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Je ne mourrai pas sans avoir dit un certain nombre de choses qui, à mes yeux, présentent la plus haute d'importance. J'aurais l'impression de manquer à un devoir sacré, fussè-je seul à les entendre, comme à le croire.
Par exemple : pourquoi les gens les plus dépourvus de compétence -je pense aux parents en général- osent-ils instruire les enfants de règles fausses, dont ils sont les seuls à envisager l'existence.
" Ne mets pas les coudes sur la table, ne dis pas que tu as faim, ne reprend pas du gâteau... " etc.
Ma mère fut une spécialiste du genre qui parvint de cette manière à annihiler tout espoir de bonheur, toute volonté de vivre, non seulement chez moi mais également chez mes soeurs. A travers les règles de politesse qu'elle m'enseignait surgissait un monde dominé par la méchanceté, par le Mal. Des juges inconnus, terribles, terrifiants, étaient postés un peu partout, vicieux, acharnés, épouvantables. La société se composait de membres qui n'étaient pas loin de ressembler à des démons. Le mieux évidemment consistait à se prosterner, s'enfoncer dans le sol, disparaître, mourir.
Comme de vrais humbles, les pauvres, que nous étions, il n'était pas question de respirer, de reprendre de ce délicieux rôti, de sourire, de rire encore moins. Il fallait se tenir raide, les fesses serrées, être sérieux, manger modérément, dire pardon à tout bout de champ, s'en aller le plus rapidement possible.
J'étais «gênant»; si je ne l'avais pas déjà pensé par moi-même, ma mère faisait tout pour me le confirmer.
La malheureuse croyait évidemment ce qu'elle disait.

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Au fond, pour la plupart, nous sommes en guerre contre le Mal. Une véritable armée -créée par Dieu- pour soutenir le Bien, c'est ce que nous sommes.
Le problème vient de ce que nous ne connaissons pas très bien le visage de l'ennemi.
Faute de mieux nous attaquons tout ce qui paraît lui ressembler. Par exemple, en ce moment, les pédophiles en bloc, pour le plus grand profit du Diable.

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rose rouge
Toi et moi


Au palais de Tirynthe au coucher du soleil
Où les lourds blocs amoncelés témoignent du règne des Géants
Et tandis que dans mon esprit embrumé se tordaient encore les hautes herbes illuminées de la steppe
Nanisant toi et moi tu me plantas méchamment ton dédain dans le coeur
(Me laissant seul avec ma ... et mon couteau)
Femme à lunettes femme à sornettes serpent
Et tu glissas furtivement entre les herbes sous les pierres
Et disparus à jamais.

Nous avons dansé un pas de deux qui ressemblait à une vitre qui casse
Et puis qui se re-casse
Et qui se casse encore
Les éclats de verre nous coupaient les pieds
Nous dansions les pieds en sang
Dans les tessons et dans le sang
Pataugeant à qui mieux mieux
Jusqu'à ce que nous n'en puissions plus
(Paris Quinzième)
Alors que nos deux âmes en réalité
Etaient lancées dans une trajectoire
Parfaite comme une ellipse de patineur.

A Tirynthe je fus un veau qui meugle
Un veau antique au front couronné
Paré pour le sacrifice.

Un veau qui meugle
Un vieux klaxon de voiture
Et en voiture nous finîmes par arriver à Réthymnon.
C'est là que j'avais vu autrefois dans une chambre un vautour.

Dans mon enfance c'était autrement plus dur
Seulement nous ne le savions pas
Messieurs des banlieues.

Depuis que je suis né je suis seul
Je n'ai jamais eu de frère
Sauf pour un moment l'espoir entrevu
En la personne de Laurent Thurel.
.....................................................

Quel spectacle qu'un vautour dans une chambre
Un vautour enchaîné au crâne déplumé (le vautour du mont Chauve ?)
Farouche et enchaîné comme Prométhée
Sur le plancher crasseux autour de lui
D'immondes rognures de boucherie éparpillées.

Etait-ce assez loin assez différent assez ailleurs ?
A cet instant j'ai cru avoir vraiment commencé mon voyage
En réalité je venais seulement de rejoindre mon point de départ
Celui d'avant le moment où j'avais cru utile de partir
Quand la table était servie je me demandais toujours : " A quoi bon ? "

L'espace et le temps sont courbes
Ils s'entremêlent et se déforment l'un avec l'autre
L'âme les regarde comme nous regardons un économiseur d'écran
Ballet de lignes de couleurs en 3D
En quatre en cinq ou en six peu importe
L'ordinateur ce serait Dieu.

Je suis heureux de voir ensemble le caïque et la mort
La mort sous la forme d'une jeune fille et le caïque en forme d'étoile
J'aime confondre l'âne et la chapelle blanche
Le fromage de brebis et les gouttes de sang.

Je suis celui qui prie comme on priait jadis dans l'Antiquité
Debout les bras levés face au soleil et seul
Je prie pour la terre pour ses habitants pour les vautours
Et jamais Dieu ne me répond directement
Pourtant à chacun de mes pas un miracle se produit.

Quand je laisse la terre parler pour moi Dieu me répond
Quand j'abandonne ma quête il me soutient
Quand j'accepte la mort il m'illumine de vie
Quand j'abdique il m'asseoit sur un trône.

...............................................

Je me surprends parfois à te reprocher de ne pas revenir d'entre les morts
Rageusement comme si c'était encore une de tes vacheries
Comme si j'étais Orphée moi (le veau) ! toi Eurydice !
Comme si j'étais un de ces hommes de jadis qui croyaient aux Dieux !
Toute ma vie est croyance espoir et croyance
L'oiseau enchaîné est mon frère et je reste seul.

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Il y a eu un moment privilégié aujourd'hui sur la terrasse. Je venais de finir de déjeuner. Du soleil, quelques bruits, des voix, mais dans le silence !
Moment d'accalmie dans la fureur habituelle qui a duré plusieurs minutes. Assez rare pour être noté.
Le plus grand inconvénient d'une résidence en ville aujourd'hui, inconvénient qu'on peut qualifier de véritable "calamité", est le bruit. Et, de toutes les "violences" urbaines qui nous préoccupent, la première en soi c'est LUI, qui, certainement, en engendre beaucoup d'autres. Comment peut-on effectivement se montrer pacifique, paisible, et se contenter d'un sort sans doute trop modeste, dans un environnement saturé de bruit ?
Dans la ville que j'habite, et c'est là le propos de ce billet, ville soucieuse, et pour cause, de sécurité, le service de nettoiement cause à lui seul autant de bruit, même s'il est d'une nature différente, que les rodéos sempiternels de motos, de scooters et de voitures aux pots d'échappements trafiqués qui ont lieu impunément la nuit dans le centre.
Parfois dès 5 heures du matin des engins imposants tournent sur place (la place du Caquet pour ne pas la nommer) pendant une heure, aussi bruyants que plusieurs autobus. L'architecture particulière du lieu (pas de trottoir ni de terre-plein, il s'agit en somme d'une cour intérieure, prenez-en conscience mesdames et messieurs les édiles...) rend ces opérations difficilement supportables pour les habitants des étages surplombant le site. Les immeubles créent un effet de résonance et le béton des constructions transmet toutes les vibrations.
Puis, plusieurs fois par jour, de gros aspirateurs sur roues répondant au beau nom de " Glutton ", conduits par un employé municipal, vont et viennent pour maintenir une propreté qui se voudrait probablement exemplaire en ce lieu de fort passage, tandis que dans les rues adjacentes des ordures en quantités jonchent chaque jour les trottoirs.
L'arrivée de ces gloutons qui font autant de bruit qu'un marteau piqueur est redoutée par moi comme la grêle peut l'être par un propriétaire de vigne ou d'arbres fruitiers. Dès que j'en entends un je ferme les fenêtres et ne les rouvre que lorsqu'il est parti.
Je pense que le Monde Moderne, puisqu'il faut bien trouver un coupable et que je ne suis pas méchant, avant de s'attaquer à ces voyous qui, somme toute, ne font pas d'autre mal que d'enfreindre, selon l'exemple qui leur est ainsi donné, les règles de bon voisinage, devrait s'amender lui-même, adopter partout des pratiques respectueuses de l'individu, des gens, de la personne humaine.

Le silence fait partie de ces droits naturels qui nous sont retirés au nom de la modernité et du "Progrès".

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Je me suis gouré pratiquement dès que j'ai ouvert les yeux. C'était à la maternité. Je devais n'avoir que quelques jours, pour ainsi dire quelques instants. J'étais en train de téter le sein de ma mère lorsque quelqu'un est entré, une infirmière, je crois même que c'était une bonne soeur.
Elle s'est mise en colère parce que la tétée durait depuis trop longtemps. Pour moi il y a eu deux problèmes à cette occasion. 1/ je crus que ma mère allait riposter; 2/ constatant qu'elle ne le faisait pas je crus de mon devoir de nous défendre.
En réalité je happai le sein qui m'était offert et m'endormis.
A mon réveil, je me rendis compte qu'il ne s'était rien passé. 1/ je culpabilisais de m'être endormi 2/ je crus comprendre que ma mère était dotée d'un savoir extraordinaire qui expliquait qu'elle ne se fût pas défendue et in petto j'en conclus qu'elle était Dieu.
Je me souviens de cet instant. L'être dans les bras duquel j'étais et qui ne m'avait procuré jusque-là qu'une sensualité naturelle, des impressions physiques très agréables, parfum, odeur, douceur, chaleur, etc... se mit à grandir de façon effrayante, s'éleva jusqu'au ciel de toute sa hauteur, C'était Dieu !
Je crois que je n'ai jamais cessé de croire cela, plus ou moins consciemment, plus ou moins réellement. Et je pense aussi que si les femmes de ma vie ont tenu une telle place, ont eu tant d'importance, c'est dans la mesure exacte où, comme ma mère, je les confondais plus ou moins avec Le Créateur.
L'état de grâce de ma prime enfance dura environ un an. Je me souviens ensuite du jour où je compris ce qu'était le Mal, juste après avoir délibérément rompu, sinon ma croyance, du moins ma dépendance envers ma mère.
Cela se passait aux Buttes-Chaumont. Ma mère, mon père et moi étions là sur une pelouse devant le lac. Des pigeons s'approchèrent et ma mère, s'adressant à moi, m'incita à les admirer : " Des pigeons... regarde comme ils sont beaux ! ". Sérieux, j'examinai ces oiseaux. Ils étaient gris, une couleur qui me parut plutôt désagréable. En contraste un canard qui se trouvait là aussi me parut plus beau à cause du vert mordoré de sa poitrine. Je débattis rapidement en moi-même. Fallait-il être d'accord avec ma mère, car, somme toute Dieu ne devait pas se tromper ? Ou bien devais-je être fidèle à moi-même, quoi qu'il en coûte, affronter peut-être le risque d'être rejeté ? Je décidai d'opter pour la deuxième solution.
Ce fut à ce moment-là que la bienheureuse symbiose qui m'unissait à ma mère se termina, je pris conscience de moi-même, c'était moins confortable mais plus intéressant : le champ des possibles, l'avenir commençait.
Mais il était dit que cette journée serait une des plus importantes de ma vie. Quelques moments après nous nous levâmes et ma mère s'aperçut que ma barboteuse splendide de velours côtelé blanc était tachée par le vert de l'herbe. Accablée d'un désespoir soudain (elle était dépressive, ce que, bien sûr j'ignorais) elle réagit en m'administrant une gifle. Il s'agissait d'un simple geste de violence, sans animosité réelle, sans signification, et je le compris. J'encaissai sans broncher. Puis elle fondit en larmes.
Ce fut à ce moment-là que mon père intervint. Je me souviens qu'ils étaient tous les deux debout, moi assis dans l'herbe à leurs pieds. Mon père se mit à admonester ma mère. Comment puis-je me rappeler ce qu'il lui dit, c'est un mystère, mais le fait est que je comprenais. Il lui dit, en gros, que c'était sa faute à elle, non la mienne; qu'elle avait tort de m'habiller aussi bien; qu'un enfant n'avait pas besoin de cela, etc... Curieusement, je voyais sortir de sa bouche toutes sortes de choses infâmes, crapauds, serpents, boue, et une étrange fumée noire très lourde qui descendait vers moi.
Cela valait la peine d'être étudié. Aussi quand la fumée atteignit ma bouche, au lieu de m'en écarter, de m'en protéger, je l'avalai sans hésiter.
Elle pénétra jusqu'au tréfonds de moi, et ce fut comme un flash, une séquence instantanée. J'eus l'impression qu'une multitude de savoirs, toutes les pièces d'un puzzle éparpillées se réunissaient d'un seul coup, tandis qu'une lumière en même temps s'allumait. Je compris avec la plus absolue certitude sans avoir besoin de me l'expliquer, que cette chose était le Mal.
Et en même temps, avec une puissance dont je n'ai jamais rencontré l'équivalent, je ressentis une haine totale, une haine de tout mon être, une haine terrible, absolument meurtrière, pour la chose en question.
Pendant ce temps-là ma mère s'était mise à répondre et ce que je voyais à présent, sortant de sa bouche à elle, avec un gazouillis de fontaine, c'était des perles, des roses, des rubans, des colombes blanches.
La compréhension du Mal avait été un véritable choc qui m'avait laissé un peu pantelant. Puis je compris qu'il fallait choisir son camp et j'hésitai un court instant mais il me sembla logique de me situer dans le camp opposé à celui de mon père, et je me dis que ma mère, enfin Dieu, en serait certainement très heureux et m'en saurait gré.
La suite me donna tort.
D'abord, contrairement à ce que j'attendais, nous emboîtâmes le pas à mon père. Je m'étais figuré que cela allait être fini entre lui et nous, mais non. Apparemment, et j'en fus très déçu, non seulement, ma mère-Dieu, n'avait pas compris ce qui venait de se passer en moi, mais en plus elle continuait à faire confiance à mon père. J'essayai d'exprimer mon point de vue en résistant, mais on me tira énergiquement et je dus suivre.
Pendant un bref instant j'envisageai de rompre totalement, au moins moralement avec elle. Mais ce fut au-dessus de mes forces car c'était non seulement la perdre elle, mais, ainsi que je le croyais, perdre aussi Dieu. Pendant un bref instant j'aperçus au ciel un doux, un pur visage de femme. Bien des années plus tard, lorsque je fus obligé de suivre une psychothérapie, le souvenir de ce moment-là me revint et je compris confusément qu'il pouvait s'agir de mon âme et qu'elle s'appelait " Silence ". En effet, à cet instant, le silence intérieur que j'avais connu jusque-là s'interrompit et fit place à une espèce de rumeur, un léger brouhaha de voix discordantes, probablement l'expression du premier conflit qui venait de s'installer durablement en moi. Je fis un jour allusion, sans aucune clarté, à mon psychiatre, à la difficulté parfois " surhumaine " de certains choix. La réponse fut : " Et alors ? " Pour lui, ou plutôt pour elle car mon psy était une femme, le surhumain n'excusait pas une démission.
Mes parents allèrent s'asseoir sur un banc dans l'allée non loin de là et je restai encore à leurs pieds, assis sur un petit trottoir. Le doute commençait à me torturer. Puis je fus pris de l'envie de pisser et de chier. Je fis appel à ma mère mais mon père, qui était en train de l'embrasser, après lui avoir intimé de ne pas intervenir, me repoussa du pied, posant la semelle sale de sa chaussure sur mon visage.
Je suis à peu près sûr aujourd'hui qu'elle ne vit pas ce geste mais à cette époque, devant ce que je pris pour la supériorité évidente de mon père et sa soumission à elle, je conclus, comme dans un procès soumis au jugement de Dieu, que j'étais dans un tort absolu. Je me mis à réfléchir et peu à peu la culpabilité m'envahit et je sombrai littéralement dans un trou noir. Il faisait froid, le vent plaquait contre moi des papiers, et l'envie d'uriner augmentait.
Je mis ma main sur mon sexe pour mieux me retenir. Je serrais mon pénis et le temps passa. Enfin je me masturbai et je jouis. En même temps je déféquai.

Quand ma mère s'en aperçut elle vint s'occuper de moi. Elle m'emmena un peu plus loin où il y avait une pissotière, ôta ma barboteuse, me lava avec un mouchoir et de l'eau prise dans la goulotte. Elle se plaignait de son sort : " Mais qu'est-ce que j'ai fait au Bon Dieu ! " Elle voulut ensuite me faire manger une orange et, en la pelant, fit malencontreusement gicler le jus dans mon oeil. Décidément quelque chose n'allait pas. Pour regagner le banc où attendait mon père, je dus marcher les fesses à l'air, ce qui, malgré mon jeune âge me parut un peu, je dirais aujourd'hui: incongru. Malgré tout je ne voulus me souvenir que de la réconciliation avec ma mère et m'élançai joyeusement en tirant un trait sur tout ce qui venait de se passer.

Fin du 1er chapitre


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La fierté est un sentiment qui semble disparaître avec la civilisation. Et bien, pas chez moi, en tous cas !
..................
La franchise, chez les gens civilisés, devient une sorte d'impolitesse; la dissimulation urbanité (On parle à tort d' "hypocrisie". Mais l'hypocrisie n'est pas dissimulation, l'hypocrisie est simulation).
C'est bien pour cela que je n'aime pas les villes, création de Caïn, ni la société obligatoire, la Corruptrice.
Mais je n'éprouve que pitié pour ceux qui souscrivent à ces pratiques; à mes yeux ils ne font preuve que de faiblesse.

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Faire allégeance au temps historique est une stupidité analogue à celle qui consisterait à se prosterner devant la matière, ou bien, en ce qui concerne l'espace, devant la cartographie. Comme il y a l'esprit, il y a un autre temps, si j'ose dire : la durée. Un temps immobile, sans contingence, le temps où trône la Vérité.
Bien que nous ne puissions pas La regarder c'est quand même Elle qui nous juge, qui nous assigne notre place.
Sans Elle nos coutumes n'ont pas plus de fondement que celles des Jivaros réducteurs de têtes.
Sans blague, qui travaille pour acheter la Carte Orange ?

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Toute ma vie j'ai souffert de ce que je nomme pour l'instant la " fraternité du besoin ", une idée qui semble faire consensus et que je me refuse à partager. Je me sens particulièrement offensé quand quelqu'un me propose ce qui ressemble furieusement à de la charité en me disant en gros : " Nous n'avons pas besoin de toi nommément, mais autant offrir ce job à quelqu'un qu'on connaît ". Ce à quoi j'ai envie de répondre : " Tu peux te le mettre où je pense, je n'en ai pas plus besoin que tu ne sembles avoir, toi, envie de m'en faire profiter ! " Il peut s'agir en l'occurrence d'une mission, d'une prestation quelconque, qu'un autre pourrait faire tout aussi bien que moi et même mieux sans doute -c'est ce qu'on me dit- mais que j'obtiendrais par copinage et par bonté d'âme.
Sincèrement je préfère crever que d'accepter une offre ainsi formulée.
En y réfléchissant bien je crois comprendre -et c'est pour cela qu'il me semble utile d'en parler- que ce qui me blesse là-dedans est l'idée que nous, humains, sommes frères par le besoin ou, pire, que le besoin nous rapproche. La misère de notre condition serait le socle de la fraternité. Dans ces conditions, évidemment, je devrais éprouver une gratitude immédiate au sentiment qu'un de mes semblables, crotté et boueux comme moi, vient néanmoins me secourir, en s'oubliant lui-même.
Je dis : " Mon œil ! " Si quelqu'un comme cela existait il serait un saint, et moi je sais, pour avoir eu la chance de fréquenter réellement une sainte, qu'un saint ne se conduit jamais ainsi. Il ne rabaisse pas autrui en lui rappelant qu'il n'est pas essentiel -quoique ce soit vrai. Il manifeste pour son semblable de l'amour et non ce mépris proclamé.
La vérité est que nous sommes frères dans ce que nous avons de plus haut et non de plus bas; frères par l'âme et non par la tripe.
Un chrétien dit que nous sommes frères en Jésus-Christ.
Je hais le vulgaire.

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En relisant aujourd'hui une partie de ces " Carnets " je me rends compte tout à coup qu'ils pourraient (ou devraient) porter comme sous-titre : " Seul contre tous ! ". C'est comique et attendrissant, du moins pour moi, et j'espère que cette prise de conscience signifie que la problématique est dépassée, et que, excepté pour les rechutes dues à l'habitude, je vais pouvoir enfin ignorer " les autres ".

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J'ai tendance à croire à la réincarnation. C'est une théorie qui a le mérite de réconcilier athées et croyants en établissant à la fois l'inanité de l'individu particulier (du vivant en général) et l'absolu d'une cause unique. Si je suis bien là comme par hasard et sans prédestination, l'âme, elle, revêtant à chaque fois une forme différente (et indifférente), participe d'un Créateur omnipotent. C'est elle, et non la personne en qui elle s'incarne, qui détient l'importance que nous nous attribuons couramment.
Je n'évoque ces questions que pour souligner la bêtise qu'il y a à prétendre se souvenir d'une vie antérieure, la mémoire exprimée n'étant évidemment que celle de l'individu, à moins de concevoir une âme possédant elle-même une mémoire, ce dont, il me semble, elle ne peut avoir le moindre besoin étant donnée son origine. Évidemment, en Dieu, l'âme, délivrée de toute contingence, peut s'abandonner au-delà de toute mémoire parcellaire à l'infini de l'éternité, où, entre autres dimensions dont celle de tous les possibles, ce que nous appelons passé, présent et avenir, se trouvent à la fois réunis, confondus et sans grand intérêt.

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Les trois-quarts des gens qu'on rencontre ont un destin " fermé ", ne possèdent en eux-mêmes rien d'autre que ce qu'ils montrent, quoiqu'on fasse partie des intuitifs qui voient le potentiel caché, qui devinent.
Cela me ramène au malheur de mon enfance, à la souffrance par procuration que je recevais de ma mère, à cette fatalité insurmontable dont j'étais l'héritier.
A sa pitié stupide qui me condamnait. A ses angoisses dont elle guettait chez moi la confirmation.
Petit-fils d'assassin et pire encore : petit-fils de fou menacé lui-même de folie. Elle m'examinait en craignant d'en découvrir en moi les symptômes. Elle prenait soin de moi comme un aliéniste qui surveille son malade.
Tandis que je ne voyais que l'enfermement dont elle souffrait, la Citadelle Construite, moi dont le destin était et est encore de vagabonder à travers l'univers, à travers l'espace infini de tous les possibles jusqu'à la lumière éternelle !

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Prêter à l'amour des conséquences néfastes est comme déclarer que la religion divise les hommes. C'est confondre l'organisme avec la maladie qui l'affecte, parce qu'on ne le voit plus exister que malade, ce grand corps !

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Les cons cyniques -trop nombreux- qui ne ratent jamais l'occasion de dénigrer ce qu'on appelle, en France, par euphémisme, l'angélisme, et qui désigne une sorte de naïveté morale d'attardé mental, se trompent toujours.
Je me souviens d'avoir été scandalisé par le commentaire allant dans ce sens d'un journaliste spécialisé " culture " sur la chaîne Arte… l'émission où il sévit et qui marchait très fort à l'époque est devenue invisible dans un créneau horaire tardif… peut-être par sa faute… tant pis pour lui !
L'angélisme, en effet, ne consiste pas à être honnête, scrupuleux, à croire en l'homme comme en Dieu, à faire le Bien, à lutter contre l'égoïsme, ainsi qu'il le croyait avec sa suffisance et sa vanité d'imbécile. Non, cette tendance-là se nomme simplement la bonté.
L'angélisme, le vrai, c'est ce que fait Ponce Pilate en mettant aux voix ce qui s'oppose pourtant clairement comme le bien et le mal, et entre lesquels il ne devrait pas y avoir de choix possible, en affectant d'être tolérant, impartial, bien intentionné, démocrate somme toute, et puis de se laver les mains du prévisible mauvais verdict, oui, comme une espèce d'ange pour la toujours aveugle société, mais en l'occurrence un ange déchu, un Satan !

……………

En me relisant : du train où vont les choses, comme on dit, je suis sûr qu'on finira bientôt par se demander, à en juger par ce qui se passe aujourd'hui partout, moeurs, politique surtout, art même, en quoi l'attitude de P.P a pu être jadis répréhensible. Il suffit somme toute d'enlever du scénario le Christ en tant que tel (c'est-à-dire fils de Dieu !) et l'on va applaudir à ce jugement d'une parfaite équité, l'équivalent dans la religion du vote populaire de type " Star'Ac " !
Faire partie de ce peuple-là, non, merci ! Je préfère le Gobineau des " Pléiades " (que je lisais avec bonheur à dix-sept ans; nul n'est parfait). Je préfère, tout aussi applicable que le démocratisme : l'élitisme !

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Tout sauf une boutade.
Je suis sûr que mes chats se font une idée plus juste de ce qu'est un poète et de ce que je suis, que les humains qui m'entourent. Pour commencer ils n'ont pas d'idée préconçue en apercevant le bipède que je suis, tout au plus craindraient-ils de recevoir un coup de pied, administré intentionnellement ou pas. C'est un avantage par rapport aux hommes. Ensuite ils saisissent sans effort tout ce qu'il peut y avoir d'unique, d'irrationnel, de fantaisiste, de magique, dans un esprit qui s'avance vers eux sur deux ou quatre pattes, sur des griffes, des ergots, des nageoires, et qu'ils confrontent en eux avec leur propre fantaisie, leur naturel, leur liberté, leur magie.
Je sais instantanément en les regardant que je pourrais déployer mes ailes d'ange sans qu'ils s'offusquent ou s'étonnent, et qu'ils consentiraient amicalement à se percher sur mon épaule pour s'envoler avec moi, indemnes de toute ruse, de toute ratiocination et de tout vertige.

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En art, le XXe siècle (qui n'est pas encore fini) aura souffert de narcissisme, et d'une trop grande " self-conscience ", les artistes s'efforçant de ressembler non pas à ce qu'ils sont mais à ce qu'ils croyaient devoir être pour être qualifiés de " contemporains ".
Leur faillite devrait être la même que celle qui fait aujourd'hui le triomphe des idées écologistes. La modernité, en effet, n'est qu'une mode fondée sur le succès de la civilisation industrielle.
Je pense à un très grand peintre : Eduardo Arroyo, qui n'a jamais cessé de lutter contre son talent. Il aurait pu être un autre Vélasquez, comme le fut Picasso (artiste du XIXe siècle).

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Voilà bien la présomption humaine : « Faire quelque chose de sa vie » !
Je le découvre en parlant à mon chat dont le regard : vertes et mystérieuses abysses dans le masque de guerre, parfait miroir, me délivre d' un seul coup de cet entêtement. Je ne suis plus l'être humain ordinaire en situation d'échec en raison de l'âge, mais tout son contraire : l'idiot tragique au sourire édenté, le moine zen vêtu de haillons, frère en tout point du Rembrandt de l'autoportrait de 1662 : le simple d'esprit par force ayant enduré toutes les souffrances physiques et morales, et, soudain, à son propre étonnement, vainqueur dans la complète déperdition.

Rembrandt en Zeuxis (1662)

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Si tu fais partie de ces gens -je sais qu'il y en a- qui se représentent la vie comme une espèce de « pensum » fade consistant à apprendre au début ce qui est indispensable seulement pour exercer une activité déterminée pour l'essentiel par la société, jusqu'à la mort inéluctable, il sera impossible que nous nous entendions.
Pour moi apprendre est comme respirer, cela s'arrête au dernier souffle.
On meurt et l'on vit plusieurs fois dans une seule et même vie. On change. On est toujours et l'on n'est jamais le même. Le corps n'est pas une limite et au-delà même de l'esprit il y a encore quelque chose.
Un homme est un homme et une femme, est un animal, est une plante, un caillou lui ressemble. Et l'espace lui est fraternel.
Un jour j'ai vu la danse bénéfique des anges dans la lumière. Ils volent autour de nous en essaim nous protégeant.
Les rêves ont parfois autant d'importance que la veille, ils nous servent à grandir, ils ne sont pas des épiphénomènes de problèmes digestifs.
Les explications du monde que nous donne la science sont le passe-temps d' un aveugle qui s'occupe en comptant ses doigts.
A chaque instant la clameur en moi de l'infini me fait voler en éclats.
Et puis, comme tu le sais, l'IMPORTANT est ailleurs !

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Place du Caquet Saint-Denis (93200)

Je suis ici où plus rien n'a de sens
Ce lieu de perdition et d'échouage
Aiguillage assemblée de pylônes
Catafalque de ciment grand comme une gare
Avec un couvercle de ciel gris tout aussi lourd

Dans cette vaste nef des Pas Perdus sans horloge
Où se croisent des milliers de vies chaque jour
Pour n'aboutir aux dernières heures de la nuit
Qu'à la solitude et au silence enfin
Tourné vers la croisée du transept de la rue Jean Jaurès
Seul en cet instant unique à tout jamais
Je respire le vent pur de l'Impermanence.

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Se retourner sur son passé et comprendre qu'on a été l'acteur d'une tragédie presque fatale pour soi-même mais également pour d'autres parce qu'on était le vecteur du Mal n'est pas chose facile.
Heureusement pour moi aujourd'hui je suis certain de n'avoir été qu'un instrument involontaire d'un malheur programmé tant du côté maternel que paternel, puis accompli avec un tel luxe d'excuses supplémentaires qu'on nage en plein mélo, mais qui, semble-t-il, pousse encore un peu ses pseudopodes dans une certaine direction.
Qu'y puis-je ? C'est ce que je me demande. J'espère répondre à cette question.
Par ailleurs, pour me consoler, il me semble comprendre que les commandements de Dieu sont des invitations à réaliser le Bien que l'on ne peut être coupable que d'ignorer, non de n'accomplir qu'un peu ou pas du tout, du moment qu'on tente de le faire.
A cet égard je suis irréprochable. Réussir complètement avant de mourir est mon projet fondamental, comme il l'a toujours été. (Ce que j'appelais jadis mon destin quand j'étais trop inconscient pour le réaliser tout en m' enorgueillissant d'être capable de le vouloir).

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A soixante-deux ans ma vie ressemble à un chantier de construction commencé il y a fort longtemps et à peine avancé où les habitants du quartier ont pris l'habitude de déverser leurs ordures en douce.
Des sacs plastiques variés contenant des déchets ménagers y côtoient des poussettes d'enfant rouillées, des pneus, de vieilles casseroles et des débris divers. Pour un peu on y verrait des nuées de mouettes égarées s'y nourrir, ou des hordes d'enfants miséreux y chercher les reliques à revendre.
Le vent soulève les papiers gras. La pluie noie tout en un magma innommable.
De cette boue devrait surgir une demeure aristocratique d'une beauté éblouissante, comme l'une de ces bizarres merveilles rêvées par Michel-Ange, à la fois temple et habitation inspirée de l'antique, ou un palais contemporain au dessin rigoureux dédié à l'espace et à la lumière, mais quand ?
Mais quand ?

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Même si l'on parle beaucoup de sa traditionnelle couleur rouge, de ses usines naguère désertées et des nouvelles industries qui s'y réinstallent, de l'ancienne immigration portugaise, espagnole, et bien qu'elle soit aujourd'hui maghrébine, africaine, cette ville fut jadis bien française. On y trouvait, avec sa devanture élégamment peinte et sa vitrine bien astiquée, un charcutier-traiteur...
... la lutte éperdue qui s'y déroule entre les modernisateurs, les aménageurs urbains lancés dans une course effrénée pour la revaloriser, la maintenir dans le giron de la mère-patrie-culture-française, et ses ennemis, les ennemis de la civilisation, qui glaviotent à tout va, taggent les murs, pissent dans tous les recoins, cages d'escaliers, couloirs, halls d'immeuble, parfois défèquent, sans doute pour marquer leur territoires, errent en bandes, vandalisent, et s'expriment par grognements, onomatopées, dans leurs accoutrements tribaux qui font peur...
Comme partout ailleurs, difficile de trouver une culture qui ne véhicule pas, peu ou prou, des valeurs irrationnelles, dangereuses, même si cela ne se voit pas, reste caché, comme, par exemple, le syncrétisme asiatique mélangeant religion classique et animisme, croyance en un monde invisible de génies divers, et pratiquant en toute tranquillité dans nos murs le culte des démons et des ancêtres...
.. qui n'est pas barbare ?
.. quant à moi je ne veux pas vivre dans un monde inerte non plus, je veux vivre dans un espace de clarté où ne me menace aucune force maléfique personnifiée, dans le monde harmonieux et paisible où palpite sereinement la Grande Intelligence qui préside à tout.

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Comme un fleuve lent et invincible
Un fleuve aux gigantesques méandres
Plus loin s'élargissant encore en un delta immense
Aux eaux vertes aux eaux noires aux eaux de boue
Comme éternel sous un ciel peuplé de millions d'oiseaux
Ainsi va la vérité et va la Littérature.

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C'est uniquement le manque d'intelligence, de finesse, et de lucidité, de ceux qui ne les utilisent pas, qui déclasse certains mots et les réserve finalement à l'usage littéraire ou les fait qualifier de « vieux ».
Mis en présence de ce qu'ils signifient, un daïmon socratique impérieux et secourable nous les souffle à l'oreille, uniques, nécessaires, et irremplaçables. S'ils disparaissaient c'est la perception correspondante qui s'affaiblirait et mourrait.
Par exemple : le mot« outrecuidance », qui me vient souvent à l'esprit, mais qui ne s'utilise plus beaucoup, depuis que la vulgarité et la bassesse, devenues presque « normales », ont permis et banalisé cette arrogance des médiocres.

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Je n'ai jamais pu appartenir à quoi que ce soit, je veux dire un groupe, une organisation, une association, et encore moins voter pour quelqu'un censé me représenter, et j'en suis désolé.
C'est viscéral. Je voudrais bien le faire mais c'est impossible.
Cela me faciliterait grandement la vie. J'aimerais faire comme tout le monde, arborer un badge, un insigne, scander une devise, brandir un drapeau, et me sentir à la fois utile à quelque chose et conforté dans mon choix par les autres, réconforté en cas de doute, membre actif et reconnaissant d'un parti, d'une cause.
Quelque chose m'en empêche et c'est irrépressible, profond, insurmontable. Je ne peux pas m'inscrire, je dois m'effacer et n'attendre rien que de moi-même, être mon propre club dont je suis l'unique membre.
Je ne plaisante pas. Cela n'a rien de drôle d'être seul.
En plus on vous le reproche et l'on vous en punit, on s'écarte de vous. Vous n'avez même plus d'ami.
Je me dis parfois que j'appartiens peut-être à Dieu, mais je suis loin d'en être sûr. En tout cas, Lui ne paraît pas pressé de m'assurer de son soutien...
Quoique...
Cela est toujours à l'étude...

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Il n'y a jamais rien à faire pour être heureux.
Lorsque Ali, en me questionnant habilement au sujet de Laurent, m'eût rendu la fraternité, il commit l'erreur de mentionner l'étape suivante : “vivre dedans”, d'où je conclus, n'ayant pas la moindre idée de ce dont il s'agissait, que j'étais mauvais. Et je décidai, en gage d'admiration et de reconnaissance, à son adresse et à celle de Lionelle (petite Baldacci), de me suicider.

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Il comprenait enfin ce qui avait été par-dessus tout la quête de toute sa vie, inconsciente et farouche, et permanente, celle du Sens de l'existence, le Sens de « tout ça », des oeuvres artistiques et de la politique, de la procréation et du travail, de la souffrance et de la mort... au fond et depuis toujours une seule chose comptait vraiment pour lui qui pouvait s'exprimer en ces mots : il voulait savoir ce que pensait Dieu !
Et cela signifiait évidemment qu'il fallait aussi comprendre l'activité humaine, avoir l'explication de l'étagement des responsabilités sociales, déterminer les priorités véritables, ôter les masques, percer les murs, détenir tous les secrets, contempler les vices et les vertus -les uns comme les autres se résumant en fait à peu de choses- et, détaché, se tenir seul au seul endroit où se perçoit la volonté du Créateur.
Le bon moyen ne pouvait pas constituer en un refus préalable de la société pas plus qu'en y plongeant désespérément comme pour s'y noyer. Non, dès le début il avait fallu tenir les rênes égaux, faire l'équilibriste, donner à Dieu comme au diable, préserver et supporter la tension. Il se rendait compte à présent que c'était sans doute cette curieuse particularité, (celle somme toute d'être normal), qui l'avait rendu si étrange aux yeux des autres. N'étant d'aucun parti ni d'aucun bord et apparemment toujours traître avec tous, cette solitude logique quoique involontaire était probablement ce dont il avait souffert le plus, ne se l'expliquant pas.
Elle l'avait isolé au sein même de sa famille, puis suivie ensuite partout. Aucune femme n'avait vraiment été capable de l'en sortir, toutes souffrant elles-aussi d'appartenir à quelqu'un d'autre ou à autre chose, toutes souffrant comme tout le monde de se croire être quelque chose.
Dès le début il avait su qu'il n'était rien. Une attente, une espérance, mais rien, comme un réceptacle vide.

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Tout le monde peut comprendre qu'un jeune enfant puisse ressentir un jour la vocation de devenir président de la république... c'est sans doute étrange mais... bon.
S'il commençait à réaliser son ambition il découvrirait rapidement la réalité de ce que l'on appelle, à mon avis à tort, le pouvoir (pouvoiâââr !), fait de dissimulation, de bassesse, d'envie, de ruse, de méchanceté, et fondamentalement d'incompétence dans tous les domaines réels, la qualité la plus nécessaire, etc... et il s'en détacherait certainement rapidement.
Tous les adeptes du sado-masochisme savent très bien où se situe le vrai pouvoir, c'est-à-dire du côté du soumis, comme d'ailleurs en démocratie, car ce n'est pas le peuple qui ment, qui sollicite, qui fait des concessions, qui simule, qui finalement s'incline, c'est celui qui ne reçoit le qualificatif de « meilleur » que s'il est capable d'anticiper les besoins et de satisfaire l' électorat.
La plupart des gouvernants sont des reines d'un jour, même si le statu quo veille à ce que l'on entretienne leur apologie permanente. L'homme de la rue les oublie le jour suivant, s'en moque, leur pisse à la raie, se montre d'une totale ingratitude, et c'est incontestablement justice.
(Le roi est mort, vive le roi !)

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L'idée serait que le monde diurne soit analogue à celui des rêves, c'est-à-dire qu'il n'y ait pas le moindre hasard... Mais c'est précisément ce que tu crois, n'est-ce pas ? Un monde parfaitement lisible, déchiffrable, pour quiconque en posséderait les clefs, dans lequel les êtres -j'allais dire les « personnages »- joueraient des rôles complémentaires, significatifs, dans un but global sans doute très lointain mais rigoureusement défini. Tout se rééquilibrerait en permanence, tout acte pouvant avoir d'immenses conséquences inattendues, un peu comme dans la théorie du Chaos, la mal-nommée, puisqu'elle signale tout juste l'ordre qui récuse l'arithmétique humaine. Et bien sûr, car je crains, en évoquant la physique, d'être mal compris, tout fonctionnerait sous l'empire de la Morale, matière insaisissable certes, mais à peine moins que l'aile de papillon.

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La scène du film « Les Temps Modernes » dans laquelle Charlot est entraîné dans des engrenages gigantesques, puis ramené en arrière jusqu'à son point de départ, est l'image la plus exacte de ce qui arrive finalement à quelqu'un dont la survie et le progrès exigent qu'il revienne sur ses expériences passées traumatisantes. L'aller correspond au manque de liberté et aux erreurs de jugement commises, et le retour en sens inverse à la réappropriation des souvenirs, entre des rouages, dents et axes, dont on peut espérer que, les ayant regardé à nouveau ils disparaîtront d'eux-mêmes, car cette formidable machine revisitée -machination- ne devrait plus avoir lieu d'exister.

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Il adviendra ce qui doit advenir
Gris ou bleu le ciel sera
Et honorés ou non les vivants
Les vivants ou les morts
Les fleurs brilleront de tout leur éclat ou seront fanées
Les muqueuses brilleront de tout leur éclat ou seront fanées
La pluie sera d'eau pure ou de cendres
Et mon destin scellé, poil au nez.

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Il y a un moment que j'ai cela sur le « bout de la conscience » comme on dit sur  le « bout de la langue » : le paradoxe touchant que Lili, la chatte que j'ai recueillie, aime encore les maîtres qui l'ont, de toute évidence, un peu trop chahutée quand elle était avec eux (peut-être un ou des enfants), avant de s'en débarrasser quand elle fut enceinte.
C'est une créature écartelée entre cette affection ancienne et la nouvelle qu'elle a pour moi, et qui se formalise, malgré sa gentillesse, au moindre geste un peu vif, confuse de ne pas pouvoir supporter aujourd'hui ce qu'elle subissait alors et qui lui rappelle sans doute le passé qu'elle regrette.

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