine bataille, quand la victoire est toute proche mais qu’on sait que pour l’obtenir il faut mourir.
J’étais avec L., et la route pierreuse –plutôt une très large piste rayonnant de soleil- tournait au sommet d’un promontoire en offrant sur presque 360° le panorama splendide de la mer. Il n’y avait là que des cailloux blancs et la vaporisation bleue du ciel et des vagues, un éblouissement magique qui, dans la fournaise du soleil, ressemblait à une sorte d’extase. Nous étions sortis de la voiture et j’eus la certitude que je ne pourrais plus jamais retrouver aussi pure l’âme de ce pays, en tout cas jamais aussi exaltante et belle, et que je vivais un moment extraordinaire, mais aussi, comme si les deux choses étaient liées et inséparables, que j’allai bientôt perdre l’amour de la femme sans laquelle je ne pouvais vivre.
Ce lieu était non seulement une perfection matérielle, une épure, mais aussi un paroxysme du temps, un impossible seuil d’éternité entre le passé et l’avenir permettant de contempler simultanément les deux.
Nous fîmes quelque pas à droite et à gauche, sur la caillasse brûlante, dans la lumière sublime, seuls l’un et l’autre comme dans une arène. J’étais confus, perplexe, et incapable de m’expliquer pourquoi. Il y avait là en somme tout et rien : le silence, la solitude, une vision extatique et l’éternité, rien de compréhensible.
Je ne sais pas ce que pensa L., si elle ressentit la même chose ? Peut-être que pour elle tout était simple ? Peut-être avait-elle déjà tout simplement décidé de me quitter ?
Dimanche 22 septembre 2013
Vous êtes-vous jamais vu soudainement dans les yeux d’autrui comme un diable, un épouvantable démon, et cela à sept ans, comme moi ? Quelqu’un de véritablement mauvais, d’horrible et d’effrayant ? Et, par-dessus le marché, dans les yeux d’un autrui que vous aimiez et respectiez, comme monsieur K., mon second et meilleur père ?
Peu importe l’acte que je venais de commettre en toute innocence, le pire est aussi que je croyais bien faire !
Difficile ensuite de conserver un peu de spontanéité et surtout de ne pas réprimer plus ou moins ses meilleurs penchants.
Depuis qu’ils sont avec moi, je ne vois pas mes chats devenir plus sages -tant pis pour cette ambiguité de langage qui ne leur rend pas justice-.
Chaque fois qu’ils me font comprendre qu’ils ont faim (de nouveauté surtout, parce que l’écuelle de croquettes de secours, quoi qu’il arrive, n’est jamais vide), toute ébauche de mouvement de ma part en direction de la cuisine est accueillie par eux comme un signal positif, et rien ne les décourage, ni l’espoir déçu, ni le temps qui s’écoule.
Que ne sommes-nous semblables à eux pour garder la foi en Dieu (et en soi-même) et refuser d’être intelligent !
J'appartiens à la race impie des écrivains qui se disputent, se jalousent, s'envient, se haïssent et se mangent entre eux. Et cela d'ailleurs à juste titre, car leur existence est peu probable et incertaine, et leurs oeuvres impalpables, indéfinies, aléatoires. Les moins innocents le savent bien puisqu’ils acceptent des séances de « signature » pour prouver qu'ils existent et que s’en persuadent ceux de leurs lecteurs qui pourraient en douter.
Tous, sauf exception comme Henri Michaux, mais c’était un poète, un des meilleurs, pas un écrivain, ne rêvent que d’être édités à des millions d’exemplaires, dans des collections bon marché, pour toucher tout le monde, même les analphabètes.
Il y a bien peu d’objectivité dans nos constats et dans nos conclusions. Alors que je voyais depuis des années la Création comme empoisonnée par la présence de l’Homme (il y a évidemment de quoi…), je la conçois avec surprise aujourd’hui comme dans mon enfance, symptôme probable de ma propre régénération, couronnée et illuminée par la même présence.
Jeudi 12 septembre 2013
Dans certains pays, vous pouvez habiter dans le complexe résidentiel le plus huppé, le plus cher (je me souviens à Knightsbridge d’un grand jardin de cloître que l’on découvrait après avoir franchi le vestibule digicodé solennel et feutré, et de ces entrées élégantes d’appartements de grand luxe, espacées sous le magnifique péristyle) tout paraît insignifiant, quelconque, quand ce n’est pas triste, lamentable, simplement à cause du climat, presque toujours froid, pluvieux, sévissant comme une malédiction.
Ce n’est qu’aujourd’hui que je profite enfin de ces impressions, diluées à l’époque dans la grisaille humide d’un affreux automne londonien.
Mardi 10 septembre 2013
Réponse à la sirène qui me reproche de l’abandonner : « Je ne peux pas t’abandonner puisque tu es moi ! »
La « caractérisation » psychologique observée par Jung : une fonction prédominante, la fonction opposée réduite, les deux autres secondaires (sur la base de quatre : pensée, sentiment, intuition, sensation, théoriquement égales) aboutit somme toute à la folie de l’égo par un véritable handicap, une presque amputation, une mutilation, celle de la fonction refoulée. Parce que la liberté (disparition de l’égo) et la découverte de la vérité ne peut se produire que dans l’harmonie de ces quatre planètes complémentaires gravitant dans un équilibre parfait.
Plus je veux aider les gens, moins j’y arrive. Jadis, quand je m’en balançais superbement, il arrivait qu’ils me remercient d’avoir dit ceci ou cela qui « leur avait été d’un grand secours »… J’avais l’impression d’être un saint. Aujourd’hui ils m’envoient carrément promener quand ils ne me crachent pas au visage. Je n’y comprenais rien, et c’est bien la seule chose qui n’a pas changé : je continue à n'y rien comprendre !
Samedi 7 septembre 2013
La différence entre Loth et moi –à vertu égale, il me semble- c’est que, pendant qu’il intercède en faveur de Sodome afin qu’elle soit préservée, je supplie qu’elle soit détruite (c’est ce qui fait mon malheur), détruite deux fois –dussé-je périr avec !
Ce qui nous semble sur le moment de la malchance, un empêchement majeur néfaste à nos projets, s’avère parfois, quelques temps plus tard, avoir été un barrage contre les erreurs qu’on risquait de commettre, un hiatus dilatoire, un sursis qui nous a épargné le pire.
Il ne faut jamais se considérer comme battu, ou en échec, ou égaré, parce nous ignorons toujours où se situe notre avenir, le vrai bien, la vérité paradoxale. L’échec est peut-être le masque d’une réussite ultérieure, l’égarement la découverte d’un territoire inconnu. Tant que nous ne savons pas qui nous sommes nous ignorons aussi ce que nous sommes en train de devenir.
Mardi 3 septembre 2013
Ce matin ciel bleu il fait beau tout est en paix et je n’ai pas d’avenir
Je n’ai pas de présent non plus je me sens vide et lointain
Tout ce en quoi j’ai eu foi s’est perdu
Un peu comme la mer se retire en laissant des restes sur le sable
En l’occurrence un nouveau-né nu hébété et muet
Un vieux nouveau-né qui ne sait pas quoi faire de toutes ses vies antérieures…
Samedi 31 août 2013
Un peu de métaphysique chaque jour ne nuit pas.
Heureusement c’est Dieu qui tient ensemble tous les morceaux, qui garde l’équilibre, pas moi ! Je pourrais être le mendiant en guenilles, maitre Zen édenté et hilare tombé dans le fossé, le monde n’a pas besoin de moi pour tourner –que dis-je, MON monde n’a pas besoin de moi pour tourner !
Il faut juste faire confiance à Dieu.
J’entends parfois le silence qui existe derrière, sous, à l'intérieur du bruit.
Et Dieu ajouta avec tendresse :
-« Et surtout ne chie pas dans la colle, petit con ! »
Ce que ne nous dit pas la Bible. Cette omission nous coûte cher depuis longtemps. Car, lorsqu'Il s’adressait ainsi à Adam, notre ancêtre commun, encore argileux et dégoulinant, c'est-à-dire nous-mêmes, ce n’était pas sans connaitre en partie la suite de l’histoire. Seulement la liberté qu’Il nous avait octroyée autorisait –autorise toujours- un autre scenario, notre salut. A condition de ne pas la mépriser. D'où cette mise en garde affectueuse supplémentaire.
Mais sans doute les scribes craignaient-ils (bien à tort à mon avis) qu’un ton aussi familier ne fît obstacle à la dévotion...
Quoique grosse comme un porte-avions, Lili la chatte n’en est pas moins capable d’investir mes genoux presque à mon insu avec une infinie délicatesse…
Mon esprit est joueur. Quand je lui laisse la bride sur le cou c’est un festival d’inventions, de jeux de mots, d’humour, de rimes… Si je n’avais pas eu durant des années un ego aussi raisonnable et mesuré j’aurais certainement moins ressemblé à un idiot.
Il faut tout lui passer, même et surtout durant la phase d’affranchissement au cours de laquelle il viole tous les tabous, forme des pensées étrangères, inacceptables, cultive de jolis paradoxes, comme un enfant qui souffle des bulles de savon.
Puis découvre son équilibre...
D’une part l’ego, et, secondaire, la difficulté à rester libre dans l’exercice aléatoire de l’écriture, voilà les obstacles qui rendent le progrès artistique assez semblable à la recherche religieuse.
En montrer beaucoup en ayant l’air de montrer tout est un moyen aussi bon qu’un autre pour cacher l’essentiel.
Vendredi 9 août 2013
J’avais tort. Le moindre mot fut un fil d’équilibriste tendu depuis ce village étourdi de soleil jusqu’à l’horizon lointain et bleu comme il se doit de l’avenir.
Fil qui devait me servir à transporter tout le fourniment de campagne, les chariots bâchés, les caisses de munitions, le trésor de guerre.
Directement comme à vol d’oiseau et au mépris de la pesanteur. Rien de tout cela n’arriva.
J’ai aimé Baudelaire comme un fils son père, puis un frère son frère, puis un père son enfant.
Sous la férule de la douleur j’ai niaisement souri et arrêté de respirer.
Puis j’ai repris mon souffle les bottes pleines d’eau du marécage infestée de protozoaires.
J’ai repris ma grammaire, mes études, mes leçons de solfège. Apprendre, toujours apprendre et
ne jamais enseigner par modestie. J’avais tort.
Pourtant jadis je savais danser sur le fil et même faire des sauts périlleux, et tous voulaient que je leur apprenne.
Je me savais voué à tomber et j’attendais cet instant, c’est ce qui me rendait si léger : peut-on décemment révéler un tel secret ?
Décrire que tout se confond, que tout s’égale, que rien ne vaut ? Ils ne cherchent que des justifications, ce qui n’existe pas.
Apprend-toi simplement à être et cesse de poser des questions car c’est toi la réponse.
Connais-toi toi-même !
Jeudi 8 août 2013
Pour être un grand artiste il ne faut pas désirer vivre comme tout le monde. Par là j’entends qu’il faut éviter de vouloir, comme un soi-disant sculpteur de ma connaissance -à l’instar du voisinage- mettre son vélo sur son balcon, affichant de la sorte son mépris du bon goût et de toutes les règles de l’art, même le plus révolutionnaire. Car oui, il y a de ces conformismes irréductibles qui vous anémient la fibre créatrice, contrarient votre épanouissement, infirment toute velléité de talent.
Mettre son vélo sur son balcon vous identifie certes avec le commun des mortels en vous protégeant d’une certaine façon de la solitude, et affirme votre simplicité, mais c’est laid et c’est un outrageux déni à la fois de votre libre-arbitre et de toute responsabilité envers les autres.
« Tout ce que nous faisons » pense le grand artiste, « est de l’art¹ », et cela, précisément, n’en est pas.
C’est même son contraire, puisque c’est la soumission à la nécessité, au sens pratique, à la contingence matérielle.
Et, qu’il le veuille ou non, par choix ou par obligation, le grand artiste travaille pour l’élite ; non pas celle de l’argent, encore que, mais la véritable, la seule, la confrérie de l’esprit, la spirituelle...
¹ Je m’aperçois que j’écris comme les écrivains morts. Il faudrait dire, pour avoir l’air contemporain : peut être, doit être, de l’art… ce qui signifie absolument la même chose sans la moindre élégance et ne permet pas au lecteur incompétent de se mettre à la place du « grand artiste ».
Et puisque j’y suis, permettez-moi d’insister : ces vélos remisés sur le balcon avec l'escabeau, le séchoir à linge, les caisses en plastique, ces vélos délaissés, oubliés, laissés à rouiller, ne sont-ils pas une des choses les plus tristes, les plus navrantes à voir, eux qui représentent l’autonomie, la force, l’initiative individuelle ? Exposés ainsi on dirait des aveux d’échec.
Vendredi 26 juillet 2013
Il y a bien des gens qui ne boivent que pour se montrer aux autres tels qu’ils sont, des âmes et des corps souffrants avec en eux l’amour de Dieu. On le sait pour avoir déjà fait, ou désiré soi-même faire, la même chose, et c’est ce qui, jadis en tous cas car les temps changent et maintenant on ne se soûle plus on se défonce, rendait la plupart des hommes indulgents avec les ivrognes, les pochetrons.
Lundi 22 juillet 2013
Il est déjà pratiquement impossible d’aider quelqu’un qu’on connaît, qu’on fréquente, et qu’on aime, sauf parfois quand il le demande et fait les efforts nécessaires pour ne pas rejeter ce qu’on lui tend, mais s’agissant de groupes, de populations entières, dont l’unique préoccupation paraît être de hurler à la mort et d’appeler à la guerre, je pense que le sage est en droit de n’y prêter aucune attention et de laisser cette populace à son pitoyable sort.
Il ne s’agit pas de s’interdire toute compassion mais simplement de reconnaître qu’elle n’est qu’une réponse et ne peut conduire à rien face à la haine et au Mal.
Un disciple s’accroche à son maître, le force à être, à exister en tant que tel, et le processus à l’œuvre affecte autant l’un que l’autre. Ce n’est, d’ailleurs, pour aucun des deux, une partie de plaisir.
Merde, on nous a assez dit que la vie est une vallée de larmes ! Soyons bons nageurs !
Vendredi 19 juillet 2013
Toutes les cultures sont vaines à nous dépeindre la vérité. Elles ne peuvent, dans les meilleurs cas, que nous donner envie de la connaître, nous la rendre désirable, auréoler de gloire ceux d’entre les hommes, réels ou imaginaires, qui parvinrent un jour à la rejoindre.
Et plus l’envie de leur ressembler, grâce à la culture, est grande, plus immense est la déception de n’y pas parvenir avant que de comprendre enfin que la voie est tout autre.
Magnifique et indescriptible chemin qui ne se conquiert qu’avec le cœur !
Magnifique et indicible bonheur de celui qui est seul à se connaître !
Belle Richesse tu me manques
Si ce n'était le sol que d'ordinaire tu foules souillé d'excréments
Ta chevelure d'or tes yeux de cristal tes lèvres de corail nous subjuguant
Me mettraient à tes pieds pour toujours comme la plupart des hommes
Mais tu sens quelque peu mauvais en dépit de ta magnificence
Il y a ce petit relent de caca qui nimbe ta beauté d'étrange façon
Je ne suis pas coprophile désolé coprophage encore moins
Je ne peux vraiment m'y résoudre
(Ce corps si désirable sous la brillante chlamyde aux fils d'argent ne m'appartiendra jamais.)
Mercredi 17 juillet 2013
Permettez-moi de rigoler comme un idiot, un simple d’esprit, d’autant plus que je suis seul, comme toujours, inévitablement, et qu’il vous est impossible de toute façon de vous y opposer.
Je me rappelle ce que j’avais écrit sur la porte de ma chambre, presque gravé, quand j’avais vingt ans, l’histoire de cet ascète qui, après avoir pendant des années supplié Dieu de lui indiquer le chemin à suivre s’était un jour entendu répondre :
-« Emplis à ras bord un bol d’huile, pose-le sur ta tête, rend-toi au marché, fais-en sept fois le tour sans renverser une goutte, puis reviens chez toi. Alors Je serai satisfait. »
Ayant réussi, au prix de souffrances inouïes, à accomplir cet exploit, et rentré chez lui, des années s’étaient encore écoulées sans que Dieu daignât lui parler à nouveau, jusqu’à ce que, excédé par les prières larmoyantes de l’ascète, Il s’écrie :
-« Imbécile ! Crois-tu vraiment que ce qui M’intéresse c’est que quelqu’un comme toi réussisse à garder son huile intacte ? Tu aurais pu renverser tout le bol sans que Je M’en émeuve si seulement tu avais une seule fois pensé à Moi ! »
Et bien non seulement je suis cet ascète stupide, mais pire encore, je le suis instruit de cette expérience et toujours incapable d’en profiter.
Et je ne vois rien de mieux à faire que d’en rire de façon déraisonnée.
Mardi 16 juillet 2013
Justin Nozuka's Criminal
I threw a bottle in the air
And it smashed into a thousand pieces on the concrete street
Where the children play in bare feet
We ran as fast as we could
Cause I might have woke the neighborhood
Oh I don't feel too good
I don't feel too good at all
Cause when the sun comes up and the children wake
Get on the street to play
I'll be the one to blame
I'm a criminal I'm a criminal
It didn't last too long
I passed out woke up and the guilt was gone
Without a care I walk down the stairs
Into the kitchen eat my breakfast there
Turn on the television screen Emergency News Team
Little girl crying on the street
Saying "glass made my feet bleed"
Oh tell me what am I gonna do
I'm for sure done What am I gonna do
I have no choice but to run
I'm a criminal I'm a criminal
Change my name and move to Mexico
Dye my hair red and get surgery on my nose
Buy a small condo
Stay low in Mexico
Don't it sound so sweet get a wife and raise a family
Start my own limousine company
Stay low in Mexico
It never snows in Mexico
I'm a criminal I'm a criminal
Lundi 15 juillet 2013
Le meilleur guide, le meilleur mentor, c'est la vie elle-même. Inlassablement, elle passe son temps à susciter les bonnes attitudes, les bonnes réponses.
Samedi 13 juillet 2013
Il n’est pas né le poète qui pourra chanter mes invisibles et héroïques faits d’arme
Durant toutes ces années d’errance où je demeurais à peu près immobile au milieu des autres
Et aussi anonyme que possible pour quelqu’un qui a entrepris la quête décisive intitulée :
« La liberté ou la mort »
L’habitude est vite prise de n’habiter nulle part définitivement et d’être toujours prêt à repartir
Comme le firent tous les conquérants illustres d’Alexandre Le Grand à Napoléon en passant par Gengis Khan
Guerriers voyageurs pour qui le chemin et le but se confondent et qui ne savent pas s’arrêter
Allant toujours plus loin comme si la Terre était plate et qu’ils pouvaient rejoindre à marche forcée les étoiles à l’horizon
Et moi je voulais déjouer toutes ces forces qui sont à l’œuvre dans la matière je voulais inventer une autre manière d’être
Je voulais faire ami-ami avec les anges renier en somme ma condition d’être humain être meilleur que Dieu parler avec Lui d’égal à égal
Mais cependant avec une si extraordinaire ingénuité qu’Il ne m’a toujours pas foudroyé. Les glaives flamboyants brandis aux quatre coins du Paradis ne m’ont pas même effleuré
D’ailleurs jadis leur éclat seul avait suffi à me faire renoncer
…………………
Comme il m’est difficile aujourd’hui de déposer les armes !
Mardi 9 juillet 2013
Quoique nous ayons toujours le plus grand mal à cesser d'espérer, les solutions collectives non seulement sont des leurres pour qui cherche son salut, mais ce sont des pièges.
Et lorsque, distancé, tu verras la foule que tu comptais aider continuer sa marche glorieuse vers l'horizon qu’elle voudrait lumineux, va-t’en seul dans la direction opposée, c’est plus sûr.
Si un ou deux de ses membres font comme toi demi-tour et t’accompagnent, sois le plus heureux des hommes.
C’est en effet le mieux qui puisse nous arriver.
Lundi 8 juillet 2013
L’athée est un joueur au casino qui, ayant compris qu’aucune martingale ne peut lui être d’un quelconque secours et que toutes les chances sont pour la banque, se met tout-à-coup à crier « au feu » pour créer la panique avec l’espoir irraisonné qu’il pourra rafler la mise dans la débâcle.
Croire en Dieu (définition)
Ce qui rend l’humanité d’aujourd’hui (cols blancs de Wall Street bien propres sur eux, gommés, manucurés) tout aussi pitoyable que celle de jadis, errant dans la boue des campagnes et des bourgs fortifiés, misérable, trébuchante, c’est le même souci de rédemption impossible, la course à la réussite, le déni intérieur.
Au lieu qu’il faut se rasseoir dans la foi et attendre d’être convoqué en tant que créature accomplie pour recevoir l'onction lustrale.
Jeudi 27 juin 2013
Ayant brillé ici, scintillé là, lui au loin, comme font les étoiles qui jouent à se renvoyer la lumière pour faire de la musique, une musique qui doit tout aux anges, et qui n'est entendue que par eux, et parfois par un homme que ses semblables tiennent pour fou, il nous faudra bien accepter d'être un jour écrasé par les noires ténèbres qui n'ont pas de nom, les ténèbres de la mort.
Nous n'irons nulle part, bien sûr, quelle illusion d'imaginer autre chose, le destin de l'homme n'est pas linéaire comme l'image qu'il se fait du temps. D'abord le temps n'existe pas, il devrait le savoir c'est lui qui l'a inventé, et ensuite, s'il existait, il ferait des anneaux concentriques dans l'éternité comme une feuille morte tombée sur l'eau sombre d'un étang.
C'est notre propre existence, toujours immobile et sereine quoi que nous fassions, elle ne nous appartient pas, ne nous a jamais appartenue. Nous étions en naissant chacun un bouddha de cire qui a fondu peu à peu, se répandant, se perdant, s'oubliant, jusqu'à l'oubli définitif qu'est la mort.
Nous n'avons toujours rien accompli faute de savoir quel est notre vrai pouvoir.
Peut-être n'en avons-nous aucun ?
A part mourir et renaître encore.
L’ire
Je l’ai déjà à plusieurs reprises avoué
Mais il me faut encore le redire je ne sais pourquoi
Je suis depuis la prime enfance
Depuis qu’en ouvrant les yeux j’ai aperçu la lumière terrestre
JE SUIS CELUI QUI SAIT
J’ai le savoir qui vient d’Avant
D’avant ma propre naissance
Celui devant lequel l’humanité en s’exposant se sauve ou se damne
Et parce que toujours elle se damne je suis toujours en colère
De la colère qui est sacrée
Je suis le poète.
Mercredi 26 juin 2013
Quand on ne croit pas en Dieu, on croit à l’argent, et, comme l'aurait dit Frédéric Dard avec un curieux sens de l'homophonie : lycée de Versailles, ce qui signifie (je pense au lecteur étranger) : vice (et) versa.
«Last train home» Pat Metheny. Aucun rapport avec ce qui suit. Je vous aime, un point c'est tout.
Je crois que l'on retourne d'où l'on est venu, ou plutôt on est retourné ! Brutalement, d'un seul coup, comme une crêpe, juste avant que la porte ne se ferme.
En somme on la prend dans la gueule, la porte, et ça fait mal.
L'illusion était de croire qu'on pouvait aller quelque part.
Elle nous renvoie au néant d'avant comme si l'on n'avait jamais existé.
Tout a été pour rien !
Essais de définition
Mardi 25 juin 2013
Je sais que si j'arrive à me décrocher et à redescendre
Moi qui suis suspendu par les boyaux à une corne de la lune
A redescendre sain et sauf comme une araignée au bout de son fil
J'atterrirai de nuit dans une clairière secrète au cœur de la forêt
Sur un tapis de brindilles et de feuilles idéalement confortable
Plop plop plop
Et que mon amie mon guide inspiré ma confidente qui Actuellement n'est plus de ce monde
N'en sera pas moins là pourtant pour me réconforter.
Quand les gens meurent, on se demande s’il y avait vraiment quelque chose avant…
Lundi 24 juin 2013
Je constatai à l’âge de deux ans, avec un terrible désappointement, que les choses, le monde, n’étaient pas comme je croyais être en droit de l’espérer. Et bien sûr, horriblement, à commencer par ma mère et mon père, très loin de correspondre à mes attentes ...
J’aurais pu m’arrêter à ce constat et essayer, je ne sais trop comment d’ailleurs, de m’en contenter, mais j’allai beaucoup plus loin et opérai un retournement qui paraissait logique : s’il en était ainsi, c’était sans doute parce que je le méritais, c’était parce que moi, je n’étais pas à la hauteur !
Samedi 22 juin 2013
La douleur vous engage dans une recherche qui peut se révéler une mine de richesses, mais la découverte, avec justice, vous ôte tout.
Mercredi 19 juin 2013
Je suis stupéfié de constater l'intensité et la grandeur de l'amour que je portais à ma mère, un amour qui couvrait tout le spectre du charnel au spirituel, depuis le jour de mon enfance où il m'était apparu qu'elle ne pouvait être que Dieu, jusqu'à il y a trois ans, car c'était encore elle, je m'en rends compte, que j'aimais dans N., avec l'espoir toujours inassouvi de rendre cette âme malade, fragile et douce, enfin heureuse !
Mardi 18 juin 2013
Connaître que la mort est totale, absolue, me rend la solitude à nouveau difficile, et naïve l'idée qu'excellence et modestie suffiraient à faire de moi un être exemplaire et recherché.
Bien sûr ils s'en tapent, eux, puisqu'ils vont tous mourir de la même manière étouffante et atroce, dans une horreur sans rémission, et qu'ils le savent, et n'ont jamais par avance comme moi joui durant des années d'un paradis imaginaire.
Bien que sans un sou j'étais riche, plus riche même que ceux qui ne pourront jamais passer par le chas d'une aiguille.
Samedi 15 juin 2013
Les choses paraissent plus faciles dans la perdition : on est aspiré par l'abyme*
Mais quand on a réussi à échapper à son attraction et qu'on se retrouve sur le grand plateau désertique de terre ocre où il n'y a rien
Ni père ni mère ni gardien ni ami
Rien d'autre que le vent
C'est moins simple
On essaie de déchiffrer les pistes anciennes d'ancêtres et d'animaux au besoin en les inventant
On croise surtout ses propres traces
Il n'y a ni balise ni signal
On se sent pauvre et usé comme le paysage et parfois trop impuissant et rageur à l'image de ces rares succulentes bardées d'épines
Par contre on a tout son temps...
* Je préfère cette orthographe.
Vendredi 14 juin 2013
Chère Y.,
J'aime les genres et les procédés littéraires cousus de fil blanc comme celui-ci : la lettre adressée à un lecteur idéal, vous en l'occurrence, ma neuropsychiatre et amie, à qui je songeai tout-à-l' heure en regrettant le langage qui était le vôtre, si poétique et si offensif à la fois.
C'est vous qui m'avez dit en parlant de L. qu'elle " avait une étoile au front ", ou bien encore, un soir sur l'autoroute comme nous roulions droit vers un coucher de soleil encore invisible mais qui s'annonçait splendide, " regarde-moi toute cette nacre ! " pour désigner les strates de nuages irradiés de lumière.
Vous préconisiez que chacun " ait des couilles " et vous seriez bien déçue aujourd'hui quoique vous considériez déjà il y a plus de trente ans que nous étions dans une société de dégénérés, de gens qui n'en avaient plus depuis longtemps, des couilles, des balloches, des valseuses…
J'ajoute que l'authenticité à laquelle vous faisiez référence n'était que sentiment aristocratique, ne révélait jamais que de la noblesse, au contraire de la platitude et de la médiocrité convenues qui sont de règle aujourd'hui et s'offrent à la convoitise générale dans le miroir des ignobles programmes de télé-réalité, sommets de bêtise et de vulgarité.
Il n'est plus permis de s'exprimer avec un peu de vérité sans tomber sous les accusations les plus saugrenues d'intolérance, d'extrémisme, de racisme, avec pour résultat que, derrière les refoulements, un cloaque répugnant et empoisonné se remplit.
Quand il n'y aura plus ni race, ni couleur, ni religion, ni genre, ni opinion, ni défaut, ni qualité, que les poètes et les enfants avec leurs " mots " auront disparu depuis longtemps, la vie sera comme la mort, et le suicide sera accompli.
Lundi 10 juin 2013
La seule forme d'absolu concret dont nous pouvons faire brièvement l'expérience, c'est le soleil. Pendant une seconde on peut sentir la précarité de toutes choses, la fragilité non seulement de l'existence mais même de l'âme immortelle. Sa brûlure sans pitié c'est Dieu !
La seule manière d'être heureux qui vaille est la manière " insolente ". Rappelez-vous Zorba le Grec, son fez de travers, le brin de basilic derrière l'oreille, (et la lame effilée dans la poche)... Qu'on lui ressemble ou qu'on soit comme ceux qu'il croise, il vaut mieux éviter de trop fréquenter ses semblables.
Pour ne pas regretter de ne pas vivre à Londres ou à Genève où je connais quelques personnes, j'ai placé sur ma page i-Google la météo dissuasive de ces villes, et puis, outre la mienne détestable, celle de Grasse qui est la destination de mes rêves impossibles, et La Rochelle où mes prières ferventes pourraient peut-être m'amener un jour.
Jeudi 6 juin 2013
Abandonner tout espoir
Je commence à soupçonner que ma vie ne correspond pas du tout et ne peut absolument pas être ni ce que je voudrais qu'elle soit, évidemment, ni ce que je peux actuellement en comprendre en espérant la voir devenir ce que je voudrais. Ce serait une banalité d'affirmer cela si je n'étais pas un spécialiste, quelqu'un qui, depuis plus de trente ans, a passé son temps -vraiment la majeure partie- à s'occuper de ce problème avec la conviction qu'il s'agissait pour lui d'une question de vie ou de mort.
Je vous renvoie à la citation de mon imaginaire John Lennon qui a affirmé : " On traverse au moins une fois dans sa vie une distorsion du temps ! " Si le temps est élastique et tordu, comment une vie humaine pourrait-elle accepter le principe de causalité cartésien qui implique que le passé soit antérieur au présent ?
Mais en même temps ces fausses vérités sont partiellement vraies, un peu comme la physique ordinaire qui suffit à expliquer les phénomènes terrestres mais s'avère totalement insuffisante à l'échelle de l'univers.
Dans cet ordre de grandeur, "j'ai pris le métro hier et j'ai chopé un virus" pourrait bien signifier également : "l'innocence de mon âme enfantine m'accompagne partout", ce qui veut dire : "je dois absolument corriger les erreurs de jadis en assumant correctement l'innocence que j'ai perdue".
Mais plus encore que cela, je découvre, ou plutôt je réalise consciemment ce matin, qu'il faut se passer de boussole ! Car, oui, j'avais déjà plus ou moins compris l'étrange complexité et même l'absurdité de ma recherche au regard de la culture actuelle, mais je pensais encore pouvoir m'autoréguler, surveiller mes progrès, me rendre compte et me corriger le cas échéant. Erreur encore, billevesées.
Non ! Il faut lâcher les amarres, lâcher la rampe, abandonner tout espoir comme j'avais déjà abandonné les notions de présent et de passé qui s'interpénètrent, se renforcent mutuellement, s'expriment l'un dans l'autre.
C'est un maelstrom paisible, une planète en perpétuelle transformation comme le soleil, un ruban de Möbius sans commencement ni fin qui offre toujours un centre à habiter, bref une aventure de mystique, de poète au plus haut degré, d'un homme créé (je commence à comprendre), comme dit la Bible, " à l'image de Dieu ".
Mardi 4 juin 2013
Nuit du 4 juin 2013
La vie c'est la possibilité de croire que l'on n'est pas rien. Cette possibilité se réduit peu à peu jusqu'à la mort.
Mon chat : il ne sait pas, quelle vertu extraordinaire dans cette ignorance !
Quel privilège de pouvoir savoir. Mais savoir quoi ?
Qu'il n'y a rien. Rien. Rien de rien.
Dites-le avec des invectives, comme Céline. Faites grincer le squelette, jetez des bouteilles d'acide sur la foule. Ou pas ! Cela ne change rien au fait qu'il n'y a rien !
Dès qu'un individu de cette espèce si particulière qu'on appelle " humaine " possède un tant soit peu d'intelligence, il ne désire savoir qu'une chose : ce qu'est la mort.
Oui, car il devine évidemment que c'est le savoir ultime, le seul qui vaille la peine de chercher, le secret absolu.
Dans le domaine de prédilection qui est le sien, il faut être un initié -celui qui sait vraiment- ou rien. Il faut choisir entre la compétence ou la célébrité.
Mon erreur la plus épouvantable et très précoce fut d'imaginer que ce que j'étais vraiment ne pouvait que déplaire aux autres, une crainte que l'attitude de mon père à mon égard confirma, mais dont j'étais seul responsable, fruit du fruit de la Connaissance du Bien et du Mal.
Je pense que la connaissance implicite du néant de l'existence existe au début, en tous cas elle existait chez moi. Il s'agit d'un état qui autorise certains pouvoirs, comme celui décrit par Baudelaire dans Elévation :
"Heureux celui qui peut d'une aile vigoureuse
S'élancer vers les champs lumineux et sereins;
[…]
- Qui plane sur la vie, et comprend sans effort
Le langage des fleurs et des choses muettes! "
On ne se compare à personne (rien est toujours égal à rien), c'est l'innocence. (L'ayant perdue, on peut espérer la retrouver.)
Le meilleur des hommes n'est-il pas précisément celui qui est capable de se demander s'il n'est pas le pire ? Et il le sait, naturellement. Vous voyez la complication ?
Espérons que l'angoisse recueillie par la connaissance ne se produira pas au moment de l'action !
Il n'y a rien qui justifie d'être vivant.
Revenir en esprit à cet âge heureux où l'on prend son pied en suçant son orteil…
J'avais retrouvé durant ma psychanalyse l'espoir de plaire à ma mère, puis (et pour cause puisqu'à travers elle je me croyais encore jugé par Dieu) buté sur l'impossibilité d'y parvenir, ce qui déclencha l'asthme dont j'ai souffert depuis.
Dieu, RIEN D'AUTRE QUE MOI …
De Qui, ou de Quoi, sont-ils les messagers, les animaux innocents, quand ils nous adressent leur confiance ?
Après tout ce que j'ai souffert, j'ai tous les droits !
Ce fut comme une douche d'un puissant acide qui te débarrasse en quelques instants de toute ta chair, ne laissant intact que ton squelette bien propre, blanc et tremblant, et un peu encore de la matière cachée dans la boîte crânienne... quelques grammes, assez pour éprouver toute l'angoisse et l'horreur de la mort.
Lundi 3 juin 2013
Un seul témoin : la mort !
Samedi 1er juin 2013
Roses, roses, roses !
… Le poète aime les roses.
Mais quand je serai mort, pour toi il sera trop tard.
Je n’ai rien à me reprocher, j’ai essayé, et encore chaque jour je pense à toi.
Je sais que j’ai failli mais je ne pouvais pas faire mieux, tu ne le comprends pas, tant pis pour toi.
Je suis désolé, ce sont les lois de la nature.
Personne ne fait le salut d’un autre.
Ni un amant celui de la femme qu’il aime, ni un père celui de son enfant.
… Il les aime, périssables, comme je t’aime.
Dimanche 26 mai 2013
Je me souviens du port d’Héraklion au début des années soixante, le soleil, les murs lépreux, le grand ciel bleu parfait et pur.
Tout était possible.
Jamais voyageur n’a pu se sentir à la fois aussi libre et aussi lié à la Providence que je l’étais, moi qui débarquai sur cette terre inconnue sans un sou et sans billet de retour.
D’ailleurs je n’en suis jamais revenu.
Je suis un Crétois, de cette île au centre du monde, où chaque plante, chaque rocher, chaque goutte d’écume portée par le vent, et chaque homme plein de fierté, tutoie avec grandeur tout l’Univers.
Vendredi 24 mai 2013
Il y a eu une époque où j’étais toujours étonné le jour suivant de ne pas être mort la veille.
Jeudi 23 mai 2013
Dieu est, et c'est comme s'Il n'était pas.
Il est tellement sans commune mesure avec nous que L'invoquer ne sert à rien, c'est Le diminuer.
Si j'écris cela c'est parce qu'il me semblait logique de Le remercier -comme toujours absurdement- de la nécessité vitale de faire mon salut dans cette vie-ci, et non, comme se le figurent paisiblement les bouddhistes, peut-être dans la suivante ou dans celle d'après, en toute tranquillité . (Leur aptitude plus grande, due à leur approche différente, précisément une approche sans Dieu, se trouve ainsi ramenée au niveau courant.)
L'urgence, et je n'en témoignerais pas si ce n'était pas de la première importance, est causée par l'évolution du monde. Il ne favorise sans doute jamais la vie spirituelle, mais est devenu réellement son ennemi et cela ne semble pouvoir qu'empirer.
On doit s'en détourner, non sans l'avoir analysé et compris, et compris également que lutter contre lui ne sert à rien. C'est difficile aujourd'hui mais cela le sera encore plus pour la prochaine génération.
La seule, l'unique chose à faire, tant que c'est possible, consiste à sauver son âme.
Vendredi 17 mai 2013
(Steampunk)
Je suis sûr que les débuts de l'industrialisation ont été pour beaucoup de ses acteurs une période exaltante et joyeuse sans autre conviction que celle d'œuvrer pour le bonheur et pour la paix futurs.
J'imagine sans peine la tâche de certains d'entre eux dans une belle campagne sauvage, en été, prospectant, prévoyant, édifiant, entourés de leurs machines et de leurs instruments de mesure en bois, acier, laiton et verre.
Je connais l'impression particulière, l'émotion esthétique que procure l'alliance de la nature, l'espace, le soleil, la végétation, avec la mystérieuse technicité d'objets artificiels, manufacturés, qui exprimaient encore des préoccupations décoratives héritées du passé. (Et c'est bien là le plus étrange : la vision de ma main sur ma cuisse au soleil, la position particulière de mes doigts, alors que j'émergeais d'une somnolence en 2013, a fait surgir ce souvenir datant d'une époque trop lointaine pour que je puisse l'avoir connue...)
Je pourrais presque dire que j'ai été l'un de ces pionniers, charmé et plein d'espérance, ne rêvant que de vivre un jour dans l'avenir -qui sait, après s'être réincarné ?- pour contempler la réussite des temps nouveaux qui n'advint pas.
Jeudi 16 mai 2013
Le poète dispose d’un esprit à la fois primitif, naturel, et en même temps savant, sophistiqué, qui fait de la découverte, de l’invention, sa raison d’être.
La liberté humaine, l’égo, la dualité bien-mal, forment un tout qui constitue l’irrémissible fatalité.
Quand je me promène à Saint-Denis, forcé (pour raisons de santé), et que, comme hier soir sur le bord du canal, je contemple le splendide, le grandiose coucher de soleil, je réalise que le reste de l’univers existe indépendamment, et je suis soulagé.
Quand je suis excédé par ses miaulements, je dis « Ta gueule ! » à mon chat, et ce n’est pas grossier.
Mardi 14 mai 2013
Quand je me promène à Saint-Denis aujourd’hui, forcé (pour conserver un semblant de forme), je me prends à regretter le XVIe siècle, ses deux mille cinq cents habitants, et ses sept couvents de religieuses.
Lundi 13 mai 2013
Nous sommes étrangers aux lois qui nous gouvernent.
Nous ne pouvons pas les comprendre, nous sommes obligés de les accepter avec humilité.
Par exemple, pour un homme (ce que je suis, je ne saurais parler d'un autre point de vue), le double, l'alter-ego naturel, est une femme, un être profondément différent. La " raison ", comme d'ailleurs la névrose, voudrait qu'il lui ressemblât totalement, qu'il fût identique, et non analogue et complémentaire, ce qui complique singulièrement les choses.
…Toute ma vie j'ai combattu ma propre étrangeté, j'ai combattu ce (le mystère) qui peut sans doute m'apporter l'extase dont je suis en quête.
…Toute ma vie j'ai été rigoureusement logique, cartésien la première névrose endossée, puis cherchant à m'en dégager, écartelé entre cela et l'horizon que la foi me faisait entrevoir. Tombé malade puis aidé comme il se doit (on ne peut pas trouver tout seul) et guéri peu à peu, procédant à la reconquête jusqu'à maintenant où je perçois le vrai " lâcher-prise ".
Samedi 11 mai 2013
Les lapins arc-en-ciel sont les plus difficiles à attraper -(comme me l'a dit L. en rêve pendant un cours de poésie que je lui donnais).
won't Men herself (sic)
Lundi 29 avril 2013
Cela faisait des années que je croyais être sorti de ma vie, avoir quitté mon destin, être en quelque sorte en exil de moi-même, situation, dois-je le préciser, des plus inconfortables, des plus douloureuses… ce que l'on pense est prépondérant et facilement illusoire.
Mais ne voilà-t-il pas que ce matin, après m'être réveillé quasi désespéré à cause d'un rêve et en avoir entrepris l'élucidation -ardue- afin de retrouver un équilibre… mis aussi noir sur blanc dans la foulée quelques idées fondamentales rectifiées*, je finis, travail accompli, par m'asseoir dehors au soleil, et, après quelques caresses à Lili en réponse aux siennes préalables, je contemple le magnifique et intense ciel bleu avec le sentiment ébloui de retrouver enfin un peu mes marques dans ma propre existence !
Passe alors étrangement dans mon champ de vision au-dessus de moi un très grand oiseau (un rapace ou peut-être une grue ?) d'une taille et d'une espèce jamais vues ici …
*S'il existait ici-bas une échelle assez haute pour atteindre les cieux je l'aurais déjà trouvée.
En y réfléchissant bien, blasphème et sacrilège mis à part, je suis le frère de Jésus-Christ que Marie aurait pu avoir avec Joseph, un être deux fois plus pesant, moins spirituel, qui a besoin d'une échelle aux barreaux solides, mais qu'on ne trouve pas ici-bas.
……..
Le Mal et le Bien sont les deux essences qui s'affrontent dans le cadre de la Création. Quoique le Mal paraisse trop souvent triompher, le Bien reste absolument invaincu puisque et tant que la Création perdure.
Que les spectateurs qualifiés de cet affrontement soient à quatre-vingt-dix-neuf pour cent inconscients et indifférents à l'échec du Bien a été toute ma vie mon malheur inguérissable parce que je croyais que la Création, que j'assimilais au Bien, allait, sans leur contribution, disparaître.
Mardi 23 avril 2013
J'ai eu soixante-neuf ans cette année et aujourd'hui, alors que je suis assis confortablement sur ma terrasse, jambes étendues, les yeux fermés, sentant aller et venir au gré des nuages le soleil sur mon visage , je pense tout-à-coup étrangement -cela est indubitablement lié- au duvet ombrageant la lèvre supérieure de ma mère comme je la regardais quand j'étais enfant, et je suis brutalement envahi d'un bonheur intense, à peu près comme la sensation que j'ai eue hier d'un véritable coup à l'estomac, en " digérant " inopinément le souvenir, l'essence, d'une fin d'après-midi à New-York, quand je m'étais rendu accompagné de Robin dans un lieu écarté (tel que je m'en souviens) à une projection pratiquement confidentielle de " Dont Look Back " en 1967.
Je réalise, je profite, des joies dont j'ai été inconscient toute ma vie, que je ne m'autorisais pas, j'ai l'impression de me complèter, je pense que mon âme se restaure...
(Je ne voulais vous faire part que de la musique (Bryan Ferry "Which Way To Turn"), mais il y a aussi ces images d'un pacifique (comme le héros) chef-d'oeuvre : "The Walker", écrit et réalisé par Paul Schrader, interprété par Woody Harrelson.)
Hors le Grand Mystère dans lequel nous sommes et dont nous faisons
aussi partie, on peut nourrir l'illusion de pouvoir tout comprendre intellectuellement (il y a évidemment d'autres canaux), et d'ailleurs j'ai moi-même cette prétention, ou sinon, de comprendre pourquoi l'on ne comprend pas.
Vous me comprenez ?
Mais avec elle, malheureusement, je suis bien obligé d'admettre que je ne comprenais rien.
On aimerait bien recevoir un jour un tout petit peu de ce fameux " énormément de tendresse " dont on entend toujours parler.
Lundi 22 avril 2013
Une mince rampe de chêne terminée par une boule de pierre, une jolie courbe d'escalier, des carreaux de ciment peints de motifs floraux au sol, et par-dessus tout l'adorable, la tendre pénombre, voilà ce que je retiens du petit immeuble que j'habitais avec mes parents dans mon enfance, un bâtiment pauvre, aux vieilles cloisons de plâtre, au luxe absent, plein d'une lourde vie pataude, obscure, négligée.
L'endroit où l'on grandit, si tout ne va pas complètement mal, palais ou taudis, est, par la vertu de l'enfance, un paradis. C'en était un pour moi. J'eusse embelli n'importe quoi d'ailleurs, une prison, une niche, un cloaque.
Précisément, pour être véridique, il y avait un peu de la prison, de la niche, et du cloaque, dans ce paradis, mais, parce que vous avez souffert vous-même, vous l'aviez déjà deviné.
(Aussi puissant que soit le désir de rêver, d'enjoliver les choses pour mieux les supporter, il n'est jamais supérieur, chez moi, à mon besoin de vérité, à mon intransigeance à ce sujet, à la haine que m'inspire l'erreur, l'illusion, la bêtise. C'est ce qui fait de moi quelqu'un d'invivable, un sauvage obligé de se cacher, de rester seul, car, pour préserver la sociabilité il est bon de mentir un peu, et même un peu, moi, je ne sais pas !)
Et donc, dans cette prison où la méchanceté de mon père s'imposait avec le despotisme de ma mère, je me blottissais avec des réflexes de chien battu à la niche, les pattes repliées en position fœtale, le poil mouillé, raidi, des sécrétions cloacales que je recevais à hautes doses du monde des adultes.
Oyez, oyez, braves gens ! J'accuse rétrospectivement -la prescription est effectuée, n'ayez aucune crainte-, j'accuse les grandes personnes d'avoir constamment, quand j'étais petit, failli à leur grandeur. Ces gens-là sont morts aujourd'hui, mais vous, êtes-vous certains de jouer votre rôle de veilleur et d'exemple, alors même que les simples animaux domestiques envers lesquels nous n'avons pourtant qu'un faible devoir de considération n'en reçoivent -de la considération- (presque) jamais ! Je pose la question.
Et j'attends la vérité.
…………………………
Mais non, voyons ! C'était pour rire. De quel droit m'érigerais-je en juge, ou même en enquêteur, moi dont la vocation est précisément d'être un phare et un mentor, non pas pour les enfants véritables (qui en savent autant que moi), mais pour tous les attardés, les inconscients, les adultes puérils qui se sont perdus, cette espèce qui se dit humaine comme si elle n'était pas animale, toujours en désarroi et s'inventant d'innombrables remèdes dont aucun n'est celui qui convient : l'amour, l'amour fou et désespéré, l'amour inextinguible de la vérité !
La monitrice ôta d'un geste devant moi le soutien-gorge de son maillot de bain et des seins éblouissants surgirent, dont la forme et la pâleur laiteuse contrastant avec le bronzage du reste du corps me firent penser à deux lunes blanches et lumineuses.
Mais quand, une heure après, je racontai cela à des copains, un garçon d'une douzaine d'années -le double de mon âge- se mit à rire et déclara : "Mais c'est un pouët, celui-là, un pouët ! " Tout le monde rigola et ce fut le coup d'arrêt presque définitif de ma vocation.
Il y a un accord à trouver en soi-même avec la Nature, qui fait de nous des êtres « inspirés ».
Folie
Je vais au monstrueux, je vais à "Moi", je vais à la vérité.
Le chemin n'est pas facile à trouver. (Beaucoup de ceux que l'on appelle " malades mentaux " en sont moins loin que la population dite " normale ")
Plus petit et plus grand à la fois que soi-même il faut être, entre autres choses étranges et difficiles, quoique " difficile " ne soit pas le mot. En effet, la souffrance que l'on rencontre n'est pas nécessaire. On trouve ou l'on ne trouve pas.
Je suis passé par un verger où les fruits pourrissant tombés à terre étaient infiniment plus nombreux que ceux, comestibles, restés sur les branches. Mais leurs parfums, les exhalaisons puissantes de délices et de décomposition de ce tapis, composé aussi d'herbe haute, étaient enivrants. Avec ma taille d'enfant, je pouvais y marcher enfoncé à mi-mollets, comme un vigneron piétinant du raisin dans une cuve.
Jusqu'à aujourd'hui j'ai disposé de tant de richesses intérieures secrètes que j'ai dû me contenter de la misère matérielle, c'est l'étrange justice. Il n'est pas permis, sans doute, de conserver par devers soi les pouvoirs que Dieu nous a octroyés.
En faire bénéficier autrui pourrait être la voie.
Une chose est sûre, ce n'est pas la raison qui décide ni qui agit.
Dimanche 21 avril 2013
Sa Majesté la Reine nous avait contracté une royale chaude-pisse, Dieu sait comment… Peut-être en faisant du cheval, ou en ouvrant sa couche à deux ou trois officiers de la Garde, ou en jouant avec son ombrelle, ou encore en s'asseyant sur un trône malpropre ? Allez savoir.
Quoi qu'il en soit elle était bel et bien plombée, l'Altesse, et tout-à-fait hors d'usage. Mais sa noblesse, sa grandeur, son aristocratique dignité, existaient indépendamment et se traduisaient par un refus inébranlable de contaminer qui que ce fût, même son petit chien, et, en l'occurrence moi-même, amoureux radical de ses grands airs et de sa démarche féline.
J'étais jeune, je ne pouvais rien deviner. Tout ce qu'elle faisait pour décourager mes avances, je croyais que c'était ma laideur, ma maladresse, mon inélégance, ma bêtise, ma mauvaise haleine, l'odeur trop forte de mes pieds, mon maigre système pileux, ou pire encore, je n'ose le dire, mes dimensions insuffisantes, qui l'expliquaient !
C'était une torture, un calvaire, et j'eusse préféré être à mon tour accablé de son mal, plutôt que de me croire rejeté par elle, méprisé. Elle m'aimait trop vraiment pour me respecter ainsi, que ne le comprenait-elle pas !
Les mois passèrent, les années, et je me détournais peu à peu. J'entrepris des voyages. J'écrivis des livres de philosophie. Je m'imposai des règles de vie monacales. Je fis ma cuisine, mon ménage, ma vaisselle moi-même.
Je me mis à douter de moi. Je perdis tout, les dents, les cheveux, mais pas l’espérance, car je suis né avec la foi et un moral d’acier.
Et, bien qu'elle ne fréquentât plus que des gouines de basse extraction, qui se mouvaient en général sur des hanches énormes, ce qui m'effrayait, et ne rît qu'à leurs plaisanteries, ce qui faisait jaser la cour, je continuais à espérer toujours qu'elle ferait de moi son seul et unique amant.
Mais bientôt je ne bandai plus et me sentis envahi de faiblesses enfantines oubliées.
Je l'ignorais encore mais la route allait être fort longue pour retrouver et la lucidité et ma vigueur virile.
Il est plus facile de donner que de vendre. Je suis généreux par paresse, vertueux au fond parce que c'est naturel.
Ne soyez pas superstitieux, craintif, ou quelque peu maniaque, c'est-à-dire défaillant, malade, mais au contraire consciemment et justement irrationnel avec ce merveilleux instrument de pouvoir qu'est l'esprit et qui est loin de se réduire à la raison cartésienne.
Soyez irrationnel, un mage, un voyant, un devin.
Vendredi 12 avril 2013
Le charnier ne cesse de grossir
La terre est plus couverte de morts que de vivants
La vie est une écume sur une immense vague de cadavres terreau nourricier
Et nous marchons d'un pas rapide dans le jardin éphémère
Nous sommes rattrapés par l'ombre avant d'avoir reçu la lumière
Ni toi ni moi ni personne jamais ne survit !
Jeudi 11 avril 2013
Les seuls animaux dotés de la réflexion consciente, grâce à l'intellect -vous aurez peut-être deviné que je parle des hommes- devraient naturellement s'apercevoir à la simple confrontation que les autres espèces -comme les chats, grâce à qui je viens enfin de comprendre- en lesquelles toute ratiocination est absente, ne sont exactement, à l'inverse d'eux, QUE DE L'AME !
Descartes les considérait comme des machines parce qu'il ne les comprenait pas, pauvre malheureuse machine lui-même (ce que nous seuls pouvons devenir peu ou prou parfois, ou " imbéciles " comme le dit Rousseau), alors que les animaux, sauf à considérer bien sûr la matière, sont âme pure !
A l'école j'étais un surdoué, mais j'avais un gros problème existentiel et je me suis dirigé peu à peu vers des domaines où l'intelligence est difficile à prouver : l'écriture, la poésie, et surtout la mystique, à une époque où l'une comme l'autre étaient non seulement passées de mode mais carrément rejetées. Dommage, s'agissant de ce qui s'offre de plus élevé dans la culture universelle...
(L'humanité aurait-elle décidé de descendre plutôt que de monter ? Mouahahaha…)
Evidemment nous étions déjà dans le Kali Yuga, l'Age de fer, je le savais, j'avais lu Guénon.
Mais peu me chalait, je me suis toujours contrefoutu de ce que pensent les autres, au point même parfois de ne pas m'écouter moi-même (non, là je déconne) ! En tous cas, c'est vrai, je n'ai aucun besoin d'être encouragé ou soutenu, et je n'aime pas les compliments.
" Toujours seul " aurait pu être ma devise.
Puis, en dehors de cette vocation qui m'entraînait vers des contrées mystérieuses et sauvages à la beauté âpre, il advint aussi que je suscitai l'intérêt des amateurs de chair fraîche, grâce à mon joli minois et à ma curiosité insatiable laquelle me rendait extrêmement sociable et friand d'expériences étranges.
Je fus ainsi ankylosé à cinq ans et demi par un oncle, et, croyant ces pratiques normales (quoique un peu douloureuse) il advint que cela se reproduisit ensuite régulièrement avec d'autres gentils messieurs, dont, je dois le préciser par honnêteté intellectuelle (une autre de mes qualités), je ne décourageais jamais l'approche. Etrangement, peu de satisfaction n'en découlait pour moi sinon rétrospectivement, ce qui malgré le doute, faisait grandir le besoin.
Il n'est pas dans mon propos de raconter ici ce qui mérite une analyse particulière, attentive et complexe. Mais qu'on sache que cette déviance ajoutait encore à mon sentiment d'étrangeté, et me coupait un peu plus du commun des mortels -croyais-je.
En même temps je grandissais pourrait-on dire normalement, avec une attirance forte pour l'autre sexe et les rêves qui vont avec.
En fait, je me prenais pour un monstre depuis l'âge d'un an, époque à laquelle un événement m'avait fait croire que ma mère me rejetait à cause d'un choix que j'avais fait. Un choix si capital, et également si juste, que, je n'en doute pas, vous serez très surpris de savoir qu'il provoqua chez moi une telle méprise. Le choix du Bien !
Cela se passait dans l'un de ces magnifiques et grands parcs publics dont s'orne notre capitale, et à une époque où la civilisation industrielle n'avait pas encore l'emprise qu'elle a sur nous aujourd'hui. Dans ce parc, bien qu'il fût enfermé dans des grilles au milieu du décor urbain, on pouvait encore se sentir relié à la vraie nature, invisible mais toujours présente, " normale ", nécessaire, dans ce beau pays à la vocation agricole qui est le nôtre et qui survivait.
Une dispute éclata entre mes parents, provoquée par la réaction disproportionnée que ma mère venait d'avoir en constatant que ma barboteuse était tachée. Elle m'avait giflé.
Bien qu'elle eût fondu immédiatement après en larmes (et pour cause, elle était complètement dépressive), mon père entama un faux discours moralisateur qui n'avait pour finalité que de la culpabiliser un peu plus. (De la tuer définitivement).
La gifle, bien que je n'eus qu'un an, ne m'avait pas affecté. Elle était sans conséquence, une violence gratuite, involontaire, qui ne s'adressait pas à moi.
Non, ce qui était intéressant c'est qu'ensuite, pour se justifier, ma mère s'était mise à parler et que j'avais vu, sortant de sa bouche, des perles, des rubans, des pierres précieuses.
Quand mon père se mit à parler je vis une fumée noire épaisse et menaçante sortir.
Ils étaient tous les deux debout et j'étais assis à leurs pieds.
Je vis cette fumée descendre vers moi, lourde, opaque, et, ne sachant ce qu'elle était, curieux, je décidai de l'avaler, de la laisser entrer en moi.
Je l'avalai.
A l'instant où, ayant pénétré et descendu rapidement, elle atteignait le fond (mes poumons ? mon estomac ? mon âme…) je compris de manière aveuglante, JE SUS sans le moindre doute, comme si elle était familière, que je l'avais toujours connue, qu'elle était le MAL !
Et, instantanément, sans que ma volonté ou ma pensée intervienne, je fus envahi avec une violence extraordinaire d'une HAINE absolue, terrifiante, une haine dont on ne peut douter, si on l'éprouve, non pas envers cette Chose, mais à l'égard de quelqu'un, qu'elle ne soit " mortelle ", réellement offensive, mortifère !
Ce fut un choc éprouvant, dévastateur, et, pendant quelques instants je demeurai sonné comme un boxeur.
...............................................
A suivre... (peut-être)
Mercredi 10 avril 2013
Prenez la classe politique là où elle a de l'importance, dans la capitale, les grandes villes, là où les réseaux sont denses, les maillages importants, et, comme une tarte Tatin après cuisson, retournez-la. A présent faites venir sur cet envers bien cuit et caramélisé, durci et pérenne, des agents américains du F.B.I spécialisés dans les affaires indiennes, et demandez leur d'examiner les empreintes ethnologiques, les traces de feux et de campements, les marques d'accidents et l'usure, les signes de l'activité passée, afin d'établir un historique détaillé complet.
Soyez-en persuadés, ils concluront à l'égoïsme, à l'avidité, au lucre, à l'intérêt personnel, au mensonge, aux combines, aux tricheries, etc., jamais au désintéressement et au sacrifice.
Dimanche 7 avril 2013
Dans un royaume à la fois de conte de fée et de vie bien plate ordinaire -et dans un imperméable mastic
qu’elle serrait à la taille par une ceinture devenue une espèce de ficelle- brillait de feux visibles plus ou
moins selon le degré de lucidité de chacun, L., ma compagne, l’Impératrice, embarrassée au plus haut point
d’elle-même et de sa majesté, que je reconnais aussi aujourd’hui enfin consciemment comme « la Bienveillante
»…
« La Bienveillante », « le Vif », « le Redoutable », on dirait des noms de vaisseaux de guerre, et cela va
bien aux hommes empêtrés dans leurs luttes entre eux et contre eux-mêmes, encore que le bassin où nous
évoluons soit plutôt celui des Tuileries pour les plus chanceux, le caniveau pour d’autres, que la haute mer,
dans l’eau sale de toute façon… c’est-à-dire, oui, dans l’inconscience, et sans aucune chance d’arriver un
jour au port.
Ce que je n’ai pas su faire à cette époque : tout !
Vendredi 5 avril 2013
Lorsque la belle Lili, chatte européenne, se met à ronronner près de moi, je me dis qu’on a mis un moteur dans mon tigre.
Jeudi 4 avril 2013
Du protozoaire au mammifère, de l’amibe à l’homme, nous sommes des créatures faibles et esseulées, le vivant périssable…
Chacune se croit isolée et plus menacée que quiconque.
Mardi 2 avril 2013
Se préparer à quelque chose dont on ignore tout, s’agissant de la mort, c’est ce que nous faisons tous plus ou moins, si l’on n’est pas surpris avant, à partir d’un certain âge. C’est un brin stupide, si l’on réfléchit bien. Elle est probablement la chose la plus imaginaire qui soit, en laquelle pourtant tout le monde croit, plus qu’en Dieu, évidemment, Qui, pourtant, Se trouve en principe derrière elle…
Certaines vérités sont indémontrables, et même, j'oserai dire, à l'égard de soi-même. Il n'empêche qu'on les connaît absolument, qu'on peut les exprimer avec prudence et délectation, en sachant d'avance qu'elle ne pourront être reçues que de ceux qui les connaissent déjà, et qu'on découvrira ainsi avec reconnaissance à cette occasion comme faisant partie des siens.
Tous, nous faisons ce que nous croyons avoir à faire (personnellement j'ai arrêté; je n'ai jamais très bien su ni de quoi il s'agissait ni comment m'y prendre) avec simplicité, courageusement, et tout aussitôt, voici les incendies, les assassinats, les guerres, toutes les catastrophes possibles et imaginables dont nous ne nous sentons pas responsables, parce que nous ne réfléchissons pas beaucoup et que nous n'aimons pas nous encombrer de scrupules.
Je remercie Noé pour la vigne et le vin qu'on en tire, qui, à dose modérée, est l'indispensable viatique pour la vieillesse. Il arrondit les contours, efface la fatigue morale et le désespoir, entrebâille les tentures épaisses derrière lesquelles les femmes se sont petit à petit enfuies, permet de les apercevoir encore, d'adorer leur beauté, ravive la passion, fait aimer la danse.
Il est, pour un homme seul, ainsi que la musique, l'autre béquille pour, encore effrontément, toiser la mort.
Je suis pauvre, je dois me contenter de ce que je n'ai pas.
Dimanche 31 mars 2013
Je réalise seulement aujourd'hui que le paradis entrevu à Matala avec J. et poursuivi à La Barbade, ne pouvait guère se prolonger en dépit de mes efforts, compte tenu des déterminations inconscientes qui étaient les miennes (refoulements, traumatismes divers), et ce sont de pesants regrets, et une culpabilité injustifiée, qui disparaissent !
Il n'y a pas un génie pour hier et un génie pour aujourd'hui, le génie ne change pas ! Un rappeur ne remplace pas Mozart, ou même velRa, désolé les gars. Ou vous nous jouez au moins «Pavane pour une Infante Défunte», ou vous restez chez vous.
Quand Baudelaire disait vouloir «du nouveau», il ne parlait pas de la connerie agrandissant son marché !
En tous cas me voilà sorti du champ de mines. Pour des raisons particulières et particulièrement puissantes, j'ai eu quelques doutes, mais dorénavant ça ne prend plus !
Vendredi 29 mars 2013
Le jugement de facto que les enfants devenus adultes portent par leur conduite, dans les domaines d'activité que l'exemple de leurs parents leur a ouverts, quelle que soit leur réussite quand ils reprennent le flambeau, a toujours quelque chose de strictement effroyable, et ne risque pas d'améliorer le panégyrique de la société.
La vilaine banlieue est le royaume d'analphabètes qui se prennent pour des génies méconnus... Génie méconnu moi-même j'y ai sans doute ma place, mais en tant que lettré, là, le bât blesse.
Lundi 25 mars 2013
Chère Denise (j'ai une sœur qui ne s'appelle pas du tout Denise mais Elvire Haquenée Aurore Bethsabée, je lui donne ce nom depuis l'école parce que les autres enfants se moquaient d'elle en l'appelant Elle-et-Vire),
Chère sœur,
J'ai chez moi une boîte de rangement très pratique -elle s'adapte automatiquement à la taille de l'objet qu'on met dedans et qui aussitôt disparaît - mais depuis quelques temps il se passe des choses bizarres. Non seulement elle ne change plus de taille mais les objets sautent, se retournent, se mettent en place avec des claquements pour être dans une position particulière, la " bonne " position de toute évidence, avant de disparaître, et cela m'intrigue. Ce n'est pas un réel problème, tout fonctionne comme avant, sauf la taille, mais jusqu'à présent je n'ai rien eu de trop grand à mettre dedans. Peut-être que si cela arrivait, d'ailleurs, elle se comporterait comme toujours. Je voudrais seulement comprendre ce qui se passe et je m'adresse à toi car je ne connais personne de plus compétent.
Cher frère,
D'abord je trouve que tu as bien de la chance. Où as-tu trouvé cette boîte ? On dirait un de ces accessoires de mage que tu es seul, ou du moins l'un des rares, à posséder. Tu nous épatais déjà quand tu étais enfant en te montrant si différent, apparemment tu n'as pas changé. ..........................................
Je n'ai pas besoin du pari de Pascal car j'ai toujours eu la foi. Par contre ce qui m'est nécessaire c'est de présumer que la félicité auprès de Dieu est plus grande que les plaisirs abominables que j'ai rencontrés ici-bas.
J'ai l'impression de venir de Dieu -je peux même dire que c'est mon père- comme un pompier qui s'est laissé glisser le long d'un mât faisant office d'escalier pour descendre plus vite en cas d'urgence. Cette perche est un lien intangible toujours présent qui nous relie au Ciel et à Lui.
La nature est le seul cadre dans lequel l'homme puisse espérer trouver un sens à sa vie. En évoquer un autre, comme je suis en train de le faire, est déjà en soi une sorte de folie.
La civilisation industrielle, avec ses technologies sophistiquées, et le décor urbain dans lequel elle se déploie idéalement, sont une source d'illusion(s) qui rendent impossible la moindre spiritualité aboutie. Les objets manufacturés identiques et sans âme, et ceux fabriqués dans des matériaux qui n'existent pas à l'état naturel, composent un substitut trompeur du monde matériel véritable. Plus rien ne nous rappelle nos déterminations biologiques et nous tendons à ne nous considérer que comme des égos, des intellects agrémentés de bras, de jambes, d'organes sexuels ne servant qu'au plaisir, etc.
Dans ces conditions, toute méditation prolongée bute sur l'absence de nature comme image du sens qui nous échappe. On se dit qu'au milieu d'une prairie, devant la mer, la montagne, sous les étoiles, peut-être, on finirait par comprendre, mais qu'ici c'est impossible : terrible, terrible souffrance.
Samedi 23 mars 2013
Par le mot " con " que j'utilise généreusement -on me le reproche assez- pour parler de mes semblables, j'entends, en vrac, liste non exhaustive :
égoïste, calculateur, pervers, tricheur, menteur, bas, agressif, intolérant, revanchard, brutal, vil, cupide, veule, etc.
Il me sert, ce mot " con ", pour évoquer avec beaucoup d'indulgence, me semble-t-il, ceux qui salissent l'univers, ignorent la beauté, sont aveugles et cruels avec les animaux, offensent la Nature et Dieu itou -qu'ils accusent de leurs propres défauts- empoisonnent le présent comme ils l'ont fait du passé, et compromettent l'avenir, bref, tous ceux qui déclenchaient jadis l'ire sacrée du poète quand on gardait encore un semblant de décence et d'obligation envers les buts naturels.
En fait, dans ma bouche, " con " ne signifie pas imbécile, quoique souvent, bien sûr, cette acception s'affirme compatible.
J'espère ainsi rassurer parmi mes proches ceux qui se sentent visés autrement que dans la sphère morale et, prétention intellectuelle générale oblige, s'en offusquent.
Samedi 16 mars 2013
La culture oriente la conscience dans certaines directions privilégiées au détriment du Tout. Elle est une force qui bloque l'accès à certaines vérités. Elle impose des préférences, masque des options. Il faut dans tous les cas s'en affranchir.
J'ai rêvé cette nuit que deux jeunes idiots prétentieux -des petits malins- me contredisaient au sujet de la connaissance des particules électroniques. Ils prétendaient, contrairement à moi, qu'on peut les voir, n'existe-t-il pas un microscope du même nom ?
C'est en effet l'impression dont notre culture occidentale nous imprègne : celle de la toute-puissance de la science. Or, dans mon rêve, je faisais preuve d'une intelligence plus rassise.
Bombarder de la matière avec d'autres particules et en déduire un concept n'est pas voir, c'était mon opinion ! La connaissance n'est pas une simple représentation intellectuelle, voilà ce que je défendais.
Réveillé, j'ai réfléchi davantage et je me suis rendu compte que nous avons cessé depuis longtemps d'avancer dans la connaissance. Nous fabriquons de l'abstraction et non pas du concret, de l'"existentiel", et cela à coups (à coût) de milliards d'euros pour continuer à croire au progrès. Nous construisons des accélérateurs de particules pour perpétuer l'illusion, et si nous avançons, c'est à la façon d'un aveugle dans les ténèbres, à tâtons, avec les mêmes dangers, en affirmant crânement que le toucher remplace très bien la vue, en compense l'absence.
Nous ne voulons pas reconnaître nos limites, et surtout qu'en la matière, si j'ose dire, elles sont largement dépassées.
Une expérience mystique a infiniment plus de valeur dans l'ordre de la connaissance que ces travaux de Sisyphe des chercheurs.
Mardi 12 mars 2013
Mes chats n'ont pas d'étiquette. Je viens seulement de m'en apercevoir. Je la cherchais. J'assumais plus ou moins qu'ils en avaient une quelque part, accrochée avec une petite ficelle, imprimée en rouge, ou bien tatouée sur leur arrière-train, sous les poils. Par exemple : Lili, chat femelle, née le…, etc., comme il en va partout, comme la plupart des objets, que dis-je, comme tout le monde en porte ! Mais non, ils n'en ont pas.
Pas d'étiquette, pas de nom. Pas de nom, pas même celui de " chat ", encore une de nos inventions.
Ils s'en moquent bien. En fait ils n'appartiennent à personne, quoique nous faisant face, nous regardant comme nous les regardons, mais ne faisant pas partie du système, de notre système. Cependant ils sont là et ils sont eux-mêmes, cela leur suffit, ils obéissent à l'évidence à Autre Chose.
Présents et irréductibles, comme une planète étrangère, une lointaine étoile. Incroyable ce sentiment que tout tourne autour de l'homme, dépend de lui, lui appartient.
Cela me rendait aveugle, à la fois sur eux et sur moi.
Quand on a beaucoup d’entregent on a rarement de la profondeur.
L’éternel voyageur
Complètement idiot que de se concevoir comme « arrêté » ou pouvant, devant l'être, ce que j'ai cherché longtemps ( S’arrêter c’est se tromper).
Il s’agit d’une transformation (l'existence) qui est comme un périple sans que l’on ait –il me semble- à s’en soucier.
C’est assez peu cartésien cette danse qui consiste constamment à ne se tenir que sur un pied, tantôt l’un tantôt l’autre, en somme une danse qui ressemble beaucoup à la marche, dans un espace intérieur, ou devrais-je dire « intrinsèque », qui est à la fois imaginaire et réel –car tout ce qui est imaginaire est d’une certaine façon réel, et l’inverse…
Il ne peut pas y avoir de profit, bien sûr, parce qu’il est constamment remis en cause… et remis en cause… et remis en cause…
Pierre qui roule n'amasse pas mousse.
Dimanche 10 mars 2013
L’acide, le mordant, le fier, l’élégant, le nerveux, l’impatient, qui avait du panache, séduisant, irrésistible, génie français, c’est fini !
Samedi 9 mars 2013
La douleur est une drogue comme une autre. Je me demande d'ailleurs ce qui n'est pas une drogue pour l'homme, dès qu'il en abuse… la nourriture, le sport, la réflexion, la volonté… et ainsi la douleur morale, le mea culpa qu'on s'inflige sans relâche, impitoyablement, tout en s'imaginant gagner ainsi un pardon qu'on croit ne pas mériter…
Pourtant je savais depuis toujours, même ce jour de mes neuf ans où j'avais refusé de répéter à haute voix ce que j'entendais prononcer en moi : "Dieu est méchant", que le péché tel que l'entendent les curés n'existe pas.
En France le bas-peuple subit le jugement et le sort mauvais que lui octroient ceux qui à l'évidence ne le connaissent pas. C'est lui qui fait les frais des politiques d'aide qui s'adressent à d'autres malheureux obtenant ainsi un traitement meilleur que le sien. C'est lui qui encaisse le plus durement les politiques de rigueur.
Pas étonnant s'il prête l'oreille aux propos consolants d'un parti extrême -le seul apparemment à savoir qu'il existe.
Pourquoi je dis cela ? Parce que, n'ayant jamais travaillé pour l'essentiel que comme simple ouvrier et ne percevant aujourd'hui qu'une retraite de 750 €/mois, j'en fais partie !
Quand un poète à la vocation universelle, bien au-dessus de ces considérations, en vient à s'occuper de telles horreurs, vous pouvez vous faire du souci !
C'est peu dire qu'en vingt ans le monde a changé, communications, mondialisation, dépravation générale, mais quiconque se retrouve à cause de l'âge en butte à des problèmes de santé, à une diminution de ses capacités physiques, avec, en point de mire, l'arrêt définitif, la fin totale, tout cela paraît dénué d'importance. Ce sont des changements d'aspect, une simple illusion. La vraie réalité est toujours là, bien simple, et inévitable, qui devrait générer la compassion, mais que personne ne voit.
Vendredi 8 mars 2013
Il y a toutes les rom stock pour tous les téléphones (et là je ne parle que d'un système sur une seule marque) :
Des dizaines par jour, par exemple : la N7000XXLSZ_N7000XENLS4_XEN, la I9100XWLSD_I9100OJVLS6_KSA, la 7710XXAMB5_S7710OXFAMB2_SIO (Android 4.1.2), la I9300TDUEMB1_I9300TTHLEMA1_THL, etc., etc.
Et puis les rom customs, elles-aussi innombrables, comme la CyanogenMod 9.1.0 qui, malgré mon respect absolu des procédures -Heimdall Suite pour installer d'abord le Technomancer's ClockworkModRecovery avant de lancer un wipe data/factory reset pour effectuer finalement l'install du .zip à partir de la sd card- a planté sur ma Galaxy Tab, me laissant désemparé
Une jungle foisonnante à l'envi extrêmement complexe et insondable de cyber-réalité dans laquelle quiconque ne se perdrait pas serait un surhomme et où ce qui pousse n'est pas toujours viable, car mon plantage -s'agissant de la P1000 GSM spécifiquement européenne- était déjà signalé dans la page suivante du site mais, évidemment, je ne pouvais pas l'avoir lue
S'ajoutant au petit livre rouge du plan de Paris, qu'on trouvait dans le camion de mon père, avec ses innombrables avenues, boulevards, rues, places, voies, passages, impasses, avec lequel j'ai autant de lacunes
Petit ouvrage broché écorné et noirci de cambouis dont on eût dit (à mes yeux d'enfant) qu'il abritait des lois alchimiques venues du fond des temps
Et au dictionnaire Tout-En-Un de ma mère que je lisais jadis comme un livre de poésie sans parvenir toutefois à mémoriser complètement les planches illustrées du Costume à travers les âges qui m'ont tant fait rêver et comprendre la vanité du paraître en société
Ensemble que jusque-là je croyais possible de maitriser un jour, à l'instar de ces intelligences universelles que furent Vasari, Léonard de Vinci, et plus près de nous Bertrand Russel si je ne m'abuse (j'en étais fan vers dix-sept ans et depuis de l'eau a passé sous les ponts, certes)
Et bien j'avais tort.
J'abandonne, je lâche prise
Je m'abandonne au tourbillon, je lâche prise pour mieux valser
Je ne sais pas qui Elle est mais je fais confiance à ma cavalière
Pages envolez-vous, éparpillez-vous !
Je consens.
Jeudi 7 mars 2013
A ne publier que si je déménage…
Quand j'avais vingt-cinq ans, un grand éditeur m'a déclaré sérieusement que j'étais l'un des trois meilleurs écrivains de ma génération. Aujourd'hui, habitant Saint-Denis (93), ce qui, malheureusement, n'est pas incompatible, je ne peux malgré tout m'empêcher par naïveté d'en douter.
Aussi horrible qu'elle paraisse, l'idée d'un cerveau humain trempant dans un bocal et relié par des fils électriques à différentes machines permettant et l'élocution et l'ouïe afin de continuer à partager une pensée jugée (sans doute avec présomption) digne d'intérêt et de conservation, ne peut manquer d'advenir à quiconque se retrouve à un certain âge en train de constater sa propre et inexorable décrépitude physique (une horreur aussi, croyez-moi). S'il n'y a rien à faire pour sauver la matière, la pensée, elle, toujours intacte et sans âge, réclame d'être préservée.
Ce que l'on peut espérer de mieux est d'en retenir l'essence avec de rudimentaires signes tracés ici ou là qui en porteront témoignage, et lui assureront une espèce de descendance dans l'esprit des autres.
Lundi 4 mars 2013
Ceux qui doivent disparaître, disparaissent. Ils sont retirés.
Accompagnez-moi partout, s'il vous plaît, j'ai besoin d'un témoin.
Si je dois la voir seul, elle qui doit être frappée aujourd'hui, je ne veux pas qu'on m'en tienne responsable.
Je suis certes averti mais je n'y serai pour rien.
Simplement je sais.
Dans mon anfractuosité habituelle je suis le plus grand je suis le meilleur le plus beau le plus talentueux le plus brillant mais
Je suis loin d'être le seul dans ce cas
La taille de la montagne n'est pas des moindres et le nombre de troglodytes y installés énorme colossal
Par exemple quatre-vingt-deux millions rien qu'en Allemagne
(Ce n'est pas rien)
Aucun ne s'extirpant pour jeter un coup d'œil dans ma direction
(Moi qui suis pourtant à mi-échelle le cul nu depuis l'âge de sept ans)
Contents paisibles satisfaits et pas du tout au courant de mon existence
Oui oui ils l'ignorent
Et je ne vous parle pas des bancs de créatures diverses qui nagent alentour
Des nombreuses espèces qui fouissent au pied du madrépore
Ou qui rampent à sa surface en tentant d'y pénétrer
Le forent l'investissent le taraudent de toute leur énergie…
Vendredi 1er mars 2013
Les arts servent à accorder l’homme avec Dieu.
Il y a des gens qui disent que la terre est ronde… Moi qui ai beaucoup voyagé, dès ma naissance, dans la lumière et puis dans l’obscurité et la pénombre, je ne peux témoigner que d’une chose : elle paraît bien plate et au bout il y a un mur, un mur épais et infranchissable, ce qui s’accorde mal avec l’idée de rotondité, cette notion particulièrement commode quand on veut faire tout ce qu’on peut et aller en quelque sorte où bon nous semble, puisque, en cas d’erreur, on est certain de toute façon de revenir plus ou moins au point de départ.
Mais continuer à avancer est suicidaire; pour réparer, il faut faire demi-tour et revenir sur ses pas soigneusement, en toute humilité et platitude, jusqu'à l'endroit où l'on s'est trompé. S’il n’y avait pas eu ce mur providentiel qui me faisait obstacle, preuve supplémentaire, ne serais-je pas tombé dans le vide ?…
Mardi 26 février 2013
Il est normal qu'un écrivain se livre.
Dimanche 24 février 2013
Une révolution
Je me suis écroulé assez tôt hier soir dans la soirée comme cela m'arrive de temps à autre. Je commence à savoir de quoi il s'agit. Je ne peux plus lutter, non pas contre la fatigue physique mais contre celle, psychologique, qui correspond à mes refus de comprendre, d'accepter certaines transformations. Ce n'est pas par mauvaise volonté, loin s'en faut, mais parce que je ne suis pas prêt, pas assez lucide, trop orienté dans la mauvaise direction depuis trop longtemps.
Quoi qu'il en soit je n'ai pas résisté cette fois-ci sachant ce qui m'attendait, un sommeil étrange sur le canapé, une méditation imposée, violente, entrecoupée de nombreux réveils, de prises de conscience, etc.
La nuit s'est effectivement déroulée comme cela. Vers 2h je me suis levé pour changer la litière des chats, ce que je fais normalement le soir, puis deux heures plus tard je suis allé me laver les dents, un rituel qui s'effectue évidemment beaucoup plus tôt d'habitude.
Ce n'est pas si mal, cet exercice qui consiste à ne dormir que d'une moitié de cerveau pendant que l'autre l'assiste, enregistre les résultats, et que les sensations physiques sont surveillées, ma position sur le canapé, la couverture plus ou moins bien disposée, mes contorsions diverses, mon image corporelle constamment à l'étude.
Les heures ont passé. J'ai rallumé puis éteint à nouveau la lumière à quelques reprises, je suis allé pisser deux fois.
En somme du bon travail, un étrange mais réel "travail". Entre la besogne ordinaire et l'accouchement, la mise bas, un devoir et une délivrance qui étaient nécessaires.
A présent, il est cinq heures trente, bien réveillé, après avoir bu un café et mangé du munster, je peux déjà dire 1/ que j'ai enfin ressenti le petit sentiment de perte causé par le départ de N., serrement de cœur que mon éducation me faisait prendre pour de la faiblesse, sentiment que je tenais à distance, que je ne voulais pas mettre derrière moi.
2/ que malgré mon envie et mes efforts depuis trente ans de me croire arrivé (je passe mon temps à m'occuper de mes meubles, les concrets et surtout les sprirituels) je suis et je resterai un voyageur. (Je me demande pourquoi j'ai voulu me priver de cette élégance.)
Ce n'est pas rien d'être revenu là-dessus, une véritable révolution !
Beaucoup d'autres questions ont aussi été traitées, sans aucun doute, dont les fruits devraient être cueillis peu à peu, ou réclament encore de mûrir.
Vendredi 22 février 2013
Je veux bien considérer que toutes les cultures sont égales, ou se valent (ce qui est un peu différent et plus acceptable), mais pour avoir ce point de vue, fait étrange, il n'est pas possible de se situer dans n'importe laquelle...
Le sommeil de la raison engendre des monstres, mais pas plus que lorsqu'elle se croit seule à devoir veiller.
Je pense, sans en avoir la preuve, que pour avoir envie de raconter une histoire, ergo d'écrire un roman, il ne faut pas être en quête de la Vérité. Celle-ci, réelle ou imaginaire, à demi-maîtrisée ou encore inconnue, interagissant avec les autres éléments dont on dispose pour la création, est beaucoup trop perturbante.
Il n'y a que deux solutions : soit on s'en passe, soit on décide de l'atteindre pour de bon.
Etre con, cela consiste pour beaucoup de gens à ne pas se faire suffisamment confiance pour s'entendre penser.
Jeudi 21 février 2013
Décrivant son chat il ne disait pas : " les pattes postérieures ", ou " les pattes de derrière ", il disait : " les pattes du dos ". Et en parlant des pattes de devant, antérieures : " les pattes du ventre ". Ce qui n'était pas si impropre que cela, d'autant que son interlocuteur, qui venait tout juste de reposer 1Q84 de Murakami, après avoir aperçu pour la première fois les Little People sortant de la bouche de Tsubasa, n'en était pas à une bizarrerie près.
Mardi 18 février 2013
Je tiens à rester dans mon tour d’y voir. C’est là que je contemple le mieux les choses.
Dimanche 17 février 2013
Il y a un fatalisme qui est la dignité de la misère insurmontable, de l'impuissance, et un autre, tout-à-fait écoeurant, qui ne sert qu'à entretenir la torpeur d'une stupide paresse.
Croire c'est penser. On ne sait pas vraiment laquelle précède l'autre, si la croyance est la vocation naturelle de la pensée ou si la pensée procède d'un état qui est la croyance ; en fait elles n'existent que l'une par l'autre, en symbiose, elles se confondent.
J'ai été aimé plus que d'une reine, d'une impératrice ! Quand on en prend conscience cela console des quelques humiliations éprouvées depuis.
Le regard qu'on peut porter sur soi-même, sur l'être humain, a tout du tableau cubiste : ce que l'on sait pour l'avoir reconnu, ce que l'on a appris de manière livresque, ce que l'on éprouve sur le moment, agréable sensation ou douleur, et ce que l'on suppose. Le nez n'est pas au milieu du visage tant s'en faut, la main orne le ventre, le front, les couleurs se télescopent, se répandent, rien n'est arithmétique, cohérent.
Mais aussi il y a de la mouche, du lézard, qui interviennent, et de l'herbe, et de la forêt… du prisme, de la colle, de la musique, de la lave en fusion, des planètes, des galaxies...
La sagesse, je crois, consiste à s'obéir, c'est-à-dire à garder la cohésion en restant humble. Qu'est-ce que je veux (vraiment), qu'est-ce que je vois ? Qu'est-ce que je me commande ?
Quel bonheur de s'accepter en se découvrant à chaque instant (il est impossible de se prévoir). Dans ma tête passe une licorne blanche. Tout est merveilleux.
Je suis inspiré, j'obéis à Dieu.
Merci, à Toi, de m'exister.
Jeudi 14 février 2013
Prétendre à la neutralité intellectuelle absolue comme on le fait aujourd'hui dans la société française, en s'abstenant de tout sous-entendu moral ex- ou im-plicite, de tout jugement de valeur à l'égard d'autrui, de la culture, de la race, des agissements sexuels (sauf préjugés obligatoires...), etc., c'est 1/ stupide -puisqu'il s'agit précisément d'une ultime attitude moralisante 2/ inhumain, et cruel -puisque cela s'oppose à la tendance qu'on aimerait qualifier de naturelle si n'elle ne s'exerçait pas trop souvent de façon injuste*.
En outre il s'agit bien d'infra-humanité et non d'un dépassement car c'est la négation même de ce qui, dans le meilleur des cas, aboutit à l'art, à la transfiguration, à la découverte du Sens !
* Une injustice qui provient non pas de la fonction elle-même mais de qui l'utilise et à l'égard de qui ou de quoi.
Nota Bene : Seuls les actes sont répréhensibles. Les pensées, et leur expression, malgré leur dangerosité, ne devraient pouvoir être condamnées.
Une chose vient parce qu’une autre attend.
Dimanche 10 février 2013
Le défaut du cartésianisme c’est qu’il remplace l’Incompréhensible Réalité par une image illusoire simplifiée qui finit par en tenir lieu.
L’inconscience n’est plus ressentie comme telle et devient « normale ». C’est sans doute rendre aux agissements de la majorité d’entre nous une espèce de légitimité mais c’est un mensonge.
Samedi 9 février 2013
Je n'avais pas l’air moins sage jadis quand j’étais fou, que je ne le parais aujourd'hui devenu tel -devenu sage-, aux yeux des fous qui m’entourent.
To Janet, who was there, who, at least for me, was it...
Il n'est pas de semblable espace
D'aube rugueuse et secouée de coqs
Le chant des coqs, leur chant maigre
Et la mer est émue par l'aube
Il n'est pas de tendresse plus douce que dans cette île
Matala
Mon regard, Matala ma lumière : le soleil compliqué des diamants de midi et l'à-pic de clarté des falaises
blanches
Les falaises des morts anciens, des processions sanglantes
Et toujours le soleil, le soleil sur les pentes, pas d'olivier, rien que le soleil blanc
Et la mer rouge comme du sang, d'île en île, séché, caillé, par plaques, la mer, la mer, bleue, verte, pleine
de tristesse et de soudains éclats de vent
...Qu'atteignent les gifles du sable et la haute flamme des danses
Seul autour du pivot des voix lentes et de la cadence des mains ?
Matala
Sous un abîme d'épouvante parfois
Comme un oiseau agonisant sous la corolle des mouches
Chaleur, chaleur, les grands rires du vent
Et la lune cueillant sur Matala les tresses du soleil
Soleil... comme le corps de Matala
Sa blancheur d'île, et les étranges veines profondes de la mer
Je sais qu'il y a des volcans Et l'absence de Dieu dans le vide de Matala... béant Vide propre aux
orages de chaleur Aux danses éplorées nocturnes.
Dimanche 3 février 2013
Dans nos relations avec les autres, nous ne sommes pas comme des anachorètes de retour dans le monde, des ermites éprouvant le besoin ou ayant reçu de Dieu l'injonction de s'adresser à cette étrange et un peu lointaine espèce qu'on appelle les " hommes ". (Quoique…)
Nous vivons avec, et nous oublions la distance qui nous permettrait de les qualifier de manière générique.
Et bien, c'est également ce qui m'arrive de plus en plus avec les chats, dont je suis si proche que je ne vois plus que l'être pourvu de sentiments analogues aux miens dont les réactions interfèrent avec les miennes, l'individu particulier, mais ni un " animal ", ni un " chat "!
Chaque chose et chaque être sur terre exigent que nous éprouvions pour eux l'idée et le sentiment qu'ils méritent, et que, malheureusement, l'équilibre de nos idées et de nos sentiments existants ne permet pas toujours.
Il y a un combat permanent en nous, en grande partie inconscient, entre ce nous sommes dans le moment et ce que nous devons devenir pour être absolument nous-mêmes, c'est-à-dire capables en somme de rendre compte convenablement de Tout ! Cet échange parfait et entier entre soi et le reste du monde, est, il me semble, ce pour quoi nous avons un destin.
Mercredi 30 janvier 2013
L’authenticité et la valeur (l’intérêt qu’on peut en recueillir) de tout penseur, professionnel ou amateur, grand ou petit, célèbre ou non, se mesurent à la reconnaissance et à l’acceptation qu’il a lui-même de ses propres contradictions. Avec un peu de chance et l’aide de Dieu, un jour, à condition qu’il les accepte, il atteindra à l’Esprit où il les verra se vaporiser dans l’Harmonie.
Mardi 29 janvier 2013
Je me souviens de tous les habitants du quartier, de la faune nombreuse et diverse de mon enfance, des types, des caractères, des classes, des métiers, de la moyenne, des exceptions, des âges, des couleurs, qui m’apparaissaient, m’apparaissent toujours car le passé ne me quitte pas, comme une richesse, alors qu’aujourd’hui, quoique je voie toujours la variété, le nombre, les particularités, les multiples aspects, c’est un flot fade, uniforme, conformiste, qui ne m’intéresse pas.
Jadis tous ces gens si différents semblaient pouvoir parler d’une seule voix puissante. Aujourd’hui, plus nombreux encore, ils ne savent ni se retrouver ni se réunir.
Le plus difficile n'est pas de «crever», il me semble, mais d'accepter d'avoir à le faire à l'écart, de manière impersonnelle, presque clandestinement, comme si de rien n'était dans l'absence d'attention générale (Songez à ce qu'était la mort jadis socialement : rosse et caparaçon aux larmes d'argent, hautain corbillard, cosmopolite cortège, à chaque coin de rue... Nous ne savons plus vivre ergo nous ne savons plus mourir...), tandis que nos pauvres contemporains qui ne savent s'occuper farouchement que d'eux-mêmes, irresponsables et laborieux, se dirigent tout droit évidemment vers la même épreuve.
La sixième mutation…
Oui, j'ai bien entendu, vous avez bien lu… Cela signifie qu'il y en a eu déjà cinq ! A dire vrai, je m'étais bien rendu compte de beaucoup de changements, mais sans les définir ni les compter.
Des mutations ! Voyez-vous ça ! Comme un cœlacanthe qui deviendrait un homme, n'est-ce pas, j'exagère sans doute un peu, quelle aventure !
Rendez-vous donc après pour en juger, quand celle-là aura eu lieu.
Lorsque je serai capable de me passer de tout secours, Dieu me prendra dans Sa main.
Le vrai problème philosophique c'est la mort, et les plus importantes philosophies sont les religions.
Lundi 28 janvier 2013
Les chats aiment les êtres humains. Par exemple, ils adorent dormir blottis contre nous. Ce qui est totalement incompréhensible.
A moins qu'au lieu de chercher du réconfort comme on pourrait l’imaginer, mûs par leur bonté naturelle, ils ne nous en proposent…
Si Dieu vous dit de blasphémer, il faut blasphémer !
Seul, immobile, et tout à loisir
Comme un poète qui se récite intérieurement des vers
Comme un musicien qui joue et rejoue dans sa tête une partition
Je me promène dans les lieux merveilleux où j'ai vécu jadis
Dans l'esprit scintillant présidant au ciel grec
Dans la magie des nuits tropicales à La Barbade
Dans l'âme de diamant de Matalla.
Dimanche 20 janvier 2013
Des tas de gens convaincus d'être de bons esprits rationnels sans une ombre, cartésiens affirmés, n'en sacrifient pas moins régulièrement à Eros, ou peut-être devrais-je dire à Priape, ou encore à un faune, une bacchante méconnu(e)s, y usant et leurs forces dans leurs pratiques et leurs ruses dans la recherche d'un(e) ou de plusieurs partenaires.
Ces soucis permanents, ces besoins erratiques, en un mot ces passions, ont-elles la moindre dignité qu'on puisse rattacher à l'esprit dont ils sont si fiers ?
Sont-elles l'expression d'une vision intellectuelle du monde qui m'échapperait ?...
... Moi, je dis que, quand on baise, on se doit de garder le reste du temps, par rapport à Dieu, un petit chouïa de respectueuse humilité.
Vendredi 18 janvier 2013
Nous nageons constamment en plein merveilleux, en plein miraculeux –les grands musiciens nous le disent sans cesse- et la bande d’abrutis renommés qui nous dirige, morts ou vivants, lointains ou proches, passe son temps à nous convaincre du contraire, prêtres de la peur.
Moins on se reconnaît d'importance objective, plus on se sent bien.
Jusqu'à aujourd'hui je n'avais pas compris que les choses avaient commencé avant moi. En particulier : que le regard de ma mère sur moi était conditionné par ce qu'elle avait vécu avant que je ne vienne au monde, un regard, par conséquent, très relatif, assez limité, celui d'une très jeune femme qui, en particulier, se méprenait complètement au sujet de son père. Ce que j'étais, passé ce filtre, n'avait plus rien à voir avec moi. Les péchés que j'ai cru avoir commis n'avaient aucune existence, car mon juge regardait dans une toute autre direction. Même si j'avais été -peut-être l'étais-je d'ailleurs- un nouveau Bouddha, un saint futur absolument parfait, elle n'aurait pu s'en apercevoir. Le malentendu était le cœur du problème.
Lundi 14 janvier 2013
Nous ne faisons que marcher dans des ruines Celles de la guerre et de l'Histoire Et les ruines de l'amour Et nous n'avons pas d'avenir Regardez : l'herbe qui va tout recouvrir Est noire.
Il n'en faut pas beaucoup pour faire d'un poète son propre bourreau
Oubliez de lui dire qu'il n'est pas coupable
Cela suffit
J'ai connu un poète suisse
Qui se trompait magnifiquement sur lui-même
Et beaucoup beaucoup d'autres gens dans le même cas
Rares sont ceux qui marchent vers la Rédemption.
Je me mis un jour à penser qu'elle appartenait indubitablement à cette catégorie très particulière des " dangereusement con " avec son imbécillité offensive, et son aveuglement, sa surdité, aux signaux et aux paroles que je tentais de lui adresser dans l'espoir de l'arrêter.
Oui, c'était la formule qui lui convenait le mieux : dangereusement con ! Elle ne voyait ni n'entendait rien, et, en tête du cortège des cons, continuait sur sa lancée avec un entrain remarquable, le plus étonnant étant l'assurance ravie qu'elle affichait, comme si elle avait été jusque-là toujours récompensée de ses actions, applaudie, félicitée.
Jeudi 10 janvier 2013
L’idéalisme, et, d’une manière générale, toute « prétention » intellectuelle, est le meilleur moyen d’éviter Dieu.
Mercredi 9 janvier 2013
Lorsqu'on se bat pour retrouver un équilibre authentique, après avoir complètement perdu celui, approximatif, qu'on possédait, on est dans l'obligation de découvrir les idées justes, les raisonnements valables, la véritable raison opposée à l'illusoire, les formes réelles de la vérité. Se tromper serait mourir. Une ascèse qui fournit la pierre de touche pour la reconnaissance du Vrai.
«Where Are We Now ?» (2013) by David Bowie, un chef-d'oeuvre :
Mardi 1er janvier 2013
Minuit. Et l'amour meurtrier s'en ira sur la pointe des pieds...
Mardi 25 décembre 2012
Avec l'homme et la femme on tourne en rond
Avec l'homme et l'homme, la femme et la femme
La quête est d'autant plus inassouvie qu'elle est sans objet
Le vrai chemin est vers Dieu
Celui qui emprunte les trois voies à la fois, le plus riche d'espoir, s'expose aux plus terribles souffrances.
Je suis mystérieux comme quelqu'un qui n'a rien à cacher.
Mardi 18 décembre 2012
Pauvre Lélian
Je vois partout le néant du Mal, partout et tout le temps dans les formes extérieures
Dans les habits des passants, les murs, les reflets de la pluie sur l'asphalte
Dans le bruit des autos, les grondements, les sifflements, le souffle de leur passage
Le bruit de mes propres pas, les grilles du parc, mes mains gourdes dans mes poches
Je rentre chez moi
Et quand je n'attends plus rien, que je suis vide, je vois Dieu apparaître
Je Le reconnais et quoiqu'Il soit invisible, inaudible, inexplicablement absent
Il est partout extrêmement actif.
C'est Lui qui fait la chanson de Verlaine¹ qui me fait pleurer et donne un sens à toute chose
Comment ai-je pu me tromper à ce point et ne pas Le voir ?
Il fait venir le jour, blanche haleine de chat sur mes vitres et Il tient ma main
Tous mes rêves sont tissés par Lui et la moindre chose que je pense Lui appartient
Rien, en vrai, ne s'interpose entre Lui et moi, sa créature, rien que l'illusion.
¹ Si tu ne mourus pas entre mes bras,
Ce fut tout comme, et de ton agonie
J’en vis assez, ô détresse infinie !
Tu délirais, plus pâle que tes draps ;
Tu me tenais, d’une voix trop lucide,
Des propos doux et fous, « que j’étais mort,
Que c’était triste », et tu serrais très fort
Ma main tremblante, et regardais à vide ;
Je me tournais, n’en pouvant plus de pleurs,
Mais ta fièvre voulait suivre son thème,
Tu m’appelais par mon nom de baptême,
Puis ce fut tout, ô douleur des douleurs !
J’eusse en effet dû mourir à ta place,
Toi debout, là, présidant nos adieux !...
Je dis cela faute de dire mieux.
Et pardonnez, Dieu juste, à mon audace.
Lundi 17 décembre 2012
Heureusement que j'ai connu Yvonne Thurel-Baldacci, il m'arrive de croire qu'il n'y a personne d'intelligent sur la Terre.
J'ai quand même réussi à échapper à toutes les fêtes de famille, chichis, falbalas, repas de famille, anniversaires, pendaisons de crémaillère, etc., etc.
Ce n'est pas la vraie vie il me semble, sans savoir cependant ce qu'elle devrait être, différente pour chacun, originale, unique.
Nous nous rencontrerions pourtant, les enfants tenant la main d'adultes, en d'irrémissibles fêtes, gigantesques, impromptues.
Les différents étages de la Création auraient leurs praticables, splendides, décorés pour la circonstance, de tous styles, de toutes époques, parcourus de foules en liesse.
Les ballons, les serpentins, la soie, les masques, de Venise universelle.
Et les chemins vertigineux. Et la course des nuages en accéléré.
Et la Femme. Et l'Homme. Et le chant. Et la poésie.
Nous aurions les orchestres les plus purs, les plus naturels.
Il n'y aurait que des mains de paix, des yeux pour être éblouis par la Beauté, des corps pour la danse.
Les vieillards seraient des temples.
Dimanche 9 décembre 2012
Microfaust
Un ingénieur, un professeur, un écrivain, qui votent pour un individu censé les représenter dont, à l'évidence, le Q.I n'est pas supérieur au leur mais la névrose plus grande, ne méritent-ils pas de vivre dans une société de m… ? Eux et la foule qui leur ressemble !
Quand une chose se démocratise elle cesse d'être intéressante. C'est comme la vulgarisation (en particulier à la télé) : quand elle livre quelque chose au plus grand nombre, quel que soit le sujet, il n'y a que les bas-morceaux.
Vendredi 7 décembre 2012
Je me suis aperçu, dans une brève vision, comme un petit bonhomme marchant sous un nuage noir, un nuage circonscrit et funeste qui se tient juste au-dessus de lui et l'accompagne partout, un nuage personnel.
Cette nuée privée incongrue, presque ridicule, mais lourde de menaces, hostile, correspondrait en fait à tout ce que je ne comprends pas -pas encore- et sa présence est depuis si longtemps familière que je n'y faisais plus attention.
Cependant elle est là et joue bien son rôle, se déchainant violemment parfois avec de terribles grondements et des éclairs, et il se met à pleuvoir plus ou moins longtemps, mais le plus souvent elle se contente de me cacher le soleil.
Pour moi c'est le pire car j'ai la religion du Soleil ! Sans L'avoir jamais vu je sais qu'Il existe grâce à la lumière du jour, et quoiqu'on ne puisse sans doute pas Le regarder en face, j'ai toujours voulu profiter directement de Ses rayons.
Je me dis parfois que cette indéfectible prétention qui est à la fois un espoir et une conviction valant seule la peine de vivre est quelque chose d'important par rapport à tous ceux de mes semblables qui ne l'ont pas.
Dimanche 2 décembre 2012
Quand la mort cesse d’être une éventualité pour devenir une certitude, quel que soit le moment où elle devra survenir, elle est toute proche.
Vendredi 30 novembre 2012
Il est bien évident (j'utilise cette formule chaque fois que je découvre quelque chose qui ne l'était pas !) que je n'aurais pas pu accepter de travailler comme je l'ai fait -pendant environ vingt-cinq ans !- en tant que manœuvre, magasinier, si j'avais assimilé, digéré, compris, les années que je venais de passer avec L. et qui s'étaient soldées par un échec. Au contraire je refoulai le tout de peur d'en être détruit, le mettant soigneusement de côté pour plus tard, et cette inconscience me permit de ne respirer qu'à moitié en perdant toute ambition, de me passer, en quelque sorte, de moi-même. Parce que mon amour pour elle était devenu malheureusement cela : elle était moi, partie, c'était insupportable, je devais donc en mourir. Mais je ne le voulais pas, j'avais peur, il fallait avant tout ne pas y penser.
Toutes les nouvelles possibilités d’usage, de création, qu’offrent les smartphones se heurtent à la bonne paresse, à la sagesse qui consiste à se contenter de rien.
Jeudi 29 novembre 2012
« L'amour », comme dit Garance, « c'est facile ». Et elle a raison, il n'y a qu'à se laisser aller.
C'est bien cela, d'ailleurs, qui fait peur à beaucoup. Ils sont trop habitués aux interdits, aux difficultés, aux corsets, aux garde-fous, aux parapets, aux impasses.
Quand c'est facile, ils craignent de se diluer, une chose en entraînant une autre, de se perdre, comme un nuage qui s'effiloche avec le vent puis disparaît.
C'est pourtant le destin humain : grandir peu à peu en devenant de plus en plus léger pour, un jour, tout comprendre, tout accepter, ce qui n'empêche pas la pensée, l'action, mais plus simplement, plus sagement, jusqu'à -cela, je l'avoue je le suppose encore- savoir vraiment n'être rien !
Ce sont des gens gouvernés par leurs peurs, leurs vices, leurs appétits, qui prétendent gouverner les autres.
Je vais peut-être devenir optimiste à la fin de ma vie. Je me rends compte que le Mal ne peut pas triompher du Bien !
Bien qu’il soit constamment à l’œuvre, souvent totalitaire, apparemment définitif, il ne peut en aucun cas gagner durablement et c’est logique. Il surgit toujours quelque-chose d’inattendu, d’imprévisible qui se trouve être, ô sublime surprise, le Bien montrant le bout de son nez, et le Mal est contraint de reculer.
Tout simplement parce qu’il est contre-nature et que le Bien c’est la vie.
Vendredi 23 novembre 2012
Le monde idéalisé que la fréquentation de ma psy m'avait incité à construire -par rapport à celui, très sombre, qui était le mien avant de la rencontrer- en raison de ma réussite (je n'en ai plus besoin) est en train de s'effriter, des lézardes apparaissent, l'absolu s'en échappe et disparaît, et il ne reste (car c'est cela l'essentiel, malheureusement) que des gens ordinaires bien réels, qui sont affreusement imparfaits, souvent médiocres, peu intéressants, quel que soit leur statut social, leur rang, leur couleur, leur âge, leur éducation.
Je reviens à l'état antérieur mais lucide, renseigné, savant, accompli.
L'amour de ma mère que je pensais n'avoir pas vraiment existé m'a été rendu, mais un amour humain, très insuffisant par rapport à mon attente enfantine, comme elle, la pauvre, insuffisante, enfantine, qui ne le faisait pas exprès.
Que cette femme gentille, aimante, et plutôt déchirée, mal équilibrée, ait pu me tenir récemment responsable de la mort de mon père et me le déclarer tranquillement, sans même imaginer que ce puisse être à mon endroit offensif, terrible, accablant, suffit à dépeindre ce qu'a pu être avec elle mon enfance.
Quand il m’arrive de comprendre que tu ne me hais pas, je me sens délivré, sinon je brûle d’une fièvre mauvaise.
Jeudi 22 novembre 2012
Beaucoup de gens aiment l'idée perverse de " progrès ", ce mythe, cette illusion, parce qu'elle recèle au fond la notion de profit.
Si on l'en débarrasse, que reste-t-il ? Pas grand-chose, une idée très maigre, très abstraite, de peu d'utilité dans le monde matériel.
Choisissons plutôt sur ce sujet, comme Baudelaire déjà, d'être lucides.
Lundi 19 novembre 2012
Mettre à la crèche des enfants tout juste nés est bon pour la socialisation, mais ce n'est pas un troupeau de moutons qui sauvera l'Humanité.
Je suis de ces absurdes vieillards au doux regard délavé qui, aussi éloignés qu'ils en soient, font l'apologie de l'enfance avec un sourire comme s'ils l'avaient quittée la veille et y retournaient clandestinement à volonté pour retrouver l'Ile au Trésor, reconquérir le fabuleux El Dorado, cultiver le magique Jardin des Contes.
Je n'ai mis les pieds à l'école qu'à six ans, en me faisant prier et même tirer, porter, et, l'année suivante, après m'être surtout consacré à la scarlatine, à la coqueluche et aux oreillons et être resté six mois en colonie de convalescence, je savais lire et écrire à peu près couramment.
Ne me demandez pas comment, mais sachez que, pour moi, le mot "crocodile" ouvrait grand à l'évidence une gueule pleine de dents et miroitait d'écailles vertes. Je ne comprenais pas pourquoi on me rabâchait les lettres et les syllabes de mots dont il était si facile de regarder la physionomie unique, toujours intéressante et justifiée, pour s'en souvenir sans effort à jamais.
Vendredi 16 novembre 2012
Mieux vaut en finir avec l'envie d'en finir
Mieux vaut renoncer à rendre toutes les merveilleuses impressions que j'ai reçues
Pour en créer d'autres
Mieux vaut arrêter de faire le bilan que personne ne me réclame
Sinon moi-même sous mes écailles mes ailes de chauve-souris ma queue fourchue ma langue de feu
Chevauchant les nuages et les arcs-en-ciel et terrorisant paysans et châtelains jeunes vierges et douairières
Mieux vaut rendre sa liberté à mon âme
Pour enfin vivre.
Jeudi 15 novembre 2012
Plus ça va plus je m'ouvre aux idées qui, naguère, m'eussent fait craindre de devenir ou fou ou idiot, et c'est un soulagement, une délivrance.
Ainsi, je commence à voir derrière l'indigence des définitions que propose la société humaine la dimension plus grande et en quelque sorte héroïque (ma faiblesse m'oblige à utiliser ce mot) de la Nature. Par exemple, quelqu'un qui a une véritable vocation et qui réussit à l'exercer socialement est bien plus que sa soi-disant profession; dans sa fonction, son être, réside un archétype intemporel qui relativise la particularité historique. En l'apercevant, on se retrouve en train de regarder non seulement le présent de cet individu, mais aussi, pour ainsi dire, ses vies antérieures. Quelle merveille de rencontrer enfin la Fable, de la voir prenant corps, prenant vie !
Puis, je reçois les sensations occultées jusque-là, mes croyances, tout-à-fait naïves, tout-à-fait pures, qui risquent, si je les exprime, de me faire passer pour un imbécile, ce dont je ne me soucie pas beaucoup si grand est le bonheur qu'elles me procurent.
Cendrillon, chatte noire européenne exquise, disparue depuis des années, d'une élégance inouïe, d'une bonté et d'une droiture si exemplaires, et surtout si indéfectibles qu'aucun être humain ne peut y prétendre (nous sommes beaucoup trop faillibles, au contraire des animaux), parce qu'elle se trouve aux cieux, où je peux la voir, me rend la mort acceptable !
Lundi 12 novembre 2012
Quand j'ai rencontré B., ma psychiatre, dont les véritables initiales étaient Y. T-B (...ce qui permettra aux plus malins de découvrir qui elle était, et de le faire savoir aux autres, moins malins, paresseux, et à l'immensité majorité des indifférents -une organisation naturelle qui fonctionne à la perfection depuis toujours sans l'intervention de personne, comme quoi, dans le monde " normal " il n'y a aucune raison de s'en faire), ce fut bien, je m'en rends compte à présent, comme si je l'avais cherchée toute ma vie…
L'outrecuidance des chats n'est qu'une projection de notre intellect pervers, incapable de supporter l'idée d'innocence absolue et de candeur, d'un être tout-à-fait comparable à un bébé humain, qui compte naturellement sur nous, notre force, notre intelligence, notre supériorité, pour l'aider, le protéger, le " servir ". Et, bien sûr, tout comme moi-même, je m'en souviens, je l'attendais de ma mère, ils croient que nous savons ce qu'ils pensent.
Je porte le poids de toutes les conneries que j'ai faites, de toutes les erreurs que j'ai commises, et même si je m'en sens parfois délivré pour quelques moments exaltants, si je les oublie la plupart du temps, elles n'en ont pas moins existé, elles ont fait leurs dégâts. Le difficile pour moi, qui crois à un état spirituel fruit du progrès personnel, de l'individuation, est de concevoir une économie divine qui compose avec ce foutoir, ce bordel humain, et détient une finalité, une justification, une raison d'être compatible avec le pardon.
Ayez un chat sur vos genoux (remarquez que, sans l'exclure, je n'ai pas dit : " prenez ! "), et, si, après un moment, vous pouvez lire dans son regard une parfaite et durable quiétude, considérez -c'est moi, maître es minou, qui vous le dit- que vous possédez votre brevet d'être humain respectable.
Dimanche 11 novembre 2012
Je souffre parfois de la solitude, qui, avec les inévitables et grandissants déboires de la vieillesse, et compte tenu du fait que je me considère toujours comme un raté n'ayant rien accompli qui puisse lui valoir l'estime de ses contemporains et la notoriété, me conduit au désespoir.
Dans la catégorie " Tourments de l'Ame Humaine " je suis un connaisseur, mais, chose étrange, je ne veux changer pour rien au monde.
Je continue à me tromper, je suppose, obstinément et activement, ne me payant même pas de mots comme on pourrait le croire d'après les apparences.
Mercredi 7 novembre 2012
On vit à la fin des temps, ça se précise.
Les historiens futurs, s'il en est, en sera, regarderont sans doute avec compassion ceux qui, aujourd'hui, conservateurs rétrogrades, fascistes consternés et vindicatifs, cramponnés qui à la branche pourrie, qui au tronc martyrisé, voudraient tant voir l'évolution s'arrêter.
Mais c'est peine perdue. La mythique opposition " nature-culture " que le diable-intellect laisse croire possible et même, un comble, naturelle, donne toute latitude aux progressistes pour penser que, dans la culture, qui, croient-ils, leur appartient, appartient absolument aux hommes, ils peuvent tout instituer ! Pure folie, évidemment, pure aberration !
Je ne devrais pas en dire davantage.
Il faut en profiter, parce que c'est la fin.
Quand on signifie clairement à tous que la loi est consensuelle, et mieux encore, arbitraire, plus aucune autorité n'est possible. Bien sûr, si chaque être humain est un sage, ou un saint, cela n'a pas d'importance...
Naguère encore, on s'arrangeait pour que les lois humaines paraissent découler plus ou moins de celles de Dieu et de la nature. Il y avait celles que la raison pouvait reconnaître, quant aux autres on prétendait que celui qui les édictait était sorti de la cuisse de Jupiter.
Aujourd'hui, après s'être révolté contre la tyrannie du monarque de droit divin, on jette le bébé avec l'eau du bain. C'est à peu près comme si, en coupant la tête de Louis XVI, on avait coupé aussi celle de la Nature, celle de Dieu.
Certains l'ont bien constaté qui ont dit que " Dieu est mort ". Le paradoxe, l'ironie de l'expression, n'ont pas été perçus, apparemment, par tout le monde. Certains même se sont réjouis in petto comme des écoliers à qui l'on accorde à tout jamais de faire l'école buissonnière. (Moi, je vous le dis entre nous : lorsqu'un homme à la recherche de la vérité côtoie la perfection de la solitude (à moins que ce ne soit l'inverse), il est très loin de rigoler en entrevoyant que Dieu aussi (comme lui-même, naturellement, ce qui, aussitôt, le rassure) n'existe pas !)
L'écologie ne suffit pas à nous faire réfléchir.
Ou bien c'est trop difficile, nous ne sommes pas assez intelligents.
Mardi 6 novembre 2012
Comment exprimer, un demi-siècle plus tard, le goût particulier que j'ai en bouche (et surtout en esprit) quand il me vient, précis et vague, particulier et général, un souvenir de la Grèce -comme m'en insuffle toujours, où que je me trouve, le soleil !- ?
C'est comme de regarder un vestige archéologique porteur du mystère et de l'attrait d'une culture autre, tout en sentant la merveilleuse douceur de la brise à Matalla quand il n'était pas loin de midi et qu'on commençait à se sentir ivre de l'odeur minérale et de la lumière brûlante.
En moi, c'est une empreinte, une cicatrice, une scarification cultuelle, qui ne s'en va pas.
Et quoique Matalla ait disparu depuis sous sa propre légende, soit devenu une destination touristique pervertie, sa magie me reste à jamais.
Les hommes invoquent la nécessité pour finir par oublier les véritables besoins…
C'est tellement vrai, et là, on se dit : " Mais quel philosophe ! "
Facile... Je suis assis sur ma terrasse et je regarde le colossal blockhaus, la rigoureuse falaise, la construction gigantesque 100 % béton (HLM) qui me surplombe et cache mon soleil (ô Diogène !).
Lundi 5 novembre 2012
Jadis j'ai jeté mon béret par-dessus les moulins
Les Grands Moulins de Pantin beaux alors comme un " burg " fantastique
1944 année de ma naissance
Tout était encore en noir et blanc comme dans un film de Carné, de René Clair, de ce beau cinéma français irremplaçable qui devait tout aux Lumière, sans doute, mais rien à personne
Tout comme moi, poulbot en quête du nouveau monde pour remplacer celui d'avant-guerre (et ma longue, très longue attente fut largement déçue), en quête de la nouvelle réalité, de la nouvelle Eve, du nouveau roman et des pains au chocolat…
Samedi 3 novembre 2012
Pour un individu, qu'il le sache ou qu'il l'ignore, l’homosexualité est un état intermédiaire dans son évolution, arrêtée ou en marche, qui a pris un tour vagabond.
Jeudi 1er novembre 2012
Un peu de ma vieille play-list :
The Pointer Sisters's Best Of is a gold mine !
Tout ce que nous n'arrivons pas à comprendre nous paraît obscur. Nous l'imaginons obscur, et bien vite, cela nous fait peur. Autant s'en détourner.
Mais à vrai dire, ce que nous ne comprenons pas, ce que nous comprenons le moins, c'est la lumière.
La blanche lumière qui est le royaume du spectre.
Et aussi, si l'on se réfère au Moyen-Age, ce Moyen-Age savant d'une science pourtant nécessaire qui est au désert depuis trop longtemps, le royaume de la hiérarchie des anges, en vrac, car je n'y connais pas grand-chose ne l'ayant entrevu qu'une seule fois, les séraphins, les chérubins, les archanges, les Trônes, les Puissances, les Dominations... Etc.
Mercredi 31 octobre 2012
Quand, à soixante-dix ans, on s'aperçoit qu'il n'y avait rien à redouter de la vieillesse, ni handicap physique majeur, ni apparence abominable, il est trop tard, elle est là et vous agrippe.
On a passé son temps, depuis l'âge de cinquante ans, à en avoir peur sans raison.
Reste à espérer qu'on pourra se sentir aussi idiot à quatre-vingts ans.
Enfant, sans même l'avoir vue, j'étais amoureux de Viviane Romance, la fée Viviane qui faisait du cinéma. Et je m'aperçois aujourd'hui, heureux au soleil sur ma terrasse, que je le suis toujours. Uniquement par la magie d'un nom…
Je ne connaissais rien d'elle, et aujourd'hui idem… seulement ce que j'imaginais, une vie altière, une âme de fée à cause du suffixe " ane " (et ne me demandez pas pourquoi, je n'en sais rien) et, dans "Romance", tout ce qu'il faut: la chanson, la musique, la poésie, l'amour…
J'en donnerais ma main à couper, c'était une femme avec de longs cheveux flottant autour d'un pur visage ovale. Cheveux d'un blond châtain comme l'étaient ceux de L. que j'ai aimée (et qui, pour moi à bien des égards, lui ressemblait).
Une fée, une reine, un mentor féminin muet dont on peut tout savoir, tout connaître et apprendre rien qu'en le regardant...
Beauté, bonté, majesté, dignité.
Ainsi va la vie et qui ira toujours, avec la fée vivante, qui, sans parole, romance.
Lundi 29 octobre 2012
Sauf exception, et en gros (je n'ai quand même pas envie de m'interdire toute fantaisie !), l’originalité vestimentaire (des artistes) est inversement proportionnelle à la créativité véritable et au talent.
J'attendrai que mon Galaxy Note rende l'âme…
Je ne veux plus changer. J'en ai marre. Je ne suis qu'un être humain, avec une patience limitée, une résistance qui s'épuise, une envie de nouveauté devenue sans objet.
J'ai l'impression que cette course interminable, de plus en plus rapide, à la poursuite du dernier smartphone, de la dernière tablette, de l'ordinateur à peine sorti du fondeur, précipite ma propre agonie, ma vieillesse, ma fatigue, ma fin.
Merde, ce n'est pas là le temps biologique, le temps naturel s'il existe, l'éternité dont nous rêvons à juste titre.
C'est le temps du divorce, des contrats rompus, des jours de garde, de la pension alimentaire.
C'est le temps des rides.
Moi je veux la jeunesse éternelle, l'impeccable durée qui jamais ne varie, comme un fleuve qui semble immobile, un delta incommensurable peuplé de millions de créatures aquatiques et d'oiseaux, au milieu d'une flore infiniment variée et changeante.
Une exigence qui rend le passé fraternel et habitable et me dispense de suivre la mode.
Il faut que tout soit en ordre pour qu’on s’aperçoive qu’il n’est rien.
Amour signifie oubli de soi.
Vendredi 26 octobre 2012
Que va-t-il m'arriver d'heureux aujourd'hui ? Une question, chaque matin, que l'on ne se croit pas toujours -réalisme oblige- autorisé à se poser. A tort.
Lundi 22 octobre 2012
Le genre d'écrit qu'on ne peut pas publier de son vivant... (Quelle merveilleuse époque, soit dit en passant, qui autorise quiconque se pique d'écrire, de créer, à faire n'importe quoi n'importe comment. Fautes d'orthographe, de syntaxe, fautes de goût, d'intelligence, tout est bon. On vit en démocratie, et qui plus est " moderne " !)
... Ce que je voulais dire parce qu'on ne le dit jamais : à partir de soixante-dix ans (et même bien avant) la plupart des gens pensent tous les jours à la mort et ils ont peur ! Depuis quelques temps déjà ils ont remarqué que leurs contemporains passent leur temps à casser leur pipe, ce n'est pas rassurant. Untel, untel, et puis encore celui-là, merde, ça va être mon tour ! Ils ont des maladies, et s'ils n'en ont pas de redoutables, ils ont des douleurs, des crampes, des fatigues, des regrets, des désillusions, tout ce qu'il faut pour lorgner du côté de la fosse avec envie parfois, toujours avec crainte.
S'ils sont citadins ils leur manque l'unique et merveilleuse Nature et surtout l'espace qui rassure. Il est moins difficile de mourir au milieu de la grandeur avec l'impression qu'on peut se dissoudre et essaimer, se répandre, participer de la splendeur, de la sauvagerie, de la vérité.
Mais crever entre quatre murs sales, dans un hôpital, encombré d'objets fabriqués par l'homme, dans les laideur de toutes sortes, ternes, spongieuse, polies, brillante, mais humaines, bornées, statiques, banales, comme un avant-goût de l'enfer, qui n'est que tristesse ordinaire, ennui, blasphème, comme le quotidien multiplié, c'est dur !
Aujourd'hui la vie n'est pas intéressante et la mort encore moins !
Ce n'est pas la faute de Dieu mais la nôtre. C'est bien nous qui, par crainte, pusillanimité, prudence, manque d'imagination, superstition, absence de foi, avons mis au point cette lente agonie que nous appelons existence, étayée de contrats d'assurances censés nous garantir contre tout accident de parcours, l'événement imprévu qui en fait normalement tout le prix et l'intérêt, l'agrément, la valeur, le charme, l'excitation. Le Christ lui-même ne dit-il pas : 1/ que nul souci ne peut prolonger notre vie d'une seule coudée 2/ qu'il ne faut pas se soucier de ce que l'on mangera demain ? Le genre de truc dont on ne fait jamais la pub à la télé, n'est-ce pas, aucune religion, aucune église.
En un mot : ne sois pas sérieux ! C'est Dieu Qui te le dit !
Et le poète qui te le répète !
Et la vie qui te le confirme !
Avec la mort dedans, qui en fait partie !
La mort qui ne doit pas te faire peur !
A condition que tu aies vécu normalement !
Sans précaution particulière !
Avec passion et intelligence, espérance, sensibilité...
Et dans le respect de toi-même et d'autrui !
(Bougre de con) !
Jeudi 18 octobre 2012
Quand on ne peut pas exploser en plein vol, comme Rimbaud, on se doit de dire patiemment, comme Baudelaire, la vérité.
Mardi 16 octobre 2012
L’avoir compris ne rend pas l’accomplissement moins difficile, mais, dans la vie, on n’obtient (miraculeusement) que ce que l’on se croit en droit d’obtenir.
Lundi 15 octobre 2012
Amertume légère et douces après-midis d'automne, la dernière saison fréquentable de l'année, font bon ménage, tandis que se dévide sur l'écran intérieur le film des amours déçues avec ses tremblés, ses répétitions, ses raccords heurtés, ses cassures aveuglantes, qui n'a jamais de fin, qui n'a pas de conclusion.
Dimanche 14 octobre 2012
C'est à l'ombre des gigantesques points d'interrogation familiers de tous, du chef-d'œuvre de Paul Gauguin " D'où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ? " que la plupart d'entre-nous se retrouvent, se reconnaissent, et se perpétuent.
Mais, personnellement, je n'en ai cure. Il me semble, à tort ou à raison, que je sais obscurément d'où je viens : un Ailleurs si extraordinaire que je m'ennuie essentiellement ici-bas... Ce que je suis n'a aucune importance : l'ignorer ne m'empêche pas de l'être, et d'ailleurs, à la fin de ma vie, je parviens même parfois à l'apercevoir... Et où je vais n'est pas douteux, quoique je sois informé de temps en temps par mon inconscient que je suis immortel : à la mort !
Pour moi la seule question qui se pose, implacable, obsédante, et source de tous les désespoirs, est celle-ci : POURQUOI !
Vendredi 12 octobre 2012
Lorsque, l'âge aidant ainsi que la sagesse, il apparaît comme une première vérité, l'évidence, que la vie n'est pas, comme l'on croit généralement, un abri, une demeure, un état durable exclusif, mais une transformation, un court passage, une si brève occurrence qu'elle est plus près de l'illusion que de tout autre chose -(constatation qui rend toutes les autres espèces fraternelles, le chat, le poisson, l'araignée… tous avec soi embarqués dans la même aventure, et plus aigüe encore pendant un certain temps la question du bien et du mal)- bien des comportements considérés comme " normaux " dans la société, une partie du langage, et la plupart des soucis qui taraudent et occupent la majorité d'entre-nous, apparaissent tout-à-coup comme de la pure folie, des errements tragiques, des tentatives désespérées pour se rendre aveugle et le rester, afin de ne pas regarder en face ce qui nous fait à tort si peur : la disparition inéluctable de notre moi, de notre égo !
Mercredi 10 octobre 2012
Il n'y a que Dieu ! Quoi qu'il se passe, quoi qu'il arrive ! Quoi que l'on croit avoir accompli ! Ma volonté n'y est pour rien, ni mon intelligence, ni même ma foi…
Et en plus, Il n'est pas ici !
Mardi 9 octobre 2012
On pourrait se croire à un changement de civilisation, et même d'ère à cause du bouleversement climatique, mais quand on regarde les soucis des pays émergents qui consistent simplement à reproduire en accéléré les erreurs de l'Occident, lesquelles se perpétuent en s'aggravant, on en est moins sûr. Car, bien sûr, il y a la Nature, et surtout la nature humaine, qui ne changent pas, et qui n'autorisent, au compte-goutte, que les plus intelligents à évoluer, une simple et pure évolution spirituelle, qui n'affecte pas beaucoup le grand nombre.
Vendredi 5 octobre 2012
Sitôt venu au monde, je reçus la culture de mon époque, sous la forme d'abord du langage, évidemment, pour lequel j'avais tant d'affinité que j'eusse pu comprendre simultanément n'importe quelle langue étrangère dans laquelle on se fût adressé à moi, du moins jusqu'au moment où je devins interdit de Pentecôte -mais passons, ce serait un peu ardu à expliquer-, puis ensuite, grâce à mes parents, pour la partie légendaire de leur histoire, sans doute le plus important pour un enfant, qu'ils fabriquaient involontairement en y ajoutant les sentiments qu'elle leur inspirait.
Ainsi s'édifia dans mon esprit une image influente et fausse qui correspondait à des aspirations qui n'étaient pas les miennes, une espèce de patron improbable pour mes propres idéaux, un modèle, la source d'innombrables déceptions futures.
Heureusement pour moi, je n'avais pas des parents qui étaient de grands intellectuels, capables de former des concepts résistant à la critique.
Je me souviens, par exemple, des récits illuminés de mon père au sujet des soirées du Vél d'Hiv d'avant-guerre, qui auraient dû aboutir à une mythologie durable, mais qui glissèrent sur moi comme l'eau sur les plumes d'un canard (je crois d'ailleurs que j'en pris conscience à l'époque au moyen de cette expression !).
Je détestais déjà profondément la vulgarité, la promiscuité (dont j'étais rassasié chez moi, quoique sans dégoût) et bien que j'aie compris l'extraordinaire fête populaire que les nuits de courses ont pu être, et toujours représenter aux yeux de ceux qui les avaient connues, je n'en avais cure.
D'ailleurs, aucune fête " populaire ", toujours, ne m'intéresse.
Pour moi le bonheur consistait à lire un livre, seul.
Lundi 1er octobre 2012
C'est un peu comme si j'étais descendu de cheval à la fin des années soixante-dix, comme si j'étais passé de cavalier à piéton, avec tous les inconvénients que cela comporte, perte de vitesse, de hauteur, d'énergie, d'audace. J'étais toujours le même, mais certains ne me voyaient plus et me prenaient pour un autre, quelqu'un d'inintéressant. Toute honte bue, et le cœur morfondu…
Si je pense souvent à Baudelaire, si je peux l'imaginer bien réel, assistant aux mêmes événements que moi avec un regard sur eux et les réactions d'une âme fraternels, c'est parce que ce solitaire, dandy et esthète, n'est d'aucune époque, d'aucune culture, d'aucune religion, à quelques broutilles près tenant aux conditions physiques qui sont sans importance.
Pour l'essentiel il s'agit d'un esprit libre et bon, errant, insatisfait, insatiable, souverain, et qui cherche.
Cela, qui n'a rien que de normal, me semble-t-il, suffît pourtant à le mettre au ban de la société, à l'établir dans un statut si particulier qu'aujourd'hui encore personne ou presque n'y comprend rien, excepté qu'il est admirable !
L'automne, c'est le printemps en mode dégressif. Il commence avec la même douceur et la même suavité puis se réduit peu à peu pour s'infuser lentement dans la saison qui les sépare.
Dimanche 30 septembre 2012
Le pire individu pour la société est celui qui est capable d'être heureux sans raison, et non seulement heureux, mais, comme moi ce soir, béat, ravi.
Saluons au passage les braves gens qui, sans se révolter, jour après jour, répétant les mêmes gestes devenus habituels, préparent paisiblement le repas, composé de denrées simples, pommes de terre, riz, pâtes, avec la régularité naturelle des saisons, des révolutions planétaires, en rendant ainsi hommage à la Création, à Dieu lui-même, qui renifle ces parfums domestiques avec plus de plaisir qu'Il ne le fît jamais des antiques et cruels fumets des sacrifices, et méprisons les freluquets de tous bords, de tous âges, en jeans, en col blanc, en automobile, qui s'alimentent aux restaurants quels qu'ils soient, fast-food, traditionnels, ou gastronomiques, courant après la mode et l'argent, esclaves obéissant à la loi du marché qui se croient importants, s'imaginant qu'ils dirigent le monde, alors que la vieille paysanne ignorée qui ramasse des champignons dans la forêt, humble, courbée, les mains sales, est en réalité la fée Nature présidant à leur insu (et bientôt à leur détriment) au destin de l'univers.
Samedi 29 septembre 2012
Je ne sache pas que quelqu'un qui meurt reste en vie, ce qui me fait dire qu'il n'y a qu'une réalité, une vérité pour tous, quoique chacun aime à la regarder à sa façon particulière qu'il considère à tort comme l'unique.
La plupart de ceux qui ont réussi à conserver le sentiment de leur originalité se sentent, d'une manière ou d'une autre, obscurément ou pas, coupables en société, comme l'était, par exemple, Henry Miller, qui avoue je ne sais plus très bien où mais il le fait :-), sa gêne habituelle devant des douaniers, des flics, etc., un sentiment d'illégitimité, de déviance, que j'ai bien connu jadis.
D'où il en faut en conclure, généralement, que la bonne conscience " normale " s'achète par le reniement personnel.
D'ailleurs, je me souviens parfaitement de l'événement précis, survenu dans ma famille, au cours duquel j'avais solennellement refusé de me soumettre au formatage obligatoire.
Mais dans la foulée je perdis, pour d'autres raisons encore inconnues, la fraternité elle-même, qui ne me fut rendue que grâce à ma psy, au travail qu'elle avait effectué avec moi, mais par l'entremise accidentelle d'une autre personne, incompétente, qui réussit l'exploit involontaire de me donner honte, en même temps, d'en ignorer le mode d'emploi.
Pour expier j'allai jusqu'à faire une tentative de suicide…
Exploiter son droit irréductible d'être incomparable tout en promouvant le lien fraternel, en toute conscience et sans la moindre retenue, gêne, scrupule, est sans aucun doute le cocktail naturel et normal qui fait d'un artiste tourmenté et inégal le grand créateur accompli que personne ne peut ignorer.
Mardi 25 septembre 2012
La tragédie aberrifiante non-édifique (aberrante, terrifiante, non-édifiante, non-soporifique) de Mother Cactus :
Il était une fois ce qu'aucun oeil n'a vu, aucune oreille entendu, aucun nez respiré, aucune pulpe digitale effleuré, l'horreur des abominations, le rien, le néant, nothing, quoiqu'une vague lueur jaunâtre s'en diffusait, qu'un geignement d'une fraction de décibel tendait à s'en disperser, qu'une pestilence fugace s'en enfuyait, qu'une rugosité minime s'en haussait...
Il faisait nuit mais il allait faire jour. Il n'y avait rien mais tout n'allait pas tarder. Il aurait fallu appeler la Police pour tuer dans l'oeuf ce rien qui rendait l'âme avant qu'il ne se transformât en quelque chose. Mais il n'y avait personne, tout le monde dormait.
Qu'était-ce ? On ne pouvait pas le savoir. Pour assister à l'éclosion il eût fallu d'abord se réveiller. Mais quand on dort on n'est pas éveillé, n'est-ce pas ? Certains l'ont affirmé, qui étaient de grands philosophes. D'autres ont dit le contraire, qui ne l'étaient pas moins. A vous de choisir !
(Quelques temps plus tard) :
"Mange ce que tu as vomi, Christiane !" dit Mother Cactus.
La petite fille, vêtue d'une robe vichy à col claudine, à moitié étouffée par les larmes, doit s'exécuter et réingurgiter ce qu'elle venait de rendre dans son assiette. L'enfant a un visage lunaire à la peau olivâtre, un petit nez busqué, deux grands yeux sombres et écartés. Sa coiffure consiste en deux aplats de cheveux noirs séparés par une raie au milieu et maintenus en arrière par des barrettes. On dirait un visage de chinoise flottant au-dessus d'une rizière par une nuit sans lune, lune qu'elle remplace, lune dont elle est la fille. Mais, malgré cette filiation céleste, elle n'en doit pas moins accomplir l'infâme, absorber les débris répugnants que lui désigne Mother Cactus.
Effacé mais intangible, linéaire, comme aplati entre deux espaces, presque invisible, charnière de l'évènement : le père.
Etre pauvre a ses avantages. Par exemple, ayant très faim (et soif : Bordeaux blanc Sauvignon) je suis en train de manger de la rosette au prix de l'or (que je crois), quel plaisir ! Un plaisir qui n'est pas à la portée d'un riche, je vous assure.
C'est un peu ce que dit Rousseau du plaisir des ouvriers, des manoeuvres (j'en parle pour ne pas l'oublier, l'ayant connu) : de quel vice pourrait bien avoir besoin quelqu'un dont la première volupté -et le mot n'est pas trop fort- consiste tout bonnement à se reposer ?
Malheureusement -je reviens à mon premier propos- de nos jours, un pauvre ne peut pas choisir son lieu de résidence ni son habitation, autrement je serais le plus heureux des hommes.
Jeudi 20 septembre 2012
Je me suis laissé conter par une partie de moi-même parlant dans mon oreille gauche que j'étais " rectangulaire " ! Mais qu'est-ce que cela veut dire ? Ni " carré ", ni " rond " ? Indécis ? Imprécis ? Embarrassé ? Embarrassant ? En tout cas, cela a eu le mérite de m'arrêter dans une réflexion machinale probablement inutile, ou faussée, malsaine. Et je m'interroge sans résultat. Là, au moins, je suis conscient. Le feuilleton continue.
Samedi 15 septembre 2012
J'ai toujours adressé ma vie, adressé mes sensations, mes perceptions, mes sentiments, mes idées, lorsqu'ils étaient remarquables, bons, et surtout quand ils me paraissaient meilleurs et dignes d'être partagés, à La (une) Femme, qu'elle fût présente ou non -malheureusement elle était drapée, souverainement, plus souvent dans l'absence- sur un modèle construit probablement à partir de ma mère, la femme aimée, compatissante et divine, " qui m'aime et me comprend ".
Et ce mouvement intérieur habituel, sinon naturel comme il semble être, cette dédicace affective constante, qu'est-ce que je dois en faire quand je me rends compte immédiatement qu'il n'a plus aucun véritable objet ?
Heureusement pour moi des points de vue nouveaux et inattendus sur ma vie et sur moi-même surviennent, sans lesquels, je dois l'avouer, le bilan établi pourrait laisser beaucoup à désirer. Comme ce phénomène se répète régulièrement, quoique à un rythme parfois trop lent à mon goût, mais qui n'en donne que plus de valeur aux changements qui surviennent, j'ai toujours l'espoir de contempler un jour le panorama de mon existence ici bas avec satisfaction et plaisir, avant, évidemment, que de mourir.
Vendredi 7 septembre 2012
C'est une histoire entre moi et ma conscience, et le reste, le qu'en-dira-t-on, le on-dit, le il-paraît-que, etc., n'ont aucune importance.
Dès qu'on se rapproche de la vérité, on court le risque de penser des idioties parce que la différence avec ce à quoi l'on est habitué est telle, que, en reflet, en écho, on tend soi-même à exagérer.
Par exemple, on pense immédiatement à la mort, à sa puissance, parce qu'on entre en fait dans la vie, et le macabre vient teinter naturellement un tableau qui, en réalité, est simplement d'une beauté héroïque.
Il me vient à l'esprit que ceci explique " l'ivresse des choses funèbres " que Baudelaire, condamné à mort dès l'âge de dix-sept-ans, et ne pouvant dès lors réaliser ce paradoxe, croyait que " les prêtres orgueilleux de la lyre ont la gloire de déployer " …
Pardonnez-moi mais je suis ainsi fait que je ne peux admirer au minimum, parmi les hommes, que celui qui souffre jour après jour devant l'établi pour présenter une création originale et qui réussit.
Mercredi 5 septembre 2012
Cette étrange impression de ne pas être tout-à-fait synchro avec le monde environnant, lequel continue à tourner de plus en plus vite, frénétiquement et sur lui-même, tempo ville, banlieue, avec usines, autoroutes, flots et tourbillons d'automobiles, tandis que soi-même on s'arrête… et de découvrir un peu incertain qu'on s'était peut-être trompé et qu'il en existe un autre de monde, un monde silencieux, un monde immobile, un monde en paix…
Un monde pour les bêtes et pour les élus. Un monde que l'éternité mesure. Temps géologiques. On le découvre en se connaissant.
Et c'est alors qu'un type comme moi, un de ces bizarres individus toujours inquiets, qui se plaignent toujours paradoxalement qu' " il n'arrive jamais rien ", comprend alors que c'est la loi miséricordieuse : " Il ne doit jamais rien arriver " !
Mardi 28 août 2012
-"J'ai beau le savoir et le dire…"
-"Quoi donc ?"
-"Que Lili, chatte européenne, entre autres animaux, plantes, choses… est une splendeur…" -"Alors, quoi ?" -"Rien ne change !... Malgré cette Beauté dont je sais, depuis le plus jeune âge, qu'elle n'est révélée aux hommes qu'afin de les convaincre de devenir des anges, rien ne change !"
Méta physiquement
Bien que ce soit celui de la noirceur industrielle, commerciale, coloniale, j'aurais aimé vivre au XIXe siècle à cause de la campagne française dont les parfums dataient toujours, j'en suis certain, du Moyen-Age et de la Renaissance, parfums que nous ne pouvons malheureusement aujourd'hui qu'imaginer, comme les hommes de l'Antiquité imaginaient la multitude des dieux païens dans l'air qu'ils respiraient, les arbres qu'ils regardaient, la végétation, l'eau des fleuves et des rivières.
Cependant il n'y a pas longtemps encore, dans les années quarante du XXe siècle, une vieille ferme obscure au toit de chaume, ressemblant davantage à un terrier qu'à un séjour humain, avec la petite pièce de vie et l'étable communicante, comme celle de ma grand'mère dans le Cantal, existait encore.
Si bien qu'à douze, treize ans, lisant La Bruyère, je n'eus aucune difficulté à me représenter les paysans du XVIIe siècle, de loin plus semblables à des petits tas de terre qu'à des hommes, qu'il dépeint.
Je suis en somme en train de traiter du temps, élastique, extensible, multiple, à étages, à tiroirs, morcelé, fracturé, bref aussi imaginaire que ce qu'il est censé capturer, définir : les moments subjectifs de l'éternelle Durée, la déesse majestueuse invariable, (au visage ressemblant à celui de L., la femme que j'ai aimée), dans Laquelle, en réalité, sans bien nous en rendre compte, non pas nous vivons, mais nous sommes !
Comme Elle, toujours invariables, toujours éternels.
Dimanche 26 août 2012
Il faudrait une bonne dose d'inconscience, de nos jours, ou d'ignorance crasse, pour contempler la moindre parcelle de nature, fût-ce -comme c'est mon cas en ce moment- l'unique plant de tomates qui se déploie majestueusement en pot sur ma terrasse, sans se sentir coupable.
En effet, toute cette beauté, cette harmonie qui ne nous doit rien, nous rappelle que nous ne sommes pas seulement le plus grand prédateur, mais aussi le plus grand dévastateur qui soit, capable, on ne peut le nier à présent, de s'autodétruire par pure imbécillité, enfant de Caïn et du diable, car, malheureusement, la seule descendance d'Abel, s'il en est une, n'est que morale, pas physique, et donc bien difficile à constater.
Le sage ne peut échapper au suicidaire destin collectif ou influer suffisamment pour qu'il se transforme, ce que je continue encore stupidement d'espérer.
Même si son esprit est différent, son corps est celui de cette espèce impie qui ne peut se nommer elle-même " humanité " qu'en donnant à ce mot deux sens opposés (et impropres) : 1/ celui d'une obligation inexpliquée à se dépasser perpétuellement en se projetant dans l'avenir, et 2/ celui de sa faiblesse congénitale... ne désignant l'un comme l'autre que l'ancestral héritage : la révolte contre Dieu !
Vendredi 24 août 2012
Le seul examen que personne ne rate, cancres, surdoués, feignants ou travailleurs, c’est la mort !
En train de caresser et d'embrasser Zaza, exquise, en réponse, d'émotion visible et de délicatesse intense, je me réjouis de penser qu'il y a ainsi sans doute, de par le monde, des milliers de gens qui font comme moi, quoique d'autres, en nombre supérieur, n'y voient volontiers qu'un gaspillage puéril et ridicule, un véritable manque d'intelligence, une scandaleuse trahison face à la nécessiteuse et prioritaire " réalité " humaine.
Et bien, moi, je dis que c'est mieux que rien, et même je prétends que cela influe sur le destin universel, joue un rôle dans l'équilibre du bien et du mal, abrège, si ne les empêche, les conflits de toutes sortes, comme les guerres, limite la haine entre les hommes et le divorce avec la Nature.
Et donc, ne leur en déplaise, il me semble aussi que cela plaît à Dieu !
Mais par contre, je suppose qu'Il n'aime pas que ces gentils adorateurs païens, les amoureux des chats, des animaux, n'en soient pas plus fiers et n'avouent pas toujours qui ils sont !
Mercredi 22 août 2012
Le monde est un ramassis de criminels à des degrés divers et, n'en faisant pas partie, je me croyais la victime désignée de ces tueurs, de ces assassins, de ces incroyants méchants et de leurs complices, actifs ou passifs, vieux, jeunes, masculins, féminins... le bouc émissaire.
Sachant à présent qu'il n'en est rien je cesse d'un coup de m'en inquiéter et de souffrir, et je peux même me réjouir comme la nature nous en fait presque le devoir, parallèlement en quelque sorte, tandis qu'ils continuent à tout détruire ainsi qu'eux-mêmes.
Je rayonne de la gloire de Dieu qui est sur moi comme sur toutes choses et qu'eux ne voient pas.
Souhaitons à tous ces artistes approximatifs, souffrants, besogneux, passant leur temps à tricher avec plus ou moins de succès, que la gloire, la vraie, les rattrape, et de leur vivant !
Vœu pieux qui aurait vite fait, s'il se réalisait, de déprécier l'art lui-même. L'art aujourd'hui devient inconnu, secret, ignoré, certes, mais garde heureusement sa valeur.
Quelque soient, aussi trompeuses et aussi unanimement approuvées, les apparences, Dieu a toujours raison.
Mardi 21 août 2012
Notre culte des images ne nous montre, dans notre souci irrépressible du monde, qu'un visage : celui de la Mort. Chez toutes les " stars ", par exemple, que l'on photographie sans arrêt, Elle est à l'œuvre dans chaque ride, chaque cheveux blanc, chaque embonpoint qui se révèle un peu plus avec le temps, et plus encore dans chaque tentative patente pour La faire reculer, chaque couche de crème, chaque teinture, chaque coup de bistouri.
C'est un spectacle tragique, et l'on regrette l'époque où les gens pouvaient, à un certain âge, se laisser aller, s'octroyaient la pause obligatoire le moment venu, en comptant sur l'indulgence des autres, l'indulgence d'un public compréhensif et humain.
Est-ce qu'il y a aujourd'hui ce type de public, non, sûrement pas, excepté ceux (encore) qui se croient de ce fait hors du coup et s'en dispensent. On a soigneusement et de manière irresponsable fabriqué des consommateurs zélés qui sont eux-mêmes censés rester toujours jeunes et qui sont surtout infantilisés, irréalistes, et logiquement cruels.
Ce monde-là n'est pas bon pour y vivre. Il n'est utile qu'aux commerçants et aux publicitaires c'est-à-dire à personne, car ces profiteurs évidemment n'existent pas, ce ne sont que des fonctions !
Mercredi 15 août 2012
à Nadine
La vie est telle qu'on est capable de l'imaginer, extravagante, romanesque, puérile… immense si on a la foi, infâme si on en est dépourvu. Tout est possible jusqu'à siéger à la fin à la droite de Dieu quel qu'ait été le parcours, même le plus coupable, qui précède.
Plus j'écris plus je fais souvent mention de Dieu et j'en arrive un peu, moi moderne, à redouter de prendre aux yeux des moins attentifs, une patine, comment dire, "saint-sulpicienne"... Au vrai, je suis un hérétique, un mystique qui n'éprouve plus aucun scrupule à blasphémer, qui s'en réjouis et s'y exerce, s'y frotte comme à présent, car enfin j'ai compris que l'amour de Dieu a plus d'importance que la tiédeur, le protocole, et la conformité théologique. Et d'ailleurs, malgré la lucidité officielle incontestable maintenue au long des siècles, l'Eglise n'a-t-elle pas en majorité des représentants carrément douteux et pitoyables ?
Au fait, j'y pense tout-à-coup, savez-vous que Dieu adore la magie ?
Nous avons tous, mais je veux dire chacun -il faut se débrouiller seul- un grand destin à accomplir !
Samedi 11 août 2012
Alors que les oies de Lorenz prennent le premier individu qu'elles voient pour leur mère, nous, les humains, prenons notre mère pour le monde.
Et si celle-ci est désespérée, comme ce fut mon cas, nous nous efforçons avec amour de lui rendre sa santé, sa paix, son équilibre, en oubliant de voir ce qui est vraiment, la justice.
Comme nous échouons évidemment dans cette improbable entreprise, rendre sa santé, sa paix, son équilibre, au monde, nous devenons à notre tour désespérés, et plus rien ne justifie de vivre.
Il suffit seulement un jour de faire la part des choses, de réaliser que maman n'était pas tout, loin de là, pour se rendre compte que le bonheur nous entourait, se trouvait sous nos yeux, et de recevoir alors la lumière.
Le " normal " peut sembler parfois banal, inintéressant, par rapport à des fantasmes, des perversions, apparemment extraordinaires, mais aucune perversion n'est un au-delà, bien au contraire, c'est un en-deçà du réel...
Le " normal " est une ville assiégée autour de laquelle beaucoup d'assaillants dépensent leur énergie afin d'entrer sans y parvenir, et aussi, puisque je dois tout dire, j'en fais partie...
Mercredi 8 août 2012
Je suis en train de regarder depuis mon balcon les travaux de transformation de la place qui ont lieu en ce moment devant chez moi.
Après avoir démoli presque tout ce qui devait l'être et être en train de terminer tout en évacuant les innombrables et lourds gravats, les ouvriers édifient aussi les premiers éléments de la nouvelle construction, sans cohérence chronologique mais avec une étonnante efficacité, de toute évidence conformément aux ordres, grâce au plan préétabli, et je me fais la remarque que l'absence d'état d'âme est la condition de leur (dur) travail.
C'est la différence avec l'art qui est le seul boulot dans lequel, au contraire, les états d'âme non seulement sont légitimes, mais sont indispensables.
Mes amours idéales, irréalisées, mortes, perdues, ma peine secrète, ce sont mes chats. Quand je les embrasse (prends dans mes bras) ce sont elles que je crois tenir, que je serre contre mon coeur, dans la tristesse et dans la joie.
Vendredi 3 août 2012
J'arrive à l'âge où l'on se met à penser que, quoi qu'on entreprenne, et Dieu sait qu'on ne manque pas de projets quand on distingue à peu près ce qu'on devrait-pourrait rattraper, on n'en verra probablement pas le bout, on n'en jouira pas assez longtemps, et qu'en somme " tout est vain " comme on l'a toujours su tout en refusant d'en tenir compte.
Ni revêtir de beaux habits, ni s'aménager un intérieur agréable plein de goût et de confort, ni même, comme il est dit, se soucier de " ce que l'on mangera demain " n'ont vraiment d'importance et ne peuvent apporter, semble-t-il, de plaisir légitime. Celui-ci, à peine atteint, se dissipe comme un rêve, car se vivre en est bien un.
Mais alors, me direz-vous, comme je me dis parfois, que faut-il faire ?
Je crois décidément que poser la question, ce qui revient à déclarer qu'on maîtrise sa vie, qu'on en est le propriétaire -absurde présomption- est une première erreur.
Il faut s'y résigner : comprendre, résumer, n'autorise pas à prévoir, à anticiper. La main ne nous appartient pas !
N'est-ce pas beaucoup mieux ainsi : il y a tout à recevoir, car il n'y a rien à prendre !
Lundi 30 juillet 2012
A Chris Marker, l'amoureux des chats, si faire se peut.
Tous les gens qui aiment et pratiquent les chats savent, grâce à eux, qu'il existe dans la Nature, sinon chez l'homme, la Vertu -oui, avec un v majuscule- une intégrité morale absolue et une pureté indissoluble, une franchise totale, aucune tricherie, aucun jeu, dont on voit sans difficulté la lumière dans leur regard. Evidemment, cela attriste et console à la fois, attriste un peu parce que l'on sait très bien qu'on ne verra jamais cela dans l'oeil d'un frère, ou d'une soeur..., mais surtout console parce que la nostalgie dont on souffre n'est pas alors infondée.
Vendredi 27 juillet 2012
Quand le partage des âmes se fait, (Dieu n'y va pas de main morte, vous Le connaissez, Il tranche à grands coups de machette -que dis-je, de laser-lumière !- en Lui-Même, et attribue généreusement à tous les nouveaux-nés en attente de la Vie, un bout par-ci, un bout par-là…) il y a toujours des petits morceaux, des miettes, des débris, qui se répandent, et cela va aux animaux, chiens, chats, basse-cour, couvée, fourmilière… rien ne se perd.
Les plus attentifs à la distribution, qui d'ailleurs y épuisent une bonne part de leur énergie, ce sont les chats, qui gardent à tout jamais cette attention pour tout ce qui bouge. Ils sautent dessus et s'en emparent... Ensuite, arrivés sur terre, ils se reposent et nous regardent avec leurs yeux pleins d'étoiles filantes qui se souviennent encore de l'immensité de Là-Haut.
Jeudi 26 juillet 2012
Dans une sorte de crépuscule, à une certaine distance, je regardais… tu avais une belle DS 19 noire, souple, brillante, d'une merveilleuse maniabilité, et j'aurais bien aimé avoir la même… Seulement voilà, tu démarres tout-à-coup en faisant gicler les enjoliveurs de roues, roules quelques mètres puis braques soudainement sur la gauche, et percutes le mur, très violemment… Un accident inexplicable et tragique... On se met à penser douloureusement que tu es probablement mort, l'avant de la belle auto est un tas de ferraille, et pourtant bientôt elle recule, se dégage des décombres, et, sans marquer de temps d'arrêt, toujours aussi imprévisible, rapide, en marche arrière et comme aveugle, parfait symbole de l'absurde, de l'illogique, se met à rouler droit sur moi !...
Incroyable, difficile à comprendre… la personne qui était à côté de moi s'éloigne, effrayée… Je reste sur place, gardant mon sang-froid, et, au dernier moment, je fais un bond en l'air pour la laisser passer -te laisser passer- et ne pas être écrasé.
Elle continue sa route, toujours à reculons, moteur vrombissant, je la vois s'éloigner, prendre même un virage, puis, dans la nuit, au loin, les phares faisant une traîne, gravir une côte et disparaître.
Samedi 21 juillet 2012
Quand on a commencé à vivre dans les années quarante-cinquante, dans la classe ouvrière, chaussé de galoches, coiffé d'un béret, et tout de noir vêtu en mémoire d'une sœur plus jeune prématurément disparue, même si l'électricité était en 110 volts, et les radiations atomiques associées à la gloire de Pierre et Marie Curie, bakélite, faïence des laboratoires et chêne ciré, la mort n'en était pas moins là, fidèle et exsangue, avec sa pèlerine et sa cornette d'infirmière bénévole pour soldats, ses beaux yeux tristes et ses doigts crispés, sa faux à moteur hoquetant dans un nuage de vapeur.
Tout était industriel et artisanal, un mélange pittoresque qui, aujourd'hui, n'a pas de prix, étant donnée la formidable nostalgie qu'il inspire, tout proche encore du style steampunk.
Il fallait tout faire chauffer avec patience, les moteurs, les fers à friser, à repasser, les braseros, les bouillottes, et le café qu'on moulait à la main, dans un moulin de chez Peugeot, lequel, coincé entre vos cuisses nues vous faisait mal, vous laissait des marques.
Les chiens, Dieu sait pourquoi, n'aboyaient pas et les perroquets parlaient. Les bistrots avaient des serveuses qui avaient des tabliers et, à ces dernières, on pouvait le tirer, et même leur mettre la main au cul " gentiment histoire de rigoler ", ce n'était pas vraiment déplacé.
Paris -regardez les clichés de Doisneau- était un grand sanatorium, un hôpital pour enfants tuberculeux et rachitiques, pâles comme des navets, et joyeux comme des pinsons, qui couraient dans les rues. Ces enfants-là n'auraient certainement pas caillassé la police ou fomenté des émeutes pour obtenir un terrain de basket dans leur quartier, ils avaient bien trop peur. Le ciel pouvait encore leur tomber sur la tête à ces petits gaulois et ils le savaient. Quelle belle époque !
La seule personne que j'aurais pu avoir à mes côtés, comme on dit, qui aurait pu m'accompagner, (c'est ça la littérature, la recherche des nuances pour être plus juste, plus vrai, plus exact, et pas ce galimatias prétentieux que nous délivre Pivot dans ses tweets, mais passons…), et ce faisant me rendre heureux puisque la dispense de solitude en pleine lucidité est ce qu'on peut espérer de mieux ici-bas, c'est L., mais après révision, si j'ose dire, remise en état, réalésage...
Son père avait fait tous les dégâts qu'il pouvait, qui ne furent pas minces : une ombre épaisse s'étendant sur un grand territoire qui ne lui appartenait pas.
Dans les grands espaces immatériels où circulent nos âmes, les meilleurs, qui sont rares, ne se répandent pas, la plupart le font involontairement, mais celui-là le faisait exprès, c'était un méchant.
Il a sali, influencé, beaucoup de ses enfants, probablement tous.
Le découvrant il m'est venu l'envie d'allumer à sa mémoire un cierge noir, de faire dire une messe d'imprécations, de malédiction, et j'ai compris que l'idée de l'enfer a été inventée à cause de gens comme lui, qui, logiquement, étant donné les flammes persistantes qui émanent de leurs œuvres, devraient brûler également pour une durée indéterminée.
Et j'ai compris aussi que cela ne peut pas exister.
Le paradis pour quelques temps, en revanche, est tout-à-fait imaginable, créé par la gratitude et les remerciements, les louanges renouvelées des vivants adressées à ceux qui ont fait le bien : ce chœur sublime, cette élévation des esprits, est recevable par leurs âmes.
On vient au monde pour être heureux !
Regardez les enfants, trop rares, ceux qui n'ont pas reçu trop de coups de leurs parents : ils rient à pleines dents de lait avec une autosatisfaction triomphale qui nous fait quelquefois craindre qu'ils ne puissent aimer qu'eux-mêmes, alors qu'ils ont de bien plus profondes affections que nous mais sans complaisance et ne s'apitoient pas encore sur leurs objets.
Jeudi 19 juillet 2012
Je vis depuis un peu plus de soixante ans (oh yeah !), et, à part ma psy qui semblait me comprendre réellement et complètement, et un ou deux copains qui, en toute simplicité, me stimulaient intellectuellement, et aussi, j'allais l'oublier malgré son importance, une chèvre, qui m'adressa quand j'étais enfant, un regard de véritable sympathie, je peux affirmer n'avoir jamais été encouragé à être moi-même, à grandir, à exister en tant qu'écrivain, poète, à me perfectionner, à jouir de ma différence avec autrui, bref à avoir envie de vivre !
Je trouve que c'est assez grave pour être signalé d'autant que je ne nourris nullement l'illusion d'avoir eu un sort privilégié... Si tous autant que nous sommes l'avons subi, alors où sont les vrais moi, où sommes-nous les uns et les autres ? Egarés seulement pour certains, les plus chanceux, perdus à jamais pour d'autres, les électeurs embrigadés, la chair à canon, tous fans de Barrabas ?
C'est comme si nous circulions dans un immense nuage invisible de vérités oubliées, de foi abandonnée, une nuée recouvrant toute la terre et traversée constamment d'éclairs, les fameux " éclairs de génie ", qui ne sont rien d'autre que le normal surgissant ici ou là quand il peut, et la liberté qui en fait partie, la masse de bonheur virtuel l'accompagnant, est, pour ceux capables de voir, ce qui les soutient, entretient l'espoir, les empêche, contre le conformisme et la folie ordinaire, de mourir.
Lundi 16 juillet 2012
Si Dieu existe, Il est ailleurs.
Autrement dit, tout ce qui peut nous arriver de mal ici-bas n’est que le fait d’autres hommes, c’est-à-dire
d’êtres imparfaits, partiaux, faillibles, des imbéciles, nos sinistres semblables, dont le jugement n’a pas
beaucoup de valeur, n’a aucune importance.
Sachez, vous qui me lisez, que j’ai longtemps vécu en souffrant non seulement des atteintes physiques des
autres, aussi désincarnées soient-elles (comme par exemple la misère qui nous est infligée par un système
injuste dont nous sommes tous responsables) mais des atteintes morales que la croyance en un jugement
supérieur émanant de mes bourreaux me faisait ressentir. Non seulement je souffrais mais je me croyais par-
dessus le marché coupable, recevant un châtiment mérité !
En réalité aucune souffrance n’est justifiée sinon celle dont on peut comprendre simplement qu’elle vient de
nos propres erreurs… qui se peuvent corriger.
Comprendre, méditer, est le chemin qui permet d’y parvenir. Et c’est le seul devoir véritable qui nous
incombe.
J'aime assez l'idée résidant dans la Bible selon laquelle en perdant notre capital d'innocence historique et sans doute une certaine qualité de foi, nous aurions également perdu la longévité naturelle. Et je suis assez puéril et présomptueux pour imaginer que nous pourrions peut-être réparer ce défaut, en tous cas améliorer un peu la situation, tout en sachant que rien ne changera réellement. Il s'agit seulement d'un objectif, d'une tâche à accomplir qui vaudrait la peine, un souci pour une fois légitime, une entreprise enfin normale à laquelle l'humanité devrait se consacrer comme aussi à utiliser les facultés spirituelles dont elle dispose probablement depuis toujours sans les avoir jamais exploitées.
Je rêve d'une culture orientée vers ce que nous appelons aujourd'hui le " paranormal " qui n'aurait pas besoin du " para ". Transmission de pensée, intuition du futur, innocence et candeur permettant l' " inspiration " authentique, la prescience, la " science infuse ", bref tout ce qui existe déjà un peu pour un artiste, un créateur, cela ne fait pas le moindre doute, mais occulté, amoindri, persécuté.
Dimanche 15 juillet 2012
Le chat, comme la plupart des animaux, est un être sensible, qui, face à nous, n'a aucune défense, sauf celle que lui fournit le désespoir quand, j'emploie à dessein ce mot équivoque, nous l'acculons..., ce que la plupart d'entre nous, par inconscience, indifférence, ou méchanceté, hésite rarement à faire. Malheureusement, les pervers que nous sommes ne se rendent pas bien compte du préjudice que constitue le fait d'être acculé... Pauvre humanité !
Samedi 14 juillet 2012
Il y a des gens qui n'ont toujours pas réussi à comprendre ce qui m'était arrivé, à se représenter l'insondable et lointain ailleurs dans lequel j'avais disparu… aussi, pour achever de les étonner au risque de passer encore davantage à leurs yeux pour un égoïste, un salaud (d'ailleurs, par rapport à eux, Balda continue pour moi à faire figure d'ange miséricordieux et consolateur), je préciserai que je ne m'étais même pas rendu compte, trop absorbé par mes anciens chagrins, que Lionelle, ma compagne, ma femme, était morte !
Un peu mieux libre aujourd'hui que je ne l'étais alors, je la retrouve et, en même temps, réalisant tout ce qui s'est passé, je la perds ! Je veux la prendre dans mes bras et, aussitôt, elle disparait !
Je suis infiniment heureux de respirer et de sentir son parfum, et la tombe, sous mes yeux, l'engloutit !
Elle est l'apparition tant attendue qui devient un fantôme !
J'ai tout surmonté et je l'aime en définitive et cela n'a plus aucune importance !
Le passé, le présent, et la zone intermédiaire qui se trouve entre les deux, se télescopent. Je suis désolé pour vous, monsieur Descartes, mais c'est ainsi. Comment gérer, si je me mets à votre place, le je, le moi, peu importe le nom qu'on lui donne, qui se balade dans ces eaux-là, un peu passé, un peu présent, et un peu intermédiaire, et qui fait lui-aussi l'accordéon ?
Et je ne parle pas de certains filaments reliant ces différents égos, comme, par exemple, celui, très élastique et très résistant, qui m'unit indissolublement en me retenant d'avancer, au tout jeune enfant de deux ans que je fus, lequel survit avec une incroyable énergie encore maintenant, j'en jurerais, dans les bras de mon père pourtant officiellement décédé, en présence de ma mère, disparue elle-aussi, de ma tante et de tonton Lulu qui, si je peux me permettre, ne valent pas mieux, un jour d'été (?) éternel, dans la grotte d'en-bas des Buttes-Chaumont !
Je suis face à une sorte de grand tableau remplissant totalement mon champ visuel et je m'aperçois vaguement moi-même, en partie immergé à l'avant-plan, quoique à peine, c'est loin d'être l'essentiel.
Il y a de tout, de la représentation figurative, le lieu où nous nous trouvons d'abord, cette grotte au sol creusé de rigoles où circule l'eau de la cascade, mais aussi des visions concomitantes qui correspondent certainement à mes états d'âme : un jardin d'émeraude aérien palpitant doucement,
vivant, traversé de beaux reflets physiologiques, je le note, j'y reviendrai sans
doute , et encore des voix, des parfums, des sensations, des idées élaborées, des questions, un crucial écho du passé récent, des sentiments, un aperçu prophétique de mon
propre avenir, des symboles, etc., le tout, bien sûr, en trois dimensions, voire quatre ou cinq, ou
plus encore… C'est un état physique autant que mental, un composé global, un moment
de ma vie ancienne qui s'est en quelque sorte cristallisé, figé, et dont, comme un chiromancien
devant un jeu de cartes censé délivrer un sens, je dois comprendre la signification, le ou les messages, pour
à la fois remonter dans le temps qui l'avait précédé et avancer dans l'avenir,
c'est-à-dire dans mon présent actuel. C'est, en quelque sorte, pesant, anachronique, dans ma
propre vie, du présent passé, et non pas, comme on est habitué à le dire à
cause de vous, du passé présent.
Jeudi 12 juillet 2012
Je me sens souvent plus proche de l'escargot, du cafard, de la tortue, et faut-il vraiment que je le dise, j'en suis fier.
Je suis plus proche des formes de vie essentielles, fondamentales, que de cet étrange animal, objet de curiosité sinon objet tout court qu'est l'homme, la femme y comprise, la chipie névrosée moderne bien décidée à rivaliser avec l'impitoyable tueur de veuves et d'orphelins, le rascal, le poivrot, le débile mental, le Terminator, le maléfique provocateur de la répulsion universelle !
Tout ce qui bouge, rampe, tournoie, papillonne, le fuit. Les fleurs elles-mêmes se fanent à sa vue. L'herbe flétrit, le vent cesse de souffler de peur de porter plus loin sa nauséeuse, funeste, pestilentielle odeur !
Tout l'or qu'il touche se transforme en plomb, et le plomb en une matière que je ne veux nommer.
Partout, dans le monde, il y a un homme qui devient pire. Lorsque celui-ci, grâce à Dieu, comprend et s'amende, celui-là, un peu plus loin s'empresse de le surpasser en ignominie.
Tache énorme, écrasante, que de l'instruire, et d'ailleurs vouloir l'instruire est une faute.
Il n'y a qu'une chose à faire, comme, jadis, celui qui se vêtait d'un tonneau, disparaître, devenir lion, oiseau, poisson, fourmi, chien, tout, mais pas un homme !
C'était une espèce de grand filandreux, un type physiquement et moralement maigre, interminable, qui, après que vous l'ayez quitté, perdait toute saveur, toute couleur, mais devenait une gêne incessante quoique microscopique, comme un filament de viande coincé des heures durant entre les dents.
J'espère que c'est réciproque; en tous cas, pour un homme, sa femme c'est le monde !
...
Mieux vaut trop tard que jamais ! Grâce à un rêve que j'ai fait cette nuit, je t'ai enfin trouvée vraiment. Je t'aime.
Mardi 10 juillet 2012
Le rêve de mon innocence retrouvée, le rêve régressif, aura tout de même bien duré dix ans -davantage- et j'aurai même rencontré la jeune femme capable, coupable, de le partager, qui se sera finalement réveillée un jour pour alors me quitter. A l'instant même où, redevenu normal, j'aurai osé sans ménagement la critiquer. Tout est bien qui finit bien (un proverbe que j'ai infiniment médité dans ma jeunesse. Il m'inquiétait beaucoup).
Je pense que j'ai un cancérigène de le stomach " dit-il en vieux français.
Bien qu'il n'eût jamais rencontré de femmes assermentées il leur avait toujours fait confiance. Et à celle-là plus encore qu'aux autres, à cause de la jolie moustache noire qu'elle arborait été comme hiver, nue comme habillée.
Elle était assise en chien de fusil et se tenait debout, couchée contre la porte, sans jamais le quitter des yeux.
" Vous et moi sommes de la même espèce " ajouta-t-il, puis se reprenant : " De la même race… ".
Elle le fixait obstinément, sans répondre. Elle laissa seulement échapper un petit pet.
Les lames du parquet grinçaient, comme il faisait les cent pas, aussi il n'entendit rien.
" Nous aurions pu être tellement heureux, si tu ne m'avais pas quitté, poil au nez " dit-il encore.
Elle ne mouftait toujours pas et suivait maintenant du regard un coléoptère qui s'efforçait de pondre ses œufs dans l'une des bananes pourries qui avaient atterri sous l'armoire.
La lumière des rayons se vaporisait silencieusement dans les taches de vinaigre du papier-peint, puis se résolvait en gerbes d'arabesques dans les petits nuages de poussière que chacun des pas de notre héros soulevait au niveau du plancher. Yeux clos, fascinée, elle contemplait cela en se disant qu'elle avait beaucoup de chance… elle aurait pu être morte.
Ou même n'être jamais née, comme tant d'autres.
Il reprit :
"Je ne te le reproche pas, mais je regrette beaucoup que tu sois partie. Un jour, j'espère, tu te rendras compte de la valeur de la confiance et de l'intimité, et de la difficulté qu'il y a à les recevoir. En prendre conscience n'est déjà pas si mal, mais réaliser par-dessus le marché que, lorsqu'on a la chance de les posséder, il faut les protéger, les entretenir, les augmenter si possible, et que c'est un travail de longue haleine, une tâche sacrée et un privilège grâce auxquels on se met à faire partie de ceux, les très rares, qui peuvent prétendre avoir rencontré l'Amour, voilà ce qui est exceptionnel et qui, déjà, constitue un destin."
Vendredi 6 juillet 2012
Je ne te le reproche pas, mais je regrette beaucoup que tu sois partie. Un jour, j'espère, tu te rendras compte de la valeur de la confiance et de l'intimité, et de la difficulté qu'il y a à les obtenir. En prendre conscience n'est déjà pas si mal, mais réaliser par-dessus le marché que, lorsqu'on a la chance de les posséder, il faut les protéger, les entretenir, les augmenter si possible, et que c'est un travail de longue haleine, une tâche sacrée et un privilège grâce auxquels on se met à faire partie de ceux, les très rares, qui peuvent prétendre avoir rencontré l'Amour, voilà ce qui est exceptionnel et qui, déjà, constitue un destin.
Mercredi 4 juillet 2012
Quand je l'ai rencontrée, elle était très mal habillée. Mais elle était très bien déshabillée !
Ma langue (dans ma bouche) est une nonne en son couvent
Qui incline le front humblement, ferme les yeux et prie
Quoi que vous en pensiez elle n'a encore jamais
Contrevenu à ses vœux
(qui sont de rester en accord avec ma conscience morale).
Néanmoins dans mon enfance je me suis plusieurs fois reproché
D'avoir parlé sans réfléchir
De ne pas l'avoir tournée sept fois dans ma bouche
Comme s'il s'était agi du plus épouvantable péché
Celui qui m'attirait personnellement les foudres de Dieu.
Plus tard encore dans une totale inconscience
Ce fut de respirer dont je me crus coupable
Mais c'est bien au tout début de ma vie
Avant même que j'aie pu parler
Que se situe mon problème.
Mardi 3 juillet 2012
Les chats sont des créatures d'une beauté surnaturelle, s'agissant, par exemple, de Lili, dont la robe tigrée couleur lièvre considérée de près présente un complexe tableau graphique avec les pointes sable, le milieu des poils presque orangé et les racines noires, le tout très organisé, étagé, distribué, pour qu'en surface apparaissent les peintures rituelles, le maquillage savant des yeux, le corset des anneaux, des rayures, qui exaltent la silhouette avec un lyrisme haute couture allant de soi, une classe naturelle inimitable, tout-à-la fois invraisemblable et ingénue.
Ces considérations pourront peut-être paraître exagérées à ceux qui n'ont jamais regardé réellement un chat, aussi pour les convaincre, j'ajouterai qu'elles ne me (re)viennent à l'esprit aujourd'hui que parce que je viens de faire l'acquisition d'un tansu japonais, un de ces meubles simples et raffinés de facture humaine qui attestent résolument que le luxe est la norme, ce qu'un regard vers elle, ma chatte, ambassadrice magnifique et candide de la Nature, aussitôt confirme.
Samedi 30 juin 2012
Devant un gâchis pareil -je parle de toutes ces histoires d'amour qui se terminent mal- j'éprouve, je ne sais pourquoi, le besoin d'évoquer le souvenir de monsieur Parmentier, mon aimable voisin parisien qui, quand il le pouvait, aimait à s'exclamer : " Purée ! " et ajoutait ensuite en clignant de l'œil en direction des personnes présentes : " Je m'appelle Parmentier ".
Il n'est pas là, cet homme spirituel, pour s'associer à ma tristesse, mais je m'adresse à lui intérieurement : " Quel gâchis, Parmentier ! "
Mardi 26 juin 2012
Je suis certain qu'un homme qui acquerrait la simplicité et le sérieux de mes chats pourrait se dire plus près de Dieu.
Le paradoxe, pour nous, en effet, consiste à devoir se défaire non pas de notre animalité mais plutôt à l'investir en nous délivrant des chaînes de l'intellect.
Chacun de nous est en effet comme un peuple immensément nombreux et riche qui se choisit pour maître un dictateur à l'intelligence bornée, qui, lui-même, obéit à quelque chose de bas et de méchant.
Mais nous sommes chacun un homme-monde qui contient tout, et qui, s'il doit aller quelque part, ne peut tourner qu'autour de son soleil, son Dieu !
C'est ce que font, tranquilles, inspirés, en paix avec eux-mêmes, les animaux que nous méprisons.